Tes botes en peau résonnent d’un bruit mât sur le sol du palais d’Odin. D’aucun jugerait ce palais comme étant la plus belle création jamais réalisée, mais il ne ressemble qu’à une construction de briques, de bois et de chaume à tes yeux. Rien de bien extraordinaire ou qui vaille la peine de gonfler un peu plus l’orgueil du vieux borgne, il le faisait déjà assez bien tout seul. Père de Toutes Chose qu’il se faisait appeler maintenant. Père des trois-quarts des demeurés qui peuplaient ce palais, il était peut-être, mais très certainement pas le tien. Et que le ciel en soit remercié quand on voyait sa progéniture. Pas un pour rattraper l’autre. Magnifique plastique, tout dans les muscles, le ventre et dans le pantalon mais le néant dans la tête. Tu n’avais peut-être pas la beauté légendaire des Ases, mais tu savais aligner plus de deux mots toi.
Tu tournes à droite dans un couloir, répondant aux regards noirs des passants d’un sourire plein de dents sur ton visage tâché de rousseur. Tu les connais ces regards, tu y étais depuis bien longtemps habitué. Il n’était pas difficile d’en comprendre le sens : du dégoût. Un profond dégoût pour toi, pour ton sang, pour ton mélange, pour ta naissance. Stupides vermines concupiscentes et narcissiques. Incapable de trouver la véritable cause d’une action, blâmant l’enfant pour la faute de ses parents. Tu souris encore plus grandement, montrant ouvertement tes dents quand tu les vois grimacer à ton attitude. Tu les dégoutes tellement que tu avais fini par trouver leurs réactions amusantes avec les siècles. Et si enfant tu voulais, nécessitais, leur attention, maintenant le simple fait hurler de douleur, de peur ou de colère te satisfaisait amplement. Oh, tu ne les haïssais pas, loin de là. Pour tous ces cancrelats gonflés à la bière et au porc, tu n’avais qu’indifférence à leur égard. La vérité était que tu ne restais à Ásgard que parce que Sigyn le désirait. Ah Sigyn. Tu l’aimais cette femme, tu l’aimais ta femme. Pas comme tu le désirerais, pas comme elle le méritait, mais tu ne l’en aimais pas moins. Elle aussi ne t’aimait pas comme on l’aurait attendu. A vous deux, vous aimiez différemment. Vous vous aimiez comme des amis, comme des frères et sœurs. Vous vous aimiez comme de jeunes amants se découvrant l’un et l’autre et comme des anciens ayant passé toute leur vie ensemble. Vous étiez partenaires, confidents, défendeurs et protecteurs. Tu connaissais chaque recoin de son esprit et elle savait chaque variation de tes secrets. Elle savait pour Thor, tu savais pour Sif. Vous vous aimiez, ô oui, vous vous aimiez. Mais pas avec l’Amour décrit dans les chansons. Pas avec celui qui fait battre votre cœur, pas avec celui qui te fait rugir de bonheur. Votre amour n’était pas flamme, mais terre. Calme, solide et constant. Survivant les incendies, endurant les inondations et persistant face aux tempêtes. Vous aimiez différemment, vous étiez différents, mais vous vous en fichiez : Vous étiez heureux.
Paquet toujours bien en mains, tu arrives enfin à destination. Poussant la porte, tu es un instant agressé par toute la richesse de la pièce. Riches tapisseries, meubles finement sculptés et tu ne parlais même pas de tous les objets en or se trouvant dans la chambre. Tout désigne la royauté de son occupant. Et royal il l’était. Bien qu’alors qu’il faisait les cent pas dans sa chambre en pestant, il te semblait plus grincheux de majestueux en cet instant. Tu souris grandement en entrant dans la pièce, montrant tes dents au grand blond. « Souris, Thor, tu vas finir tout ridé d’ici quelques années si tu continues à bouder comme ça. » déclares-tu en entrant dans la pièce. Devant toi ce tient le dieu du tonnerre, Thor en personne, dans toute sa royale bouderie. Il était toute la réussite des Ases fait chaire cet homme. Grand, beau, bruyant, terrible guerrier mais bof pour tout autre chose et ayant besoin d’aide pour réfléchir de manière générale. Tu te demandais bien ce que tu pouvais lui trouver, des fois. Tu te dis que ça doit être les épaules. Et la taille. Et les muscles. Le physique tout entier en vérité car la personnalité laissait franchement à désirer par moment. Comme maintenant alors qu’il peste et geint encore la disparition de son marteau. Tu en venais à croire qu’il l’aimait bien plus que sa femme par moment.
Tu lèves tes yeux gris au ciel face à son attitude, tes cheveux roux bougeant alors que tu te déplaçais dans la pièce, te rapprochant du dieu. Certes, c’était probablement ta faute si Þrymr avait volé son marteau, mais ce n’était pas la peine de se comporter ainsi des jours durant. Il n’avait plus six cents ans à ce que tu saches. « Tiens, c'est d'après eux, leur plus belle création. » dis-tu en lui lançant ton paquet. Tu regardes le blond l’ouvrir avec un sourire en coin. Paquet ouvert, tu as tout le loisir de te repaître de l’expression de l’autre homme en voyant la superbe robe de mariage se trouvant dans ses grandes mains. « C’est la plus grande taille qu’ils aient. » l’informes-tu d’un grand sourire, te retenant difficilement d’éclater de rire face à son malheur. Bien fait pour lui et ses épaules trop tentantes.
Le silence s’installe un instant avant que tu n’hausses de nouveau un sourcil, un sourire en coin sur les lèvres. « Eh bien, t’attends quoi ? » Bras croisés, tu désignes la robe du menton. « Déshabille-toi et enfile ça, on a pas toute la journée. »
Il y a de rares jours où rien ne va. Ils sont rares ces jours au sein du havre de paix des Ases. Aujourd’hui en est un, et le divin à la tignasse dorée n’a pas pour habitude de subir affront. Et par Odin le père, immense il l’était, ce matin, cet affront ! Que faire néanmoins lorsque les choses ne vont pas ? Que faire face à l’absence cuisante de ce qui ne devrait jamais être séparé de lui ? Le révéler à tous les autres dieux ? Que le si célèbre marteau des dieux demeure en ce jour introuvable ? Probablement pas, pas dans l’immédiat.
Sans doute l’hydromel avait-elle trop coulée à flot au sein de son gosier, pour que Mjöllnir ne soit ainsi perdu. La lourde paluche qui s’écrase un peu plus loin de lui manque de réveiller Sif à la chevelure d’or à ses côtés. Elle cherche à tâtons le manche court, de là où il se trouvait pourtant la veille, mais rien. C’est ainsi que commença la bouderie de Thor, alors qu’il ne parvenait à remettre la main sur son arme tant aimée et adulée. Nul besoin de réveiller sa divine épouse, son pas tout aussi lourd s’en charge pour lui tandis qu’il tourne en rond, fouille et retourne. « N’as-tu pas vu mon marteau ? » qu’il ose toutefois demander à l’éminente beauté divine qui papillonne des yeux en se demandant ce qu’il peut bien faire à une heure pareille et de si bon matin. « Je ne crains que non. ». Contrarié, la chevelure blonde fait volte-face et s’enfuit dans les allées du palais d’Odin, non sans avoir pris le temps de revêtir les couleurs de la royauté divine. Sif, dans son interrogation ne pipe mot aux autres dieux lorsqu’elle se décide à quitter la chambre, ne devinant que trop bien l’agacement qui tiraillait son cher époux. Nulle raison d’être là à son retour pour subir les foudres de Thor. Un retour qui se fait plus rapide que prévu, mine et traits tirés par la contrariété. En cas de problème, celui que tous vont voir n’est autre que le dieu de la malice, Loki en personne, et quelle ne fut pas la surprise de Thor en écoutant les dires du plus rusé de tous. Un ogre du nom de Thrym avait subtilisé son marteau, le cachant aussi profondément sous terre qu’aucun être vivant ou divin, pas même Odin en personne ne serait en mesure de le retrouver. Tout ce que ce dernier souhaitait en échange était la main de Freya. « S’il ne demande que sa main, on peut la lui donner, je suis sûr qu’elle consentira à ce sacrifice. ». Mais Thor, se fourvoyant quant à la signification de la palabre donner sa main, ne ressortit que plus accablé de la situation. Freya refusait d’épouser le seigneur des ogres malgré son insistance.
***
Souris, Thor, tu vas finir tout ridé d’ici quelques années si tu continues à bouder comme ça. La bouderie de Thor ne cesse pas malgré les mots de Loki, il déteste cette idée, il la maudit, même. Grand était son amour pour ce marteau d’avoir accepté cette folle alternative, quand bien même l’envie de mettre à mal cet ogre lui tiraillait de plus en plus les entrailles. Il n’y a que Loki que ça amuse alors qu’il lui tend le fameux paquet. Un grognement étouffé résonne dans la pièce, c’est la contrariété du dieu du tonnerre qui s’exprime. Il peste, déplore la perte de son marteau sans qui il ne serait pas obligé de faire tout cela. Ce plan allait-il seulement marcher ? Tiens, c'est d'après eux, leur plus belle création. Le paquet est entre ses mains dorénavant et il l’ouvre de quelques coups rapides de la main. En apercevant les fins tissus, Thor ne peut que grimacer, sourcils froncés et air encore plus contrarié. « Je n’aime pas cette idée. » qu’il marmonne. « Les gens vont penser que… ». Il ne va pas au bout de sa phrase, marmonne des mots incompréhensibles. « Je ne peux pas me raser la barbe ! ». C’est la plus grande taille qu’ils aient. Grande taille ou pas, Thor n’en a cure il n’est plus d’accord avec ce plan, ça ne lui plait pas. Vraiment pas. Mais s’il ne le fait pas il ne reverra jamais Mjöllnir, et ça il ne peut se le permettre non plus. Tandis que les quelques réflexions s’entrechoquent au creux de sa caboche, le dieu de la malice parait perdre patience. Eh bien, t’attends quoi ? Déshabille-toi et enfile ça, on a pas toute la journée. Loki croise les bras, ce qui ne va pas pour améliorer l’humeur du blondinet. Les prunelles passent de la robe à Loki plusieurs fois de suite avant de plisser le nez et s’insurger. Il commence par retirer ses bottes, puis toute trace de vêtement sur lui. Thor n’a rien d’un prude, il est le dieu du tonnerre, et bien que l’idée le tente de moins en moins – si tant est qu’elle l’ait tenté durant une seule seconde – il n’allait pas se la jouer bonne femme devant le rouquin. Lorsqu’enfin la robe est enfilée, Thor ne sait comment se tenir, visiblement bien trop mal à l’aise malgré la grande taille, et le travail n’était pas encore terminé. Affublé d’une robe de mariée, certes, mais sans les attributs qui vont avec, même faussés, ils n’allaient pas aller bien loin. « T’ai-je déjà dit combien je déteste cette idée Loki ? ». Et Freya ne l’avait pas encore coiffé.
Beaucoup diraient que tu étais bien trop amusé par la situation présente. Beaucoup trop quand tout dans le blond transpirait l’agacement et la contrariété. Oh oui, le dieu du tonnerre avait entamé ce que tu appelais mentalement sa royale bouderie. Ce phénomène bien plus courant que certains voulaient l’admettre et qui ne se produisait que pour quelques situations : sa femme, ses bières et son marteau. Et aujourd’hui, c’était ce dernier qui avait déclenché la plus grosse bouderie que tu ais eu le plaisir de voir. C’était véritablement magnifique : tapages de pieds, grondements, marmonnements et une mauvaise humeur digne d’une femme en plein saignement. A croire que l’homme avait régressé à son état enfantin. Alors oui, tu étais bien trop amusé par la situation, tu n’y pouvais rien : tu appréciais trop le chaos pour ne pas t’en amuser. Le joujou préféré du grand et intouchable fils d’Odin avait disparu et le pauvre bonhomme se voyait refuser une demande pour la première fois de sa vie. Tu pourrais presque embrasser le voleur s’il n’était pas aussi répugnant. Ton amusement pour cette journée avait d’ailleurs atteint des sommets lorsque Heimdal proposa son alternative face au refus tout à fait logique de Freya. Oui, tu ne t’étais probablement jamais autant amusé et il te tardait de rentrer pour tout raconter à ta chère épouse.
Ton sourire se fait plus grand face à l’expression de contrariété du géant blond devant toi, son grognement résonnant dans la pièce. Tu manques d’ailleurs d’éclater de rire devant lui en entendant l’expression de sa contrariété. « Je n’aime pas cette idée. » marmonne-t-il dans sa glorieuse barbe. « Les gens vont penser que… ». Sourire carnassier sur tes lèvres, tu te délectes de l’expression boudeuse du die. « Penser quoi exactement, ô grand Thor ? » lui demandes-tu le plus innocemment du monde, tes yeux gris pétillants de malice. « Je ne peux pas me raser la barbe ! » Tu ris ouvertement cette fois, ton rire sortant naturellement sans que tu puisses l’arrêter tant cette réflexion est incongrue. Incongrue pour toi mais tellement logique face au caractère superficiel et vaniteux du blond. « J’espère que tu es tout de même au courant que ça repousse une barbe, non ? » continus-tu de ricaner avant de commenter la robe se tenant dans les mains gigantesques du blond. Ils avaient dit vrai : c’était véritablement une œuvre d’art. Une robe blanche brodée de petites pierres précieuses autour desquelles des fils d’or et d’argent s’entrelaçaient délicatement. C’était bien une robe digne d’être portée par la plus belle de toutes les déesses. Elle te rappelait d’ailleurs celle que portait Sif pour son mariage. La déesse aux cheveux d’or avait été radieuse ce jour-là, magnifique. Sigyn également avait été tout aussi belle pour votre mariage, bien que moins parée d’or.
Tu le provoques, le dieu du tonnerre, ouvertement de cela, espérant tout à la fois qu’il s’insurge encore plus ou qu’il retire en effet ses vêtements. Et c’est ce qu’il fit, pour le plus grand plaisir de tes yeux. Le Ciel savait que pour toute son intelligence manquante, cet Ases était magnifique, parfait physiquement. Ton regard se perd sur la courbe de ses épaules, sur les dessins des muscles de ses bras, sur le creux de son ventre et sur les ombres de ses jambes. C’était encore plus parfait que tout ce que tu avais pu imaginer et probablement la seule explication logique à ce béguin qui te taraudait depuis des siècles pour le dieu blond. Ce n’était sûrement pas pour sa brillante intelligence ou sa charmante personnalité. Sigyn se moquait régulièrement de toi à cause de cela alors que tu l’avais pertinemment vu fixer d’un air intéressé le derrière du blond plus d’une fois. Celui de sa toute aussi blonde femme également, d’ailleurs. Pas que tu puisses lui en vouloir, le postérieur de Sif étant plus qu’alléchant.
« T’ai-je déjà dit combien je déteste cette idée Loki ? » Tu clignes des yeux, la voie grave du blond te sortant de ta torpeur et tu constates qu’il a fini d’enfiler sa robe. Aussi splendide soit-elle, elle ne lui va que très peu. Thor est trop grand, trop musclé, trop masculin pour une robe qui a été créée pour une femme bien plus fine. Et le blond semble penser de même, tant il se tortille et tire sur le tissu. Il en serait presque adorable. Tu t’approches en ricanant. « Une centaine de fois, oui … Attend, je vais t’aider pour les lacets. » Passant dans son dos, tu entreprends de serrer et nouer les cordons de cuir servant à fermer la robe de mariage, finissant ainsi d’habiller le blond. « Voilà. Il ne restera que les bijoux et le voile et la tenue sera complète. » Tu plisses le nez légèrement en regardant sa grande taille tout sauf féminine. « Une bonne chose que Thrymr soit myope. » Un énorme sourire en coin naquit soudaine sur tes lèvres. « Es-tu sûr de ne pas vouloir raser cette barbe … ? »
Il vit les choses à cœur, Thor, lorsque cela concerne ce qu’il a de plus cher. Son marteau n’échappe pas à la règle et grand malheur à celui qui a osé s’en prendre à son arme fétiche au manche trop court. L’idée seule de se vêtir d’une robe de mariée féminine contrarie au plus haut point le blondinet aux cheveux longs. Lui, le dieu si viril, à la barbe inégalée et au coup de foudre aussi puissant qu’apprécié. Cette idée ne lui plait guère et il ne se cache pas de le faire savoir au plus malicieux d’entre eux tous, son fidèle Loki, toujours là pour répondre à sa plus plate demande – non sans en tirer quelques profits au passage dont le dieu du tonnerre n’en remarque pas la teneur. Loki, ça l’amuse bien trop et bien qu’il soit assez simple d’esprit, Thor est tout à fait capable de le ressentir. Penser quoi exactement, ô grand Thor ? Les mots lui hérissent un peu plus les poils autant que la flatterie le caresse directement dans le sens de ces derniers. Même s’ils sont emplis de malice. Non, le blond ne peut définitivement pas se raser le barbe ni ne va supporter le fait que les autres Ases puissent penser qu’il aime à se travestir dans des habits de femmes. Pourtant Odin sait combien son fils aime les femmes… Mais de là à se vêtir comme elles… J’espère que tu es tout de même au courant que ça repousse une barbe, non ? Une nouvelle fois, il marmonne, pousse un autre grognement et se résigne enfin à enfiler la robe sans répondre à la question de Loki qui s’esclaffe ouvertement. Il ne remarque qu’à peine les regards lubriques du dieu de la malice dans son dos, alors qu’il se change, cul nu devant lui car n’ayant que faire de la pudeur au sein de sa propre chambre. Lorsqu’enfin, ladite robe est enfilée, Thor se sent légèrement à l’étroit au niveau du buste et notamment des épaules, ces dernières étant fortes. A se pavaner ainsi dans des apparats féminins, il n’en demeure que plus ronchon et d’autant moins enclin à aller au bout de cette folle mission.
Tirant sur le tissu pour essayer de le lisser davantage, il se retrouve bien vite à marmonner de plus belle avant que Loki ne passe dans son dos. « Une chance que tu sois là, alors. » qu’il bougonne tandis que le rouquin serre les lacets les uns après les autres jusqu’à ce que le blondinet ait l’impression d’être aussi raide que le manche de son propre marteau. Ah. Son marteau. Voilà. Il ne restera que les bijoux et le voile et la tenue sera complète. Les bijoux… Le voile… Rien que ça ! Une bonne chose que Thrymr soit myope. Thor souffle et hausse les épaules. « Thyrmr ne verra bientôt plus que le néant de toute manière. ». Oh, il est tellement en colère le dieu du tonnerre, tellement exécrable qu’il pourrait bien en frapper quelqu’un et quelque chose tout de suite. Mais il se retient, refuse de laisser aller sa colère sur celui qui est pourtant ici en train de l’aider. Alors il s’abstient, ronge son frein, pense à la bataille à venir, à Mjöllnir tout retrouvé et à la partie de jambes en l’air qui suivra quelques pintes d’hydromel. Oui, tout allait rentrer dans l’ordre, cette étape n’était qu’un mauvais moment à passer. Es-tu sûr de ne pas vouloir raser cette barbe … ? Un frisson le prend dès que le malicieux prononce ces mots et il se raidit d’autant plus en se tournant vers lui pour le foudroyer du regard. « J’ai dit non Loki ! Je ne raserai pas ma barbe ! » qu’il peste aussitôt tandis que Freya pénètre dans la pièce, faisant tressaillir Thor, l’éminent dieu du tonnerre. « Regardez-moi ça comme elle est belle… Plus que quelques détails et tu seras une jeune mariée des plus divines. ». Ca amuse Freya également, énormément même… Sans doute trop. Lèvres pincées, Thor ne dit rien, laisse la déesse faire son œuvre et rembourrer une poitrine inexistante tandis qu’elle termine les derniers préparatifs. Bientôt, le voile s’abat devant ses yeux et le blond soupire, la chevelure parsemée de bijoux brillants et le collier significatif de Freya au cou. « Absolument sublime, tu ne trouves pas Loki ? Tu devrais d’ailleurs l’accompagner, avec ses manières de rustre il serait capable de tout faire capoter… ». Freya, voix de la sagesse, à n’en pas douter… Thor lève les yeux au ciel sous son voile en tentant de respirer. Non vraiment, quelle charmante idée…
Les Dieux sont imbus d’eux-mêmes, observation facilement élevable au rang de vérité absolue tant elle a été prouvée encore et toujours avec les Ages passés. Les Dieux sont imbus d’eux-mêmes et quiconque oserait prétendre le contraire est un menteur et un hypocrite. Tu en savais quelque chose, après tout, n’étais-tu pas le dieu des mensonges ? Tu sentais leur ignominie couler sur ta peau comme une rivière rafraîchissante, à chaque fois qu’ils bénissaient un humain, à chaque fois qu’ils accordaient leur protection ou bien déversaient leurs cadeaux. Race divinement hypocrite qui se convainquait elle-même que leurs actions étaient dictées par la bonté et non par le désir intéressé de voir leur culte augmenté. Tu n’en as pas besoin, toi. Les Ases te nourrissent bien assez de cette façon sans que tu n’ais à intervenir. Non, toi, lorsque tu agis, il n’y a nulle hypocrisie dans tes actes : toute ta vilenie et ton égoïsme sont pleinement assumés. Tu connais tes défauts, tu te sais colérique, fourbe, calculateur, manipulateur, cruel, égocentrique et arrogant. Oh, tellement arrogant. Tu te pensais invisible, intouchable, inarrêtable et le plus malin de tous. Ça te perdra un jour, tu le savais, ça avait été prophétisé. Tu ne savais pas encore ce que tu feras, mais cela devait être quelque chose de particulièrement horrible pour qu’Odin le Borgne te regarde du jour au lendemain avec suspicion et mépris. Ça ne t’avait pas touché plus que ça, en vérité. Celui qui était devenu ton frère après un pacte de sang t’avait autant utilisé que tu l’avais fait, après tout. Il n’y avait jamais eu d’amour entre vous, juste une froide politique afin de calmer les tensions entre les Ases et les Géants.
« Une chance que tu sois là, alors. » Clignement d’yeux surpris à l’entente de ce qui s’apparentait presque à un remerciement dans la bouche du dieu du tonnerre. Mais ça n’en était pas un, Thor ne remerciait jamais, il demandait, alors, caché dans son dos, tu te contentes de donner une réponse typique de ta personne. « Tu sais qu’à force de ronchonner ainsi, tu vas finir aussi ridé que ton père ? » ricanes-tu en terminant de nouer ses lacets de cuir. Tu recules pour admirer le travail et non décidément ça ne lui va pas, mais alors vraiment pas. Le dieu du tonnerre est trop grand, trop large, trop lui pour quelque chose qui a visiblement été créée pour un model de douceur et de grâce. Choses décidément absentes chez le mastodonte en robe devant toi. « Thyrmr ne verra bientôt plus que le néant de toute manière. » Tu ricanes ouvertement face à toute la rage du blond semblant bouillonner contre sa peau et contre chacun de ses mots. Tu peux te le permettre, tu sais qu’il ne te tuera pas : il avait besoin de toi pour récupérer son précieux joujou, après tout. « Je dirai à Hela de lui passer le bonjour de ta part, donc. » Parler de ta fille, de ton trésor, t’arracha presque un sourire sincère. Tu l’aimais ta fille, tu aimais tous tes enfants en vérité, même si le monde s’évertuait à les voir comme des monstres, des abominations. Tu ne pourrais jamais les voir ainsi, toi, pas alors que tu avais assisté à leur naissance, pas alors que tu avais vu leurs premiers pas, entendu leurs premiers mots et premiers rires. Pas alors que tu les aimais de tout ton être, de toute ton âme. Tu ferais n’importe quoi pour eux et tu brûlerais le monde avec joie si quelque chose leur arrivait. Tu le brûlerais, pisserais sur les restes avant de tout recouvrir de sel pour tuer toute tentative de renaissance. Caché derrière tes sourires et tes moqueries, on oublie souvent la rage qui t’anime et toute la monstruosité dont tu es issue. Tu le leur rappelleras s’il le faut.
Tu changes rapidement de sujet, ne voulant pas que le dieu du tonnerre voit une émotion réelle chez toi, préférant te cacher derrière ton masque de plaisanterie. Et quelle meilleure distraction que de menacer la chère barbe de l’orgueilleux dieu ? « J’ai dit non Loki ! Je ne raserai pas ma barbe ! » Il mord aussitôt, Thor, et tu lui adresses un sourire en coin provocateur alors qu’entre la plus belle d’entre toutes. Et il est vrai que Freya est magnifique, sublime, divine même. Mais tu trouveras toujours la chevelure sombre, la peau burinée par le soleil et recouverte de cicatrices et les yeux verts forêt de ta femme bien plus attirant que ne pourra jamais l’être la perfection de la déesse de la beauté. « Regardez-moi ça comme elle est belle… Plus que quelques détails et tu seras une jeune mariée des plus divines. » L’amusement de la déesse est palpable et trouve écho au tien, à la plus grande contrariété du dieu blond. Tu ricanes, allant t’asseoir sur une chaise à l’envers, les bras croisés sur le dossier et observes le spectacle. Fausse poitrine créée, bijoux parés et voile en place, Thor avait autant l’air d’une femme que toi d’une pierre. « Absolument sublime, tu ne trouves pas Loki ? Tu devrais d’ailleurs l’accompagner, avec ses manières de rustre il serait capable de tout faire capoter… » Tu te marres ouvertement, aux dires de la déesse avant de te lever. « A n’en pas douter. Mais ne t’inquiètes pas, je n’avais pas l’intention de le laisser partir seul, il se serait perdu, le pauvre bougre. » Tu te diriges vers le lit du dieu, commençant à retirer ta tunique et tes bas sans aucune pudeur et sous les yeux des deux autres divinités. « J’ai pris la liberté d’emprunter l’une des robes d’une de tes suivantes, j’espère que tu ne m’en voudras pas, ô belle Freya. » lances-tu par-dessus ton épaule d’un sourire espiègle et cul nu, alors que tu attrapes une robe posée innocemment sur le lit du dieu du tonnerre. Doucement, alors que tu t’apprêtes à enfiler le vêtement, ton corps change, tes courbes masculines s’arrondissent, deviennent plus féminines, et d’homme roux, tu deviens femme rousse avant même que la robe n’ait le temps de passer au-dessus de ta tête. Ceinture bouclée autour de ta taille pour maintenir la vêtement en place, tu adresses un sourire en coin à ton assemblée. « Il faut bien que l’un d’entre nous ait l’air crédible, non ? »
Ridé comme son père… A l’entente de la remarque, le dieu du tonnerre ne peut retenir un froncement de sourcils particulièrement boudeur à son attention. Son air rayonnant reprend toutefois rapidement le dessus lorsqu’il lève le menton et rétorque d’une voix sûre de lui. « Je serais toujours aussi beau, et probablement plus que Père, mais ne lui dis pas que j’ai dit une chose pareille… ». Ne lâchant qu’un ricanement, Loki termine de lacer la robe comme il le peut et le grand blond continue de ruminer sa contrariété évidente durant de nombreuses secondes encore, même lorsqu’il évoque Thyrmr et le roux sa propre fille, déesse des morts. Il faut seulement l’entrée de Freya pour que son agacement atteigne son paroxysme et son air morne un tout nouvel horizon. La hargne et l’émotion qui animent Loki ne sont point vus ni même devinés, Thor n’a que trop de choses à penser (notamment à son marteau) que de s’éterniser sur les traits du rouquin aux tâches de rousseur indéniables. S’insurgeant et beuglant qu’il ne raserait définitivement pas sa précieuse barbe dorée, fils d’Odin se met à soupirer d’entendre la moquerie de la divinité féminine. Tandis que le mécréant malicieux file s’asseoir pour profiter du spectacle, Thor lui, est bien contraint de se laisser faire par Freya qui prend la relève en lui offrant une fausse poitrine et autres parures dignes de la plus grande déesse des Ases. Balivernes, songe le dieu du Tonnerre en tirant toujours plus fort la tronche que précédemment. Interpellé, Loki daigne enfin de lever de son siège pour observer le résultat. Ainsi vêtu et maquillé, Thor ressemble à une meringue étriquée dans un papier cellophane qui serait inventé bien des siècles plus tard. De l’hydromel, il tuerait pour de l’hydromel à cet instant. « Surtout faites comme si je n’étais pas là vous deux. » qu’il marmonne dans sa divine barbe avant de s’éloigner et suivre Loki du regard. Ce dernier évoque une robe de servante et le blond ne comprend qu’une fois qu’il a commencé à se déshabiller et changer sous ses yeux bleus. Par tous les marteaux c’est qu’en femme il pourrait presque le trouver beau. Occupé à tourner le regard vers Freya pour ne pas paraître obsédé par les courbes féminines (mêmes faussées), Thor croise les bras contre sa toute proéminente poitrine et continue de baragouiner dans sa barbe. Il faut bien que l’un d’entre nous ait l’air crédible, non ?
« Tu sous-entends que je ne ressemble à rien ? ». Ce qui n’est certainement pas faute de le penser car stricte vérité. Les billes bleus se posent sur la femme rousse et Freya encore en train de ricaner termine de lui coincer la base du voile dans ses longs cheveux blonds. « Voilà, tout est parfait, maintenant tourne-toi que j’abaisse le voile de la mariée et cache ta si précieuse barbe… ». Lentement, et par réflexe, Thor s’exécute, non sans baisser les yeux sur les courbes de Loki qui le dérangent. Bien trop appréciables à son goût. Freya le reprend bien vite en le foudroyant du regard et lui faisant complètement tourner la tête vers elle. « Je ne te savais pas si tactile. » qu’il souffle à l’attention de la déesse avant de se faire marcher dessus. « Aow ! Mes divins pieds ! ». Sans un mot de plus, Freya abaisse le voile, furibonde et se hâte de prendre la direction de la sortie. « Je te le laisse Loki, fais-donc à ta guise, au moins peut-être que Thyrmr n’y verra que du feu s’il garde son voile baissé. ». Et d’un claquement de grande porte, elle disparait. Incrédule, Thor voilé se retourne vers le roux devenu rouquine. « Ai-je dit quelque chose de si mal ? ». Comme un éternel besoin d’avoir l’avis du dieu de la malice, avis comptant toujours aux yeux du dieu de la foudre. Perplexe, le blondinet cherche à comprendre ce qui a bien pu se passer, l’avantage derrière ce voile maudit qui le gratte, c’est qu’il est en mesure de loucher sur les courbes féminines de Loki sans se faire remarquer. Du moins c’est ce qu’il croit. « Bon, on y va ? ». C’est que ne plus avoir son marteau en main est un manque croissant et flagrant. Chaque seconde qui le sépare de son précieux objet métallique est un affront à ses yeux. Presser le pas dans la même direction qu’a prise Freya quelques secondes auparavant est donc tout naturel pour le fils d’Odin. Peu importe ce que Loki a prévu, la mariée dupeuse compte bien récupérer son précieux, que le roux… Rouquine suive ou pas.
Il y a de rares jours où rien ne va. Ils sont rares ces jours au sein du havre de paix des Ases. Aujourd’hui en est un, et le divin à la tignasse dorée n’a pas pour habitude de subir affront. Et par Odin le père, immense il l’était, ce matin, cet affront ! Que faire néanmoins lorsque les choses ne vont pas ? Que faire face à l’absence cuisante de ce qui ne devrait jamais être séparé de lui ? Le révéler à tous les autres dieux ? Que le si célèbre marteau des dieux demeure en ce jour introuvable ? Probablement pas, pas dans l’immédiat. 