Changement de décor, changement tout court. Séoul, Corée du Sud. Des enseignes lumineuses, des couleurs criardes, un fourmillement constant. Le changement est brutal. Surtout après ses nombreux jours de repos, souvenir cuisant de la soirée à l’Eden. Et il est bien loin son quartier historique, à Lyra. Ils sont loin Finn et ses bras réconfortants. Mais être ici, ça lui fait aussi du bien. Elle se sent de nouveau elle-même, pleine d’énergie. Fini la convalescence. Elle tient de nouveau sur ses deux jambes et est de nouveau prête à gérer quelques affaires. Elle tourne la tête vers Alfi, resplendissant et charismatique, comme à son habitude. Elle sourit, amusée par leur duo et leur présence dans ce casino. Une manière pour elle de se faire une place plus officielle au sein de la Nuova Camorra. Mais leur voyage sera de courte durée. A peine le temps de profiter de la soirée et de leur hôtel qu’ils sauteront de nouveau dans le jet familial. Une couverture de plus. Juste une famille riche de plus qui étale son fric pour voler aux quatre coins du monde. La réalité est toute autre. Deux membres d’une mafia prêts à régler leur compte parce qu’un de leurs associés s’est cru plus malin qu’eux. Le trafic de nectar est alléchant, rentable, et monsieur a pensé à se garder une plus grosse part de leur commencer. Il a pensé voler la NC en croyant naïvement que personne n’allait s’en rendre. Fallait au moins lui accorder le crédit de s’y être pris au bon moment, pendant le bordel, quand tout le monde avait la tête tournée dans une autre direction. Mais n’apprécie de voir un associé devenir trop gourmand. Et certainement pas la Nuova. Les pendules avaient besoin d’être remises à l’heure. D’une manière ou d’une autre. Et Lyra avait passé tellement de temps à se reposer pour récupérer, qu’elle était prête à rentrer dans le vif du sujet très rapidement. Heureusement pour elle, Finn n’était pas là, à s’inquiéter, ou tenter de la raisonner.

Ils s’avancent, lentement, en s’appropriant leur nouvel environnement, ce casino luxueux, déjà bien rempli. Les mains sur la rambarde, Lyra baisse la tête, là où se passent les jeux. Roulettes, poker, black jack. Pas de machine à sous, c’est pas Vegas. Le lieu se veut bien plus sélectif, moins bling bling, moins tape à l’œil. Et les deux comparses se fondent affreusement bien dans le décor. La jordanienne est sublime, les cheveux détachés, délicatement ondulés, tombant en cascade sur son dos partiellement nu. Une robe bordeaux, longue, ouverte, qui lui va à ravir. Elle fera tourner plus d’une tête ce soir. Et ça sera parfait si elle agit comme une distraction, détournant tous ces de leur véritable identité et de la raison de leur venue. Elle glisse son bras par-dessus celui d’Alfonso, un sourire sur le coin des lippes. « Je t’ai déjà dit que t’étais à tomber ? » ils descendent les escaliers, attirent quelques regards alors qu’ils arrivent en bas des marches. « Un verre d’abord ? » elle ne sait pas si ça sera un ou plusieurs, en attendant de trouver leur gars, mais si ce n’est que d’alcool qu’ils boivent, ils ne risquent pas grand-chose, tous deux désormais immunisés.

Ciao Arcadia. Bonjour la ville des lumières, de la technologie et des jeunes talents qui se mettent en valeur chaque soir dans les rues d’Hongdae. C’est Séoul, la capitale sud-coréenne qui les accueille durant ce court séjour. Alfonso aurait apprécié des vacances, se permettre quelques jours d’oisiveté comme Bellandi et Esposito plus tôt. Pouvoir goûter aux spécialités régionales, dans son assiette ou dans son lit. Mais les ordres ne le dispensent pas. Derrière leurs apparences de vacanciers richissimes, Lyra et lui ont pour mission de donner une leçon à un certain Douglas McKinley. Du moins, c’est le nom que le cupide personnage avait lorsqu’il a officialisé pour la première fois les affaires avec la Nuova Camorra. Sans doute en change-t-il régulièrement, par peur des représailles.

Ils ont minutieusement étudié les dossiers dans le jet privé et dans leurs chambres d’hôtel respectives. S’ils sont à jour et qu’ils en croient leurs sources, l’homme se ferait à ce jour appeler Mr. Page. La liste est détaillée dans leurs têtes. Ils ont eu vent de tout, des activités hebdomadaires du spécimen à ses goûts culinaires coûteux, de ses critères auprès de la gente féminine ainsi que de ses égarements illégaux. L’homme est macho, douteux, visiblement gourmand et fin gourmet. Cultivé et baigné dans le luxe depuis ses premiers jours. L’approcher ne sera pas une mince affaire pour le duo divin, mais pas impossible non plus. Lui faire la cour semble peut-être la meilleure approche, du moins pour sa partenaire sublimée par une robe à la couleur de sa spécialité. De son côté, il devra sûrement user de quelques tours de magie. Il é étudié le personnel hier. Rien de bien compliqué à imiter, le divin se fait confiance et il a confiance en sa camarade.

Il rejoint sa partenaire contre la rambarde dorée et examine les visages. Ils viennent d’ici et d’ailleurs. Tant mieux, au moins les soupçons ne s'éveilleront pas si vite. Il comprend l’enthousiasme international, Brazzi. Le complexe n’est pas comparable au White Hare, a lui aussi de nombreuses qualités qui les mettraient facilement sur un pied d’égalité. Lorsque la partenaire se prononce, il ricane sincèrement. « Merci, vous êtes plutôt pas mal  dans votre genre aussi, miss… comment vous appelez-vous déjà ? J'oublie à chaque fois. » Parce que oui, ils sont sous couverture jusque dans leurs papiers d’identité, jusqu'au visage même dans le cas du consigliere. Le duo a même prévu une backstory au cas où il faudrait s’enfoncer dans le mensonge un peu plus. « Tu sais que je ne refuserai jamais un verre, surtout lorsqu'une agréable dame m'invite. », continue-t-il en saisissant la main accrochée à son bras comme un gentleman le ferait. Quelques regards se tournent alors qu’ils descendent les marches une à une. Il n’est pas dupe, sait reconnaître le désir quand il le voit. Lyra attire les regards masculins tandis qu’il lit la jalousie à son égard dans certains. Il s’avoue chanceux, le bougre. Qui ne rêverait pas d’une aussi jolie femme à ses bras ?

Le bar n’est pas encore très bondé, s’étend sur des mètres. Le dieu s’approche de l'oreille, passe ses doigts dans les boucles brunes en regardant autour de lui. « Le gars est plus prudent que ce que je pensais. J’ai repéré deux gardes qui inspectaient les lieux plus tôt. Ça complique un peu les choses. On devrait peut-être se charger d'eux en premier, qu'en dis-tu ? Un plan ? »

La mission semble bien ficelée, bien préparée. Les détails ont été étudiés, surtout leur cible. Leurs identités fictives et leur backstory, au point. Y’a toujours le facteur chance, mais avec eux ? Lyra ne voit pas d’autre alternative qu’un succès total. Les pendules seront remontées, les comptes réglés. Ils n’ont pas traversé la terre entière pour ne pas voir ce cher Mr Page. Ou McKinley, peu importe la façon dont il veut se faire appeler. Ca faisait longtemps que la môme s’était pas autant impliquée. Longtemps qu’elle avait pas eu quelque chose sur lequel se focaliser. L’adrénaline qui court dans les veines, pas trop, juste assez.

Là, en hauteur,les mains sur la rambarde, ils ont l’air d’une royauté venue d’ailleurs, sans aucun doute un peu divine. Une royauté venue se mêler aux autres. Et elle ne peut s’empêcher de sourire, Lyra. Peu importe le jeu, impossible de rester insensible aux compliments d’Alfonso. Un vrai charmeur, et la môme ne s’en lasse pas. « Mina Aleeqa » On lui avait toujours dit à Lyra, que les meilleurs mensonges étaient toujours ceux se rapprochant le plus de la vérité. Le prénom lui était apparu il y a quelques jours. Court, les mêmes consonances que le sien, ou presque. Rien où elle ne pourrait se perdre. Quant au nom, il correspondait à celui d’un de ses anciens camarades de classe… L’un des rares dont elle se souvenait encore. « Mr Rundle perdrait-il déjà la mémoire ? » Son bras passé par-dessus le sien, Lyra se sent comme une princesse. Ou une james bond girl. L’héroïne d’un film d’action, avec le meilleur partenaire qu’il soit pour l’accompagner. « C’est bien ce que je pensais. Le contraire m’aurait fortement étonné. » elle tourne la tête, lui adresse le plus radieux des sourires alors qu’il saisit la main qu’elle a déposé sur son bras. C’est qu’elle en oublierait presque les raisons de leur présence. Le boulot. Et pas un semblant de pièce de théâtre auquel elle semble prendre goût. Les regards se tournent, l’envie se lie sur les visages, la jalousie aussi. Ca faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas été le centre d’autant d’attention. Fallait dire qu’elle avait mis le paquet, et l’italien n’avait certainement rien à lui envier.

Les deux compères près du bar, étonnement peu bondé, Lyra attend les deux martinis commandés. Son ami se rapproche, les doigts joueurs dans ses boucles brunes, façade d’un pseudo couple entamant leur soirée de la plus agréable des manières. Mais elle écoute attentivement. C’est pas du flirt, c’est pas de la flatterie ou des blague douteuses. Le travail commence. « Le gars est plus prudent que ce que je pensais. J’ai repéré deux gardes qui inspectaient les lieux plus tôt. Ça complique un peu les choses. On devrait peut-être se charger d'eux en premier, qu'en dis-tu ? Un plan ? » Légère grimace indiquant sa réflexion avant que ses lippes ne s’étirent. Elle se rapproche, les laisse doucement frôler la joue du consigliere. « J’ai vu les toilettes, un peu plus au fond, à droite. Un couloir avec les deux portes. » Une pour celles des femmes et la seconde pour les hommes. « Soit on se la joue dispute dramatique, jalousie et j’en passe. Pas trop, mais assez pour attirer les deux un peu plus au fond du couloir… qu’on puisse s’occuper de leur cas. » Et cacher les corps dans une des cabines WC. Ca pourrait marcher, si ça reste discret, si c’est bien joué, si les deux se ramènent. Beaucoup de si, mais il en est rarement autrement dans ce genre de mission. « Ou… Je joue de mes charmes. J’suis pas certaine qu’ils aient les mêmes goûts que notre cher invité d’honneur ou que les deux se ramènent… mais ça peut se tenter. » elle essaie de ne pas penser à ce que finn dirait tout de ça. Elle imagine la scène d'ici. La jordanienne se recule à peine, son visage près du sien, le sourire joueur, amusé. « T’en dis quoi ? »

Le plan ne tarda pas à se profiler dans la tête de la jeune femme. Elle s’avança à son tour, jouant la carte de la sensualité avec brio, le murmure suave bien que le sens fut tout autre. Les yeux suivaient les indications et les gestes de Lyra au fur et à mesure qu’elle les partageait. C’est vers le fond de la pièce qu’ils se perdirent d’abord, là où le consigliere imaginait le couloir silencieux, parfaitement disposé pour la disparition stratégique des deux gardes. Il souffla, amusé et murmura à son tour sans perdre l’objectif des yeux : « T’as de bonnes idées, tu sais ? That’s my girl. La première semble la mieux pour distraire les gardes. On peut facilement jouer le jeu. J’en profiterai pour prendre l’apparence de l’un d’eux juste après. » Il attrapa le martini qui reposait sur le comptoir et dégusta une gorgée avant de se prononcer une nouvelle fois, le regard faisant des allers-retours entre la boisson entre les doigts de l’alliée et la robe pourpre dont la valeur devait très certainement frôler les quatre chiffres. « Peut-être juste… ne frappe pas trop fort mon joli nouveau visage après ce que je vais faire? S'il te plaît ? Je commence à bien l’aimer. » Et aussitôt dit, sa paume se posa sur le bras nu de sa compagne, qu’il poussa intentionnellement malgré la maladresse feintée. Le martini entre les doigts gracieux tressauta, rencontra le riche tissu de la robe. Signal qui claque dans ses pensées comme s’ils se trouvaient tous les deux sur le tournage d’un film Hollywoodien : Action.

« Merde je suis terriblement désolé mon amour, Mina, je… je ne voulais pas… » Mina Aleeqa, comme elle le lui avait répété. Il se souvint de sa première réaction en l’apprenant dans le jet, de son sourire fier et de ses louanges. Mina. Lyra. Le mensonge était bien dissimulé, utilisait les mêmes consonances que le nom complet initial. La stratégie de l’al Khayzuran lui faisait un peu penser à son propre pouvoir, quand il y repensait. Il jouait ses rôles mieux lorsqu’il leur ressemblait déjà un peu, que ce soit dans l’apparat, dans l’attitude ou dans la physionomie. Lyra semblait avoir adopté un moyen similaire et Alfonso ne pouvait que se sentir fier de ce que la jeune femme était devenue en si peu de temps. Un véritable atout pour la Nuova Camorra. Un atout qui se révélait un peu plus chaque jour.

Blême de peur, étouffé par les mots qui restaient au fond de sa gorge. Comme le riche époux qu’il prétendait être et qui, selon le scénario qui se profilait dans sa tête à l’instant même, se faisait mener à la baguette par la jeune amante gâtée. « C’est pas grave, je t’en achèterai une autre, plein d’autres ! » Et si ce n’était pas tout à fait vrai, la rétribution qu’elle gagnerait si la mission réussissait lui permettrait de s’en procurer bien d’autres. Même s’il savait que la jeune femme ne manquait pas d’argent. Et que les robes hors de prix n’étaient pas non plus sa priorité. Elle visait plus haut, la divine Nyx. Et Alfonso se reconnaissait dans son enthousiasme.

« T’as de bonnes idées, tu sais ? That’s my girl. La première semble la mieux pour distraire les gardes. On peut facilement jouer le jeu. J’en profiterai pour prendre l’apparence de l’un d’eux juste après. » Elle sourit de fierté, Lyra. Alfi, il a toujours cru en elle, depuis le jour où ils se sont rencontrés. D’une certaine manière, il s’est porté garant de la jordanienne. Peut-être même qu’à l’époque, il voyait en elle des choses qu’elle était incapable de voir. Un potentiel qu’elle ignorait et ne soupçonnait même pas. « Contente que ça te plaise. » qu’elle avoue, un sourire en coin avant d’acquiescer au reste. « Peut-être juste… ne frappe pas trop fort mon joli nouveau visage après ce que je vais faire? S'il te plaît ? Je commence à bien l’aimer. » Elle n’a pas le temps de réagir, de lui demander ce qu’il prévoit, et au fond, c’est sans doute bien mieux comme ça. La surprise est authentique. La colère qui arrive un dixième de seconde après, elle, elle est parfaitement feinte. La bouche légèrement entrouverte, comme si elle ne revenait pas de la maladresse alors que le martini est renversé sur la jolie robe. Les yeux clairs qui lancent des éclairs qui annoncent le début de la mascarade.

« Merde je suis terriblement désolé mon amour, Mina, je… je ne voulais pas… » Et le plus dur dans tout ça, c’est juste de ne pas rigoler. Etrangement, Lyra est bien dans son rôle. Elle s’y plait et s’en amuse. Elle ne s’est jamais franchement imaginé dans une carrière de comédienne, mais là, ce soir, avec Alfonso comme partenaire –le meilleur qu’elle aurait pu souhaiter, la môme est prête à bruler les planches. Pas franchement pour l’envie de faire une scène, mais bel et bien de se défouler. C’est ce qui lui manque, depuis plusieurs semaines. Depuis les évènements de l’Eden Manor. La mission chez la russe n’a pas été assez. Ou peut-être qu’elle n’a faut que tout démultiplier. Elle a besoin de plus Lyra, elle a besoin de lacher prise, complètement, et d’arrêter de tout retenir. « Tu voulais pas ?! Apprends à te servir de tes mains ! » qu’elle lache, faussement furibonde le verre désormais vide reposé sur le comptoir du bar. Elle contemple la robe tachée, comme si elle retenait ses mots, sa rage à l’égard du mari maladroit. Elle fulmine, soupire. « C’est pas grave, je t’en achèterai une autre, plein d’autres ! » « Une autre ? » un rire agacé, moqueur qui s’échappe de ses lèvres alors qu’elle se lève, le repoussant sans la moindre délicatesse. Pas de gifle. Pas pour le moment. Et l’adorable nouveau visage parfaitement conservé. « T’es en train de me dire que tu vas gentiment faire un autre chèque pour cette robe faite sur mesure à l’autre bout du monde et qui se voulait unique ? Tu sais combien de temps ça a pris ?! » D’accord, elle en rajoutait un peu. La robe coutait chère, et Lyra n’en avait que faire, mais elle n’était pas exceptionnelle. Jolie sans aucun doute, délicate et agréable à porter. Mais pas rare ou introuvable. Un autre magasin de luxe, et elle pourrait se dénicher la même –ou presque- si l’envie lui prenait. Elle commence à avancer, en direction du petit couloir, et surtout des toilettes, alors que les regards sont tournés vers elle. Surtout ceux des deux gus en question. Le regard des clients est à mi chemin entre l’amusement et la gêne d’une scène aussi publique. Parfait. Ils finiront par détourner les yeux et se scandaliser du peu de tenue. La môme s’arrête, se retourne subitement vers le mari craintif. « T’attends quoi ?! Tu pourrais te rendre utile et venir m’aider à limiter les dégats… » Elle attend pas sa réponse elle continue sa marche, sachant très bien qu’Alfi la suivra. Elle lève les yeux au ciel, continue son ménage alors que l’un des gorilles avancent dans sa direction. « Madame ? Je suis sincèrement désolée de cet incident mais si vous pouviez régler vos problèmes… » elle le laisse pas finir Lyra, elle est lancé. « En silence ?! Sérieusement, vous avez vu l’état de ma robe ? » elle soupire bruyamment en levant de nouveaux les yeux au ciel. « vous êtes comme lui, vous comprenez rien. » En attendant, il la suit gentiment, comme un petit chien dans ce fameux couloir, alors qu’elle voit l’autre, du coin de l’œil, commencer à bouger aussi. Elle ralentit la cadence, sentant Alfi, pas loin d’elle, prête à utiliser ses ombres dès qu’ils se seront assez enfoncés dans le couloir, à l’abri des regards. « Madame , s'il vous plait, calmez-vous. » elle y est, dans le couloir, attendant que son allié et le deuxième gars ne les rejoigne, toujours furibonde, et parfaite dans son rôle de jeune épouse exécrable.