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Can't you see that I'm real

 :: abandonnés
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Can't you see that I'm real - Mar 22 Jan - 12:44

Lenny Pratt & @Natalia Bielinski


Lune gibbeuse suspendue à l’empyrée. Il lorgnerait l’astre et s’en amouracherait sans doute, Lenny, s’il n’avait pas le malaise aux tripes et la gueule pendante. Trois minutes qu’il s’écartèle la conscience, qu’il s’écrase dans la merde, qu’il s’érafle l’épiderme aux arêtes d’immeubles. Mauvaise rencontre, mauvaise pioche. Un camé a dû refiler son emplacement à deux connards aux abois. Et ça lui colle au cul, désormais. Ça harcèle, ça appelle, ça menace. Lame exposée aux lueurs des merveilles, sous la lumière citronnée des lampadaires. Il a sûrement emmerdé un méchant dieu, pour que le karma lui claque en travers de bobine si vite et si brusquement. Pas même un avertissement, ce soir. Rien que les os et les cactus, et les chiens mordus par la rage. Merde, merde putain Lenny mais merde qu’est-ce que tu branles. Il ne sait pas bien mais il avance. Il court, plus exactement. Et trois minutes à travers la citée, il ne se souvenait pas que ça pouvait coûter si cher. La vie qui dérape et défile et cette lame cette lame putain cette lame qui l’hypnotise qui l’irradie qui lui retourne l’estomac. Cet estomac qu’il aimerait ne pas voir tranché ni percé d’aucune façon. Pas maintenant, pas aujourd’hui en nuit, quelle heure est-il. Dis-moi quelle heure est-il. Pas celle de ta mort, ‘certain. Certain que tu l’es déjà, mort. Mort un matin de novembre. Les trucs qui foirent dans la vie, chez toi, ça s’ancre toujours en novembre. Comme si ce mois n’embarquait déjà pas assez la bonne humeur et les sourires – fussent-ils de traviole.
Il halète, le fauve. Se tord en deux, le derche contre les briques râpeuses d’un vieux bâtiment désaffecté, sur l’avenue mal éclairée. Il n’arrive pas à lever la tronche et mirer les environs. Bourdonnements dans les oreilles et respiration défoncée. Il a un poing dur sous les dernières côtes. Les doigts s’y enfoncent malgré les couches de fringues par-dessus. Il appuie, il appuie à augmenter la douleur qui se globalise et qui rend dingue. Il bloque et débloque sur place. Mèches brunes renversées devant le museau baissé. Soumission à demi gobée. Il faut reprendre la musique. Inspire expire inspire expire et bloque. Et le martyre reprend. Inflammation, langue de feu qui lui dévore les entrailles. Qui lui cloque les bronches et puis la gorge. Sur la bouille, les ridules se métamorphosent, se décomposent. Il braillerait une saloperie si seulement ça ne rameutait pas les branleurs des instants perdus. Le sien, d’ailleurs, l’est sacrément. Instant bousillé, il y a perdu quelques plumes – des plumes en papiers verts.
Paumé au beau milieu d’Arcadia. Pas fichu de redresser l’échine, d’ouvrir les mirettes sur ce qui l’encercle, de planifier une échappée. Pour disparaître disparaître disparaître comme un rêve. Il se concentre, sur le souffle. Ce souffle qui lui dégomme la trachée et les poumons. Pouls désorganisé,  veines gonflées sur l'encolure autant que la tempe. Elles serpentent à travers le cuir chevelu. Elles palpitent et incendient davantage sa trogne de môme mal nourri.
Lenny, il abdique en moins d’une minute et décampe lorsque le martèlement recommence. Bruit de course, de poursuite. Le retour des corniauds à ses trousses.
Il emprunte les allées et leurs déliés. Des dérives et des erreurs qui lui font perdre des secondes et le poing ou point, il ne sait plus très bien, accentue son emprise sur l’organisme. Corps fait d’épines et de tiges, il s’imagine monstruosité difforme. Grande grande si grande et si fragile. Un coup précipité et il y a aura les craquements et les fractures et l’effondrement. Tu résisteras pas, sous les phalanges. Tu résisteras pas sous les coups de pompes. Tu vas devoir te ramasser à la cuillère, la minuscule. Un coup d’aspirateur et s’en sera fini, de toi, alors bouge Lenny bouge putain mais bouge.
Il ne fait que ça, Lenny, il ne fait que ça mais ça ne cesse jamais et les hantises enflent sous l’ovale du front. Match de ping pong avec les idées et les peurs ; à qui aura le dessus à qui le fera se chier dessus. Sur le trottoir qu’il hante, y a désormais tous un tas de godillots et de silhouettes pour peu qu’il aille plus loin que le bout de ses sneakers. Il présuppose s’en être sorti, de sa chiasse existentielle ; il présuppose pouvoir larver sur un perron, réapprendre l’estime de soi et compter les pertes qu’il faudra combler. Paluche dans la poche du futal, il serre les biftons et vérifie les sachets et les capsules. Nase orienté au bitume, sourcils froncés et lippe fendue sous les incisives tortionnaires ; la rythmique de malheur récidive. Il perçoit l’agitation dans son dos, ça lui file un frisson qui va du bas des reins et remonte jusqu’aux cervicales. Le bide se contracte autant que les guibolles et les jointures. Grognements insurrectionnels, répliques assassines ; ça pousse et repousse les épaules et les flancs pour rejoindre l’objet de convoitise : lui. Lui en cible crépitante, rouge rouge sanglant rouge urgence. Le hey connard percute les tympans, réanime l’instinct du fauve : il s’évade. Survivance exacerbée, qu’importe les problèmes, qu’importe les écorchures de l’âme. Il se faufile entre les masses, s’abaisse, se rapetisse entre les membres et les têtes qui maintenant le dépassent. Il enlève son blouson qu’il balance à la chaussée, lisse sa tignasse et la recouvre de la capuche bleu délavé de son sweat troué. Mains dans la poche ventrale, épaules larges quoique voûtées. Il se ratatine sur lui-même et implore le karma de lui rendre sa chance de cornu. Sûr qu’il est cocu. Pour ce qu’il en a à foutre. Il ne sait même pas c’que c’est, le syndrome d’appartenance le syndrome des amoureux le syndrome de dame jalousie et toutes ces conneries. À quoi ça sert putain mais à quoi ça sert de s’encombrer. Vivre à un en deux, ça lui nique assez les synapses.
Tergiversation sordide. Victime de ses délires. La semelle ripe sur une dénivellation. Deux pavés mal agencés, il manque se vautrer. Le bras tendu, la pogne agressive. Lenny aggripe la première chose qui lui passe sous la paume. La chose, elle s’appelle possiblement Candy ou Sugar ou Crystal – Crystal avec un y, pour revêtir la fantaisie et le mystère. Pour ne surtout pas se tromper sur la marchandise, c’est vrai. Y a pas de beautés cachées sous les fripes de putes au rabais.
Risette enjôleuse torchant la face rougie et moite de s’époumoner. Il rejoint Candy ou Sugar ou Crystal, bras cobra enroulé aux épaules malingres. Il l’enjoint à partir pour une virée. C’est pas une pute comprenez, c’est pas une pute non c’est ma copine. Elle aime se saper comme dans les magazines, elle croit que ça inspire et transpire la classe la grâce enfin voyez voyez cette beauté.
Il tente de respirer à la façon des gens normaux. Il tente de se montrer détaché, tandis qu’ils remontent vers le centre, traversent la route et zigzaguent entre les bagnoles arrêtées. Feu rouge autant que sa lèvre autant que ses joues. Karma de retour, la chance chatouille les naseaux. Le sourire de gamin s’élargit sous la frange élimée de la capuche en masque. Bah alors Lenny, qu'est-ce que tu croyais.
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Can't you see that I'm real - Mar 22 Jan - 22:24

Can't you see that I'm real
@Lenny Pratt & Cherry

« Vanish into the night with me We're racing heartbeats Gotta get away, gotta escape From the daylight I can see the way painted beneath the moon. »
Dans la piaule aux murs sales, les guiboles s’étendent à la crasse. Les petons dansent sur les imperfections dans un ballet déglingué et limité. La tête, elle, pendouille dans le vide. Poupée désarticulée, marionnette à qui on aurait coupé les fils. Les cheveux effleurent le plancher crade, je me fais serpillière, ouais, et je crois que ça me fait marrer, au fond. Au fond, tout au fond, là, dans le creux de la cage thoracique ; là où ça vit, là où ça meurt. La trogne se teinte de rouge quand les quilles, elles, sont couvertes de bleus. Ecchymoses bouffant la carne, vestige de leur passage à eux. Eux, eux les hommes. Ceux qui n’ont pas de visage, tout juste une queue. Ils ne sont que des voix, des timbres, des notes qui s’échappent et foirent la partition. Ma partition qu’ils ruinent d’un Do quand il n’y a que le La, que le Si. Et le Si, le Si Et si tout était différent ?
Carcasse qui se balance sur le côté, tombe de son perchoir, de ce pieu trop petit pour recevoir. Y a tout juste la place d’y placer mon cul, et c’est tout, c’est tout. Il y a le rouge aux ongles, le rouge aux mains et aux pieds. Un détail. Ridicule détail qu’ils ne voient jamais, jamais. Mais je les fixe, moi, je fixe les petons, parfois quand les genoux côtoient les épaules, quand le corps se courbe et se plie, quand ils pilonnent, qu’ils défoncent, alors je regarde le rouge. Le rouge à mes mains et le rouge à mes pieds. Le rouge. Le rouge, le rouge pareil au sang. De ce sang qui couvre mes lèvres pour leur chuchoter les mots qu’ils attendent, les oh oui et les encore. Les mots-poison, les mots-mensonge. La robe est courte malgré le froid. Elle moule les courbes et les creux. Les chevilles ont appris le tango des talons aiguilles. Cuissardes de velours noir pour planquer les extrémités au froid quand les cuisses, elles, se gèlent. Ça picore l’épiderme, ça grignote l’enveloppe charnelle. Le manteau en fausse fourrure enveloppe les épaules. Ces épaules qui trop souvent se dévoilent aux passants, à ces types qui ralentissent devant le trottoir qui me mirent, qui me jaugent et me jugent. Jusqu’à ce qu’ils s’arrêtent, jusqu’à ce qu’ils demandent –C’est combien ma jolie et moi répondre -cinquante la pipe, cent la totale. En général, ils prennent la totale, parce que ça paraît moins cher de fourrer deux ou trois trous que regarder la salope pomper le dard à travers du latex. Ça fait mes affaires. Cibiche coincée entre les badigoinces, j’arpente le bitume et ses pavés, navigue entre les filles déjà en place, ces filles qui ne m’aiment pas et desquelles je m’éloigne. L’humidité est désagréable, ça ploc derrière le dos, quand le néon de la façade grésille. Pas de bar, ni de boîte de nuit, juste une putain de laverie. Ouverte 24h/24, 7j/7. Ça se presse à l’intérieur pour me regarder de traviole. Les gars n’avoueront jamais lorgner sur mon cul qui se déplace de gauche à droite dans une rythmique pareil aux tic-tacs de la vieille horloge suspendue au mur blanc-sale. La berline s’arrête, je fais mine de ne pas la voir, ça fait partie du jeu. La vitre électrique descend et le bedonnant se penche vers moi, il siffle. Ouais, il siffle. Parce qu’ils ne m’appellent pas, comment on appelle une pute, au juste ? Hey sale chienne ? Oh, la prostituée ? Alors on la siffle, ouais, on la siffle, la putain. Le manteau tombe aux coudes, dévoile clavicules et galbe. Je me penche légèrement, paume sur le toit en tôle. Il dit –monte. J’annonce les tarifs, il dit –OK, maintenant monte. Et il se gare, venelle à quelques pas de là, entre briques et bennes, il défait sa ceinture, baisse un peu son froc. –Suce, suce-moi putain qu’il claque en attrapant le crin, en le serrant entre ses phalanges. Et la même rengaine, toujours, toujours, quand il insulte, quand il force les lippes, quand il cogne le fond de la gorge ; quand il grogne, feule et crache ses insanités. Et je reste persuadée être un exutoire pour ces hommes si sages quand ils rentrent chez eux tard le soir. Ils redeviennent ce père parfait, ce mari parfait, cet amant parfait. C’est grâce à moi, qu’ils peuvent l’être, parfaits. Parce qu’à moi, ils dévoilent leur vrai visage. Je connais mieux ton mari que toi, pétasse.
Les billets, coincés dans la poche intérieure du manteau, il ne prend pas la peine de me raccompagner, me demande froidement de sortir de sa caisse. Et il me jette, me jette comme la capote usagée par la fenêtre. Ça demande de la dignité, beaucoup de dignité, que de descendre d’une caisse sans lui dire va te faire foutre, connard. Ta queue est minuscule, je comprends que tu payes pour qu’on la gobe. Chien de la casse ! Les talons retrouvent le macadam et je ne me retourne pas, ne me retourne jamais pour les regarder s’éloigner, s’en aller. Je retourne à ma place. Le type toujours assis sur le banc de la laverie me lorgne à nouveau. Je bouffe un chewing-gum à la menthe, allume une clope et mâche et mâche et mâche la gomme au goût de nicotine, maintenant. Je ne m’insurge plus des regards, de cette femme qui tient son homme un peu plus fort quand ils passent près de moi. Non, je m’insurge plus de ceux qui prient pour moi, ceux qui m’insultent de traînée, ceux qui touchent sans payer. J’imagine, ouais, j’imagine que c’est le prix à payer pour être seule dans les rues, pour n’avoir aucun mac pour surveiller et protéger mon cul. Cette surveillance qui prendra plus de la moitié de mon blé si durement gagné. À la force de ma langue et de mon entrejambe.

Ça percute et déstabilise, les guiboles flagellent, manquent céder. Les lippes s’ouvrent pour japper, mais le garçon en forme de môme glisse son bras à l’épaule, intime de marcher, ouais de marcher pour se faire une petite virée. Comprendre qu’il veut me baiser, plus loin, ailleurs, là où personne ne verra, ne saura pour lui et pour moi. Moi, moi qu’on cache, moi dont on a honte plus que moi-même. Alors je ne moufte pas, me contente de traverser les artères et de louvoyer entre les caisses. Il ne me regarde pas, le gars, ne bave pas sur les courbes affriolantes, laisse sagement sa main à mon épaule quand d’autres l’auraient déjà glissé jusqu’au cul pour en claquer la chair rebondit. Alors ça panique à l’intime, ça fait se tendre le râble, serrer les mâchoires. Tu travailles pour qui, connard ? –Cent balles, que j’exige. –Cent balles si tu veux que je continue de te suivre. Et l’accent russe vient trahir les origines. La marche s’arrête lorsque les épaules se tortillent et que je me plante devant lui. Les tiges s’accrochent à son froc, le tirent nonchalamment à moi jusqu’à ce que les bustes se percutent, se choquent l’un à l’autre. Ça klaxonne derrière, cabriolet freinant brusquement, si brusquement que les pneus crissent sur l’asphalte. T’as des emmerdes, on dirait. –Mon tarif vient d’augmenter, que je lui largue, avant d’achopper la paluche et de le traîner derrière moi. Les brindilles s’activent, allongent le pas, intensifient la cadence. Tourner à droite, s’enfoncer un peu plus loin pour aller vers la gauche. À gauche. A gauche, là où il y a la piaule, ma piaule. Le badge offre l’échappatoire, je le tire, le plaque contre le mur et claque la porte. Et parce que je ne veux pas qu’il cause, le cinglé, la paume s’écrase à sa bouche pour qu’il la ferme, ouais, qu’il la ferme sa petite gueule. Et quand il n’y a plus un bruit, plus rien que nos respirations anarchiques, plus rien que lui, plus rien que moi, je le lâche, ouais, je le lâche. –Tu me dois cent-cinquante balles, dis-je dans un claquement de langue. C’est pour m’avoir forcé à te faire venir ici, c’est pour m’avoir empêché de bosser. Et je devrais te demander plus encore, en vérité. Le manteau est réajusté sur les épaules dans une pudeur presque risible.



(c) DΛNDELION
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Can't you see that I'm real - Ven 25 Jan - 15:33

Il sait vivre et croit survivre. Plus de peur dans le ventre, les souvenances des abrutis perdues à l’encéphale. Cortex en effusion. Il pense pouvoir baiser, Lenny, pour clôturer la soirée ou la prolonger. Les interrogations cascadent dans l’épais fourneau de pensées. Ça déborde par tous les trous, de tous les putain de côtés et elle s’arrête, la salope. Sans prévenir sans rien demander. Le pèze, qu’il faudra allonger. Glaçon dans la gorge. Glissement vertigineux le long de la colonne vertébrale. Les frissonnements et la chute s’annonce cosmique. Il revoit les passages et les visages qui se mélangent et il ne capte pas immédiatement ; la situation et son urgence. Sourire carnassier sur la face, il est prêt à lui japper va te faire foutre putain mais arrête de rêver. Le seul rêveur ici Lenny, c’est toi ; rêveur les semelles collées au bitume, ferme-la avant que tout chavire que tu te noies.  
Les badigoinces s’étirent, se soulèvent sur les crocs jaunis. Trop de tabac. Nicotine aux veinules et goudron aux alvéoles. Il dit ok lorsque la bagnole l’aveugle. Crissement sur l’asphalte. Cabriolet rouge à droite. Rouge rouge comme ton monde rouge comme tout ce qui se déchire et t’attire. Rétines incrustées à la carrosserie et bras désormais pendant aux flancs. La brune s’est démise. Hors de son étreinte elle lorgne, jauge la devanture, le client. Les prunelles la dardent en retour. Et devant la mine butée de cette fille, le désir au dédain l'immole. Lenny, il la détaille durant la poignée de secondes qu’elle lui accorde. Des traits de môme et des airs de femme. Ça n’a pas de sens et tout s’efface. Dissolvant jutant sur les synapses. La séquence tressaille, elle appelle le corps qui ne veut pas du sien. Elle plaque sexe à sexe malgré les fringues. Ok, ok, c’est tout ce qui s’extrait d’entre ses ratiches serrées.
La course reprend.
Ville dévorée par les pas sans les rires sans l’alcool et les délires. Pas de dose proposée pas de ristourne accordée. Froideur de l’accroche. Relation déliquescente. Ça ne fonctionne que comme ça, peut-être. Les belles histoires. Tu sais, bien sûr que tu sais ; celles qui ne se terminent pas dans le foutre et au-dessous le voile bubonique des bleus aux nuances galaxie.
Paume contre paume, les jambes s’activent et les corps se meuvent à l’espace. Ils se transforment sous les réverbères et les lumières acides des voitures ; sous l’astre qu’il mire, lui, sans plus se soucier de la réalité. Bobine levée aux nuages maquillant le ciel en voûte. Noir et bleu. Bleu violent. C’est beau putain mais pas le moment non pas le moment. Attention dégringolant à la rue qu’ils contrarient derechef. Pas de passage pour les piétons ; sauvages au milieu de la civilisation. Elle l’amène jusqu’à une porte vitrée qu’elle ouvre et dans son dos, il croit, il se persuade, il hallucine les deux loubards qui galopent, foncent à sa rencontre. Pas de chevaux non pas de chevaux pas de vélo ; qu’un bolide. Deux roues et le pot d’échappement et sa mélodie qui décrasse les tympans.
Panique aux bords des lèvres, à bord du système nerveux. Sabordage de l’équipage. Capitaine décapité, sa tête balance.
Le tangible revient comme si du sable crissait entre ses molaires : la pute happe le sweat et dans le dos il n’y a plus le motard ni son passager mais le mur. Au-dessus plus de ciel bleu violent et violet dans les tranches. C’est la pénombre d’un hall d’immeuble aux relents d’urine et de vieux cendrier qui les accueille, le rassure.  
Geste virevoltant, elle le prend au dépourvu en écrasant sa main à sa face. Menotte glacée sur bouche glacée ; il patiente sans s’offusquer. Il patiente jusqu’à ce qu’elle se décide à le relâcher, que les bruits de la route n’aspergent plus la minute. Ne demeure de la cavalcade qu’une douleur toujours présente sous les côtes, les souffles entrecoupés et son odeur qui lui monte enfin au nez. Un mélange de vanille et de sucre et de fruits – ce genre de parfums qui lui filent chaque fois un début de nausée. Ça lui monte dans la tête lui envahit les bronches  et lui creuse le cœur.
Tu me dois cent-cinquante balles, dit-elle.
Manteau fausse fourrure dégoulinant sur la silhouette. Il la regarde se saper avec la pudeur d’une nonne. Ça brise le temps d’une expiration l’abondance de saloperies irriguant la conscience. Court-circuit des desseins crapuleux ; il dégueule :
Tu t’es prise pour Bellucci ou quoi ? Cent et… et-
Paluche enfoncée dans la poche du futal, il fouille. Trouve ce qu’il cherche sous les rouleaux de billets verts. Poudre orange dans son pochon. Il secoue la trouvaille, d’une pichenette. Index et pouce. Les grains dorés fourrés sous le pif de la roulure, il ajoute, en connaisseur et bon professionnel :
Et ça. Mesca. Jolie poudre d’ange pour une sainte.
Grimace hérissant les poils de la barbe, fouet d'ironie. Les canines comme des poignards, les pupilles comme des soucoupes. Vendeur de rêves et de cauchemars. Bouffeur d’espoirs et de fantasmes. De la senestre, il récupère deux billets de vingt, un billet de cinquante issus de l'autre poche ; tous trois chiffonnés entre l’index et le majeur.
Cent et 1 gramme de cette merveille et un merci.
Il s’avance, Lenny, achoppe d’un mouvement leste le coude en pointe. Haleines tièdes entremêlées. Ça réchauffe les joues, ça tient en éveil les papilles et l’envie de goûter. De goûter l’interdit qu’elle expose. Pas touche, qu’elle pourrait lui rétorquer. Billes tueuses et moue prédatrice. Il ne relâche pas, penche la trogne. Nuque tordue sur la gauche ; l’axe tyrannise la politesse. Emmerde le concept de distance raisonnable. Il s’approche. La lippe fendue d’être trop bouffée caresse la pommette de l’opposée ; baiser dérobé.
Merci, soupire-t-il.
Et il s’écarte, Lenny, dans un éclat de rire qui saccage le silence – elle le repousse ou il abdique. Ses phalanges aventureuses plongées à l’intérieur de la poche du manteau de Candy ou Sugar ou Crystal. Pochon et billets perdus dans ses profondeurs. Il a les pattes désormais levées et le sourire toujours de biais.

L’éclat de rire en appel au voyeurisme. Au bout du corridor repeint de ténèbres, une porte s’entrouvre et un regard et une raie de lumière attisent sa vigilance.
Le visage vrille, étudie : un mec entre deux âges qui tire la gueule et grince en reluquant la brune :
Z’avez vu l’heure. C’quoi encore c'bordel ? Ça ramène du boulot à la maison, maint’nant, hein.
Interpellation gratinée d’une bonne dose de répugnance.
Salope d'pute, mérite pas sa piaule.
Sel sur les plaies ou les pâtes qu'est-ce que t'attends pour gerber Lenny putain mais qu'est-ce que t'attends. T'as soudain les couilles sèches t'as soudain la queue molle. Pauvre connard. Barre-toi, oublie, retourne flairer la nuit et prétendre être un homme.


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Can't you see that I'm real - Sam 26 Jan - 16:28

Can't you see that I'm real
@Lenny Pratt & Cherry

« Vanish into the night with me We're racing heartbeats Gotta get away, gotta escape From the daylight I can see the way painted beneath the moon. »
Il cingle, le mâle. Paroles assassines qu’il délivre du bout des lèvres dans un crachat qui me donne envie de lui faire ravaler ses mots. Les moches, ceux qui jugent, ceux qui me rappellent ce que je fais dès que l’astre se planque derrière les bâtiments. Pogne qui fouille le froc pour en ressortir un sachet. De la poudre pour m’illusionner, pour m’inventer une vie, pour me libérer de mes chaînes. Du rêve en poudre, ouais, pour colorer mon monde de mille et une nuances, quand il n’y a toujours que le gris, toujours que le blanc, toujours que le noir dans cette réalité abjecte. Opposé qui s’avance, flingue la distance de sa carcasse défoncée. La tendresse d’un geste qui crève finalement sur les lèvres. Le merci, le merci qui déboîte la psyché, qui m’agite, qui me fait le repousser. Ne m’embrasse pas, ne m’embrasse jamais. Ce n’est pas à toi, ça. Ce n’est à personne, personne d’autre que moi. C’est intime un baiser, c’est sacré, ce n’est pas quelque chose qu’on donne au premier venu, pas quelque chose qui ne veut rien dire. Mais tu t’en fous, toi. Tu t’en branles, tu marchandes, tu penses sans doute me faire une faveur. Une faveur, un écran de tendresse pour la putain qui a juste l’habitude de tendre les fesses.
Et l’éclat de rire qui résonne à la boîte crânienne, qui flingue les synapses. Ça me vrille le bide, ça me vrille la gueule. Il me rend insignifiante, cet éclat de rire, il est moqueur et affligeant. La pogne se lève, voudrait s’abattre sur le coin de sa gueule désabusée pour qu’il se taise, ouais, pour qu’il se taise, mais le geste crève quand la porte d’un voisin s’ouvre. Curiosité qui le pousse à hasarder une œillade dans l’entrebâillement de sa porte. Et les mots-rasoir blessent. Le travail, ce travail qu’il ne voit que comme de la merde. Qui n’est que de la merde. Il crache sur le palier comme si j’étais un démon et que ça allait m’empêcher de rentrer dans sa maison. Le majeur se dresse et s’invite à son horizon. Va te faire foutre, connard. Il ronchonne encore un peu, ne s’étale pas puisqu’il n’y a aucun mot qui s’extrait du gosier, rien que ce doigt qui s’agite comme s’il voulait s’enfoncer dans sa bouche ou dans son cul. La porte claque, se verrouille trois fois. Bouh, je vais venir te bouffer la bite pendant que tu dors, préviens ta femme, connard. Je largue un soupir, me pince l’arête du nez une poignée de secondes, pose les mirettes sur le mâle, achoppe son froc, le tire et le pousse jusque dans le cagibi. Là, où s’entasse seau, serpillière, balai et produits ménagers. La lourde se referme, l’ampoule au plafond s’allume, nous éclaire de sa lumière jaunâtre dégueulasse. La gifle cingle et colore la face, comme pour mettre un terme aux illusions qu’il a fait naître. Je tire sur le futal, l’ouvre, le dégage. Et je m’agenouille, n’écoute rien que le tambourinement incessant du myocarde qui résonne entre les tempes, et bat dans le fond de la gorge. Le préservatif déroulé sur sa queue avant d’être avalée, gobée, avant qu’elle disparaisse entre les lippes. Et sucer, sucer pour qu’il bande, ce connard, pour remettre les choses à leur place, pour effacer le baiser, pour oublier l’aide, pour redevenir la putain, celle qu’il a payé, qu’il a payé pour un service. Ongles se plantant à sa chair pour lui faire mal. Je pensais que tu voulais seulement mon aide, ouais, juste ça. Que tu voyais autre chose que la putain, que la salope. Je pensais que te sortir de là, c’était comme être égal. Mais je me suis plantée, t’es un connard, un gros porc sale comme tous les autres. Alors je vais t’en donner pour ton argent. Je vais faire ce pour quoi, tu m’as payé. Et tu ne seras alors plus rien, rien qu’une queue, rien qu’un porte-monnaie dégueulant ses billets dès qu’on le tâte.
Et je l’astique, ouais, je l’astique et m’applique. Les prunelles plantées à leurs opposées, je me dégoûte, comme toujours, comme à chaque fois que j’agis comme ça. Ça fait naître un sanglot qui crève dans un couinement ténu. Je me redresse dans l’espace exigu, me retourne et lui offre la croupe. Celle qui se dévoile sous le tissu noir et qui se plaque tout contre lui. Et alors je me mets à compter. À compter inlassablement sans simuler, sans rien offrir si ce n’est le hoquet qu’il arrache contre mon gré. Le gouffre puis le vide puis le noir goudron qui s’imprime à la cabèche. Et l’esprit s’éloigne, s’arrache à notre réalité, s’évade au-delà du tangible, là où tout existe. S’imaginer l’ailleurs, un autre endroit, là où il fait moins froid, là où j’oublie qu’il pilonne, qu’il pille, qu’il vient salir ce qui déjà est sale, sale au possible. J’arrive à ne plus le sentir, à ne plus entendre son souffle et ses notes et m’enfonce dans ce nuage irréel. Coton qui borde les sens, les diminue jusqu’à ce que la réalité rattrape et que mon monde éclate.
Un mouchoir est sorti de ma poche, l’entrejambe essuyé sans pudeur. Les hanches se dandinent pour baisser la robe. Un chewing-gum est gobé et mâché.
-Tire-toi.
Ordre qui claque, la porte s’ouvre et la mimine lui fait signe de se tirer alors qu’il a toujours sa queue à l’air. Il y a l’assurance dans le regard qui s’effrite pourtant, dès que les pupilles se posent sur lui. Et je n’attends pas qu’il s’exécute, décide de me barrer pour ne pas avoir à le regarder encore, pour ne pas avoir à m’illusionner une seconde fois. La première était suffisante.
Les talons résonnent à la cage d’escalier, la porte d’entrée s’ouvre et je dégage, quitte l’endroit comme pour fuir lui, fuir mon chez moi. Rebrousser chemin, arpenter les venelles, retrouver l’artère qui palpite, qui se gorge de détraqués ; retrouver mon bout de trottoir devant la laverie qui s’est vidée. Et tout recommencer. Appâter le chaland, d’un mouvement d’épaules, d’un jeu de jambes, d’un regard de braise et d’une bouche de suceuse. Lèvres gonflées de l’autre.
Les pognes s’enfoncent aux poches, rencontrent le froid des billets et la douceur du sachet. Et je compte, ouais, je compte, replonge la main dans ma poche, puis dans l’autre, regarde par terre, regarde un peu en arrière. Tu m’as baisé dix putain de dollars. Ça m’emmerde, me fait soupirer et rouler des yeux. T’es juste une raclure, une fucking raclure. La poudre orange s’agite devant le nase avant d’être sniffé dans le creux de la main. J’ai besoin d’un peu de couleur.
Ça pique les naseaux, fait fermer les yeux. Ça trouble la vision et ça goûte la merde dans le fond du gosier. Et ça danse, danse dans le fond des prunelles. Et je ris. Je ris à m’en péter les cordes vocales après des minutes ou des heures. Temps distendu quand tout paraît aller trop vite ou trop lentement. Et la détente, le coton à nouveau, le coton partout jusque sous les petons. Le type à sa caisse cause, il cause et cause. Je ne sais même pas si je lui donne le tarif, ne fait que monter dans sa caisse pour qu’il m’emmène dans un motel minable. Il sait, il sait que je suis stone, se fout pourtant des détails, en profite pour malmener et tirailler la chair de ses doigts, de la paume de sa main. La claque vient assourdir et faire grésiller le crâne. Et le monde se colore, ouais, il se colore. De rouge. Juste de rouge. De rouge comme mes ongles, de rouge à mon nez, de rouge à mes cuisses. Le rouge, le rouge et plus personne, plus personne au réveil, qu’une poignée de billets, la moitié seulement de ce qu’il aurait dû me filer. Cinquante balles pour qu’il abîme.




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Can't you see that I'm real - Sam 9 Fév - 17:48

Un boulon a sauté, un truc déconne dans l’instant qui s’incruste à la rétine. Bug interne, le déluge. Il le savoure en matant la fille et le mec tour à tour jusqu’à ce que. Jusqu’à ce que plus rien. Le mec dégage quand elle jappe et elle l’embarque, la brune. Elle l’entraîne et il craint un cutter dans le bide ou sur la bite. Il flippe, Lenny, des représailles pour les dix balles en moins ou pour les insultes grondant dans la voix du vieux con. Puisqu’il faut bien se venger se défouler buter les malaises dans le nid et ne pas vomir l’âme. Pas d’oisillon mort juste un eunuque pissant sa vie.
Pièce sordide qui pue l’humidité et la poussière. Ça dérape dès lors qu’elle s’affaire sur son dard. Le comment évaporé le pourquoi dégagé. Il se laisse faire, il se laisse aller. Il oublie qu’on lui a appris à respecter les femmes et à ne pas violer les mômes. Et elle a quel âge et elle fait ça pour combien, en vrai. Il met pas longtemps à bander, il met pas longtemps à dérailler. Paupières closes, bouche entrouverte sur le bonheur qui l’absorbe. Une paume sur le mur en face, une autre sur le sommet de son crâne. Phalanges dans la tignasse qu’il emmêle en repliant les jointures, nerveusement. Inconsciemment. Il lui arrive d’expirer des sons, des notes de sa musique sale. Tant pis pour la confusion et pour l’amertume des soirées qui merdent. Ça pétille dans la tête. Y a plus rien que ses lèvres sur sa barbaque, sa langue sur la longueur. Il expire le vice qui lui pourrit les tripes. Ça palpite et ça le serre.  
Après ça, c’est un enchaînement de gestes, d’automatismes. Pas de passion et presque pas d’envie. Il ne la voit pas. Il ne voit que ce qu’elle offre à ses instincts mâles. Deux inconnus qui se croisent et se bousculent dans un cagibi minuscule. Quasiment pas de bruits, seulement celui des chairs qui se claquent. Succions, gémissements et soupirs. Ça n’a rien d’anormal mais ça n’a rien de beau. C’est même brutal, à certains moments. Lorsqu’elle ne soupire pas assez lorsqu’il se sent venir.
Après ça, c’est un enchaînement de gestes, d’automatismes. Pas de merci et presque pas de honte. Elle ne le voit plus, Lenny, et il ne cherche pas à lui arracher un prénom ou une raison. Ni à la rattraper et lui balancer on s’revoit quand ? Parce qu’elle fait ça comme on enfile une bière, sûrement. Nulle gloire à jouir dans une fille, Lenny, t’es juste une autre passe. Elle est sympa elle fait pas raquer. Et la capote. La capote, t’y as pensé à la capote ? Bien sur que non t’as pensé à rien rien que ton sexe dans le sien et sa chaleur contractée autant de toi.
Il imagine qu’elle sait quoi faire et il croise les doigts pour ne pas avoir chopé une saloperie qui lui pigmentera la carne ou fera apparaître des bubons et puis quoi encore merde ferme-la et sors. Alors et seulement alors, la porte close et la fille disparue, il panique. Une panique dégueulasse qui retourne la panse et le met en mouvement. Pantalon remonté des genoux aux hanches, braguette remontée sans se pincer le bout ; il s’extirpe de la planque et dans le noir du corridor, y a le vieux de nouveau. Le vieux et son regard qui poignarde à travers l’interstice de son appartement. Contemplation des débris d’humanité qui parcourent l’immeuble. Lenny dresse son majeur en passant la porte vitrée.

Dans la rue, difficile de revenir à l’heure et la minute. La dope dans les poches. Il doit refourguer la marchandise et ne pas éveiller les soupçons de la flicaille autant que la racaille. Dans le coin, ça commence à devenir tendu. L’heure des cinglés, des manques, des besoins. Nuit profonde, il a l’impression d’avoir perdu le temps. Il a l’impression d’avoir déconnecté avec le tangible qui sitôt sous ses prunelles s’effrite.
Elle revient à sa psyché, la roulure. Elle revient en claques en vagues en bourrasques qui renversent. C’est l’obsession qui monte serpente tourbillonne dans son crâne. Il en reconnaît les aspects, il en reconnaît les syncopes. C’est pas le moment de déconner, de se casser la pensée contre les rebords de tes fantasmes. Il se souvient de la texture de ses cheveux, il se souvient de la texture de sa langue, il se souvient du bleu de ses yeux et il doit faire son quota pour ne pas virer dingue.
Lenny, il revient à son banc et ne compte plus les problèmes. Portable en main, iris rivés à son écran. Il va et vient à travers la citée. Et les doigts rejouent leurs ballets séculaires. Les pansements à la mélancolie sont revendus et le jour finit par poindre à l’horizon. Zébrures feu sur le macadam.

*

Retour. Retour pour dormir. Cage d’escaliers qu’il fixe de derrière la vitre pleine de traces grasses de la porte. Pas la sienne, de porte. Pas le sien, d’immeuble. Il est revenu tel un putain de clébard. Et il attend et il espère, qu’elle se pointe. Qu’elle ne soit pas déjà dans son lit, sous les draps. Et tu la vois, toi, tu la vois, édredon rose et couette immaculée dans une chambre où les posters tapissent les murs. Tu l’imagines mentir à sa daronne, tu l’imagines minauder devant ses céréales. Quelle heure putain quelle heure ; l’heure de se lever de prendre le bus et les cours et les autres filles à qui elle raconte des conneries en souriant doucement. Type prude mais pas trop.
Mais y a rien de tout ça, quand il la voit remonter le trottoir. Démarche incertaine. Des brindilles pour jambes et son manteau fausse fourrure qui contraste avec la lumière qui s’acharne, derrière. La jaune, la  plus naturelle à laquelle elle fait offense.
Omoplates contre les briques, clope entre les babines. Il aspire et garde le fog à lui crever les poumons. Expire et se détache de son pan de mur pourrave. Paluches dans le futal, il tire le museau vers le ciel qui s’égaye et marmonne à son approche.
Heures sup' ?
Sourire sardonique ponctuant la réplique.
T’as l’air con Lenny avec tes cernes goudron sous les cils et tes envies planquées sous les côtes. Et t’attends quoi ? qu’elle termine le travail, qu’elle le sorte, son putain de cutter ? qu’elle te coupe les couilles ou qu’elle te sourit ? qu’elle t’envoie chier ou qu’elle t’invite ?
J’ai flippé genre-
Il récupère la tige entre l’index et le pouce, se masse la lippe, dérive sur les environs. Pas un chat pas un chien. Juste toi. Toi comme un connard de tueur ; du genre qu’on voit en replay durant des semaines. On racontera comment tu l’as baisée puis découpée et entassée dans du papier de boucher. Tu diras à la caméra que c’était pas toi mais t’auras l’uniforme clémentine et tu croupiras derrière tes barreaux. Mais c’était pas toi pas toi non pas toi.
J’voulais m’assurer que tu rentrais bien chez toi.
Une pause, une hésitation.
L’attention épingle sur la brune. Son visage. Maquillage salopé par la sorgue et ses intempéries. Épiderme rougi par le froid ou par les gnons.
L’truc que j’t’ai refilé, sniffe pas tout, ça pourrait t’foutre en bordel.
Tendre de la joue bouffée par les canines qui s’entrechoquent. Le filtre retrouve les gerçures. Il tire une taffe, retient.
Une pause, une hésitation.
Grimace sur la tronche, le nez gratte. Les ridules se tordent, le revers de la dextre s’écrase sur les narines et, de sous sa capuche qui le protège de la bruine ; il achève, s’achève.
Dors bien.
Remise en marche, les envies se sont fait la malle. Les obsessions ternies par le réel qui éclabousse toujours les fantasmes et les déforme. Les yeux ne sont pas si bleus et les cheveux sont emmêlés, rêches. La bouche sèche et désagréable, sûr.
Lenny s'avance, la croise et sans pouvoir s’en empêcher, penche, flaire son parfum qui file la gerbe mais pas que. La trique peut-être aussi. Souvenirs torsadant entre les synapses. Risette écorchant le faciès, il se retient d’embrasser la bouille revêche. Le baku dépasse la traînée. Souffle son brouillard bleuâtre à l’odeur infecte de beuh.


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Can't you see that I'm real - Mer 13 Fév - 14:07

Can't you see that I'm real
@Lenny Pratt & Cherry

« Vanish into the night with me We're racing heartbeats Gotta get away, gotta escape From the daylight I can see the way painted beneath the moon. »
La carcasse titube sur le bitume. Y a les douleurs au corps et à l’âme, les douleurs que le jaune de la poudre ne colore plus, n’anesthésie plus. Le chemin me paraît foutrement long, les gens s’y pressent et s’y déforment tout aussitôt, dès qu’ils entrent dans le champ de vision. Les sons sont différents et tout paraît ralentir ou aller plus vite, comme si je n’étais jamais sur la bonne fréquence, jamais sur le bon ton. Y a la morve vermeille qui dégouline, se voit récupérée dans un reniflement sonore puis ravalée, ouais, ravalée quand ça goûte le fer. Les pensées virevoltent, ne s’arrêtent jamais plus d’une poignée de secondes. Je sais qu’il fait froid, ouais, froid, que je devrais remonter le manteau, le refermer un peu plus sur la poitrine et la gorge pour ne pas attraper la mort, mais j’ai mal aux bras, ouais j’ai mal alors j’oublie que j’ai froid. Je sais que j’ai soif, parce que la gorge est sèche, qu’elle racle, qu’elle picote et que la langue semble épaisse, mais il y a le goût de l’hémoglobine qui persiste dans le fond du gosier alors j’oublie que j’ai soif. Je sais que je devrais appeler les flics, piailler que l’on m’a agressé, que mon agresseur a tout juste payé pour les dommages qu’il aura occasionné, mais il y a les peurs, celle du jugement, celle qu’ils s’en branlent et rigolent, alors j’oublie, j’oublie que j’ai besoin d’aide. Et je marche, je marche depuis des minutes ou des heures. Je compte, parfois, je compte les tâches qui se forment devant les mirettes, puis les poubelles, les détritus, les pas. Je compte, ouais, jusqu’à oublier ce que je compte. On me parle, je crois qu’on me parle, qu’on me demande est-ce que tout va bien, mademoiselle ? Ça me tire un rictus, le genre ridicule et je ne m’arrête pas, fais comme s’ils n’existaient pas, ces gens et leurs mots. Les gentils, pas ceux qui font mal. Parce que je sais, je sais qu’ils ne restent pas gentils, les mots. Jamais longtemps. Ils s’affûtent entre les lèvres et sont crachés comme des lames de rasoir par après. L’après, quand ça fait vraiment mal, qu’on a baissé la garde et que ça blesse et que ça tue, ouais, que ça tue. Ils diront tu l’as bien mérité, t’es rien qu’une pute. C’est ce qui arrive, aux filles comme toi, à celles qui montrent leur cul et leurs seins. C’est ce qui arrive, aux filles de joie, tu ne peux pas te plaindre de devenir triste quand c’est tout ce que tu mérites.
Je secoue la caboche, veux les faire taire, les remontrances et les reproches. J’ai du mal à respirer, me sens étriquée dans ce corps, dans ce corps sale et crasseux qu’aucun savon et qu’aucun détergent ne pourra rendre plus beau, plus propre. Un soupir. Est-ce que c’est grave ? Grave de ne savoir faire que ça ? Pas causer, tout juste bonne à expirer et à simuler. Tout juste ouvrir grand la bouche ou grand les cuisses. Poupée de chiffon essuyant tous les vices des garçons. La trogne se crispe quand l’employé de bureau et son attaché-case percute l’épaule. Les désolés qu’il balance tout juste, sans perdre le fil de sa conversation téléphonique qu’il maintient contre son oreille avant de disparaître. Je suis invisible aux yeux du monde qui vit et rit, se rit des gens comme moi, des gens comme nous. Les oubliés, les pointés du doigt, les murmurés, les qu’on ne doit jamais prononcer. Appartenir à la fange de ce monde et disparaître aux yeux d’une population qui s’en fout, qui nous ignore, parce que c’est plus commode. Y a le cœur en berne et les pensées terrifiantes. Celles qui poussent à s’approcher un peu trop près de trottoir avec l’espoir de plonger. Dans la lumière ou l’obscurité.
Le klaxon retentit longuement, me ramène avec violence à cette foutue réalité, celle-là même qui s’effrite. La lueur du petit jour aveugle, fait froncer le museau et arrache une grimace. Ça beugle et ça beugle, mais je me fais voleuse, m’enfuis sur des talons qui font trembler les guiboles, se tordre les chevilles.

Démarche mal assurée, je navigue à l’aveugle sur le bout de trottoir, reconnaît le banc en béton et son lampadaire et les briques colorées des bâtisses d’à côté, ornées de graffitis, des fuck et autres joyeusetés. Masse floue se dessinant à l’horizon, juste à côté de la porte de mon chez-moi, de mon putain de chez-moi avec son odeur rance dans la cage d’escalier et de pisse sur le palier. Et je l’ignore, simple ombre sur mon passage. Mais l’ombre parle, ouais, elle jacte une connerie, crache ses syllabes. Et la question reste sans réponse, je me renfrogne, bouge les épaules. Le museau se dresse à la seconde salve, mire l’improbable et son visage. Son visage et ses traits en brouillard à la psyché. Et t’es qui, t’es qui toi ? T’es qui, putain, t’es qui ? Il se décompose et recompose devant les rétines cramées et dilatées. Le qui en interrogation. Ça fouille la mémoire, vogue entre les lambeaux de conscience. Cette conscience dévastée sans plus réellement d’emprise sur les heures passées. Et il pointe le bout du nez, le mâle, là, à la cabèche déglinguée. La poudre qu’il a donnée et le fric aux poches dont il manque dix dollars, dix putains de dollars. Alors je n’écoute pas vraiment, me fige, cherche derrière les couleurs qui l’entourent, les mensonges et les riens et les vides peut-être. Ouais, les vides qui feront écho en moi ou peut-être pas.
- Il manque, il manque, ouais, ouais, il manque dix dollars. Dix dollars, là, là dans ma poche. Que je lui balance, en empoignant sa main.
Il n’avance plus alors, me lorgne, comme s’il ne savait pas ou ne comprenait pas. Alors je m’anime, prise d’une pulsion insane. Son échine claquée à la brique et sa fragrance emplit le nase, comme si j’étais capable de le décortiquer lui et son ensemble. La menotte s’arrime à sa gorge et je me hisse sur le bout de mes pieds, sur le bout de mes godasses.
- Qu’est-ce que t’en as à foutre, ouais, ouais, à foutre, de moi ? T’as pas eu assez, tu veux encore. Encore me saloper de ton foutre. Dis. Dis. Dis, c’est ça, c’est ça ? Ouais, c’est ça.
Les tiges glissent à son froc avec dégoût, dégoût de lui, dégoût de moi, dégoût de nous. Et je cesse, comme fracturée par le constat amer. T’es comme eux. T’es comme eux, ouais, c’est pas moi que tu vois, pas moi que tu veux voir. C’est la pute, la chienne qui t’as sucé et que t’as baisé. Je suis fatiguée. Fatiguée et j’ai mal et tu ne vois pas, non, tu ne veux pas voir ça. Tu ne veux pas voir les dégâts que les gars comme toi occasionnent quand ils vont trop vite et trop fort ; quand ils ne respectent pas, ne regardent pas, se foutent de m’entendre ou pas, du plaisir à donner quand il n’y a que celui à recevoir. Alors pourquoi t’es là ? Pourquoi tu viens abrutir les sens de ta présence ? Pourquoi tu fais comme si j’existe si pour toi, je n'existe pas, pas vraiment ?
Il y a le silence, ce silence que deux clébards viennent rompre parce qu’ils aboient comme des connards. Je lui achoppe la main, lie et délie nos phalanges.
- Viens. Viens avec moi, viens chez moi.
Timbre éraillé et la supplique.
- S’il te plaît.
Viens et sois différent, sois autre chose que l’éternel enculé qui est juste là pour dilapider son oseille et remplir ma fente de ses chimères. Reste coloré, reste comme ça, là, comme tu es, avec ce jaune et cet orangé qui bordent tes traits.
La pogne tire sur la paluche, le traîne et l’entraîne à l’intérieur, là où le carrelage de l’entrée est ébréché. La commère de service se jette sur son judas, s’abstient d’ouvrir sa porte, mais pas sa gueule. Il ronchonne derrière le bois et ses verrous.
La piaule n’est pas très grande, lit immense et vide qui mange l’espace. Le cendrier dégueule ses mégots, ça sent la nicotine et la menthe.
- Déshabille-toi.
L’ordre claque entre les lippes. Et je le répète et le répète jusqu’à ce qu’il s’exécute, en garde son calbute.
- Allonge-toi.
Encore et encore des ordres, jusqu’à ce qu’il se glisse sous les draps. Les froids, les sales, les qui sentent moi. Le manteau tombe, les escarpins sont dégagés à renfort de coups de pied dans les airs jusqu’à les faire valdinguer dans un recoin. La perte de précieux centimètres, jusqu’à ce que la robe dégage, laisse apparaître les ecchymoses fraiches qui dégueulent des flancs et des cuisses. Nudité violente exposée, je me couche, me couche à ses côtés, retiens l’oreiller de mes bras.
- T’en vas pas.
Un murmure qui s’évapore, le besoin d’une promesse pour que les yeux se ferment.



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