Un regard dans le miroir en observant ces omoplates rougies et recouvertes de cicatrices, Sybille fronça les sourcils et s'appliqua longuement à recouvrir cela avec de la crème qui, elle le savait d'avance. C'était comme mettre de l'huile sur le feu, ça brûlait d'autant plus, mais elle n'avait pas le temps d'y aller doucement, elle allait danser dans quelques minutes. La jeune femme fit le choix de détacher ses longues boucles noires et arrangea son dos en rajoutant une voilure scintillante, histoire que les clients ne remarquent pas ces larges lésions déchirant sa peau. Le spectacle devait toujours être esthétiquement joli à voir selon elle et ne pouvait être gâché par de tels détails surtout qu'il s'agissait d'une nuit à thème oriental et que c'était son domaine de prédilection.

Sybille avait toujours aimé danser même si cela n'avait pas été sa première envie de vocation. En Turquie elle avait été engloutie par les charmes orientaux de leurs danses traditionnelles où les femmes se faisaient subtilement sensuelles. Elle avait exporté avec elle, ce talent qu'elle avait eu le temps de développer sur plusieurs années, et se plaisait à le faire découvrir aux autres. Au Silver, elle se sentait chaque jour de plus en plus épanouie, alors c'était ce cœur cognant dans sa poitrine de stress qui en résultat. Un trac qu'elle ne connaissait que peu souvent quand elle prenait du plaisir à monter sur scène. Elle ne serait pas la principale attraction puisque ce n'était pas une salle de spectacle, mais tout de même, son devoir était de captiver les regards, d'emmener avec elle les esprits au moyen orient et de leur donner l'impression de se sentir ailleurs, dans l'évasion totale. Sybille monta sur son estrade, les notes de la musique se faisaient plus mélodieuses et les convives profitaient allègrement du buffet, le tout dans une chaleur qu'elle avait toujours trouvée unique en ces lieux qui ne connaissait pas la décadence de certains lieux. Sybille monta sur son estrade, vêtue de vêtements laissant voir son ventre et ses bras, recouverts de tatouages au plantes et dont les arabesques redessinaient habilement ses formes. Les breloques à sa ceinture et à ses chevilles tintaient sur la musique tandis qu'elle se mettait à danser avec les autres danseuses, surélevées par rapport aux clients, d'outre en outre du lieu.

Elle retrouvait cette chaleur humaine, qui parfois levaient les yeux sur les voilures colorées aux hanches des femmes. Sybille en avait entraîné quelques unes, mais le monde autour sembla s'effacer. Alors son corps ne faisait plus qu'un avec les rythmes et la mélodie trop familière, l'orientale se mouvait en arabesques sensuelles et d'une grâce déroutante. C'était fait exprès, le plaisir passait aussi par les yeux de voir quelqu'un danser et apprécier cela. Son corps entier entrait en transe. La peau diaphane de la jeune femme contrastait avec le rouge passion de sa tenue, les couleurs de l'amour, toujours prisées en ces lieux. Et la nuit s'était avancée sur ces notes exotiques et sur les danses aux accents intenses de ces filles de Shéhérazade. Et puis Sybille était descendue de son estrade pour se mêler aux invités, telle une charmeuse de serpent, elle se faisait ensorceleuse et pourtant gardait ce même sourire sur les lèvres. Joueuse, le voile qu'elle détacha d'autour ses hanches aux senteurs musquées se perdit sur un client pour finir entre les mains d'un dernier.

Elle se repassait les images de cette soirée, la cigarette à la main alors qu'elle profitait au dehors de la fraîcheur du soir. Elle avait ressenti cette chaleur, cette vague passer dans chaque partie de son corps. La danse était assurément un moyen pour elle se s'épanouir, de pallier parfois à certains besoins physiques qui s'obtenaient pourtant facilement entre ces murs. Elle avait juste à fermer les yeux et se sentir porter par les ondes, infusée dans la dopamine et ensuite se sentir vivifiée. La jeune femme rajusta sur elle le tissu de soie qui dissimulait encore son costume en dessous. Un sourire se dessina sur ses lèvres rouges, elle leva les yeux vers le ciel dépourvu de nuages, laissant entrevoir quelques étoiles malgré la pollution lumineuse. Elle se souvenait de ces nuits parsemées de mille et une lumières scintillantes dans le ciel sur la mer Égée. La nostalgie n'avait plus sa place pourtant, elle était loin, trop loin de sa terre natale et n'y retournerait probablement pas avant un moment.

La porte donnant sur le toit s'ouvrit sur une silhouette masculine, elle n'avait pas espéré avoir de la compagnie ce soir, mais pourquoi pas. Sybille l'observa un court instant, elle l'avait déjà vu ici sans jamais avoir l'occasion de lui parler, elle le savait dieu Grec mais surtout ami de Luca. Morphée ; rien que cela. Sybille étira un large sourire énigmatique à son attention. « Vous êtes venu me tenir compagnie ? » Fit elle en étouffant un rire avant de montrer qu'il y avait de la place à ses côtés sur ce tapis qu'elle avait ramené, lui proposant de la rejoindre, s'il le désirait pendant que son regard de glace se posait de nouveau sur les lumières de la ville. La jeune femme soupira doucement, quelque peu éreintée.