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The Scandal of Altruism

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The Scandal of Altruism - Ven 27 Avr - 3:27


The Scandal of Altruism
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@Camille Archambault

Il est tôt.
Beaucoup trop tôt. Les travailleurs sont encore enlacés avec leur couette. Les insomniaques du dimanche viennent de fermer l'oeil. Aujourd'hui, les oiseaux ne chantent pas, ils n'ont aucune raison de le faire. Faut dire que la météo est grave, avare, semblable à un mauvais présage. De gros nuages peuplent le ciel, Eole ne daigne pas les déloger. Alors le soleil timide se laisse avaler par cette marée de béton cottonneux. Alcide est comme lui. Il s'est laissé engloutir par le sommeil et la rage aveugle qui ne mène nulle part.

Une fois l'adrénaline évanouie, il s'est retrouvé comme un con. Y a différents types de cons, sur Terre. Les cons qui ne s'en rendent pas compte et c'est tant mieux pour eux. Ils sont là, ils ne font pas de mal. Ceux-là, on les laisse tranquilles, ils sont bien gentils. Puis il y a aussi les cons orgueilleux. Forts de leur belle situation, ils se croient malins mais n'obéissent qu'à leur routine. Rois de l'ennui, pourvu qu'ils aient le câble et leur bière. C'est la grande différence qui élimine Alcide de leur secte. Jamais il ne s'abaissera à leur train-train quotidien. Comprenez-le, il préfère l'aventure qui lui racle les côtes et l'ego ! Quelle réalité minable. Les autres cons aussi sont médiocres. Et suffisants, à s'imaginer détenir le monde.

Alcide n'a pas l'impression de régner sur la planète entière. Dans ce quartier encombré, il se sent étourdi, un peu seul. Un peu vieux, un peu con. Y a des travaux à chaque coin de rue, c'est aussi désert que poussiéreux. Après réflexion, il aurait pu rentrer chez lui. Première étape : regagner sa bagnole garée dans le pâté de maisons voisin. Ensuite, s'assurer de ne pas salir les nouveaux sièges qui lui ont coûté un bras. C'est qu'il a du sang sur les mains. Mais vous savez quoi ? Ce n'est pas le sien. Après, il lui aurait suffit de rouler jusqu'à son domicile. Trajet automatique, même pas besoin de réfléchir. Il aurait ouvert la porte, aurait rejoint sa femme assoupie, ne lui aurait rien dit. Le lendemain, elle aurait pansé ses plaies. Mais vous savez quoi ? Il n'a plus de femme.

Le second scénario, tout aussi commode, aurait été de passer la nuit au Thunder Fist. Au lieu de cela, la fatigue l'a happé par derrière. Traîtresse à laquelle il n'a pas su résister. Il a tout juste eu la conscience de se foutre à l'entrée d'un garage à la porte éventrée. Son refuge de fortune donne sur la rue. Adossé contre le mur rugueux, entouré de pneus crevés, il s'est endormi.

Au réveil, il a l'impression d'être un vieux con, de l'espèce J'ai pas besoin de ton aide laisse-moi crever en paix. Au moindre mouvement, sa côte le cisaille. L'avoir laissée à la merci de la nuit, c'était probablement la pire décision à adopter. Alcide a sous estimé le coup de poignet de la blonde imprévisible. Définitivement trop informée... Comment a-t-elle mis le grappin sur tous ces renseignements ? La prochaine fois qu'il la coincera, pour sûr qu'il lui demandera ! Il cesse ses spéculations lorsque la douleur lui arrache une grimace sans nom. Je dois me tirer de là.

Alcide connaît Little Italy mieux que les lignes de sa main. Il sait exactement quel itinéraire emprunter pour s'économiser souffle et sueur. Le souci, c'est que sa tête est lourde. Il a beau réfléchir à son rythme, son dos demeure scotché à la paroi de ce garage défoncé. Bouge-toi, Bellandi. Tu vas finir par moisir. Il obéit à l'injonction, se relève tant bien que mal, le visage crispé. Une décharge s'étend alors de sa nuque à ses omoplates. Une fois debout, il comprend. Il a dormi tordu et son corps en subit les conséquences. Manquait plus que ça. Tandis qu'il s'extirpe du garage, il observe ses habits.

Chemise blanche bonne à brûler. Pantalon poussiéreux. Son flingue est porté disparu, à moins qu'il l'ait simplement oublié. Il observe son côté gauche. Criblée dans sa chair barbouillée, une vilaine entaille se distingue. Elle a l'air durcie et à vif, prête à se déchirer. Le tissu a cédé, s'est coloré. Poisseux, il fusionne avec sa peau blême. Christ de pacotille.

Alcide s'éloigne enfin du garage, titube dans la rue. Il regarde à droite puis à gauche et encore à droite. Geste prudent qui ne vaut pas que pour les voitures, il le réitère tous les deux mètres. C'est alors qu'il croit apercevoir une silhouette. A sa gauche, fine, en un éclair. Elle semble rudement féminine. La furie d'hier ? Pire, une flic ? Il décide de lui tourner le dos, d'avancer sur sa droite. Son pas n'est pas stable et sa voiture est garée à l'opposé... Il s'entend crier ; « R.A.S. beauté ! Circulez ! » A moins que vous ne sachiez me réparer. Dans ce cas, vous seriez folle de m'aider. Il faut être fou pour réparer les gens comme moi.

Bellandi ne tient pas croiser l'inconnue. Elle gagne du terrain, il l'entend dans son dos. Résigné, sa main en guise de garrot, il continue d'avancer, regrette la barre métallique, sa compagne d'hier. C'était une canne et une matraque d'enfer.



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The Scandal of Altruism - Jeu 10 Mai - 0:03

The Scandal of Altruism

alcide bellandi & camille archambault.


Rue déserte. Premier métro. Dernier rond de fumée franchit ses lippes tremblantes. Elle écrase le mégot sous le talon de sa bottine.
Sale habitude qui revient au galop, qui s’étale, prend ses aises, depuis que l’infirmière est un un peu plus nerveuse que d’ordinaire. Elle resserre son manteau, le fraîcheur du matin mordant sa peau fragile ; et s’enfonce dans le quartier ensommeillé, le silence pour unique compagnie.

Sa garde est terminée depuis bientôt une heure. Les patients laissés aux mains expertes des collègues, ces derniers quittés au terme d’un sourire forcé. Si elle sait faire semblant, il n’y a plus de raison de feindre la paix en privé. Par ailleurs, certains signes ne trompent guère. Camille est fatiguée, et ça se lit sur son visage aux traits tirés. Saillants, renforçant la maigreur de son minois laiteux. De son corps tout entier, car, quand le moral ne suit pas, Camille oublie beaucoup de choses, notamment de manger. Ses jambes la portent machinalement jusqu’au petit appartement qui ne sera bientôt plus le sien. Salaire en berne, loyer trop onéreux, la nouvelle est tombée la semaine écoulée. Tracas supplémentaire dans l’existence qui ne désemplit pas d’agitation. Ni non plus de tourments.

Les yeux vairons balaient lentement l’avenue. Elle ne la connaît pas vraiment, et il y a bien longtemps que la divine n’est pas passée par là. Ce dont elle est certaine, c’est qu’elle s’avance sur le territoire italien à chaque nouveau pas. Elle se souvient néanmoins du restant de chemin à parcourir pour gagner le quartier voisin ; sa demeure n’est plus loin, quelques pâtés de maisons en coupant par les ruelles. Des enjambées additionnelles à fournir, pénibles pour ses membres endoloris, pour ses paupières qui se ferment. Son lit, elle en rêve. De la caresse des draps frais et parfumés sur l’épiderme, et surtout du sommeil qui la prend toute entière, comme il a cessé de le faire depuis bien des semaines. Peut-être des mois, même.

Elle n’est plus vraiment elle depuis que les angoisses et mauvais rêves ont remplacé les baisers et la fièvre. Elle n’est plus vraiment elle parce que la vie l’a malmenée, et qu’elle découvre peu à peu sa véritable identité. Elle n’est plus vraiment elle parce que celui qu’elle fuit ne cesse pourtant de l’attirer. Parce qu’Il est la moitié que la nymphe endormie recherche depuis des centaines d’années. Et que le choc des retrouvailles a amorcé le plus lent et violent des progrès pour la poupée fragile qu’elle est. Tout son être appelle la vigilance ; l’accouchement de conscience est prévu pour bientôt.


Et c’est d’ailleurs encore ce qui la fait stopper. Le halo lumineux qui fend la rue sur sa droite, la carcasse imposante en dessous. Celle d’un homme inconnu, jamais vu auparavant, pas même durant sa dernière progression. Sans doute était-elle trop perdue dans ses pensées, esclave de l’épuisement justement ressenti après une session de travail interminable.

Elle se dit qu’elle est folle, à moitié endormie, mais les reproches ne durent que le temps de le voir repartir. Elle reprend ses esprits, et redevient alerte à l’instant où l’Étranger lui tourne les épaules. Il est de ceux qui étincellent, comme quelques autres avant lui. Elle n’a encore aucune idée de ce que ça signifie ; elle pense au traumatisme cérébral, séquelle de l’accident qui a bien failli ravir sa vie. Car toujours la raison vient l’empêcher de laisser libre cours aux théories plus délirantes.

« R.A.S. beauté ! Circulez ! » Alors, elle l’entend s’écrier. Elle l’entend mais c’est comme si le cerveau refusait d’interpréter les mots. Elle n’est pas terrifiée, elle n’est pas affolée, pourtant le devrait-elle sûrement. Elle se retrouve seulement un peu surprise, car les individus troués, elle les croise d’ordinaire aux urgences. Pas tellement dans la rue.

« Attendez ! » Il n’y a plus que l’instinct, celui de la sauveuse, la fatigue envolée. Et la voilà qui accourt au devant du personnage, les yeux rivés sur le flanc entamé. Sur l’habit tout aussi déchiré, rougi par l’ichor échappé de l’entaille, qui s’offre béante à la vue. « Monsieur ». Elle trouve que ça sonne un peu gauche quand enfin elle peut détailler son visage. Un blond bien bâti et la mâchoire carrée, le regard océan, portrait troublant de celui qui l’a précipitée dans le fleuve de la ville, à quelques détails près. Peut-être dix ou quinze années de plus, étalées sur son front. « Qu’est-ce que vous faites ? ». Elle est plantée face à lui, brindille toute sèche devant le colosse olympien, qui la toise d’au moins deux têtes supplémentaires. « Vous êtes blessé. Ca a l’air sérieux ». La mécanique s’emballe, elle ne réfléchit pas. Dans la rue, sur la plage, à l’hôpital, elle est conditionnée à réagir comme le veut son métier. C’est sa raison de vivre. « Je suis infirmière », croit-elle bon de préciser. Ça peut peut-être changer quelque chose. Adoucir l'attitude. Elle a bien l'habitude des patients revêches et de ceux réticents. « Laissez-moi regarder ».

Et c’est alors qu’à l’image du bonhomme écorché, son aura somnolente se met elle aussi à briller. Elle est trop concentrée pour se voir rayonner elle-même, et sur sa propre personne l’effet est d’ailleurs presque imperceptible. Mais lui n’a-t-il sans nul doute rien loupé du changement brutal qui vient de s’opérer, dévoilant soudain la semblable à sa propre interprétation...

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The Scandal of Altruism - Sam 12 Mai - 20:14


the scandal of altruism
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@Camille Archambault


« Attendez ! » Cours toujours. Il avance, tente d'accélérer la cadence. Souffle court et action vaine. Monsieur s'entête à lui tourner le dos mais elle le contourne sans problème. Campée face à lui comme si elle avait la force de l'arrêter. S'il pouvait, il l'enverrait valser.

« Qu’est-ce que vous faites ? » Je rentre chez moi, ça ne se voit pas ? J'ai eu une soirée difficile mais j'ai l'habitude, vous savez. Je m'en remettrai. C'est vrai qu'il a toujours bien récupéré de ses blessures. Plus les années passent et mieux il encaisse. C'est compris dans le package de tout réincarné. Les plaies se referment sans broncher, ne laissent en souvenir qu'une signature blanchâtre. Les bleus disparaissent plus rapidement que la moyenne, ce qui est bénin après une sale après-midi pasée sur le ring. Deux jours plus tard, la douleur est réduite à une idée abstraite. Une bagatelle.

Mais le coup d'hier soir n'a rien d'imaginaire. Alcide sent la blessure ; au creux de sa paume, elle est réelle et poisseuse. Honteuse. « Vous êtes blessé. Ca a l’air sérieux. Oui, la blessure ne plaisante pas, croyez-moi. Il ne répond que par une moue mécontente et peu convaincue. A traduire par Vous empiétez sur mon chemin. Pour qui vous prenez-vous ? – Je suis infirmière. »

Il aurait pu s'en douter. Les infirmiers sont comme les policiers. Ils ont chacun leur méthode ; les flics paradent avec leur plaque et les médecins étalent leur science, crient leur profession comme on invoque un argument d'autorité. Et ça fonctionne, la plèbe se retourne, les laisse passer, les observe exercer.

Les disciples d'Hippocrate, le don les catalogue comme des techniciens du corps humain. Plombiers, horlogers, bouchers pour certains. Il ne les aime pas. Et puis, les consulter revient généralement à faire remonter l'information aux autorités. Comme quoi tout est lié. Il n'a pas besoin de s'embarquer là-dedans. Il n'a pas besoin d'elle.

« Mêlez-vous de vos affaires, jette-t-il, agacé. » S'exposer à une nouvelle inconnue ? Très peu pour lui. La rencontre de la veille l'a rassasié pour la semaine entière. Pourtant, la jeune femme étincelle. Malgré cette mine fatiguée et son ton altruiste qui le fait grincer, Alcide perçoit cela. A sa manière, elle projette une aura singulière. Hypothèse : la belle n'est pas mortelle. Elle est plus que ça, c'est palpable. Enveloppé de ce sentiment de déjà vu, Alcide cesse de bougonner. « Bon, d'accord. Restez-là. Vous pouvez jeter un coup d'oeil. Mais rapide, qu'il concède en se rangeant sur le côté. » Sa curiosité est attisée.

Alcide arrache sa main de sa plaie et vient s'adosser contre le mur le plus proche. Il inspecte la femme aux traits fatigués s'approcher. « Alcide Bellandi, qu'il se contente de déclarer. » Il veut la saisir et pour cela, il doit se détendre, faire le vide. Etre prêt à réceptionner et à interpréter chaque signal, le moindre indice fugace. L'émotion méfiance brouille toutes les pistes, elle exacerbe la paranoïa et pompe une énergie monstre. Pour la chasser, le don expire un bon coup. Et le voilà qui se laisse examiner comme un gamin qui passe sa première visite médicale. Le contact charnel l'électrise doucement, il la laisse en charge des opérations, se contente d'observer. Il veut une confirmation. En attendant, il lance, avec une pointe d'humour. « Alors, c'est quoi le programme ? Trop proche du coeur ? Je vais mourir ? Vous pouvez me sauver ? »

Faut bien avouer que la plaie n'a pas très bien survécu à la nuit. C'est bête, au Thunder Fist, on a de quoi soigner les coups. Pas de cet acabit, certes, mais on a du désinfectant, des compresses. Sans doute qu'il pourrait l'y mener, mais il ne s'en sent actuellement pas la force. Alors, sur le ton de l'anecdote, il précise. « Tout ce que je sais, c'est que la lame n'était pas empoisonnée. » Logique puisque la demoiselle d'hier s'était joyeusement fendue la chair avec.





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The Scandal of Altruism - Sam 19 Mai - 21:02

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alcide bellandi & camille archambault.


« Mêlez-vous de vos affaires ». L’injonction cinglante la fait hésiter quelques secondes. Elle n’est pas à l’hôpital. Sa garde est terminée. Elle n’est pas dans l’obligation de l’aider, et pourtant détourner le regard ne serait rien de moins que de la non-assistance à personne en danger. Tant pis. Il a réveillé l’instinct. Elle se ferme aux rejets potentiels et c’est comme si elle n’entendait plus rien. Concentrée sur la tâche qui lui revient d’effectuer, elle se borne à insister. Et crédule, elle se dit qu’au moins, ça finit par payer. « Bon, d'accord. Restez-là. Vous pouvez jeter un coup d'oeil. Mais rapide ». Voilà qui est raisonnable, ne peut-elle s’empêcher de penser.

Ils sont seuls sur l’avenue, et la nymphe entraîne son patient résigné vers le trottoir le plus proche. Elle l’enjoint à se détendre, à libérer ses mains pour exposer la béance à sa vue, et à tenir la chemise relevée. Elle la saisit la première, glissant le pan souillé entre les doigts noircis d’hémoglobine coagulée. Pas un instant, il ne lui vient l’idée que ce sang n’appartient pas à celui qu’elle s’efforce de soigner.

« Alcide Bellandi ». Tandis qu’elle se penche pour mieux inspecter la blessure, elle s’étonne finalement de l’entendre lui donner son nom. Les iris bicolores s’élèvent en direction de l’homme, qu’elle fixe un instant. Bellandi, cela ne lui dit rien évidemment. Elle ne cherche même pas à retrouver le patronyme dans sa mémoire épuisée. Qu’importe. Quant à elle, elle rechigne un moment à lui révéler son prénom. « Camille », souffle-t-elle au terme de l’hésitation. C’est idiot ou prudent, elle n’en sait vraiment rien, mais elle trouve ça amplement suffisamment.

Le regard se concentre à nouveau. Elle examine premièrement, le visage déformé par un rictus grimaçant. Le flanc est en bien plus mauvais état qu’elle se l’était imaginé. Aussi laisse-t-elle échapper le son de sa contrariété ; « Oh ». La plaie sanguinolente lui paraît profonde, à vrai dire beaucoup trop pour espérer la voir guérir seule à l’air libre. Le minois fatigué trahit son inquiétude. Lui, ça a l’air de l’amuser. « Alors, c'est quoi le programme ? Trop proche du coeur ? Je vais mourir ? Vous pouvez me sauver ? »

L’océanide se redresse, le front plissé et les lèvres pincées. « J’en ai vu d’autres ». Et c’est bien vrai. Cependant quelques fois, même l’entaille la plus bénigne peut conduire à la mort. Tout dépend comment elle est traitée. « C’est vraiment pas joli. Comment vous avez fait ça ? ». L’air de rien, elle demande. S’attendant à l’air sévère qu’ils affichent quelques fois, à la réponse typique et familière qu’on lui sert trop souvent ; c’est pas tes oignons, Blondie. Et pourtant, c’est la première chose à savoir pour espérer solutionner un cas avec succès. « Tout ce que je sais, c'est que la lame n'était pas empoisonnée ». La sylphide arque un sourcil dubitatif. Celui-là ne l’a pas rembarrée. Pas cette fois. Malgré tout, elle ne le sent pas vraiment prompt à s’étaler sur les détails. La lame, c’est déjà un élément crucial qu’elle vient noter sur son dossier imaginaire. « Eh bien… je suppose que vous avez de la chance. Ca vous arrive souvent d’être empoisonné ? ». Elle oscille entre l’humour et la perplexité, car ce n’est décidément pas le genre de révélation qu’on a l’habitude de lui fournir de but en blanc.

« Il faut nettoyer la plaie et la désinfecter. Puis la recoudre. C’est trop sérieux et mal placé pour attendre sagement qu’elle se referme ». D’un geste on ne peut plus féminin, la voilà qui replace son sac à main sur son épaule. La voix est toujours douce et les mouvements gracieux. L’aura scintille encore mais faiblit par moment, le pouvoir qui l’habite demeure toujours incontrôlé. « A vue d’oeil je dirais… une dizaine de points. Ca fait longtemps ? ». Elle fixe l’inconnu puis désigne la balafre du menton. Elle est presque certaine que ce n’est pas récent, daté de quelques heures peut-être… ou bien d’un jour entier ? « Vous seriez déjà mort si ça avait touché quoi que ce soit de vital ». Cela, nul besoin d’être infirmier pour l’affirmer. Mais sorti de sa bouche, cela veut dire aussi qu’a priori, sa vie n’est pas en danger. A condition qu’il accepte de subir les soins appropriés.

« Vous devez voir un médecin. Je préviens l’hôpital, ils enverront une ambulance ». Alors, elle commence à fouiller son bagage pour en extirper son portable. Et, bien surprise du sort qu'on réserve à sa charité légendaire, elle a juste le temps de déverrouiller le cadran avant d’être freinée dans cette iniative.

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The Scandal of Altruism - Lun 21 Mai - 22:12


the scandal of altruism
@Camille Archambault


Il était peut-être imprudent de lui balancer son patronyme comme une carte de visite. Trop tard, l'habitude engendre la négligence, sans doute qu'elle le perdra. Parce qu'il se présente ainsi dans Little Italy. Machinalement, d'un regard ou d'un lever de main, on le reconnaît. En général, on s'empresse de lui demander ce qui lui plairait et parfois, son arrivée fait mourir toutes les discussions alentours. Là, ce n'est pas le cas. Il n'est qu'un patient lambda, avec en supplément la mine du mec qui a dormi tout habillé.

Ce n'est pas le spectacle de l'année. Pourtant, la blonde ne semble pas se démonter. Ça a plutôt l'air de l'accaparer, de creuser ses traits et de froncer ses sourcils. Et ça la fait drôlement scintiller. Impossible de se détacher de cette impression, elle émane de son être comme un parfum. Quant au constat de l'infirmière, Alcide ne s'en formalise pas. Orgueilleux, il reste fidèle à l'idée de posséder un organisme supérieur, auto-guérisseur. Trop proche du coeur ? était son interrogation majeure. C'est qu'il n'a pas vraiment foi en cet organe-là, on le métaphorise trop. Si la vie s'accordait au sens figuré, cela ferait perpète qu'il aurait clamsé.

« Comment vous avez fait ça ? Le don préfère invoquer son droit de garder le silence. L'indice de la lame lui apparaît suffisant ; cela dit, il ne se souvient pas si elle était ou non pourvue de dents. Il ne se rappelle que de sa taille, du genre à pouvoir se loger dans une poche de femme. Il mime la taille de l'objet en écartant le pouce et l'index, ça avoisine les 5 centimètres. – Approximativement. »

Pour être franc, Alcide n'a pas l'intention de s'étaler sur l'accident. Ça le forcerait à admettre qu'il a cherché des noises à une cliente. Qu'elle a su répliquer, lui foutre une belle rouste argentée. Non, c'est son ego qui le guide et qui se tait pour lui : jamais il n'admettra une pareille défaite. Et encore moins à une femme – une complice.

A l'évocation d'un potentiel poison, Alcide choisit de sélectionner ses mots. De construire une réponse qui n'en dira pas trop. La légèreté de la jeune femme le fait douter. Question dans le vent ou véritable interrogatoire... Non, décide-t-il. Si elle savait à qui appartenait ces côtés rougies, elle n'en demanderait pas tant. Elle s'affairerait en silence. « Ce sont les risques du métier, Camille. Ton neutre, comme s'il lui exposait que 2 et 2 font 4 et 6 fois 6 36. – Les meilleurs empoisonneurs déguisent leur travail par une mort naturelle. Je vous laisse imaginer leurs honoraires. » Et pour moi, je parie qu'un type serait prêt à y mettre le prix.

Alcide observe la silhouette altruiste, qui récite la procédure et contrarie son programme. Il comptait rentrer et laver la plaie à coup de petites gorgées alcoolisées. « Hier. Entre 20 et 23 heures je dirais, qu'il répond sans conviction. » Il n'est pas sûr de ses données. Faudrait checker les caméras de surveillance. En apprenant que ses fonctions vitales sont stables, il se rengorge. Quand elle tapote son téléphone, il se renfrogne.

Alcide se saisit de son poignet. Sa prise est ferme ; il ne la laissera pas composer ce numéro à trois chiffres, le faire embarquer par une blouse blanche et la laisser scintiller sur place. « Pas question ! Pas de ça ! Pas l'hôpital ! L'urgence pulse dans sa voix. On dirait un chat qu'on s'apprête à jeter à la mer. Il abandonne son emprise et recule. S'il n'était pas dans cet état, il croiserait les bras. Faute de mieux, il ne la quitte pas des yeux. – Vous avez dit que vous êtes infirmière. Hésitation éclair. Finalement, il s'octroie le droit de décréter pour deux ; – Dix points, même fatiguée et pâle comme la mort, c'est dans vos cordes. Nous pouvons nous passer d'un médecin. ».

Nous, comme s'ils faisaient équipe, comme s'ils filaient sur la même longueur d'onde. Comme s'ils étaient liés. Il demande à en voir plus, parce que son halo se fait capricieux, lui échappe parfois. Comme s'il jouait à cache-cache. Ce n'est pas normal. Lui ne fait pas gaffe à ce qu'il projette. « Vous êtes pressée ? Ou bien je suis votre seule urgence ? Il ne sait pas quelle heure il peut bien être. Peut-être quatre heures, peut-être cinq et demi. Qu'importe. Il esquisse un sourire ; ça ne fait de mal à personne. C'est une des choses qu'il sait le mieux faire, surtout le torse à l'air. – Si vous faites du bon boulot, je pourrai vous raccompagner. Ma voiture n'est pas si loin. Avec moi, vous ne risquez rien. »

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The Scandal of Altruism - Dim 3 Juin - 11:19

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alcide bellandi & camille archambault.

« Pas question ! Pas de ça ! Pas l'hôpital ! ». Le geste accompagnant les mots est brutal, le ton sans appel. L’effet produit par la protestation est terrible.

En ce moment, il lui en faut peu, à Camille, pour sursauter et commencer à paniquer au moindre bruit, au moindre comportement jugé inhabituel. Alors, comme la main puissante saisit son poignet, ses doigts fébriles relâchent la pression autour de l’appareil, qui choit avec violence sur l’asphalte encore froid. Tous ses membres menacent de trembler, et tandis qu’elle soutient le regard de celui qui vient de provoquer son trouble, elle tressaille à nouveau au vacarme du choc. Elle se demande un instant dans quel bourbier elle vient encore de se fourrer. La véhémence de son refus l’amène à penser qu’elle n’aurait pas dû aborder cet animal blessé en pleine rue déserte. Que peut-être, à la mention de la lame et du poison, les méninges auraient dû s’éclairer, et les jambes fatiguées contourner l’inconnu, poursuivre sa route, ou rebrousser chemin.

Pas d’hôpital. Le discours opposé lui a déjà été servi maintes fois. Et, si elle sait bien que la plupart des patients détestent l’endroit, elle n’ignore pas non plus que c’est monnaie courante de voir des éclopés bouder les soins et les médecins parce qu’ils ont quelque chose à se reprocher. L’idée serpente lentement dans son crâne éreinté, et la sylphide voudrait déjà être chez elle.

La mâchoire contractée, elle l’observe toujours quand il prend ses distances, sa force envolée de son bras, qu’il lui plaît d’avoir enfin récupéré. Machinalement, elle vient masser l’épiderme endolori par la pression, puis  se penche lentement pour ramasser le téléphone échoué sur le trottoir, sans jamais quitter des yeux son interlocuteur. Il n’a qu’à la saisir pour la briser s’il le souhaite, et elle le sait parfaitement ; c’est le cas pour tous les hommes. Et la plupart des femmes, tant elle s’avère fragile et faible.

Dans la brillance du regard azuré, elle croit finalement discerner les regrets. Son mouvement de recul et les phrases qu’il débite lui confèrent l’attitude d’une personne voulant se rattraper. Elle sent la volonté de la mettre en confiance, mais le geste - ancré dans sa mémoire et maintenu au premier plan par l’écran fracturé du cellulaire, est difficile à oublier.  

Comme il s’adoucit, elle se détend elle aussi, cherche à paraître moins nerveuse. Car elle se sent tout à coup ridicule, même si l’instinct lui souffle de garder sa vigilance. « Vous me devez un téléphone ». Et c’est à peine une plaisanterie. Une façon comme une autre d’apaiser son angoisse et d’alléger la conversation, qu’il se borne du reste à faire seul. Attentive, elle semble réfléchir à la proposition, qui lui déplaît d’abord fortement. Je ne suis pas à votre disposition, a-t-elle envie de rétorquer, mais ses lèvres demeurent closes. Elle se dit qu’après tout, elle l’a bien cherché, et que la prochaine fois, elle y réfléchira avant d’insister auprès d’un passant tout troué.

Dix points, même après ses heures de garde, et la fatigue éternelle, elle sait qu’elle en est capable. Même si sa fonction actuelle lui refuse habituellement ce privilège, elle a réalisé suffisamment de sutures au bloc opératoire - supervisée par le meilleur des professeurs, pour qu’on compare ces dernières à de véritables oeuvres d’art. En toute modestie.

« Vous vous trouvez peut-être de première fraîcheur ? » Comme il fait allusion à son minois creusé ainsi qu’à sa pâleur, elle se permet de répliquer. Le ton est des plus neutres, ni agressif, ni amusé, et la Nymphe se surprend elle-même de cette répartie qui caractérise le petit bout de femme qu’elle est, mais qu’elle croyait perdue depuis son accident. Il se passe quelque chose avec cet Alcide Bellandi - elle n’oublierait pas son nom - comme s’ils n’étaient pas si inconnus que ça. Et c’est vrai aussi qu’à tous les deux, ils dépeignent un tableau des plus négligés, pas vraiment beau à voir et encore moins à observer. Le genre à faire fuir les passants si ces derniers daignaient se présenter.

« Avec moi, vous ne risquez rien ». Mais si ses mots laissent à croire le contraire, l’océanide n’est pourtant pas rassurée. Elle se fend d’un énième commentaire, le regard fuyant à la recherche d’une issue, la bandoulière du sac à main comprimée sous ses doigts ; « A mon avis c’est ce que disent tous les tueurs ». Et elle n’a pas idée de la portée de ces mots là, bien qu’ils lui semblent de fort mauvais goût sur l’instant. Mais elle ne veut pas croire au pire, et finit par se résigner : « Vous n’avez pas le matériel dont j’ai besoin », lui dit-elle dans l’espoir de dévier la suggestion du mâle. C’est qu’elle n’a pas très envie de grimper à bord d’un véhicule aux côtés d’un parfait inconnu, et si la solution de secours ne paraît pas plus prudente, elle préfère encore que les choses se déroulent à sa façon. « C’est d’accord pour vous recoudre mais vous allez devoir me suivre ».

Les yeux vairons viennent à nouveau le confronter, tandis que l’infirmière commence à s’éloigner. « Vous pouvez marcher encore un peu ? » Au pire, c’était à son propre bénéfice si le trajet le fatiguait davantage. « Mon appartement n’est plus qu’à quelques mètres ».
Alors elle se souvient qu’elle doit bientôt déménager - ou plutôt, débarrasser le plancher, et que le risque pris est moindre. Autour d’eux, les ombres dansent encore mais d’ici peu, le jour viendrait balayer la pénombre et gonfler le quartier de sa population bruyante. Aussi, elle serait vue en compagnie avant qu’ils n’arrivent à destination.

En marche mais tournée de côté pour observer son drôle de compagnon, elle relève le menton pour mieux lui couler une œillade inquiète ; « Vous plaisantiez pour le poison, pas vrai ? ».


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The Scandal of Altruism - Sam 16 Juin - 23:50


the scandal of altruism
@Camille Archambault


Après réflexion, c'était une réaction irréfléchie. Camille risque de le croire atteint du syndrome j'ai-peur-des-blouses-blanches ou pire, allergique au mot hôpital, ce qui relèverait sans doute de la psychiatrie. Alcide n'est pas terrifié par les mécaniciens aux mains rouges. En fait, il rit en se disant qu'il gagne mieux sa vie que la plupart d'entre eux. L'argent, c'est un sacré paradoxe. C'est à la fois important et insignifiant. Plus t'en as, plus t'en veux et plus t'en jettes par la fenêtre. « Vous me devez un téléphone, observe-t-elle simplement. C'est ça, son urgence ? Il porte son regard sur l'appareil. Qu'est-ce qu'il pouvait bien contenir de si important ? Une photo de son dernier chat mort ? Le numéro de son ex ? Tout ce qui compte, c'est que le téléphone n'est pas réduit en miettes, simplement hors d'usage. Dommage. Si c'était la batterie qui avait rendue l'âme, il aurait pu la ressuciter en un éclair. Il se garde bien de lui confier, car si l'aura qu'elle dégage attise toute sa curiosité, la méfiance la talonne de près. Paranoïaque ou précautionneux ? Après tout, mieux vaut prévenir que guérir. Alors il lève doucement la main, paume droit vers elle. Le geste s'apparente à une légère reddition et ça l'embête. – Pas de problème, c'est ma faute. Enfin, regardez, même avant ça. Plus très neuf, ça se voyait qu'il était temps de le… Vous savez quoi, c'est l'occasion de choisir un modèle plus solide et une bonne assurance. Vous m'enverrez la facture. »

« Vous vous trouvez peut-être de première fraîcheur ? Il n'ose pas s'examiner une nouvelle fois… Une dégaine d'épouvantail malmené par les corbeaux si on est clément. Il marmonne dans sa barbe, tout de même gêné d'apparaître si négligé. – J'ai connu pire. La phrase de film ! Et la voilà qui le traite de tueur. Là, ça ne va pas, ça ne va plus. Voyons. Il a envie de répondre, de crier le fond de sa pensée ; Je ne suis pas un tueur, moi, madame ! Oui, il m'arrive de donner des ordres mais ce n'est pas moi ! Et puis, les personnes que j'ai tuées, elles remontent à longtemps, ça ne compte plus vraiment. Je suis un homme respectable. Au lieu de ça, il ajoute, un peu moqueur mais pas méchant ; – Dans deux jours on n'y verra que du feu. Pas sûr que ce soit votre cas. ». C'est un peu injuste. On entend souvent parler des conditions de travail des infirmières, entre les trous dans les effectifs et les patients qui débarquent en tsunami. Les cernes et l'air palaud de Camille sont sûrement justifiés. Et puis, si Alcide n'était pas aussi self-centered, il reconnaîtrait que venir en aide à un estropié éphémère est une belle preuve d'altruisme.

Puisque ni elle ni lui n'a le matos nécessaire, Alcide se laisse faire. Il ne bronche pas à l'idée d'atterrir chez elle. Au contraire, il est intéressé : les piaules des gens racontent souvent long sur leurs occupants. Quel genre de personne es-tu, Camille ? Ordonnée ou bordélique ? As-tu le sens de la déco ? Dis moi, est-ce que quelqu'un t'attend, le soir quand tu rentres ? A moins que tu ne t'y réfugies que pour dormir ?

Alcide se redresse, droit comme un zig-zag et la suit tant bien que mal. Sacrée Echo. Où qu'elle se trouve actuellement, qu'elle se prépare. Dès qu'il sera sorti de cette galère passagère, pour sûr qu'il viendra la… Oeillade latérale. Camille s'inquiète de son état : peut-il marcher encore un peu ? « Pour vous j'irai au bout du monde et je ferai l'aller-retour, lâche-t-il en un souffle. A cela s'accompagne un sourire léger mais tendu. Il veut la jouer bellâtre mais parler et avancer ne font pas bon ménage. – Vous plaisantiez pour le poison, pas vrai ? Nouveau sourire du réincarné. Oh Camille, si tu savais... Il retrouve un peu d'aplomb. – Bien sûr, c'était pour vous rassurer. Et puis, vous l'avez dit… Si c'était très grave, je serais déjà au paradis. » Il lève un index au ciel qui se réveille.

Le drôle de couple progresse à une allure respectable. L'appartement de Camille n'était pas si loin, finalement. Il soupire de contentement et décide de lui faire la conversation. Une discussion normale, qui n'implique ni poison ni téléphone portable. « Vous êtes installée ici depuis longtemps ? Les Camille, c'est plutôt rare dans Little Italy. En tout cas, vous avez choisi le bon quartier. Les voilà parvenus devant la porte close, le bâtiment n'a rien d'incroyable. Un refuge de fortune. Il pianote sur la poignée tandis qu'elle cherche ses clefs. – C'est fou ce qu'il faut faire pour rencontrer ses voisins, pas vrai ? ».





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The Scandal of Altruism - Sam 30 Juin - 15:24

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Aux réponses du mafieux - dont elle ignore encore cette qualité, l’Océanide affiche une moue sceptique. Elle préfère se passer de nouveaux commentaires, et se concentrer sur le chemin de cet appartement qui ne sera bientôt plus le sien.
Les enjambées graciles et courtes permettent au blessé de suivre le rythme sans trop forcer. Souvent, bien qu’ayant pris les devants, elle se retourne pour s’assurer qu’il soit toujours , et surtout en état de poursuivre. Malgré la fatigue, son regard singulier trahit la préoccupation de l’infirmière et les élans maternels de la déesse dissimulée en son sein. Irrésistiblement attirée par son allié des temps anciens, qu’elle semble reconnaître. La lutte est féroce au fond d’elle et l’humaine, bien plus solide qu’il n’y paraît. Styx en alerte est comme paralysée dans ce corps frêle et prisonnière d’un esprit qu’elle ne peut posséder. Pas encore. Mais cette rencontre inopinée, fait ou non du Destin, vient de sceller le contrat de son éveil prochain.

« Vous êtes installée ici depuis longtemps ? Les Camille, c'est plutôt rare dans Little Italy. En tout cas, vous avez choisi le bon quartier ». On y est, se plaît à penser la sylphide épuisée. Les jambes sciées, elle demeure immobile un instant devant la porte blindée. Ses paupières alourdies se ferment comme si enfin, elle avait retrouvé son lit. Mais ce n’est pas le moment de dormir, et ce même si le corps entier se sent apaisé d’être arrivé chez lui. Un soubresaut la tire de son apathie. « Quelques temps. Pour moi, c’est français ». Elle veut parler de son prénom. Et comme il ne semble pas saisir le sens de ses propos, elle se révèle encore, sans trop savoir pourquoi ; « Je viens de La-Nouvelle-Orléans ». Et c’est souvent, quand elle dit ça, qu’on lui répond : ah mais bien sûr. Je savais bien que vous aviez un accent du Sud.

« On est pas loin du quartier historique » ; tout en cherchant les clefs du bâtiment dans le puits sans fond du sac à main, elle se défendrait presque d’habiter à cet endroit. C’est vrai qu’elle ne parle jamais de Little Italy comme de son lieu de vie. Un autre mystère sans grande importance, et à la dernière question, elle se contente de hausser les épaules.

Déverrouillée, la lourde porte est poussée par la carcasse toute entière, et retenue pour permettre à son hôte de la franchir à son tour. Ce dernier semble s’attarder un peu, sans doute intéressé par le nom gravé au dessus de l’interphone. L’infirmière est encore trop fatiguée pour s’en formaliser, et lui montre aussitôt les escaliers. « Je suis désolée, l'ascenseur est en panne ». Depuis une éternité. « Mais vous avez de la chance, j’habite au premier ». Encore heureux, car à bien le détailler après les efforts déjà déployés, elle n’est pas certaine qu’il aurait tenu beaucoup plus loin sans finir par tourner de l’œil.

Cette fois, elle le laisse s’avancer en premier. Comme s’il risquait de dégringoler à tout moment et qu’elle voulait s’assurer d’être pour le retenir. Comme si elle avait la force d’y parvenir si la crainte se muait soudain en nécessité. La montée jusqu’à l’étage se déroule heureusement sans encombre, et l’Océanide pousse un soupir de soulagement à l’arrivée. Il est encore trop tôt pour ses voisins, et aucun d’eux ne l’a vue rentrer chez elle accompagnée d’un cinquantenaire débraillé, aux vêtements déchirés tâchés d'hémoglobine, et au flanc perforé.

De nouveau, la blondinette au visage émacié fouille dans la poche de son manteau pour en récupérer les clefs. Ses doigts se heurtent à l’étui encore rempli de cigarettes, à un paquet de chewing-gum presque vide, et au téléphone à l’écran brisé. « A quelle adresse ? ». Alors que l’acier fait céder le loquet, l’hôte retrouve une assurance toute relative. Le menton relevé, elle repense à la promesse un peu plus tôt faite par le bellâtre italien. Comme elle s’exprime par énigmes et qu’il le lui fait comprendre par son regard interdit, le pied de la nymphe glisse dans l'entrebâillement de la porte avant de l’ouvrir complètement. « La facture. Monsieur Bellandi ». Elle appuie sur les mots, agite le cellulaire sous son nez à nouveau avant de le ranger. Et se surprend elle-même à réclamer ainsi. Elle n’était pas vraiment sérieuse la première fois. Elle ne l’est toujours pas cette fois-ci. Mais portée par une audace sortie de nulle part, elle se montre curieuse à l’idée de la réponse qu’il voudra lui donner.

Quand le nid se dévoile enfin aux deux protagonistes, la locataire des lieux esquisse un sourire embarrassé. L’appartement ne paye pas de mine, pas plus que le bâtiment, mais c’est un endroit qu’elle a su rendre coquet au fil du temps. Étroit mais lumineux, douillet car elle y a mis du soin, et propre… si on oublie la vaisselle qui traîne encore dans l’évier, la pile de linge à repasser sur le fauteuil, et sur la table basse, les restes de son dîner de la veille. Un contraste étonnant, qui trahit plutôt quelqu’un de soigné qui s’est laissé dépasser par les évènements.

Dans sa précipitation, l’infirmière ôte son blouson et entreprend de débarrasser rapidement la pièce principale. « Installez-vous. Je reviens ». Les joues rosies par la gêne un moment éprouvée, elle désigne de l’index le canapé légèrement étriqué pour la carrure du mafieux. Faute de mieux, ils allaient devoir s’en contenter.
Et sous l'ordre intimé, elle passe enfin la porte close qui les sépare de sa chambre aux cartons entreposés, et file en hâte jusqu'à la salle de bain.

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The Scandal of Altruism - Jeu 19 Juil - 0:20


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@Camille Archambault


« Y a des ouragans par là-bas… s’entend-il murmurer. » C’est qu’il y en a aussi un dans sa tête. Passé l’hébétement, l’horreur de l’hôpital et l’envie de plaire à la Française, ça cogne sec. La fatigue, sans aucun doute. Toujours elle, semblable à une tempête de poings brûlants, de barres de fer implacables. La fatigue change de forme. A présent, elle se manifeste par une myriade de fourmillements. C’est comme si un hérisson s’était logé à l’intérieur de son crâne et s’amusait à se frotter aux parois. (Pour être franc, il les préfère écrasés sur le bas-côté.) « Foutue bestiole, marmonne-t-il dans sa barbe tandis que Camille lui désigne les escaliers. » Visiblement, elle attend de lui qu’il ouvre la marche. Soit. Il n’est pas en état de contester les ordres de son héroïne, et selon ses estimations, ce n’est pas elle qui risque de l’abattre par derrière.

L’ascension débute donc, pas à pas, une main pour la rampe, l’autre épousant cette saleté de petite plaie. Heureusement, la procession est de courte durée. Entendre les pas de Camille répondre aux siens ne le laissait pas serein. En terrain inconnu, Bellandi n’en mène jamais large, du moins pas autant qu’à son habitude. Madame fouille une seconde fois les poches de sa veste, finit par mettre la patte sur les clefs, et elle demande. « A quelle adresse ? Il lui jette un regard sans sourire. Sans comprendre. Pas d’humeur à jouer à Devine-Mon-Adresse. La facture. Monsieur Bellandi, précise-t-elle, carcasse électronique à l’appui. » Presque impérieuse. Il décide de l’ignorer pour le moment, préférant s’engouffrer à sa suite entre ses murs.

La pupille curieuse, il observe la scène. L’appartement n’est pas bien grand. Décoré comme il faut - avec goût -, modeste et solaire. Y a un peu de bazar mais puisqu’il semble organisé, c’est pardonné. « Charmant, observe-t-il sans moquerie. » Pourtant, la jeune femme sourit d’embarras. Ça aussi, c’est charmant, mais il se retient. Et puis, elle a raison de rougir. Un lieu de vie est un lieu intime. « Installez-vous. Je reviens. » Cette fois encore, les jambes d’Alcide obtempèrent face à son index. Le voilà assis sur un canapé un peu trop minimaliste.

Une fois quelques babioles mises de côté, Camille disparaît, le laissant seul au beau milieu de son sanctuaire. S’il n’avait pas mal à la tête, il pourrait se concentrer sur ce qui l’entoure - la couleur des rideaux, le modèle de la télévision, le mobilier plutôt sympa. Mais il grimace et détache ses doigts de son torse. Ils ont pris une vieille teinte cramoisie, rien à voir avec du sang neuf ; celui-ci est poisseux comme du miel peinant à sécher. Bon, y a pire comme situation. Nettement bien pire. Les muscles se relâchent et la main retombe à plat. Dans un sursaut, il la rapporte à ses yeux. « Et merde ! qu’il s’exclame, réveillé. » Une belle empreinte est désormais imprimée sur l’assise du canapé.

Peinte d’un rouge fatigué, la réplique ne s’en ira pas de sitôt. Bon. Y a pire comme situation. Il s’excusera, Camille le pardonnera et tout ira. Et si elle fait la tête, il lui rachètera aussi un canapé ; plus grand, parce que celui-ci est décidément trop étroit.

Lorsque la jeune femme réapparaît les mains pleines et l’aura éclatant, il désigne l’empreinte involontaire d’un mouvement de tête. « Désolé pour ça. » Petit souvenir. Roule pas des yeux, j’ai pas fait exprès. Il décide de changer de sujet et d’accompagner celui-ci d’un air capable de concurrencer le Penseur de Rodin. « Pour ce qui est de la facture… Tout dépend de vous Camille. Si vous vous obstinez à m’appeler Monsieur Bellandi… C’est à la fois élogieux (Monsieur Bellandi, c’était mon père, ce grand homme) et peu encourageant (Monsieur Bellandi, on ne va pas se mentir, ça me vieillit). Je crains qu’il faille remplir des papiers, et je déteste les formalités. En revanche, si vous acceptez de m’appeler Alcide - ce que je préférerais - je vous filerai mon adresse. Pas pour qu’elle débarque et campe devant sa porte. Non non. Juste un peu d’égalité, sans mauvaise arrière pensée. Il peut être comme ça Alcide. C’est comme gagner au loto, ça arrive. En gage de sa bonne foi, il ajoute. Ce n’est pas si loin, vous pourriez examiner les progrès. » De ça, explique le mouvement du menton. Ce sale petit trou qu’une furie a creusé dans sa chair.

Le canap’ est petit, alors il se décale du mieux qu’il peut. A la recherche de l’angle le moins contraignant pour ses mains expérimentées. Il n’a pas peur des p’tites aiguilles, du fil ou d’assister à la suite des opérations. « Je vous fais confiance, Camille. Et si vous aviez un truc contre les maux de tête, je ne dirais pas non, assure-t-il dans un soupir décidé. » Ça commence à faire beaucoup de si pour un homme à qui on ne dit jamais non.





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The Scandal of Altruism - Ven 10 Aoû - 16:51

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Des compresses et du désinfectant. Une seringue et de l’anesthésiant. Du fil résorbable et l’aiguille recourbée, la panoplie du chirurgien délaissée dans la pharmacie de sa salle de bain. Elle rassemble le nécessaire, évite le reflet du miroir qu’elle sait d’avance épouvantable, et les bras chargés du matériel de soin, refait irruption dans la pièce. Sans même une pensée pour l’homme qu’elle a laissé seul, inconnu invité dans son appartement, la nigaude insouciante. « Désolé pour ça ». Déposant la charge sur la table basse, elle relève le menton aux excuses proférées, et darde ses iris vairons sur l’assise du sofa. Bavure écarlate sur le tissu beige clair, elle grimace sans trop faire attention. « Pour ce qui est de la facture… Tout dépend de vous Camille. Si vous vous obstinez à m’appeler Monsieur Bellandi… ». Discours suspendu dans le vide, d’un geste elle lui intime de se tenir tranquille. Et récupère du linge propre dans la cuisine ouverte, avant de revenir se planter devant lui, et d’asseoir son corps frêle, sur la surface offerte. « Je crains qu’il faille remplir des papiers, et je déteste les formalités. En revanche, si vous acceptez de m’appeler Alcide - ce que je préférerais - je vous filerai mon adresse ». Elle fronce à peine les sourcils, et sous la lumière du plafonnier à laquelle elle s’habitue, détend lourdement ses paupières. Les mains propres et aseptisées, elle relève du bout des doigts les pans souillés de la chemise, qu’elle tend au blessé ; « Tenez ça ». D’abord, nettoyer la plaie. Avec des gazes et du sérum physiologique, et l’infirmière concentrée sur sa tâche n’est qu’application et délicatesse. « Ce n’est pas si loin, vous pourriez examiner les progrès ». Elle écoute, malgré tout, d’une oreille attentive, et finit par lui céder un sourire amusé. Le regard bicolore vient se planter un instant dans les orbes éreintées du patient. « Très bien, Alcide ». Il lui ressemble vraiment, à son amour perdu, par certains aspects. Le bleu profond de ses iris, la barbe de trois jours ; les ridules au coin des yeux et la mâchoire carrée. Quelques années de plus, en témoignent les pattes grisonnantes, qui ne font qu’ajouter à son charme. « Vous êtes à jour dans vos vaccins ? »

Elle a fini de purifier l’entaille, et se dresse à nouveau. « Vous avez de la chance », vraiment, lui dit-elle en désignant l’aiguille et le sérum du menton. Pas de suture à vif pour le mafieux aujourd’hui, ce sera comme à l’hôpital. Le grand luxe, en d’autres termes, même si ce ne sont pas les infirmières des urgences qui s’attèlent à ce genre d’ouvrage d’habitude. Camille, elle sait faire, avec un doigté expert, depuis ses stages en chirurgie. Du revers de l’index, elle tapote le flacon pour chasser les bulles d’air, et le liquide est aspiré dans la seringue. La plaie désinfectée, elle peut injecter l’anesthésiant dans les parois de la béance. « Ca va piquer ». Elle est moqueuse, à peine, et surtout maternelle, sous ses traits plaisantins. « Je vous fais confiance, Camille. Et si vous aviez un truc contre les maux de tête, je ne dirais pas non » L’aiguille s’enfonce dans les chairs boursouflées, et il faut seulement quelques instants au produit pour faire effet. « Je vous donne ça après ». L’épiderme est localement endormi, et la couture peut commencer.
Il n’y a pas si longtemps, c’est son propre genou qu’elle recousait.

L’instrument est tenu fermement entre les doigts graciles, qui s’emploient au travail. L’aiguille atraumatique est facile à manier, et rapidement, les premiers points se forment sur la déchirure. « Il faudra être vigilant. La plaie est vraiment mal placée ». Juste au niveau du flanc, partie du corps constamment sollicitée bien qu’on en ait rarement conscience. « Dans vos mouvements, surtout. Ce qui implique du repos ». Beaucoup, comme elle en rêve à l’instant. Il est probable qu’elle ne tienne plus longtemps avant de s’effondrer. « Et bien sûr, éviter de la mouiller. Vous pouvez utiliser du film étirable ». Ca fait toujours sourire, mais c’est la technique la plus appropriée. Et les patients finissent toujours saucissonnés sous leur douche.  

C’est fluide, ce ballet médical, en dépit de sa fatigue. Fluide, jusqu’à l’éveil du pouvoir, sur lequel elle n’a aucun contrôle. Un pouvoir, qu’elle ignore, et que peut-être la déesse s’efforce d’exposer, dans l’objectif de se faire reconnaître. Et qui de mieux placé que son si vieil ami pour comprendre qu’elle survit juste là, sous son nez ?

Alors qu’elle est cousue, la plaie vient à durcir. L’aiguille bute à plusieurs reprises sur le derme impénétrable, sous le regard interdit de l’infirmière. « Qu’est-ce que… ? » Ses quelques mots et son arrêt brutal attirent l’attention du blessé somnolent. Impossible d’enfoncer l’instrument dans la chair, l’Océanide a rendu temporairement le Roi des Dieux invincible.  

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The Scandal of Altruism - Sam 25 Aoû - 14:33


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@Camille Archambault

Les billes bleues du mafieux suivent les mouvements, s’accrochent aux mains affairées, remontent le buste pour parvenir au visage tendrement marqué. La fatigue est bien là, imprimée sur ses traits, lovée au creux de ses yeux dépareillés. Incroyable regard pourtant si dévoué à la tâche ingrate. Alcide se laisse faire, obtempère, suspend le tissu massacré, ne ressent pas la chatouille de la gaze. Il est ailleurs et n’en revient qu’à l’entente distraite de son prénom. Elle a la bonne prononciation et quelque chose lui dit qu’elle apprend vite. Qu’elle ne parodie pas sa dextérité, si bien que la plaie est déjà nettoyée. Il l’aurait probablement arrosée d’alcool fort, comme ces héros hollywoodiens, mais à leur inverse, aurait crié comme un chat qu’on écrase.

Les vaccins, ça lui rappelle… « C’est obligatoire à l’armée, vous savez… » Encore un héroïsme fait de cocottes en papier. Mais il en avait eu besoin de ces grands airs, de cette boue dans laquelle on se jette, de cet hymne national plus fort que le Pater Noster. Il avait eu besoin d’oublier Arcadia et cette foutue Nuova Camorra, à dix-neuf ans, pour un uniforme dont il ignorait toutes les coutures. Il se rappelle de tout ; de l’embuscade, des tirs qui rasent les nuques et ricochent contre les murs. Son souvenir prend vie, bat dans ses tempes et racle son palpitant. Ses yeux contemplent le corps troué de son ami, il le voit tomber au ralenti. Sans vie et pourtant tiède lorsqu’on le traîne à l’abri des regards. Mais c’est trop tard. Le goudron est rouge-adieu, rouge-c’en-est-trop. Ils ont tué Julius Calabrò. « AAaah ! » Ça pique. ! Il cligne des yeux à s’en faire mal, entend à peine qu’elle soulagera ses maux de tête. Vous n’auriez pas quelque chose contre les souvenirs, par hasard…

Il grimace, serre les dents, pourvu qu’une démo du chat blessé ne lui échappe pas. Il ne voit que dalle, ne trouve pas sa chance dans l’histoire. « Vous avez fini ? C’est bon ? L’anxiété n’est pas masquée. Je ne promets pas d’être vigilant. J’ai pas le temps pour ça… » Non, vraiment pas. Y a du business qui attend et il a besoin de tout son corps pour être efficace à 100%. Il n’est pas de ces gars qui téléphonent à longueur de journée entre deux piles de dossiers. Et puis Alcide, c’est une pile électrique. Qui fatigue mais qui se démène toujours pour étinceler. Il faut bien ça quand on dirige une mafia.

« Je crois qu’il m’en reste. » Le film alimentaire doit bien traîner quelque part… Il s’enroulera le corps avec comme s’il venait de se faire tatouer une pièce géante. « Qu’est-ce que… ? Il se redresse, la tête glacée. Un problème ? Il tire davantage le tissu, finit par l’arracher parce qu’il en a marre de jouer au porte-chemise. Qu’est-ce qu’il y a ? Camille, ça ne va pas ? » Pourquoi est-ce que les plus petits soucis apportent toujours les plus grandes complications ?

Alcide vient prudemment tâter la zone meurtrie, devine le relief des points du bout de l’index. Un coup d’oeil lui indique que le travail touche à sa fin. Un souci : la chair résiste à l’aiguille. « Cazzo. C’est pas drôle du tout. Qu’est-ce que vous avez fait ? » Il la rabroue mais n’en mène pas plus large. Il soupire, le visage face au plafond, il se refuse à croiser le regard vairon. La fatigue de Camille dénonce trop bien la sienne. « Ça vous arrive souvent de... je sais pas. Faire ça... Il se redresse de nouveau et vient confronter la plaie soudée à coup de légers éclairs. Des étincelles dont il ne ressent pas l'habituel chatouillement. Ses yeux naviguent du matériel aux mains de la jeune femme. Qu'a-t-elle fabriqué ? Alcide inspire longuement, paupières closes. Vous êtes qui, Camille ? Je crois que vous ne m’avez pas tout dit... »



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The Scandal of Altruism - Ven 28 Sep - 10:43

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« Qu’est-ce qu’il y a ? Camille, ça ne va pas ? » Le bruit du tissu qu’on déchire recouvre presque celui de la voix interloquée. Le patient se redresse, admire, et l’aiguille toujours, refuse de s’enfoncer. Il frôle à son tour la blessure, affiche un air abasourdi, puis franchement agacé. « Cazzo. C’est pas drôle du tout. Qu’est-ce que vous avez fait ? » Pauvre Camille, elle commence à trembler. Patiente et déglutit, l’oeil rivé sur son oeuvre. Et les doigts immobiles, à quelques centimètres de la plaie, n’osent finalement plus l’approcher.

Qu’est-ce que vous avez fait ? Ca tourne en boucle dans l’esprit éreinté. Et sous son air penaud, l’infirmière cherche le regard océan qui lui s’emploie à l’éviter. Si seulement elle savait. Est-ce déjà arrivé ? Elle n’en a pas souvenir. Est-elle vraiment responsable ? Elle n’en a pas la moindre idée, pourtant il semblerait.

Un mouvement de recul, les grands cils papillotent et les bras s’écarquillent. Elle se demande si elle n’est pas devenue folle, Camille ; ou déjà égarée en plein rêve. Mais ses prunelles finissent par capter les étincelles qui lui font serrer les paupières et secouer la tête. La fatigue, se dit-elle en oubliant les éclairs. Des hallucinations. Alors, elle se permet de toucher à nouveau. Et la plaie qu’elle effleure, est toujours aussi dure que du béton.

« Ce n’est pas possible », susurre-t-elle pour se convaincre elle-même. La main blême vient tapoter le front et s’engoncer dans les mèches couleur des blés. L’aiguille qu’elle tient toujours de l’autre, est approchée de la béance quasiment recousue. Concentre-toi, Camille.
En dix ans de carrière, elle n’a jamais vu ça. Des chairs aussi fermes que du bois, en lesquelles ni seringue ni scalpel n’arrivent à pénétrer. Aussi, elle s’interroge. Sur la qualité de l’anesthésiant qu’elle a utilisé, et sur ses conditions de conservation. Sur ce qu’elle a bien pu faire de travers pour observer une telle réaction de l’organisme réparé.

« Ce n’est pas normal », insiste-t-elle, oscillant entre l’envie de croire en une explication rationnelle, et la certitude qu’elle n’aurait jamais pu provoquer un résultat pareil. Mais pense à toutes ces choses bizarres, Camille. Et les et si emplissent le crâne épuisé, qui repense aux silhouettes illuminées, aux manifestations étranges auxquelles elle a déjà assisté, à ces rêves qu’elle fait sans cesse et qui lui montrent son sauveur, capable d’influencer les eaux pour extirper son corps du fleuve...
Et si c’était toi, cette fois, Camille ? Même Bellandi en semble persuadé.

« Vous êtes qui, Camille ? Je crois que vous ne m’avez pas tout dit... » Coupable alors qu’elle tentait juste de bien faire, elle croise à nouveau le regard du cinquantenaire. « Je vous jure que je n’ai rien fait » ; et c’est trop dur de soutenir les prunelles et l’aura qui l’impressionnent. Elle préfère s’attarder sur la plaie, souffler, se concentrer, vider sa tête trop pleine et calmer la terreur en train de naître au fond d’elle-même. « Je voulais seulement vous aider », murmure-t-elle, et penchée au dessus de la blessure, elle reprend son ballet, refusant d’abandonner.

L’aiguille bute encore, elle multiplie les reprises. Le bras s’immobilise, la main cesse de tressauter. Elle se rappelle ses premières consultations en tant que jeune infirmière. Les tout premiers patients. Les premières interventions risquées. Celles où elle apprenait encore, à manipuler les instruments mais surtout, à garder son sang-froid et à parer à toutes les éventualités.

Allez Camille, concentre-toi.

Et l’aiguille pique encore, deux fois, cinq fois, dix fois. Peut-être vingt au total. Quand le miracle survient.

Le derme se détend. La carne se relâche. La pointe s’enfonce dans la chair boursouflée et ressort sans mal à son extrémité. Le fil suit la course dictée par les mouvements experts et relient les deux pans jusqu’alors écartés pour former enfin la couture espérée. « Ca y est ». La déchirure est refermée.

Alors elle se redresse, s’écarte, inquiète à l’idée de ce qui pourrait se produire si elle s’y attardait trop longtemps encore. Dans son mouvement de recul, elle désigne du menton le produit et les compresses, après avoir capté Bellandi du regard. « Il faut désinfecter et faire le pansement. Allez-y, vous ». Rien de très compliqué.

Et puis, la carcasse fluette fait volte-face, avant de disparaître vers la salle de bain. « Je vais chercher quelque chose pour votre tête ».
Et pour la sienne, à l'occasion.

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The Scandal of Altruism - Dim 30 Sep - 17:35


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@Camille Archambault

Camille ne comprend pas. Ou ne veut pas comprendre. Le résultat est le même et ce n'est pas la peau abîmée qui dira le contraire. L'infirmière réitère son geste : en vain. Son aiguille est pareil à un cure dent qui s'attaque à la coquille d'un oeuf dur. Ce n'est ni normal ni possible, en effet, l'écoute-t-il. Et leurs yeux se retrouvent, sa bouche affirme n'avoir « rien fait », qu'elle voulait simplement « aider ». A ses mots, Alcide cesse de soupirer, respire plus doucement. Les côtes se soulèvent plus lentement, c'est sa façon à lui de l'aider. Et puis enfin, soudain, une percée et tout s'enchaîne.

« Non, c'est moi, je vous ai brusquée , s'excuse-t-il. » La situation est étrange mais loin d'être désagréable. Les gestes de la Française sont mesurés : il n'est pas un assisté mais ne dira jamais non à un peu d'attention. Pile lorsqu'il pense cela, Camille annonce la fin du travail. Elle s'écarte vivement et désigne le petit bazar médical. « D'accord, je m'en occupe, répond-il en attrapant la première bouteille venue. De dos, Camille lui promet de revenir et tuer son mal de tête. Super. Ne vous inquiétiez plus, je ne bougerai pas d'ici, blague-t-il. »

Le mauvais sort de Camille s'est définitivement évaporé car le désinfectant pique et le fait jurer trois fois. Bordel, c'est quoi ce produit ? On dirait de l'eau mais il enflamme la peau. Alcide étale le liquide à l'aide des compresses, en pioche des nouvelles et attrape du bout des doigts le rouleau du tissu protecteur. Il le secoue pour le dérouler puis se concentre. Avec une minutie moyenne, il emballe la plaie et la majorité du torse pour que les carrés cotonneux restent en place. Le résultat n'est pas si mal pour quelqu'un habitué à se faire servir.

Alcide quitte le canapé et se balade dans le salon. Il en fait rapidement le tour mais en chemin, met la main sur un bout de papier et un crayon à la mine fatiguée. Ça fera l'affaire. Penché sur la table basse, il griffonne son nom et ses coordonnées. Lorsque Camille revient, il lui montre son oeuvre puis tend le post-it en échange de ce qu'elle lui a concocté. « Pour le téléphone et le canapé... Et si vous avez un T-shirt, je ne dirais pas non. Il est vraiment désolé. La fatigue le rend négligent et c'est elle qui en a fait tous les frais. Oubliez ce que j'ai dit, vous avez été parfaite. Prenez un peu de temps pour vous, pour réfléchir à ce qui s'est passé... Si vous en avez envie, je pourrais peut-être vous aider à mon tour. »



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The Scandal of Altruism - Dim 7 Oct - 18:15

The Scandal of Altruism

alcide bellandi & camille archambault.

Elle souffle, Camille, les mains posées de part et d'autre du lavabo de sa salle de bain. Son cœur bat encore à tout rompre à l'intérieur de sa poitrine, comme si elle venait de grimper sept étages ou de courir un marathon. Ce dont elle est incapable. Penchée au dessus de la vasque, elle regarde longtemps l'eau qui s'écoule en filet du robinet ouvert, plonge ses doigts par dessous, et s'arrose le visage. Trois fois, avant de l'enfouir dans une serviette propre, et d'accrocher son regard dans la glace.

Tu ne ressembles à rien, Camille. La peur au creux du ventre, les cernes sous les yeux, les joues si maigres et si pâles qu'elles feraient presque honneur à sa déesse infernale. Elle secoue violemment la tête pour mettre fin à cette observation qui la dérange, et pioche des antalgiques dans l'armoire à pharmacie. Une première gélule qu'elle avale avec une gorgée de liquide, tenant dans sa main fermement, le reste des capsules. 

« J'arrive ! » Elle entend s'agiter à travers la porte et les murs fins, et préfère prévenir. « Voilà ». Quand elle revient auprès de l'italien, elle lui tend les pilules et s'en va quérir un verre d'eau qu'elle lui ramène aussitôt. « Pour le téléphone et le canapé... Et si vous avez un T-shirt, je ne dirais pas non » ; et le regard vairon, attiré par le bout de papier saturé d'inscriptions, se retrouve à fixer celui de son patient. Au moment de l'échange, celui où leurs doigts se frôlent, elle est prise d'un frisson qu'elle ne peut réfréner. Quelle qu'en soit la raison véritable, cet Alcide Bellandi ne la laisse décidément pas indifférente.

Il y a un long silence, son œillade qu'elle détourne et puis sa moue gênée ; « Je vais voir c'que j'peux faire », adorable Camille, et ses lèvres pincées, qui repart dans la chambre. Elle dépose le papier sous le miroir de sa coiffeuse, et balaie du regard la pièce rougie par la lumière du jour levant.

Juste une chemise, roulée en boule, dissimulée au fond d'un placard. La seule qu'elle n'a pas réussi à jeter. Pourtant, elle l'avait presque oubliée. Elle l'attrape et s'en éloigne, craignant que le parfum y subsistant ne la fasse re-sombrer. Un habit du géant que le mafieux forcément trouvera bien à sa taille. Elle ne peut pas faire mieux.

« Tenez ». Elle se plante à ses côtés et lui tend le tissu, propre et coloré. Elle réfléchit un temps, deux doigts au coin des lèvres, et les orbes lointaines. Il a l'air tout aussi éreinté qu'elle. Peut-être, oui, que lui aussi l'aidera un jour. « Vous pouvez rester ici et dormir quelques heures », se surprend-t-elle à proposer. Et comme il a l'air d'acquiescer, elle retourne chercher des draps et oreillers, préparant même le nid douillet avant d'éteindre la lumière.

Un peu fou de sa part, mais malgré ses défauts, elle a le cœur sur la main. Se disant qu'après tout, elle n'a pas grand chose de valeur dans cet appartement, elle ferme simplement la porte de sa chambre à clé, avant de s'effondrer à son tour sur le matelas douillet.

Quand elle ferme les yeux, que le sommeil vient l'emporter, elle n'a toujours aucune idée de ce qui a bien pu se passer. Mais la certitude d'avoir fait ce qu'il fallait demeure tout au fond d'elle sans qu'elle parvienne à l'expliquer.

Un nouveau jour se lève, sur Little Italy.

Quelles drôles de retrouvailles, pour d'aussi vieux amis.  

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