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Nothing breaks like a heart [Vito ♥]

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Nothing breaks like a heart [Vito ♥] - Mer 26 Déc - 0:05



Well, there’s broken silence by thunder crashing in the dark


Gamze s’étire paresseusement dans son fauteuil et détourne un instant les yeux de son ordinateur portable. La fenêtre est constellée de gouttelettes dont le discret ruissellement la berce agréablement. Il n’est que dix heures du matin, pourtant le temps pluvieux du mois de septembre donne à la grisaille du ciel la mélancolie d’un crépuscule. Il doit se sentir particulièrement inspiré, se dit-elle en ne pouvant s’empêcher de penser à lui. Cela n’a sans doute pas grand-chose d’une obsession. Elle y est accoutumée comme on peut l’être à sa petite voix intérieure, le porte tout autour d’elle, sur elle, comme on porterait un parfum ; c’est détestable pour une femme qui se targue de n’être le territoire de personne, mais lui-même n’a jamais prétendu laisser son empreinte sur elle et l’on est toujours le dernier à percevoir l’odeur que l’on laisse dans son sillage – aussi peut-elle encore se voiler la face.

Sur le large accoudoir du fauteuil, une assiette garnie de viande rouge à peine cuite lui flatte à nouveau les papilles. Elle se réarme de sa fourchette, habituée désormais à l’incongruité de ses envies, tapisse sa langue de ce goût ferreux qui apaise la bête en elle. Le Sphinx l’a énormément sollicitée depuis qu’une fuite massive d’informations a hérissé la ville et plongé le commissariat dans une effervescence terrifiante. Elle jette un coup d’œil à la pile de fichiers imprimés – par prudence – éparpillée à ses pieds. L’un d’eux la concerne : le capitaine qui la couvre ordinairement a jugé bon de l’en prévenir, tout en lui signifiant d’un regard éloquent qu’il leur faudrait rapidement s’entretenir à ce sujet. Elle sait qu’elle ne doit surtout pas donner l’impression de se désolidariser du bien commun et travaille déjà à trouver le meilleur moyen de retomber sur ses pattes ; mais il ne s’agit pas seulement d’elle et un tout autre problème de conscience la tourmente.

Elle recommence à faire défiler l’écran sous ses yeux déjà fatigués par ces jours gris où le soleil se raréfie : il y a là d’innombrables informations, plus ou moins exploitables, dévoilées par une main anonyme qui n’épargne personne et rend d’autant plus difficile l’identification du moindre coupable. Pour les agents de la police, c’est sans doute une aubaine, mais celle-ci n’en révèle pas moins l’étendue vertigineuse d’un débordement qu’ils ne parviennent plus à endiguer. Ses dents se referment nerveusement sur la chair fondante de sa viande crue. Elle a beau parcourir l’ensemble des fichiers du regard, une information, une seule, ne cesse d’éclipser toutes les autres. Le Sphinx, lui, ne se disperse pas. Il plante le bout de sa griffe dans un étrange rapport qui concerne le décès d’une femme – de la femme – pour le ramener à lui, bientôt suivi d’un deuxième document, curieusement rectifié. Gamze ne peut s’empêcher de songer à sa propre mère, déglutit péniblement, l’esprit encore entravé par d’handicapantes considérations humaines. Elle sait combien les drames familiaux sont des gouffres sur lesquels on ne peut se contenter de se pencher pour essayer d’en voir le fond, dans lesquels on finit immanquablement par être précipité.

Elle repose un instant sa fourchette, amène son poing fermé contre sa bouche, ferme longuement les yeux. Que faire ? s’interroge-t-elle ingénument. Le Sphinx, lui, ronronne à en faire trembler son âme. Le plus de dégâts possible. Elle rouvre les yeux, révulsée par la sècheresse qui ne cesse de se propager dans ses entrailles. Elle se console, se convainc qu’un fils aussi atrocement lésé n’a nul besoin d’elle pour concevoir la plus formidable des vengeances. Elle ignore encore, du reste, à quel point il est impliqué dans l’organisation criminelle à laquelle son nom est officieusement associé – à quel point il pourrait œuvrer à sa destruction ; ainsi comprend-elle qu’il est peut-être enfin temps de l’apprendre.

Gamze rouvre les yeux et rabat lentement l’écran de son ordinateur. Il n’est pas idiot. Elle a souvent perçu, dans la profondeur amusée de ses regards, les soupçons qu’il peut nourrir à son égard ; il y a toujours une force tranquille dans la largeur de ses épaules, une quiétude presque insolente dans la manière dont il offre sa mâchoire à ses baisers, comme étranger à la peur et à la nécessité de la confronter à ce sujet. Son ventre se creuse légèrement maintenant qu’elle pense plus franchement à lui, une tendresse inavouable lui réchauffe la poitrine. Cela ne dure qu’une seconde : il y a quelques années désormais que le Sphinx lui ensable infatigablement le cœur. Gamze se débat pourtant quotidiennement contre une dénaturation qui lui fait horreur, mais elle sent irrémédiablement s’estomper la lourdeur affectueuse de ses paupières ; et elle y voit si clair, subitement, qu’elle se persuade et se blâme de ses propres complaisances.

Il est vrai que les lèvres de cet homme connaissent par cœur le grain de sa peau, que ses yeux ont une façon tout à fait singulière de la regarder, sans la fatuité dont s’enlaidit inévitablement un propriétaire en considérant vaniteusement sa possession. Il est vrai qu’il réussit, par un incroyable tour de force, à être omniprésent tout en lui donnant le sentiment – rassurant pour une jeune femme sans attache – que cela n’a rien d’exclusif. Il est plus indépendant qu’elle encore, en un sens, ne semble permettre à personne d’oublier qu’il est, potentiellement, toujours sur le départ. Au fond, le seul indice de son attachement tout relatif réside dans l’exigence qu’il a de la revoir chaque fois qu’ils se quittent. Pourtant ils ont mis un point d’honneur à ne pas se construire d’habitudes, et elle prend encore un étrange plaisir à se retrouver le nez contre la porte de sa garçonnière, sans réponse de sa part après y avoir toqué, à mesurer toute l’existence qu’il peut avoir en-dehors de leurs étreintes, en-dehors de leurs longues conversations aussi brûlantes et dangereuses à arpenter qu’un sable noir chauffé par le soleil. Il est vrai, en somme, qu’il n’est nullement responsable de l’effondrement de son propre foyer, de la disparition de son père, de son agression, et une faible voix intérieure lui murmure encore que son devoir est de le protéger de tous ces déchirements. Cependant le Sphinx lui rappelle pour de bon qu’elle peut avoir les crocs et les griffes les plus affutés qui soient et qu’elle lui fait l’offense de ne pas s’en servir assez pour se faire justice à l’ensemble de cette satanée ville.

Tant pis. Gamze abandonne enfin son ordinateur et son assiette sur la table basse, se lève pour se préparer à sortir. Elle se brosse les dents trop vigoureusement, saigne un peu, mais ne voit dans le miroir que l’étrange indifférence de son regard – celle d’un règne en-deçà de l’humain. Elle se rince la bouche, se considère de plus près, puis s’entraîne à se composer une expression de regret, qu’elle module jusqu’à la liquéfaction de ses traits par la peine. Elle se redresse enfin, l’air impavide, et se détourne d’un reflet qui ne lui appartient plus vraiment.


Les intempéries lui offrent un merveilleux prétexte pour sortir la tête couverte. Il ne fait pas bon se promener dans le quartier italien après la divulgation de tant de secrets, et elle préfère ne pas raviver l’éventuel souvenir des clichés où elle figure. Le bruit de ses bottines est étouffé par le clapotement de la pluie qui émousse du même coup l’acuité de son ouïe ; aussi reste-t-elle vigilante et ne gravit-elle les escaliers de l’immeuble qu’après s’être assurée ne pas avoir été suivie.


Arrivée devant sa porte, elle se surprend à penser que son absence, cette fois, la contrarierait. Elle frappe deux coups. Est-il déjà au courant ou ses proches auront-ils tout mis en œuvre pour le soustraire à une telle révélation ? Il n’est après tout jamais bon qu’un fils ait ce genre de grief à l’encontre de son père. Elle aura tout le loisir de le découvrir et de s’imposer dans la confidence le cas échéant. Son visage s’assombrit d’un attristement discret sitôt que la porte commence à s’ouvrir – pas d’excès, se surveille-t-elle, un chagrin trop ostentatoire ne lui aurait pas ressemblé. Le soutien qu’elle prétend lui offrir se manifeste plutôt dans la tendresse de son étreinte, dans la façon dont sa bouche cherche presque craintivement la sienne, sans qu’elle n’ait essayé de le sonder du regard. « Je suis tellement désolée pour toi… » dit-elle simplement, le nez perfidement blotti contre le pouls de sa gorge.



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Nothing breaks like a heart [Vito ♥] - Lun 7 Jan - 16:37



Well, there’s broken silence by thunder crashing in the dark



We live and die by pretty lies.


Le bourbon a un gout délicieux sur sa langue, dans sa gorge, le long de son effroyable corps aussi. Les verres se succèdent et se ressemblent, les larmes d’or curieusement ingurgités à défaut de couler sur un visage lisse, le marbre taillé sur la chair et cette dernière posée devant l’écran lumineux de son ordinateur. Durant toute ces années d’errance au gré de son âme trop sensible, il avait appris ça : on pouvait se soulever soi-même à la force du poignet comme si l’on était une lourde et fine vitre fragile. Puis on pouvait se laisser tomber.

Et casser.

Ça, c’était avant. La cadence de l’ivresse s’est transformée depuis qu’il est revenu à Arcadia, les fantômes bien rangés dans des boites vieillies. Il a d’autres liqueurs - moins pernicieuses croit-il - qu’il goûte à des lèvres indociles où le mystère se fond aux charmes d’un Orient imperturbable. Une énigme lui a raclé la gorge pour mieux s’y installer.
Désormais il a une tasse de café fumante, ses cernes sous les yeux et les doigts agiles sur sa machine à écrire. Vito s’est enfermé ses derniers jours, a laissé la pluie couler le long du building et les mots se fondre sur ses feuilles noircies d’aventures. Il est inspiré ces derniers temps, le torse se gonfle d’idées nouvelles, de créations improbables et d’images crépusculaires. Il écrit, le matin, en plantant ses dents dans un sandwich de fortune, le soir quand les néons de la rue se font fluorescents, sous la douche, la poésie se dispense à même le gel douche. Il en a oublié ses obligations extérieures, celles qui le retiennent étrangement encore au royaume des vivants. Vito n’en a que faire de toute façon. Il a disparu si souvent qu’on ne verra là qu’une énième récurrence de son tempérament bohème.  Ses journées ont été curieusement remplies depuis qu’il est dans cette ville maudite, le journal et la Nuova Camorra, les supplices et les prophètes. Comme si Arcadia se délectait de manger son temps avant de prendre le reste.

Quelque chose ne va pas.

L’instinct tambourine mais il l’éloigne, le téléphone sonne et il l’éteint. Le torse sobre de résolutions prise il y a peu se met au diapason d’une inspiration qui ne souffre aucune distraction. La Nuova lui a déjà beaucoup pris, il n’a pas envie de lui immoler son talent en prime. Ils attendront. Il n’est guère indispensable à cette organisation qui plonge peu à peu dans de nouvelles batailles, où les égos ont parfois des parfums incroyablement mièvres. Il n’aime pas tout ça mais il s’est pris au jeu à plusieurs reprises, les regards permissifs des consiglieres de la famille en compréhension tacite. Il n’a pas envie d’apprécier un père distant mais la vérité flotte, l’estime pivote et l’élan du cœur noircit au contact d’un air putréfié par des malversations et des manipulations élémentaires. La Nuova est fascinante, les dynamiques putrides et les liens du sang si amer qu’il se sent presque fondre sous l’acide déversé. Tout ce qui empoisonne ailleurs semble fleurir chez ceux que beaucoup appelleraient les siens. « Il lui faut passer le pont pendant qu’il brûle… » Il tape en murmurant, le corps calé sur une chaise en bois vernis. Parle-t-il d’un incendie intérieur ou matériel, lui-même n’est pas sûr. Il souffle, ferme les yeux, se dit pendant un moment qu’il ferait mieux d’aller dormir un coup : cela fait bien trop d’heures qu’il a tourné autour de son lit sans s’y poser. Il s’étire, le crépitement du feu dans la petite cheminée du salon en fond sonore. Les lits sont faits pour être partagés et peut-être est-ce plutôt de ça dont il a besoin.
L’imagination virevolte dans le crépuscule des fantasmes impatients. Le téléphone n’est pas loin après tout, même si l’allumer veut dire revenir à la surface d’un monde dont il n’a que faire. Il fait quelque pas, lance la machine à café pour la sixième fois consécutive l’odeur ayant pénétré dans chacun de ses vêtements. La lumière est chaude malgré la pluie dehors, les bruits feutrés et les mouvements sont fluides dans sa chemise leste et son pantalon sombre taillé au millimètre.

Le café a un parfum de terre. Celle qu’on trouve sur les tombes après la première poignée lancée.

Quelque chose ne va pas.

Les mains déversent dans l’évier la tasse et la cafetière. Il l’a sans doute trop utilisé pour aujourd’hui, le calcaire se mêlant à l’or brun. C’est terrible d’écrire sans carburant alors il prend du lait, s’envoie la bouteille à la manière d’un enfant gourmand. Il fume une cigarette, puis une autre, compte les pigeons de l’autre côté de l’immeuble, s’amuse à brosser ses dents une par une puis revient sur sa chaise, l’âme vissé sur le papier.

Le monde est pétri de métaphores.


Elle est en train de danser. C’est comme ça qu’il la trouve. Il l’aperçoit dans la foule. Il la regarde, comme s'il pouvait faire grandir et rétrécir à volonté la distance qui les sépare. Finalement, il va vers elle. La foule se bouscule autour de lui. C'est facile de s'insinuer face à elle et de danser. Il s’imprime, languide, une ondulation à la fois. Sa bouche n'a que des dents et elle lui drape un bras autour des épaules. Ses genoux frappent les siens et elle rit, sa tête penché en arrière.
Il y a de la sueur à la base de sa gorge.
C'est facile de la vouloir, de laisser ses doigts glisser par-dessus ses bras, nus et chauds sous ses mains, avant qu'il ne trouve sa taille. Elle pénètre son espace avec son corps encore sinueux et agité. Il s'accroche au son des sirènes lointaines.
Le pont brûle toujours.


Vito tape le point sur sa machine et un son similaire bien que plus grave percute la porte de son appartement au même instant, le ramenant à une réalité violente. Quelle heure est-il déjà ? La main ramène l’épaisse crinière châtain ne le rendant que plus hérissé encore et il a un long cillement d’incompréhension en voyant Gamze sur le tapis de sa porte.
Les mots sont encore fantômes au bout des doigts. Elle ne pouvait avoir un meilleur timing.

Quelque chose ne va pas.

Il entrouvre les lèvres, milles choses à dire qui finisse dans un lamentable « hey ? » sans queue ni tête. Elle parle, l’écho indistinct sous le voile des yeux, la bouche chaude et lointaine contre la sienne, l’effleurement douceâtre et cruel. Ni l’un ni l’autre ne bouge. Il va attendre qu’elle dise quelque chose, attendre de comprendre. Puis l’écho remonte. « Je suis tellement désolée pour toi… » Il peut la sentir, même avec l’odeur de café qui embaume l’appartement. Elle tombe à pic a-t-il à nouveau envie de lui dire, la chaleur fondante contre lui qu’il étreint suavement. « Mmm » Il s’écarte un peu pour mieux regarder la bouche un peu triste. Il peut presque voir, langue rose, lèvres roses, il veut toucher et prendre et l’écho n’est plus si brouillon.

Les mots ont le rouge des mises en garde.

« Désolée ? » Il se détache de l’emprise sans savoir qu’il y plonge en vérité tout à fait. « De quoi tu parles ? »



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