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There are things I have done

 :: abandonnés
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There are things I have done - Lun 8 Oct - 13:43

J’entends le bruit des chaussures de sécurité qui cognent contre le sol. Le hurlement des sirènes. Les cris des hommes et de leurs radios. Ils m’ont vu m’enfuir, au bout de la rue. Je cours comme je n’avais plus couru depuis longtemps. L’emprisonnement ou la mort aux trousses. La liberté et l’instinct me poussaient tous deux en avant. Mes poumons me brûlaient quand je coupais par le parc. C’était là où quelques semaines plus tôt, je m’étais battu presque à mort avec une Oupyr. Je ne perds pas une minute à essayer de m’y cacher, c’est bien entendu le premier endroit où la maréchaussée va aller fouiner. Je continue ma course, donc. Jusqu’à ne plus rien entendre. Plus rien entendre d’autre que le coeur qui cogne ma poitrine et fait pulser le sang au niveau de mes tempes. Mes poumons me brûlent, et la discipline de respiration pour une si longue course est oubliée ; ma gorge se parchemine sous les inspirations avides que je dois prendre. Je suis couvert de sueur. Couvert de sang. Heureusement, il fait nuit noire. J’évite le halo lumineux des lampadaires, je me fonds dans l’obscurité. Comme un fantôme. Ombre qui traverse le noir et qui ne se dénote qu’en y prenant garde. Je calme ma respiration. Plus de sirènes, plus de cris.


Seulement le vent.


L’émotion de Carmen, la serveuse du Kahuna, me travaille. Me bouleverse en profondeur. Il y avait eu tellement d’émotions que je n’avais pas eu le temps de tout digérer. Mais quelque chose, quand même, qui me titillait. Ce sentiment d’horreur brute. Etait-ce cela que je devenais, horrible ? Peut-être. Je repassais en revue le film de l’heure écoulée, jusqu’au moment où tout avait commencé, où tout avait basculé. Cet instant précis où je sais que l’issue ne plus être que fatale pour l’un ou l’autre des partis en lutte. J’avais su me dominer, une première fois. Le premier criminel n’avait mérité qu’une correction et son poignet brisé avait suffi. Mais il avait rameuté sa meute. Ce qui n’avait été qu’une modeste tentative de braquage de caisse en fast-food s’était transformée en vendetta en règle, avec du sang comme récompense pour le vainqueur. Ce moment où tout avait basculé, c’était celui où j’avais neutralisé définitivement un adversaire. Mon visage est encore constellé de son propre sang, faciès ravagé à coups de chaises. Ma nature profonde avait repris le dessus, à cet instant précis. L’homme avait voulu me tuer et un second réclamait son tour. J’avais dû l’éliminer pour gérer la situation. Simple calcul mathématique. En phase, en relation directe avec l’âme de Carmen, je l’avais défendue comme je défendrais ma propre mère. L’homme avait fini, dévasté et méconnaissable. L’autre point de basculement était mon nom lancé à la volée. Dès lors, ce n’était plus le dieu protecteur qui défendait une victime courageuse. C’était le dieu guerrier, le vengeur. Le Juge des Âmes. Et le jugement rendu avait été net, expéditif. Une balle dans le torse. Bruit de pulpe sanglante, de structure osseuse explosée. Puis tête. Pastèque qui éclate avec viscosité. Le dernier était mort plus proprement, en une grande giclée écarlate contre le sol dallé.


Pourquoi ce doute dans l’âme de la serveuse ? Monstre et gardien. Possible d’être les deux à la fois ?


C’est l’âme des trois victimes que je repasse en revue. Le premier, au poignet brisé, n’était qu’un pauvre type apeuré et désespéré, qui s’était retrouvé plongé dans une merde trop sale pour lui et qui regrettait chacun de ses gestes, de ses mots. Il s’en voulait horriblement d’avoir croisé la route de ses comparses, dehors, de n’avoir pas inventé un autre mensonge sur sa déconvenue. Il y avait le vrai salaud, ce violeur en puissance, qui avait frémit à l’idée de punir la serveuse. Et le dernier, un homme à l’âme bestiale, avilit par les mauvais traitements et un abyssal manque de confiance envers lui-même, transformé en haine de tout et de tous. Le premier aurait pu être épargné. Pas les deux autres. Trop endommagés pour survivre au sein d’un corps social.


Trois morts de plus, Torben. Trois. Ca fait cinq depuis juin. Etait-ce encore de la justice ? De la folie ? Etait-ce le signe que je perdais pied, entre ma nature, entre l’armée et ce que j’y avais vécu ? Je ne savais plus. Je ne ressentais rien qui puisse m’aiguiller sur ce que je devais faire. Sur ce que je devenais. Je ne ressentais rien parce qu’il n’y avait personne autour pour me faire ressentir quelque chose. Est-ce un crime, le meurtre pour protéger quelqu’un, décision cruciale prise sans émotion personnelle ? Je ne ressentais rien. C’était peut être ça qui me rendait monstrueux. Inhumain.


Je rentre dans la maison de Nailea, après avoir prit soin de regarder si aucun voisin n’était à sa fenêtre. Good. De toute manière, qui verra du sang, dans la pénombre des jardins mal éclairés ? Mes mains tremblent, quand je les relève pour tourner la poignée de la porte, après avoir tourné les clefs. Elles tremblent de tous les diables. Je déploie mes doigts et les serre, les crispe dans un poing fermé. Je maîtrise le stigmate nerveux, et entre. Je sens des émotions en haut. De deux personnes. Mais d’autres, plus fortes, plus violentes, plus vivaces, qui viennent du salon. Nailea. Je la reconnaitrais entre mille. Un mois environ passé ici, et ses émotions chaque jour. Je passe le pas de l’entrée du salon. Colère, inquiétude, doute, tout ça me frappe en pleine gueule. J’ai conscience du sang qui me macule le visage et le blouson. Jusqu’aux genous. Se battre à terre n’avait jamais aidé personne à rester propre. Encore sous le coup de l’adrénaline, de la lassitude, de la folie, je la regarde dans les yeux mais d’un air épuisé.



| Salut, Nailea. Je... |


Je regarde ma veste sur laquelle le sang sèche. Me passe une main sur le visage, collant de sang.


| Je crois que la soirée ne s’est pas tout à fait passée comme je l’espérais. | Pause. Inquiétude, quand elle voit tout ce sang. | Je n’ai rien. Ce n’est pas mon sang. |
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There are things I have done - Jeu 11 Oct - 21:08



Je repoussais doucement la porte de ma fille, un grand sourire aux lèvres. J’étais heureuse, heureuse de l’entendre rire, de la voir souriante et enjouée. Elle ne l’était que trop peu ces derniers temps. Ou ne me laissait que très rarement l’occasion de la voir ainsi. Rebecca y était pour beaucoup. Elle était arrivée dans son école il y a quelques mois et elle aussi avait perdu un parent, - sa mère si l’homme qui m’avait appelé était bien son père -. Elle s’était très vite liée d’amitié avec ma fille et j’étais certaine qu’elle contribuait à la faire se sentir mieux. Quand elle m’avait appelé cet après-midi même pour me demander si elle pouvait venir, je n’avais pas hésité une seule seconde.


J’avais quitté le travail plus tôt pour aller chercher de quoi pâtisser. Quand elles étaient arrivées, elles avaient eu le droit à une grande fournée de cookies et de brownies maison. Nous les avions dévorés, puis elles s’étaient réfugiées un temps dans la chambre de Tanya, ne redescendant que lorsque les pizzas avaient été livrées. Elles avaient été mangées en un clin d’œil puis Rebecca m’avait entrainé avec elle dans le salon pour que je leur apprenne à « trop bien se maquiller ». Je m’étais prêtée volontiers au jeu, savourant chaque seconde de complicité retrouvée avec ma fille. La « séance » terminée, elles avaient insisté pour qu’on regarde un film ensemble dans la chambre de Tanya, parce que, vraisemblablement, se vautrer dans un lit c’était mieux que le faire dans un canapé. Je les abandonnais cependant à la moitié les laissant à deux… Parler plus que regarder le disney qui tournait en boucle.


Je le vis alors que je buvais de l’eau dans ma véranda. Mon verre se répandit sur le sol, mais ne se brisa pas. Quelques secondes et je rassemblais mon pouvoir pour que la flaque qui commençait à couler partout se rassemble et revienne dans mon verre. Je le récupérais pour aller le vider dans l’évier et montais aux deux ados de la glace. Un énorme bol de glace parsemé de cookies qui allaient les occuper un moment… Je me laissais tomber sur le canapé et allumais la tv, sans son, la regardant à peine. J’étais autant en colère que j’étais inquiète. Ce que j’avais vu… Je secouais la tête pour chasser les images qui m’avaient envahi. Cela n’arrivera pas. Tanya ne verra pas Torben recouvert de sang sur le pas de la porte avec Rebecca un pot de crème glacé dans la main. Il ne s’écraserait pas sur le sol, et elles ne se mettraient pas à hurler de terreur.  Comment… Pourquoi surtout? Je lui avais ouvert la porte de chez moi. J’avais établi des règles, des règles claires qu’il avait acceptées. S’était-il joué de moi pour avoir un toit sur la tête ?


Je me relevais du canapé en entendant la porte s’ouvrir et je vins à sa rencontre. On se regarde quelques instants avant qu’il ne parle pour ne pas dire grand-chose. En cet instant, j’avais l’impression de revenir des années et des années en arrière. Combien de fois Angel m’avait joué le coup de rentrer ensanglanté à la maison ? Combien de fois avais-je du prendre sur moi pour le rabibocher et surtout tenir Tanya loin de tout ça ? Je m’étais promis que jamais, plus jamais cela n’arriverait quand j’étais partie et pourtant… Retour à la case départ ? Ma salle de bain. lui dis-je avant de lui montrer du doigt la direction avant d’y aller. J’ouvrais la voie, et refermais la porte à clef derrière nous. La pièce n’était pas très grande, mais nous ne nous marchions pas pour autant dessus. D’abord tu te nettoies et tu me fous tes affaires dégeu’ dans la baignoire et ensuite on parle. Je t’attendais dans ma chambre. je n’étais pas énervée, mais plutôt blasée. Je récupérais au passage la trousse de premier soin, et sortais après lui avoir posé sur l’évier deux serviettes propres et mon peignoir Chewi.  Quand il eut fini et gagné la seconde pièce, je lui dis d’emblée, avant qu’il ouvre la bouche. Tu fais partis de la Cala ? Ne me ment pas, pas alors que je t’ai accueilli sous notre toit sans te poser la moindre question, pas alors que tu as mis en danger ma fille. Je peux fermer les yeux sur beaucoup de chose, mais pas sur ça. Tu viens de tuer trois personnes, dont un à coup de chaise. Je pense que tu me dois des explications.
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There are things I have done - Jeu 11 Oct - 21:48

Je savais ce que je risquais. Mais je n’avais pas le choix. J’étais revenu comme un automate. Quel autre recours aurais-je ? Aislinn ? Elle ne pouvait rien contre ce qu’il venait de se passer. Elle avait assez de soucis. Roman ? Il avait ses propres démons à mater, sans avoir à s’occuper en plus des miens. Nailea était ma seule solution. Mon dernier havre après que tous les précédents avaient pris été cramés au sens figuré. Je savais qu’elle avait ses propres noirceurs. Je savais que comme moi, elle était divine. Elle sentait la puissance à trois kilomètres. Une forme de sagesse et de force qui supplantaient sa nature autrefois joviale et spontanée. J’aimais beaucoup ma cousine, même si je venais d’apprendre à la connaître seulement il y a peu. Je ne savais pas exactement de quoi elle était capable, mais je savais que la mettre en colère ne serait pas joli-joli. Cette famille était abîmée. Moins que ce que j’avais déjà pu voir, mais il y avait des souffrances qui ne demandaient qu’à se réveiller à la moindre occasion. Et j’arrivais, couvert de sang, la main qui tremble comme après chaque décharge brutale d’adrénaline. Je me sens shooté. Capable de tuer encore s’il le fallait. Mais aussi désespérement mal d’avoir tué encore des gens. Je n’avais pas eu le choix et je ne regrettais pas une seule seconde mon geste ; mais ça ne le rendait pas plus facile à assumer pour autant.


Je la ressentais avant d’arriver dans le salon. De la colère. De la peur. De la résignation. Elle me faisait l’effet d’être son gosse, et d’avoir fait une affreuse connerie. Ce n’était pas totalement faux pour la seconde partie de ma phrase. Je sens surtout de la détermination, en fait. Nailea est une des femmes les plus résolues que je connaisse et elle en fait preuve en me voyant arriver. Ce que je suspectais de son histoire trouvait une clé de compréhension de plus quand je voyais qu’elle ne se laissait pas démonter à la vue du sang qui me recouvrait et constellait chair et vêtements en égale mesure. Sa voix se fait ferme. Elle m’indique la salle de bain, et elle m’emboîte le pas quand je m’y rends. Elle avait employé le « ma » et pas le « la » comme pronom possessif. Le message était clair ; j’étais chez elle, et pas vraiment chez moi. Cela ne faisait que quelques semaines que nous habitions ensemble, cela tout. Elle referme derrière nous une fois que j’entre à sa suite. A clef. J’espèrais que la petite et son accompagnatrice en haut soient bien occupées pour éviter de venir dérager maman dans son bain, sinon, on allait se retrouver dans une sale situation, difficile à expliquer. Et j’avais bien conscience que c’était entièrement ma faute. Je me débarrasse de presque tout. Pantalon. Veste en cuir. T-Shirt en dessous. Je reste en caleçon, sans honte et sans pudeur. J’avais été soldat quinze ans. Mon corps n’était que de la chair et du sang. Même s’il en était présentement couvert. Je n’entrais pas dans la douche, parce que je savais d’expérience que l’hémoglobine qui séchait c’était une vraie plaie et que je risquais d’en garder des traces malgré moi. Alors, gant de toilette humide, et je me frotte.


Au bout d’un moment, après une douche dans laquelle j’essaie de me noyer ou de me faire suffoquer dans la vapeur pendant vingt minutes, je débarque dans sa chambre attenante. Spacieuse. Sombre. Je l’écoute sans ciller, sans baisser les yeux. J’assume ce que j’ai fait. Parce que c’était nécessaire. Tous ne méritaient pas la mort. Mais je n’avais pas eu le choix. Je fronce les sourcils quand elle me parle de la Cala. C’était ça qu’elle imaginait ? Elle est sérieuse.


Et surtout, elle sait. Je ne sais pas comment, mais elle sait.



| Alors c’est ça, ce que tu sais faire ? Tu as tout vu ? Si c’est le cas, tu dois savoir ce que j’ai fait. Je ne l’ai pas fait par plaisir. |


Mais n’en avais-tu pas retiré, Teutatès ?


| Non, je ne suis pas d’un gang ou d’une mafia. J’ai été honnête avec toi, Nailea. J’ai été soldat, j’ai fait de sales trucs, puis j’ai débarqué à Arcadia et je suis devenu Garde du Corps. Je bosse pour une femme que je dois protéger. Mais pas dans une mafia. Ce soir… |


Je soupire. Je repense à Carmen. Je me frotte les yeux du pouce et de l’index, essayant d’oublier l’horreur qu’elle avait ressenti en me voyant


| Cette fille était seule, ce soir. La serveuse. Braquée par un sale type. Je l’ai blessé et l’ai mis en fuite. Je voulais juste manger un bout en sortant du sport, tu vois ? Et il a dû croiser ses potes dehors. Qui se sont dits que le Kahuna était une proie facile. Pas de vigile, une seule employée. Quedal, comme risques. Ils m’ont sauté à trois dessus. L’un d’eux au moins voulait me buter pour de bon, un autre en avait après son cul, à la serveuse. Le dernier s’est contenté de suivre. J’en ai tué un dans la bagarre. Je n’avais pas le choix, si je n’en éliminais pas un, j’allais crever battu à mort. Mais Carmen a lâché mon nom. Les deux derniers l’ont entendu. Je n’avais plus le choix. Si je ne les tuais pas, ils allaient la retrouver elle et lui faire payer cette soirée, ou moi et vous faire payer Tanya, Miguel et toi. Je pouvais pas l’accepter. Alors j’ai pris la seule solution qu’il me restait à prendre. |


je regarde ma cousine. J’ai envie de la convaincre, mais c’est dur quand je n’ai pas encore réussi à me persuader moi-même de la situation, tant tout s’était passé rapidement.


| Je ne vous mettrais jamais en danger, Nail’. Jamais. Tu m’as accueilli chez toi. Tanya, je l’adore cette petite. Et Miguel m’aide à me poser, à réfléchir. Et toi… Toi tu m’offres une chance d’essayer de faire un peu mieux les choses…. |


Le silence pèse un long moment. Je la dévisage toujours.


| Tu préfères que je m’en aille ? |


Pas d’animosité dans ma voix. Mais je voulais savoir. Pas vraiment de famille, jamais, je n’avais jamais eu personne dans ma vie en dehors de mes frères d’armes. Et même eux, j’avais fini par les laisser partir. Si Nailea pensait que je nuisais à sa sécurité, à celle de sa famille, alors je partirais.

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There are things I have done - Jeu 11 Oct - 22:50



Tanya ne descendrait pas. Elle ne nous surprendrait pas. De cela j’en avais la certitude. Le soleil était couché et mon astre serait plein d’ici quelques nuits. Je le sentais, à mesure que la lune grossissait, que mes pouvoirs s’étoffaient, devenaient plus forts, plus précis aussi. Je n’avais pas vu tout ce qui s’était passé ce soir, mais bien assez, parce que ma fille aurait été exposée. Elle était ma vie. Lorsque quelque chose allait la toucher, lui faire du mal d’une manière ou d’une autre, je le savais. Je le voyais. Un temps, il en avait été de même avec Angel, mais à mesure que notre relation se dégradait, ce lien se disloquait lui aussi. Mon âme était protectrice, et cela était renforcé par la proximité que je pouvais avoir avec les gens…. Je ne l’expliquais pas, c’était ainsi et je n’avais pas besoin de toute façon de trouver une explication rationnelle. J’appartenais à un mythe après tout.

J’attendais patiemment, assise sur mon lit, que l’homme finisse ce qu’il avait à faire. J’avais l’habitude, avec Angel et ses magouilles. Je n’aimais pas ça. Je n’aimais pas repartir plusieurs années en arrière, pas alors que j’avais accordé ma confiance à Torben, que je l’avais laissé rentrer dans notre vie à tous les trois. Mon père m’avait enjoint à la prudence, mais il avait respecté mon choix comme il le faisait toujours. Il me manquait. Plus que jamais dans des moments pareils. Il saurait quoi faire, quoi dire. Mais il était à des milliers de kilomètre d’ici, dans cet avion qui l’amenait sur ces terres qui m’avaient vu naître. Je savais qu’à son atterrissage, il m’appellerait. Il saurait. Il savait toujours quand j’avais besoin de lui. C’était son truc même si j’en ignorais réellement la nature. Il ne m’avait jamais dit qui il était, ni même quels étaient ses pouvoirs… Et au fond, cela n’avait pas d’importance à mes yeux. C’était sans doute pour cela qu’il ne l’avait jamais fait. Je n’avais pas besoin de savoir pour l’aimer et pour lui faire confiance. Je ne posais pas ce genre de question, respectant la part secrète que tout le monde possède. Torben n’avait pas fait exception. Il était divin lui aussi. Je le sentais comme lui le sentait d’ailleurs. Mais pas une seule fois j’avais cherché à savoir. Cela ne me regardait pas après tout.

Il finit par me rejoindre mais avant qu’il n’ouvre la bouche, je faisais ce que je ne faisais jamais : je posais des questions. Je soupirais en me pinçant l’arête du nez à sa première remarque. Ce que je sais faire n’est pas le propos. Et je n’ai pas tout vu, juste ce que je devais savoir. lui répondis-je en le regardant droit dans les yeux. Je savais qu’il avait tué trois types dont un à coup de chaise et que si je n’avais pas anticipé l’envie des deux ados, il serait tombé sur elle en rentrant… Je l’écoute, je ne l’interromps pas. Je reste calme et patiente comme j’ai appris à l’être avec Angel même si une partie de moi se rebelle contre cela. Et j’avais peur aussi, peur que tout se répète et que Tanya et moi ne finissions de nouveau par en souffrir. J’avais déjà plus de démons qu’il n’en fallait. Il m’avait fallu beaucoup de temps pour faire confiance à Angel, réellement confiance au point de lui ouvrir mon cœur, et mes bras. Il n’y avait pas eu que du mal, bien au contraire. Nous avions été heureux, réellement, un bonheur renforcé par la venue inattendue de Tanya. Il m’avait aidé à m’ouvrir un peu plus aux autres, à ne plus redouter le moindre geste brusque d’un homme autre que mon père ou lui. J’avais regagné confiance en moi à son contact, une confiance que je pensais éteinte à jamais avec la perte d’Esperanza. Il m’avait forcé à être moi-même en dehors de notre sphère privée. Sans son soutien et ses encouragements je n’aurais pas été capable d’ouvrir ma propre boite. Et la chute n’en avait été que plus douloureuse.

Il avait commencé à fréquenter le mauvais collègue, puis les amis de ce dernier. Il avait quitté son travail de garagiste, pour se consacrer à un boulot qui pourrait faire vivre sa famille, une famille qui n’avait pourtant pas besoin de ça. Il était devenu amère, plus violent, moins patient, plus sombre, bien plus sombre. Il nous aimait toujours oui, mais nous ne lui suffisions plus. Il avait besoin de plus que ce que nous pouvions lui offrir. J’avais essayé. J’avais essayé de m’adapter, de l’aider, mais cela n’avait jamais servi à rien. Il s’était éloigné, jusqu’à devenir un fantôme qui rentrait la gueule parfois défoncée par les coups, parfois par l’alcool. Nos bons moments se sont fait de plus en plus rares. Après une énième dispute sur cette arme que je ne voulais pas voir à la maison, j’étais partie avec Tanya. Pour la préserver de tout ce foutoir. Pour la préserver de son Père. Ca avait le meilleur choix à faire, mais il n’avait pas pour autant été facile. Je n’avais pas eu le droit de pleurer cet échec, cet amour perdue. J’avais dû garder la tête froide et haute. Pour ma fille. Parce que j’étais sa mère et que je devais non plus compter pour une mais pour deux dans sa vie.

Nous nous en étions sorties. Non sans perdre ni fracas, mais nous l’avions fait. Et si Tanya pleurait toujours son père – chose que je ne pouvais pas faire parce qu’encore une fois, je devais être forte pour nous elle – c’était une gosse épanouie et extra. Je n’avais pas pu la préserver de tout le merdier de son père mais j’avais pu les amoindrir. Ma fille adorait Torben. Un mois qu’il était chez nous et pourtant c’était comme s’il était là depuis toujours à ses yeux. Je ne laisserais pas le schéma se répéter une seconde fois. Il l’avait su. Il connaissait les règles du jeu et il les avait accepté en venant vivre avec nous. T’en aller ? Si c’est ce que tu veux, tu connais le chemin mais je doute que tu sois revenu pour repartir aussitôt. Tu es chez toi ici, tu le sais très bien. lui répondis-je en arquant un sourcil avant de soupirer. Pour ce qui est de nous mettre en danger, tu l’as pourtant fait. Je peux me défendre seule et mon père aussi. Mais pas Tanya. C’est mon rôle de la protéger et de lui épargner le merdier des autres et du monde. Et ce soir, tu l’as mise en danger. Tu aurais pû appeler… Non tu aurais dû appeler les flics. Tout aussi divin que tu sois, tout aussi puissant que tu sembles être. Tu as eu le choix quoi que tu en penses. Tu n’as pas réfléchi aux conséquences et…   Je soupirais en me rendant compte que j’étais en train de lui faire la morale comme j’aurais pu le faire à ma fille. Or il n’était pas Tanya. Il était adulte et assez grand pour savoir ce qu’il aurait dû faire ou ne pas faire. Ce qui est fait est fait. Peu importe ce que j'en pense, ce que je dise, cela ne changera rien. Ce que je veux savoir, c’est si toute cette merde ne va retomber d’une manière ou d’une autre sur Tanya. J’étais un poil blasée et lasse, très lasse en fait. Angel. Il n’arrêtait pas de me revenir à l’esprit et je détestais cela. Car ce n’était pas l’Angel dont je voulais me souvenir mais celui que je voulais oublier… Parce qu’il finissait toujours par me faire penser à ce qui m’était arrivée plus jeune et à ces sentiments de culpabilité, de détresse et de terreur. Je secouais la tête… Comme si cela pouvait m’aider à les chasser loin. En vain Il y a t-il un risque qu’on remonte jusqu’à toi ? Jusqu’ici ?

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There are things I have done - Jeu 11 Oct - 23:53

Je me sentais épuisé. Je ne savais pas si c’était mon pouvoir, le sport, la bagarre, l’absence de repas depuis ce midi… Peut être un peu de tout ça en même temps. Je savais que les émotions les plus dangereuses et violentes étaient celles qui me mettaient la tête le plus sens dessus-dessous. Je savais aussi que le meurtre était pour moi quelque chose de complexe à appréhender, ce qui dénotait et jurait furieusement avec la facilité de prise de décision quand il fallait se salir les mains. Mais au moment fatidique où la balle ou l’arme blanche perçait les chairs et ravageait les corps, j’absorbais d’un coup une grande quantité d’émotions violentes. Et elles me travaillaient. Rebondissais en moi, choquant mon âme, la tiraillant et la malmenant jusqu’à la déchirer. Plus le temps passait et moins je ressentais la force de cette fatale imprégnation, mais ce n’était pas fini pour autant. Aujourd’hui encore, je le ressentais. Est-ce que ça voulait dire que j’avais toujours une âme, que tout espoir n’était pas perdu ? Rien n’était moins sûr.


Nailea avait confiance en moi. Nous nous étions dit beaucoup de choses, mais pas tout. Par prudence et par pudeur, nous n’avions pas évoqué nos divinités, ni nos pouvoirs. Mais je notais qu’elle avait une sorte de talent pour la prescience. Je ne savais pas comment il se déclenchait ou se manifestait, mais il était bien réel. Elle semble un peu agacée de ma demande. Je la dévisage avec gravité.



| Si, c’est le propos. Mais je pense qu’on devrait être tous les deux plus honnêtes sur ce sujet. |


Porte ouverte, à elle de voir si elle voulait la franchir. Nous nous affrontions du regard dans une sincérité tantôt pleine et entière, mais contrainte toujours par notre habitude respective au secret et à la prudence. Tous deux convaincus comme nous l’étions que seul le silence nous sécurisait quelque peu. Je sentais la retenue de Nailea. Sa capacité à ne pas tout mélanger et surtout, à rester concentrée sur la seule chose qui lui importait vraiment ; sa fille. Tanya n’était pas facile en ce moment. Pas depuis la mort de son père, de ce que j’avais compris. La petite était chamboulée et elle ne comprenait pas sa mère. Je ne m’interposais pas, mais j’essayais d’aider les deux comme je le pouvais. Elle soupire la cousine, mais je suis rassuré quand elle dit qu’elle ne me met pas dehors. Je secoue doucement la tête. Et tire une chaise sur laquelle repose du linge que je mets par terre sans ménagement, pour m’asseoir face à ma cousine.


| Non, je ne veux pas partir. Et je te remercie encore pour ça. Surtout compte tenu des circonstances. |


En dehors de l’armée je n’avais jamais pu compter autant sur qui que ce soit. Et pas non plus sur ma mère, qui ne m’avait jamais aidé sur qui j’étais, sur ce que j’étais. Nailea était tout aussi discrète mais au moins, elle me comprenait et me fournissait un endroit où dormir. Je secoue la tête quand elle me reproche la mise en danger de sa fille.


| Non, ce n’est pas vrai. Je… Bon, ok, cartes sur table. T’as déjà remarqué que je savais comment te parler, parler à ta fille ? Que je semblais vous comprendre ? Ben c’est effectivement le cas. Je ressens vos émotions. En fait, je ne ressens que ça. Les émotions des autres. J’ai senti qu’elle était à l’étage avec quelqu’un. Que je pouvais entrer, et me changer quelque part. Jamais je ne lui aurais montré ce qu’il m’était arrivé. Ni laissé entendre ce que j’avais pu faire, ce soir. |


Je fais un geste de la main pour la stopper dans ses reproches sur mon inconséquence.


| Je peux pas appeler les flics. Je… Ecoute. J’ai pas toujours été très clean, ok ? Ils ne me recherchent pas, mais autant éviter de trop attirer leur attention. Et il y a quelque chose à laquelle tu n’as pas pensé. Le Kahuna est dans la sphère d’influence de la Calavera. Je ne sais pas s’ils y ont des bras ou si c’est à eux. Mais il y a un risque. J’ai commis des meurtres sur ce qui pourrait s’apparenter à leur territoire. Même si j’ai fait ça pour protéger l’employée, tout le monde me tomberait dessus si on savait que c’était moi. |


Je réfléchis et médite un instant sur sa dernière question. Je connais déjà la réponse. L’inquiétude et la culpabilité non du meurtre mais de ses conséquences fortuites me creuse les tripes et me fait battre le palpitant à toute vitesse. Je redresse le regard vers Nailea, droit dans ses yeux. Nous sommes si proches ; elle ne peut pas penser que je lui livre des artifices en lieu et place de la vérité.


| Jusqu’à moi, oui. Jusqu’à toi, non. Personne ne sait encore où je crèche, et je suis assez bon pour éviter de me faire suivre bêtement jusqu’ici. La serveuse connaît mon prénom, je lui ai donné quand elle m’a remercié de l’avoir aidée, avant que les mecs ne reviennent et que le bain de sang ne commence. Elle sera peut être interrogée par les flics ou la Calavera mais je pense qu’elle ne lâchera pas mon nom. J’ai vu dans son âme, et je pense que je peux avoir confiance en elle. |


Je prends la main de Nailea dans les miennes. Je sais qu’elle répugne assez aux contacts physiques pour l’avoir souvent vue les esquiver mais le moment est d’importance, et je veux qu’elle sente la proximité que je ressens pour elle et pour sa famille. Connaître l’âme de quelqu’un c’est le comprendre. Le comprendre, c’est l’aimer. Ca allait au-delà de l’obligation ou du devoir familial.


| Je te jure, Nail’, que jamais je ne laisserais qui que ce soit te faire du mal. Ni la Calavera, ni qui que ce soit d’autre. J’ai mon lot de casseroles au cul mais je suis sincère. En un mois, vous m’avez tous plus donné que ma propre mère en une vie et je n’ai pas connu mon père. Sans vous, j’étais seul. Vous m’avez donné un foyer alors que je n’avais rien, et même si ce n’est que provisoire, je ne l’oublierais jamais. Alors je sais que j’ai la sale habitude de me mettre dans de sales draps et que je peux provoquer des catastrophes, mais je ne laisserais rien vous arriver, et encore moins par ma faute. D’accord ? Si c’est nécessaire à un moment ou à un autre, je disparaitrais. Mais autrement je suis là pour vous, comme vous l’avez été et l’êtes encore pour moi. |


Je fronce les sourcils, soupire et déglutis.


| Je ne pouvais pas la laisser se faire agresser, tu comprends ? Je sentais ce que ces mecs allaient leur faire. J’aurais sans doute pu éviter de trop énerver le premier mais les autres… C’était eux ou nous. Si je n’avais pas agi, ces salauds l’auraient coincée, tabassée, et sans doute violée. Je vois de ces choses, dans l’âme des gens, Nail’… | achevais-je d’un ton grave, alors que je frissonnais au souvenir de ce viol que j’avais vécu dans le cœur de la victime et de l’agresseur en même temps.
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There are things I have done - Dim 14 Oct - 13:48



Je fais un signe négatif de la tête à l’homme qui se trouve dans ma chambre. Ce n’était pas une question d’honnêteté mais de prudence et de promesse à respecter. J’étais encore jeune quand mon Père avait insisté pour que jamais, je ne laisse quelqu’un savoir qui j’étais réellement. Le monde était trop dangereux selon lui pour lui donner une arme supplémentaire pour nous atteindre. Alors je m’étais tue comme je lui en avais fait le serment. Et même à lui, je n’en avais jamais reparlé. Je savais qu’Angel m’en avait beaucoup voulu de ne pas vouloir lui dire. Il n’avait pas compris mes raisons et cela avait été sujet de nombreuses disputes entre nous. Lorsque lui avait voulu me dire qui il était, je l’en avais empêché ce qui n’avait fait que le frustrer un peu plus. Il avait toujours pensé que je ne l’aimais pas assez pour ne pas lui confier cela. Il n’en était rien. Je n’avais jamais aimé autant un homme que lui. Il était mon premier amour, le premier à qui je m’étais peu à peu ouverte, le seul à qui j’avais ouvert totalement mon cœur et mon corps. Il avait été pendant très longtemps toute ma vie et plus d’une fois j’avais eu envie de lui dire. Mais je ne l’avais jamais fait, les mots de Pères résonnant sans cesse dans mon esprit. Avec le recul, je me rends compte combien il avait raison. Qui sait ce qu’aurait pu faire Angel de cette information à mon sujet lorsqu’il a commencé à mal tourner, jusqu’à aller entrer dans un gang ? Il avait changé, énormément et même s’il ne m’aurait jamais fait du mal directement, il aurait pu m’en faire malgré tout sans s’en rendre compte.

Si je n’avais pas été capable de le dire à Angel, je ne le dirais pas à Torben que je connaissais que depuis un mois. Aussi intégré pouvait-il être à notre famille. Je l’appréciais oui et je lui faisais assez confiance pour lui confier ma fille. Mais de là à lui répondre… J’en avais déjà bien assez dévoilé ce soir, bien plus que je ne l’avais fait en sept ans de vie commune avec le Père de ma fille. Parfois, souvent, j’avais la certitude que Torben pouvait lire en moi, lire en nous. Il arrivait trop facilement à comprendre des choses que je savais pourtant cacher à la perfection. Il n’était pas mon Père. Il ne pouvait pas lire aussi bien entre les lignes. Il ne le devrait pas en tout cas. Il ne faisait jamais preuve d’indiscrétion et même s’il était observateur, il n’y avait pas que cela. Parfois, avant même que Tanya n’explose, il intervenait, lui parlait, la calmait, trouvait les mots justes qu’elle avait besoin, envie d’entendre, des mots que moi-même, sa mère n’arrivait pas pourtant à trouver tout de suite. Soit il arrivait à lire nos pensées, soit il arrivait à lire nos émotions. Un télépathe ou un empathe. Au début cela avait été déstabilisant mais très vite… Reposant. Même si je restais parfois frustrée de ne pas arriver à aider ma fille, elle allait mieux grâce à lui alors le reste, je m’en fichais.

Il tire une chaise pour l’approcher du lit sur lequel je suis assise. Il me remercie de ne pas le chasser et je lève les yeux au ciel. Pour qui me prenait-il ? Je me doutais bien qu’il n’avait surement pas eu la chance d’avoir des parents comme les miens. Ils m’avaient appris le vrai sens du mot famille une famille qui est là comme tout va bien mais aussi quand tout va mal. Et avec tout ce qui m’était arrivée… Après cet épisode, s’ils n’avaient pas été constamment sur mon dos, j’aurais fait une connerie. J’avais été tellement paumée, tellement horrifiée, tellement… Coupable aussi. Même après toutes ses années, cela n’avait pas changé. J’avais simplement appris à faire avec grâce à eux. Plus tard, quand les choses avaient commencé à voler en éclat avec Angel ils avaient débarqué chez moi et n’étaient partis que plusieurs mois après, posant leur valise pour m’aider, me soutenir, être là pour prendre le relais quand cela était trop dur. Puis quand nous avions perdu Maman, j’avais imposé à mon Père de vivre avec nous. Nous étions une famille après tout. Et Torben en faisait désormais parti. Cependant si nous étions là les uns pour les autres, nous avions des responsabilités à assumer, des responsabilités qu’il avait oubliées ce soir et qui auraient pu avoir de graves conséquences pour Tanya. Quoi qu’il en dise. Quoi qu’il en pense.

Un flot de mots s’échappent de sa bouche sans que je puisse l’arrêter, confirmant ce que je pouvais penser de lui. Je soupirais en me pinçant l’arête du nez. J’allais le détromper mais déjà il reprenait la parole sans me laisser le temps de lui dire que si je n’avais pas intercepté ma fille et son amie, il serait tombé sur elle. Ce soir Tanya n’était pas la Tanya de ces derniers jours. Elle était celle qu’elle était avant la mort de son Père, une gosse rigolote, joyeuse, fofolle… Comme je l’étais moi-même. Elle tenait bien plus de moi que d’Angel, et je l’avouais, j’en étais très fière. On a tous le choix. Toujours. Même si le bon n’est pas toujours évident à voir et que la facilité semble si attrayante. Et j’en savais quelque chose. Angel avait baissé les bras, avait cessé de lutter contre ses démons, et avait choisi la facilité. Ce soir Torben avait fait la même chose même s’il ne le voyait pas comme ça. Il allait laisser ses démons s’exprimer. Témoin, Juge et bourreau… ajoutais-je pour qu’il s’en rende compte lui-même. Il ne pouvait pas être les trois. Encore moins sur le territoire de la Cala. Le Kahuna, Angel y amenait des fois Tanya. Torben venait de me conforter dans mon idée que cet endroit était l’un des repaires de son clan. Et aussi sympa que ça pouvait l’être, il n’était plus question que ma fille y remette le moindre pied.

Je le sais sincère, je sais qu’il pense sincèrement que personne ne pourrait remonter jusqu’à nous… Mais je ne suis pas aussi persuadée que lui. La Cala a le bras long. Angel en était membre. Torben a massacré des gars sur leur territoire. Nous n’avions pas le même nom de famille pour autant, on finirait par savoir que nous étions liés. Surtout que Tanya avait posté sur internet des photos d’elle et mon cousin. Ils feront le rapprochement un jour ou l’autre. Il prend mes mains et cela me fait sursauter. Jusque-là, il ne l’avait jamais fait et j’avais toujours évité les contacts physiques avec lui. Par habitude. Parce que je répugnais à ce qu’un homme me touche, ou m’effleure. Angel avait été l’exception et encore il lui avait fallu un temps fou avant que je l’y autorise. La première fois qu’il avait voulu m’embrasser j’avais hurlé, et m’étais réfugiée dans un coin, terrorisée, à me bercer toute seule jusqu’à ce que mon Père n’arrive et me fasse sortir de ma torpeur. Ca allait mieux maintenant, beaucoup mieux. Malgré tout je détestais ça. J’étais mal à l’aise. Et les paroles qu’il prononça ne m’aidèrent pas. Il ne pouvait pas savoir bien sûr. Mais ce fut trop, trop pour moi. Je m’écartais rapidement, fuyant jusqu’à la porte et lui soufflais Je vais chercher à boire. avant de sortir. Je me fis violence pour ne pas courir jusqu’à la cuisine, et mes mains tremblèrent alors que je me servais un verre de vin. J’allais ouvrir la fenêtre et le froid mordant me fit du bien mais pas autant que de lever le visage vers les rayons de lune. Je n’avais plus seize ans. J’étais forte, puissante. Je n’avais plus grand-chose à craindre maintenant. Désolée. C’était trop pour moi. dis-je à l’homme qui se trouvait dans la pièce, à qui je tournais le dos. Je bus une gorgée puis continuais. Je comprends. Je reste persuadée que tu aurais pu surement agir autrement mais je comprends… Mais crois-moi sur parole, on ne peut pas faire confiance à quelqu’un de la Cala… Ils détruisent tout ce qui passe entre leurs mains. Ne finit pas comme Angel… Je finis mon verre et me retournais vers lui Cela te répugne alors change tes habitudes. Rien n’est gravé dans le marbre. Ton destin n’est pas déjà tout tracé et le futur peut être réécrit. La fatalité ça n’existe pas. Ce sont les faibles qui pensent que c’est le cas. Tu n’es pas tout seul. Tu n’es plus tout seul. On t’aidera. Ne choisies pas d’embrasser tes démons parce que c’est plus simple. Je ne sais peut-être pas lire les âmes, mais... Tu es un guerrier pas vrai ? Tu n'es pas faible. Alors bats–toi. Ce n’est facile pour personne tu sais. Pour personne.


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There are things I have done - Dim 14 Oct - 18:07

Nailea ne veut pas se dévoiler. Je le vois bien. Je le sens bien. Tout en elle la porte à la discrétion. Sa nature. Sa fille et les dangers qui pèsent sur elle. Le fait d’avoir son père à demeure, ce père si vieux qu’il n’en était que plus puissant… Et le pouvoir avait toujours amené son lot de problèmes. Nailea n’avait pu compter que sur elle-même pendant longtemps. Trop longtemps. Maintenant, elle se défiait de tout le monde et en venait à considérer que le silence était un véritable bouclier, une protection qu’elle pouvait requérir envers et contre tout. Je respectais sa position. Ne pas faire de vagues aidait à élever sa fille et ça mettait tout le monde en sécurité. Il n’en restait pas moins que je sentais de la nostalgie chez elle. De vieilles blessures. Plus de vieux sentiments que de nouveaux. Des émotions qui la travaillaient et la façonnaient depuis tellement longtemps qu’on n’avait pas pu avancer sans elles.


Nailea était autant prisonnière que moi de ce qui faisait son histoire.


Un rien de méfiance, peut être. Par rapport à ce que je savais faire. Par rapport à ce que je pouvais faire. Elle lève les yeux au ciel quand je la remercie et je savais qu’elle était honnête. Elle n’avait pensé à me foutre dehors à aucun moment et si je ressentais bien de la colère chez elle, de l’agacement et une pointe de peur et d’appréhension, ce n’était absolument pas à relier avec le fait qu’elle en avait assez de ma présence chez elle. Je savais qu’elle y tenait, d’une manière ou d’une autre. Quelque chose de fort et de réel était en train de se construire. Je savais qu’elle était reconnaissante pour ce que je leur apportais, à elle et à sa fille. Je ne voulais pas pour autant sentir que ses émotions à mon endroit étaient trop guidées par la reconnaissance, et pas sur ce que nous vivions nous-mêmes directement.


Elle me parle de facilité. Elle sait, elle sent ce qui me travaille. Je ne sais pas pourquoi. J’aurais pu mal le prendre, j’aurais pu m’agacer. Mais je ne le fais pas. Elle conclue que je cumule tous les rôles du justicier, ce qui me rappelait maintenant une autre conversation, un mois auparavant, avec Gamze à l’hôpital.



| C’est ce que je suis, sans doute. Parce que je sens les choses. Parce que je sais ce qui habite le cœur des gens. Je sais s’ils sont un danger. Et jusqu’à quel point ils le sont. Je ne tranche dans le vif que lorsque je n’ai plus le choix. |


Essayais-je de la rassurer, ou étais-je honnête ? Je ne pouvais pas le nier ; j’avais fait le choix de tuer ces gens. Comme les précédents. Comme ceux d’encore avant. J’avais toujours eu le choix, comme elle le disait. Je l’avais toujours pris.



Je sentais que Nailea était dubitative. Qu’elle ne croyait pas tout à fait à mes arguments. Je sentais l’inquiétude de ma cousine grandir. Ca me fendait l’âme, parce que je savais bien que j’en étais le responsable. Parce que j’étais venu provoquer un bordel gratuit dans sa vie, qui n’avait décidément pas besoin de ça. Elle finit par se détourner et s’écarte rapidement alors que je la sens sur le point d’exploser. Je lui laisse un moment. Je reste dans le silence de sa chambre. Avant de la rejoindre. Mal à l’aise, contrit de la chambouler comme ça. Je me rapproche d’elle quand elle s’excuse, quand Nailea dit que c’était trop pour elle. Elle buvait du vin. Cela lui faisait-il encore quelque chose ? Moi, plus rien depuis ma blessure du manoir. J’hésite en tendant la main vers elle. Puis la pose sur son épaule. La caresse du pouce, dans un geste qui se voulait rassurant, mais timide.



| Je suis désolé. Vraiment. Je voulais pas provoquer ça. Je voulais pas que tout ça ne te touche. Que ce que je suis t’impacte. Je sais que t’en as déjà bien bavé. |


Je regarde mes mains une seconde. La gauche tremble encore. J’ai parfois envie de m’effondrer, de chialer comme le gosse que j’étais jadis, à cause de tout ce que ces pouvoirs et cette nature m’avaient fait faire.


| Je suis comme je suis. Et je fais ce pourquoi je suis fait. Tu sais… J’en ai déjà marre, de tout ça. De cette ville pourrie. De ces gens qui se sont laissés avilir par tous leurs travers. J’ai défendu une serveuse ce soir, qui allait se faire malmener et peut être violer par des salauds qui voulaient juste se prouver à eux-mêmes qu’ils existaient. Il y a deux mois, j’ai assisté au meurtre d’un mec qui avait voulu violer la mauvaise nana. Je l’ai aidée à se défendre. J’ai… J’ai tué un gosse qui portait un flingue, dans un entrepôt. Une flic qui se retrouve au mauvais endroit, au mauvais moment. J’ai tiré le premier, quand j’ai senti dans son cœur qu’il allait nous allumer. A peine étais-je arrivé que je tuais déjà. |


Mon regard se perd dans la rue, dehors. Dans le noir qui l’enserre dans son étreinte.


| Je sortais d’un bar. Une fille se faisait violer dans la ruelle de derrière. J’ai tout senti. Tout. De son point de vue à elle. De son point de vue à lui. Je… Ca m’a rendu fou. Comme si j’avais été violé moi-même. C’est horrible, comme sensation. Plus rien d’autre ne comptait que la justice sous sa forme la plus brutale et sans concession qui soit. C’est ce que je suis, Nail’. Je ressens ce besoin viscéral, irrépressible, de faire tout ce que je dois faire pour défendre les gens. Mon pouvoir… Je… J’ai lu une fois dans un livre que comprendre, c’était le premier acte de l’amour. Je comprends ces gens. Je les aime. Je les protège. Quoiqu’il en coûte. Je ne peux pas y échapper. Et quand j’arrive trop tard, comme avec cette fille, je peux -non, je dois- m’assurer qu’ils n’auront plus jamais à subir ce genre de choses. |


Ca ne s’arrête jamais. Ca ne s’arrêtera jamais.


Je finis par redresser la tête.


| Qu’est ce qu’il s’est passé, avec Angel ? |


Il y a de ces moments où on sent l’impulsion de la vérité, le désir de savoir. Le bon moment pour briser définitivement la glace. Je le faisais à ma manière, comme toujours, masse à la main, et sans prendre de gants.
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