Ezeckiel & Cael

I give you all of me

Il glisse son téléphone dans la poche arrière de son jean sombre tandis que sonnent les vingt heures tapantes. C’est une idée folle qu’il a eu là, d’accepter la proposition du greffier d’emménager dans ses quartiers. Il ne sait réellement pourquoi il a accepté, ou plutôt, il ne le comprend que trop bien. Ce serait se mentir à lui-même que de ne pas réaliser la place qu’occupe dorénavant Ezeckiel dans sa vie de renard malicieux. L’obscurité a beau s’être emparée de lui, le gamin est le peu de lumière restant dans son cœur de glace, cet éclat qui empêche son myocarde d’arrêter purement et simplement de battre. Si ça ne le rend pas foncièrement meilleur, ça le détourne malgré tout de pauvres âmes rencontrées par inadvertances qu’il souhaiterait torturer en temps normal. Oui, le nogitsune a bien des obsessions, et il semblerait que le môme en soit devenue une. Voilà sans doute pourquoi il n’a pas eu de mal à accepter l’idée qu’il ne soit plus seul à vivre chez lui. En revanche, si Cael est prêt à passer le cap, il sait qu’il ne veut pas avoir à camoufler ce qu’il est véritablement. Il sait toutefois de source sûre qu’Ezeckiel n’est en rien une récurrence, ça, il l’aurait déjà grillé bien des semaines et mois auparavant.

En franchissant le seuil de sa propre porte, le psy sait qu’il est attendu et s’il esquisse un rapide sourire en apercevant le brun, il redevient tout aussi rapidement des plus sérieux. Trouver les mots n’est pas difficile pour lui, révéler ses sentiments l’est beaucoup plus. Est-il seulement amoureux comme il dise ? Pas la créature ni même les restes humains au creux de cette carcasse ne sauraient le dire, ils n’ont jamais connu ça jusque-là. En silence, il dépose sa veste de costume sur le dossier du canapé qu’il contourne pour venir déposer un chaste baiser sur ses lèvres. « Tu n’as pas trop attendu ? ». Question bien futile quand il sait l’heure qu’il est, mais comme dit par sms, il était là pile à l’heure. Cette fois, c’est Cael qui a amorcé le doux bonsoir, lui qui d’ordinaire n’a pas les réflexes nécessaires à ces délicates attentions. Il sait ce que le brun attend pertinemment, après tout ils ont parlé d’emménagement et à en juger par l’attitude habituelle d’Ezeckiel, le bonheur est au rendez-vous. Ca l’amuse, le renard, de le voir ainsi et de se sentir si indispensable à sa vie. Il refuse simplement d’admettre qu’il s’est fait prendre dans les mêmes filets que l’humain. En quelques pas, le propriétaire des lieux se sert un bon verre de vin rouge et en propose à celui qu’il aime secrètement, pour ne jamais le lui avoir dit. Puis il prend une fine inspiration et se lance, avec la ferme attention d’en finir tout aussi vite. Il serait néanmoins mentir que de dire qu’il ne craint pas que la révélation l’effraye. « Si je veux qu’on discute, c’est parce que je ne veux pas te voir te lancer dans un emménagement sans que tu ne saches une chose sur moi. ». Et quelle chose. Avec sa sempiternelle classe, Cael attrape son verre de vin et vient s’asseoir sur le canapé de cuir blanc. Dos bien droit, il a les traits si sérieux qu’on pourrait le penser constipé. « Tu m’as demandé plusieurs fois ce qu’étaient les tâches noires dans le bas de mon dos. ». Il y en aurait bientôt une énième d’ailleurs. « Ce n’est pas un tatouage ordinaire, ce n’est même pour ainsi dire pas un tatouage. ». Malgré les mots planent toujours cette sorte de mystère qui enveloppe perpétuellement le renard sombre, il en a pleinement conscience, c’est pourquoi il n’arrête pas ses paroles. « Je connais l’existence des divins et je crois savoir que toi aussi. Je ne les apprécie pas, je les exècre et les fuis. Parce que je ne suis pas comme eux et qu’ils pourraient m’asservir d’une manière ou d’une autre. Je suis un kitsune. Une créature. ». Les billes d’émeraudes scrutent les traits d’Ezeckiel, craignant qu’il ne prenne ses jambes à son cou, chose qui lui ferait irrémédiablement mal et pourrait bien le briser un peu plus. « Sous sa forme la plus noire. Je suis loin des véritables gentlemen Zeke. Je suis un renard du panthéon japonais qui ne ressemble en rien à la version la plus lumineuse. Je ne suis pas que malice, je suis noirceur et obsessions. Les tâches dans mon dos apparaissent chaque fois que j’ai une année de plus. Il y en a dix-sept. Car ça fait dix-sept ans que je suis un nogitsune. Je suis mort à l’âge de 16 ans. ». Cael ne rentrerait toutefois pas dans les détails des circonstances de sa mort, ni de sa vie d’avant. Il n’en a parlé qu’à Feliks car c’était sorti tout seul. Aujourd’hui il n’est pas prêt à embêter Ezeckiel avec ça.

« Je voulais que tu le saches avant d’emménager ici, avec moi. Parce que ce ne sont pas des choses que je veux cacher ici. Il y a bien des choses dont je suis capable et je ne voudrais pas avoir à te mentir. ». Les traits de son visage savent garder la façade de glace, visage impassible qui ne donne que très peu d’indications sur le cœur qui bat pourtant à tout rompre dans sa poitrine. Seuls peut-être ses yeux trahissent l’émoi qui s’agite en son sein à l’idée qu’il puisse perdre le brun.

Ezeckiel & Cael

I give you all of me

Arriver pile à l’heure. Une habitude quand Cael le voulait bien. Ce n’était pas toujours le cas, cela n’avait d’ailleurs pas été le cas lorsqu’ils se sont rencontrés pour la première fois. Ils en ont fait, du chemin, depuis cette première entrevue. Des mois sont passés entre les deux et aujourd’hui ils en sont là, le renard prêt à accepter de vivre avec quelqu’un à plein temps, et le gamin probablement prêt à accepter de vivre avec une créature sombre. Car s’il lui a demandé de passer, c’est bien pour qu’ils aient cette discussion. Hoffman ne se voit pas cacher sa véritable nature au creux de cet appartement. Il veut pouvoir continuer de se changer en corbeau ou en chien sombre comme bon lui semble, il veut pouvoir continuer d’étudier ses dossiers et rendre fous ses patients dès qu’il en a l’occasion, sans qu’aucun mensonge ne s’immisce. Cael veut pouvoir assumer ce qu’il est aux yeux d’Ezeckiel sans avoir à s’en excuser. Et si le môme n’était pas prêt, au moins, il le saurait. Ce n’était simplement pas dit qu’il accepterait. Sans doute est pour cette raison qu’il attaque de but en blanc sans être incapable de s’arrêter de parler. La nervosité est bien présente, juste sous-jacente et quasi invisible. Toujours bien se tenir, être droit et impeccable, voilà le leitmotiv du psy. Tout est dans l’apparence en public, un tic qu’il aurait du mal à laisser tomber, quand bien même il ait fait des progrès depuis qu’ils se connaissent, le renard s’ouvrant progressivement à l’autre et abaissant des barrières. J'adore les renards. Les mots chuchotés, il les entend mais ne marque qu’un temps d’arrêt avant de terminer ses explications. Tout révéler avait un aspect assez curatif de la chose et de ce qu’il était. L’avouer à haute voix était salvateur, même s’il craignait la réaction finale d’Ezeckiel. Il décide donc de siroter son verre de vin après s’être desséché la gorge. Lèvres pincées, il ne sait pas si la remarque d’Ezeckiel était sérieuse ou non, connaissant le jeune homme il savait que ce dernier usait facilement de l’humour pour dédramatiser les choses. Toujours un moyen d’alléger les conversations même les plus compliquées.

Assis sur ce canapé de cuir, le nogitsune se tient moins droit qu’il y a quelques secondes, relâche petit à petit la pression même s’il n’est pas serein. Le silence qui tombe entre eux, le psy ne sait comment l’interpréter alors il préfère se murer dedans en attendant que Zeke ne prenne la parole. Lentement, ses prunelles vertes se posent dans celles du brun et il penche la tête sur le côté. Il n’est pas un dieu non, ça Cael s’en doutait déjà. Ce qu’il ignorait en revanche, c’est qu’il était un Prophète, si bien que lorsque le gamin lui avoue avoir un truc à lui dire également, ses sourcils se froncent un bref instant et la surprise finit par se lire quelques secondes sur ses traits. Un Prophète donc. Il n’en a entendu parler que quelques fois, pas assez souvent pour savoir réellement de quoi il retourne, cela concerne bien plus les divinités que les créatures. « Ca a un rapport avec le fait que tu sois devenu greffier ? » qu’il ose interroger en esquissant un sourire en coin qui disparait aussitôt qu’il croise les bras contre lui et qu’il le voit faire. Silencieux, Cael l’observe et refuse de le quitter des yeux. Les mots qui s’enchainent ensuite lui font comme un coup au cœur, perçant la noirceur durant quelques instants. La part humaine s’agite à l’intérieur, percevant la franchise dans ces paroles qu’il n’attendait pas ni n’espérait. C’était donc ça, l’amour ? Son sourire revient alors et s’élargit, billes d’émeraude se baissant temporairement jusqu’à ses doigts tenant le verre de vin. « Kitsune. » qu’il reprend juste histoire de dire que, avant de se pencher pour venir l’embrasser. « Nogitsune, même, si tu veux être plus précis. » qu’il ajoute encore avant de l’embrasser à nouveau en ricanant. Soulagé. « Est-ce que ça veut dire que… Tu n’es pas effrayé ? ». Il penche à nouveau la tête sur le côté et inspecte ses traits du regard, toujours aussi proche de lui. Il murmure une seconde fois. « Et surtout, est-ce que ça veut dire… Que tu vas vraiment emménager officiellement ? ». Cael sourit, se recule à peine en conservant le verre entre ses doigts, vin rouge presque fini dans ce dernier car la nervosité l’a poussé à boire. A abuser, pour une fois.

Réponse obtenue, quelle qu’elle soit, le renard se met à rire doucement en reculant et terminant enfin son verre. « Si jamais tu viens à croiser un corbeau, un chien, ou un renard noir, tu ne t’étonneras pas… ». Une manière bien à lui de révéler une des capacités qui sont les siennes. Hoffman poursuit son chemin sur les précisions de leur future vie commune.