Petits pas pressés, un regard par dessus son épaule, l'encapuchonnée vérifie ses arrières. Les talons claquent sur le bitume, elle n'est pas suivie, mais elle use toujours de prudence ces derniers temps. La bratva n'est jamais loin, la Bratva la soupçonne de trop de choses et Annalisa a prit la décision de fuir enfin. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'elle soit rayée de la carte, elle prépare minutieusement sa disparition avec Clarence, les détails se peaufinent, il ne reste plus qu'à attendre le bon moment. Elle prend quand même le temps d'avertir les quelques personnes de son entourage, les plus importantes à ses yeux, ou ceux qu'elle craint qu'ils tombent entre les mains de la Bratva. Y compris lui, Jones. Annalisa a rendez-vous avec lui ce soir là, souvent ils se retrouvent, souvent ils discutent de ce qu'il se passe à Arcadia et elle le tient éloigné de ces histoires. Même a Maksim, elle ne lui a rien dit, et pourtant quelque chose de fort la lie à lui, même ses instincts maternels à son égard ne suffisent pas pour le mettre dans la confidence. Et dans le secret de la nuit, Anna se dirige jusqu'à ce lieu à l'extérieur de la ville pour ne pas éveiller les soupçons, pour ne pas croiser un visage qu'elle ne désire pas voir, pour éviter à Jones d'être suivit ensuite, démasqué.

La voiture est garée plus loin, elle a marché, longtemps, par souci de sécurité et brouiller encore les pistes. Clarence garde leurs enfants, sauf celui qu'elle a dans le ventre. Entre de bonnes mains donc, elle ne se fait pas de souci pour eux. Elle a promis à Clarence d'être prudente avant de sortir, trois mots d'amour déposés sur le bout des lèvres et elle s'est envolée. Direction un pub irlandais dans un coin de la rue, lumières tamisées, les boiseries des murs accentuent l'obscurité et leur assure une discrétion sans faille. Les oreilles des mafias allaient rester sourdes ce soir, Annalisa a laissé son téléphone dans la voiture, la paranoïa accentuée depuis les avertissements qu'elle s'est pris de la part d'Aksel. Le manteau retiré dévoile sa longue chevelure rousse que dans un mouvement de main elle ramène sur un côté.

Odin, père de toute chose.

Quelques minutes plus tard, il arrive, elle lui sourit naturellement, se lève pour aller lui offrir une accolade amicale et colle un baiser bienveillant sur sa joue. Ils se connaissent depuis quelques années, leurs divinités révélées, elle a cherché à le protéger des malheurs d'Arcadia et de ses mafias. La Bratva voudra forcément Odin. Mais le panthéon Nordique trop démantelé à son goût, elle ne désire pas le voir entre leurs griffes. «  Ça va ? Je suis contente de te voir! » Divinités liées, Nerthus et Odin ont leur histoire et leur descendance, mais ce sont d'abord les mortels hôtes qui sont de bons amis.  «  Je suis désolée, j'ai l'impression qu'à chacune de nos entrevues je te fais aller encore plus loin » Elle étouffe un rire, lui propose de s'asseoir et elle reprend aussi sa place. «  J'ai eu un avertissement, je suis un peu espionnée alors je prends d'autant plus de précautions »

Le bruit de l'eau battait contre l'inox. Le regard vide, sans aucune émotion sur son visage. Ses mains et avant-bras jaunes de savon. Il venait de terminer sa dernière autopsie programmée de la journée. Il ne devait pas traîner. Mais à chaque fois que c'était un mineur qui était sur sa table, il ne pouvait s'empêcher de penser à quel point la vie pouvait être terrible. La mère, veuve, éplorée était venue reconnaître le visage de l'enfant qui n'aurait jamais dû se retrouver dans cette salle, morne, sans vie, triste et froide. Il n'était pas plus sensible qu'avant. La mort n'était qu'un passage, un événement de la vie parmi tant d'autres, selon lui. Cela avait toujours été le cas et cette conviction c'était d'ailleurs renforcée d'elle-même depuis ses seize ans, sans qu'il ne comprenne vraiment pourquoi d'ailleurs. Mais à chaque fois… La mort oui… Mais aussi tôt… À quoi bon ? L'eau continuait de tambouriner contre l'inox dans un bruit creux, tandis que son regard, toujours dans le vide, ne trahissait pas ses mouvements. Il agissait tel un automate. Les avant-bras et les mains humides, il attrapait quelques feuilles éponges afin de sécher ses membres. Il ne devait pas rester plus longtemps dans cet endroit pour aujourd'hui.

Une chemise noire, un pantalon de costard dans la même couleur, ainsi qu'un ensemble veste, ceinture et chaussure du même acabit. Il devait se fondre dans la voluptueuse noirceur de cette nuit. Tel un animal chasseur – ou chassé ? – il se déplaçait d'un pas certain, tout en faisant bien attention à ne pas être suivi. Il avançait tel un félin nyctalope. Bizarrement son lieu de rendez-vous lui était familier. Enfin, pas exactement, c'était plutôt le quartier. Comme à son habitude, celle avec qui il avait rendez-vous avait parfaitement choisi le lieu de leur rencontre. Cette jeune et jolie jeune femme était aussi belle que pleine de ressource. Il avait appris à lui faire confiance au fur et à mesure du temps. Elle s'était montrée digne. Elle savait pour lui. D'ailleurs c'était la seule. Ce qui faisait d'ailleurs d'elle sa meilleure allié ou sa pire ennemie. Pendant longtemps, même si la jeune femme montrait une bonne foi à toute épreuve, il restait malgré tout méfiant et sur ses gardes. Il avait grandi dans ce milieu-là et aujourd'hui sa famille de « sang » était disloquée à cause de toutes ces histoires, de récurrence, de divinité et autre. Il ne savait que trop bien que ce genre de choses ne devait pas fuiter, qu'il fallait savoir garder des secrets. Mais aujourd'hui, il faisait une confiance presque aveugle à la jeune femme aux cheveux de feu.


Il pénétrait dans le lieu de rendez-vous et il la remarquait directement. Comment, ne pas la remarquer, était plutôt la véritable question. Il avait fini par comprendre que leur récurrence respective avait un lien particulier, mais tout ceci était encore légèrement flou pour celui qui était considéré comme le roi des Dieux nordiques. Elle était finalement bien plus courageuse que lui. Elle risquait sa vie, pour qu'il puisse garder son petit confort. Elle était ce rempart et cette forteresse, qu'il aurait certainement dû être pour elle. Elle paraissait pourtant si fragile de l'extérieur, si belle et si innocente et pourtant… Et pourtant, il savait pertinemment, il avait ce pressentiment, cette sensation intime qu'elle pouvait être d'une dangerosité dévastatrice et qu'elle était parfaitement en mesure de se défendre seule. Mais malgré cela, il ne pouvait s'empêcher de se rendre coupable… Un minimum.

Son rire et sa voix apaisait directement le médecin mortuaire. En sa présence, il se sentait entièrement lui et surtout parfaitement serein. C'était la seule. « Oh ! Ne t'inquiète pas. Cela me fait toujours du bien de sortir de mon petit cadre habituel. Tu sais, j'ai toujours cette impression que l'odeur du formol me suit un peu partout où je vais » déclarait-il avec son premier sourire. Il était enfin tranquillisé de la voir. Mais cela était de courte durée. « Tu veux boire quoi ? » tout en levant la main pour faire signe au barman de venir les voir « Que tu m'expliques tout cela autour d'un verre. Rassure-moi, toi et ta famille n'êtes pas en danger ?! Parce que, tu sais très bien que c'est vous le plus important dans toute cette histoire. » Le regard appuyé envers son rendez-vous nocturne. Il était sérieux. Et il était même prêt à foutre toutes ces années de secret pour la protéger à son tour. Il lui devait bien ça depuis le temps.

Jones, rencontre fortuite, rencontre heureuse qu'elle a fait quelques temps auparavant, et leurs divinités avouées, tout est devenu plus facile, les conversations et discussions du monde dans lequel ils vivent se sont enchaînés. Et elle a fait en sorte de l'éloigner, de garder tout ceci secret – ne sait-on jamais. Qui sait ce que pourrait faire la Bratva avec un dieu aussi important et influent qu'Odin. Il y en a d'autres, qui ne se laissent pas avoir par les us et coutumes de leurs panthéons, pas d'influence. Anna aurait été la première influencée, c'est pourquoi elle ne veut pas que cela arrive aux brebis égarées. Leur rendez-vous a l'extérieur de la ville permet à Anna de se sentir bien moins stressée. Elle est contente de le voir effectivement, Jones est un homme charmant qu'elle est ravie de connaître tout autant qu'elle est ravie de savoir qu'il est l'hôte du roi des Ases. Il répond, bienveillant, ses mots sont emplis de chaleur et elle apprécie qu'il tente de faire le nécessaire pour la protéger elle et ses enfants.

« A partir du moment où tu entres dans la bratva t'es toujours en danger, ton destin ne t'appartient pas »Il y en a qu'elle apprécie beaucoup, d'autres qu'elle ne désire pas revoir, quoi qu'il en soit elle ne veut pas voir ses enfants devenir des pions de la mafia même si c'était ce qui avait été dit dès la naissance du premier, a quatorze ans, Cyrus va bientôt devoir suivre des entraînements et des leçons de propagande pour lui laver le cerveau, monter sa haine envers les autres mafias et tous les potentiels ennemis. Elle a trouvé des alliés qui vont pouvoir la protéger, lui donner de quoi s'accrocher et peut être éviter toute représailles – elle souhaite disparaître avant de trop se faire remarquer. Le souci est évidemment qu'elle doit aussi faire disparaître ses enfants et également ceux de Clarence. Onze enfants, sauf peut être les plus petits qui n'ont pas école resteront avec eux, et également celui qu'elle cache entre ses hanches, encore trop petit pour être visible. Cette jeune pousse est l'espoir d'une vie meilleure mais également son arrêt de mort si quelqu'un de la Bratva le sait. Des jumeaux de surcroît paraît il, comme Freyr et Freyja, semble t-il que la chose ne soit pas anormale chez elle ou du moins chez sa divinité. C'est encore trop tôt pour le savoir, mais si c'est deux, elle doit faire doublement plus attention. Elle commande un chocolat chaud au serveur, le remercie d'un large sourire et repose son attention sur Jones. « Je fréquente quelqu'un d'un autre groupe, même si ces derniers ne sont plus réellement ennemis à la Bratva il semblerait que se soit acte de trahison tout de même, ça plus d'autres faits à mon sujet depuis la mort de mon mari, ça fait qu'ils ne me portent pas tellement dans leurs cœurs ces derniers temps » En définitive quelqu'un est venu clairement lui dire qu'elle devait revoir ses priorités et son allégeance, même si l'alliance entre la Bratva et le Royaume joue en sa faveur.

Elle prend énormément de risques pour lui, mais la Bratva ne peut pas avoir Odin, la reine des Vanes désire plus que tout sauver son panthéon de leurs manigances. Même a Maksim elle ne pourrait pas le dire et pourtant elle a très bonne estime de ce jeune homme. Certes sa famille est importante, mais l'avenir des nordiques elle ne désire pas le voir dessiné de cette manière. L'inquiétude de Jones la touche, bien évidemment, elle lui adresse alors un joli sourire, qu'il ne la pense pas inconsciente, chaque geste est réfléchi déjà, c'est ce qu'elle désire. « Je vais faire le nécessaire pour quitter la Bratva, ça ne sera pas sans risques mais j'ai trouvé de bons alliés et j'ai plusieurs portes de sortie. Ce sera rapide, et je vais faire en sorte que personne ne soit blessé. » Un rendez-vous donc pour l'avertir de sa disparition imminente, elle compte tout laisser en plan, ne rien prendre, ne pas laisser le moindre indice. La Bratva est la mafia la moins tolérante de la ville, on ne la quitte pas sans payer les conséquences, mais Anna n'a pas plus d'utilité pour eux que sa grande fertilité. Ils trouveront d'autres poules pondeuses pour sûr. « Je t'ai fait une liste de personnes que tu dois éviter, liées de près comme de loin à la Bratva. Ne prends pas le risque de t'en approcher ou de leur dévoiler quelque chose sur toi, même si certains d'entre eux sont sympathiques. » Elle glisse le papier sur la table, jusqu'à Jones, liste de noms divinités révélés pour certains. « Lui, il a une affinité avec le tonnerre, je ne sais pas qui il est, mais au vu de l'élément, il est possible qu'il soit Thor. Je l'aime beaucoup, mais ne te laisse pas avoir. » Maksim Fraiser, belle âme, beau gâchis entre les mains des slaves, il fait parti de ceux qu'elle aimerait extraire de l'organisation, rendre la gloire aux nordiques.