OUI ! Le cri de triomphe fait sourire Neema qui enlève l’oreillette dont on l’a équipée, deux tables plus loin. Sa commanditaire de la soirée, une splendeur blonde moulée dans un pantalon de laissant aucune place à l’imagination quant à sa plastique, ramasse les gains de la table de poker à laquelle elle se trouve. Il est temps pour elle de disparaître de la salle avant que quiconque n’ait l’idée de voir comment cette demoiselle, qui n’a visiblement aucune expérience au jeu, a plumé quatre des habitués de la salle. Alors l’Egyptienne se fond dans l’ombre, se dirigeant vers la sortie qu’elle gagne sans mal. Leur point de rendez-vous a été défini. Et elle sait qu’elle ne la doublera pas, donc se rend dans le bar désigné sans la moindre crainte. Elle ne se trompe jamais. Et c’est une poignée de minutes plus tard que sa cliente débarque donc, ayant visiblement eu le temps de boire un ou deux shots à sa victoire. Et sans plus de cérémonies, dans l’euphorie générale, s’empare du visage de Neema pour l’embrasser à pleine bouche. Surprise, elle ne se recule pourtant pas, savourant le goût de ses lèvres quelques secondes avant de la repousser gentiment : J’évite autant que faire se peut de mélanger business et plaisir. Et ce n’est pas un mensonge. En tous cas, pas quand elle sent qu’elle peut se faire encore plus d’argent. Et quelque chose lui dit que ce n’est pas la dernière fois qu’elles collaboreront, Svetlana semble avoir pris goût à la victoire. Ce qui n’est pas un problème. Mais qui interdit ce qui aurait pu se produire. Une légère moue se dessine sur le visage de la cliente qui s’obscurcit très subtilement. Boudeuse. L’habitude d’avoir le monde à ses pieds : Ca n’aurait pas été très loin, de toute façon. Menteuse. Le qualificatif traverse l’esprit de Neema qui se recula légèrement pour se percher sur un tabouret. Elle n’en dira pas plus. L’atmosphère s’est refroidie et c’est une enveloppe qui glisse sur le bar : Ta part, comme promis. Bien. Et si je veux te revoir ? Si tu as besoin de moi, tu sais où me trouver.

Elle ne la regarde même pas s’éloigner alors qu’elle range ses gains (conséquents) de la soirée dans sa veste. Un signe au serveur qui n’est pas long avant de déposer un verre de gin tonic devant elle. L’amertume se marie à la perfection à son humeur. Pourquoi tout le monde se senti-il obligé de mentir, même une femme pareille ? Un soupir passe le pas de ses lèvres alors qu’un mot, un nom, arrive jusqu’à elle. Nashwa? Sa nuque se raidit, instinctivement. Elle pourrait ignorer, simplement. Il s’agit peut-être d’une coïncidence. Ou l’a-t-on retrouvée ? Si son père a été capable de payer son aïeule pour la faire disparaître, qui sait qui il est prêt à engager pour se débarrasser d’elle ? Ses poings se dessinent sur le comptoir. Elle ne se laissera pas prendre, pas aujourd’hui, pas demain. Alors ses yeux scannent finalement le bar, où il y a du monde … et s’arrêtent devant un visage familier. Qui la fait se stopper immédiatement, plutôt que bondir. Kalis… ? C’est l’incrédulité qui se peint sur les traits de la demoiselle. Sa voisine. De cette vie d’avant. Il y a si longtemps. Jamais elle n’a entendu le son de sa voix, elles n’ont communiqué que par écrit, avec des feuilles brandies à la fenêtre de leurs maisons respectives. Jusqu’à ce qu’elle disparaisse, brutalement. Le monde est définitivement petit, note-t-elle non sans humour. Elle ne sait pas forcément comment réagir. Elles ne sont plus les gamines, puis les adolescentes qu’elles ont été. Et d’ailleurs, alors que le barman vient réclamer son dû, qu’elle lui glisse, elle se permet de rectifier : C’est Neema, maintenant. Histoire que personne n’entende son prénom. Elle ne veut pas de questions. Parce qu’elle ne veut pas mentir. Elle s’appelle réellement Neema, après tout. Il y aurait beaucoup de choses à dire, à lui expliquer, mais la surprise est toujours présente et l’empêche de faire ce que les convenances exigeraient d’elle. Il y a bien longtemps qu’elle les a jetées à la poubelle, de toute façon. Qu’est-ce que tu deviens ? La bouffée de paranoïa est en train de redescendre. Lui donnant sans doute plus de lucidité pour continuer la conversation correctement. Sauf s’il l’a mandatée, elle … Non, elle a l’air réellement surprise de la voir. Respirer. Lentement.

I'll never be the same, if we ever meet again, won't let you get away, said, if we ever meet again... 

Pando