Le premier de l’an 2019, pour sûr que les habitants d’Arcadia s’en souviendront longtemps.

Les membres de la Nuova Camorra également. Depuis sept heures du matin, les portables sonnent, ça communique, ça échange des infos et les ordres tombent, les consignes sont données au fur et à mesure. Tout le monde s’affaire, en gardant l’œil bien ouvert. La tête froide, chacun des gradés a su garder le cap, gérer ses équipes et faire au mieux. En tout cas, Augustin l’espère.

19h30, le bureau ouvert par Gisella attend la première réunion de l’année. Inattendue. Critique. Importante.

La pièce est sommaire, rien à voir avec les étages supérieurs du Ciao Roma qui les accueille d’ordinaire. Une longue table en U, quelques canapés sur le côté, des plantes en pot dans les coins un rétro projecteur et l’écran blanc qui va avec. Relevé. Pas de power points aujourd’hui, ce n’est pas une réunion à la banque. Des plantes dans les coins, c’est de bon goût mais cela reste sobre. Gisella a fait amener de quoi se restaurer et boire à foison. Inutile de dire que tout ne sera pas consommé. Les dieux n’ont pas tous faim.

A moitié assis sur une table, les manches de la chemise relevées sur les coudes, il jette un œil à sa montre quand les premiers gradés font leur entrée. Pas de mots pour l’instant, juste des regards échangés. La pièce se remplit, les pensées virevoltent en tous sens et Augustin ferme les barrières de son esprit pour ne pas se laisser envahir, serre les dents. Il va falloir qu’ils soient efficaces.

Tous arrivent la tête bouillonnante et le consigliere donnerait cher pour savoir exactement ce qui s’y trame réellement, caché là dessous, derrière les regards insondables et concentrés.

Pas le cœur de porter de décolleté affriolant aujourd'hui, alors qu'elle aurait l'habitude de le faire pour attraper ces regards qu'on lui lance et qu'elle aime prendre sur le fait. Gisella n'a plus le cœur à laisser Calypso user de ses charmes depuis qu'il est en prison. Elle perd Alcide, elle perd ses repaires, et la panique l'a prise aussi vite qu'elle a su la nouvelle. C'est une constante tachycardie, le souffle coupé tant qu'elle ne sait pas ce qu'il en est. Ses réflexes ont donc été de sécuriser le QG de la Nuova Camorra, et tous ses dossiers avec qui pourrait impliquer n'importe quelle personne ayant eu affaire de près ou de loin à l'organisation. En cas de descente de police dans son hôtel, ce serait l'occasion de tous les coffrer. Elle avec. Gisella inspire, longuement, croise le regard d'Augustin et hoche doucement la tête à son attention, elle lui laisse usage de son hôtel comme bon lui semble comme d'habitude, il n'a qu'à demander elle lui apporte tout ce dont il a besoin. Ses projets mis en suspension, le temps de savoir ce qu'il se passera à l'avenir et son argent est a disposition de la Nuova Camorra jusqu'à nouvel ordre. Tic nerveux, elle remet une mèches de ses cheveux derrière une oreille et avance un peu plus sa chaise avant de poser ses avants bras sur la table. Silencieuse, elle a déjà assisté à des réunions de la Nuova Camorra, d'abord étant petite quand elle espionnait son père, et ensuite en tant qu'invitée spéciale parfois. Selon les thèmes des réunions il lui arrivait de faire une entrée. Elle apprécie s'impliquer dans la Nuova Camorra, en tant qu'humaine elle avait du mal à faire face aux dieux, désormais elle se sent bien moins à part. Gisella inspire longuement et observe les autres visages de la NC prendre place. Le bâtiment est sécurisé, son téléphone sur la table la notifie de chaque entrée dans l'hôtel et si la police vient ils auront un échappatoire rapide.

La convocation du soir faisait écho à celle du matin, sauf que cette fois-ci, tous les gradés de la Camorra étaient présents. Etonnamment, les croiser n’avait pas fait partie de ses envies ces derniers jours, mais il fallait croire que le karma avait décidé de l’emmerder. Heureusement qu’Augustin avait été croisé en amont, cela avait permis d’ouvrir un peu la soupape de la cocotte-minute. Aucune explosion à prévoir donc, même si dans tous les cas, Aura n’aurait pas laissé sa vie personnelle empiéter sur la mafia. Ca avait toujours été ainsi, et même après s’être retrouvée en grande partie morte, elle n’irait pas contre sa façon de fonctionner. Pire encore, elle serait capable de soutenir Augustin quoi qu’il arrive. Pathétique.

Elle avait passé la deuxième partie de sa journée à enchaîner les rendez-vous, après avoir pris connaissance du dossier. Autant dire… Que Bellandi était dans la merde, à n’en pas douter. En trois mois, la police avait récolté toutes les informations et preuves qui leur manquait. Chaque coup de fil semblait étayer un peu plus la possibilité qu’Alcide ne sorte pas. A moins de manipuler le consensus, de créer de nouvelles preuves, contradictoires. Cette méthode pourrait être efficace, surtout qu’Aura avait des fonds à utiliser qui ne lui étaient pas reliés. Bon point, qu’elle exprimerait plus tard.

C’était à demi en courant qu’elle débarque à l’hôtel, puis dans le sous-sol, en grande partie masquée par les ombres. Les pouvoirs étaient revenus, à part sa foutue perception des fantômes, même si elle sentait à nouveau les distorsions dans l’air. Ca n’allait pas tarder à refaire surface.

Oreillette toujours branchée sur les dernières nouvelles, elle se posa dans un siège après un léger geste de la tête envers Gisella, déjà présente, et Augustin, qui ne devait pas être beaucoup sorti.

Il n’y avait plus qu’à attendre…

Panique. Débandade au cœur des rangs. Matinée foirée, enveloppée de ce néant salvateur aux rougeurs d’un mauvais jour qui ne passe pas. Couleur de sang, heures envolées en fumée par les fenêtres ouvertes d’un monde qu’il ne côtoie plus. Extirpé de sa léthargie, arraché à ce deuil qui perdure peut-être trop, prétendu puissant au sein de l’organisme mafieux, mis au courant des faits sans vraiment le réaliser. Sobriété en fleur de rien, il a l’humeur d’un canasson en pleine crise de rébellion. Sauvagerie dans les veines, liberté chérie promise dans les volutes de ces boissons qu’il vénère avec une adoration morbide. Pas qu’il ne s’en doutait pas, le sous-boss, qu’un jour les choses finiraient par dégénérer. Confiance aveugle envers un seul, à se retrouver tirailler parfois lorsque le frère du Seigneur s’improvisait maître de ses ivresses.

Dure réalité d’un monde qu’il ignore et qu’il semble ne pas vraiment reconnaître lorsqu’il rejoint l’antre de leur réunion. De crise, voilà ce que lui a dit Augustin. Nouveau seigneur autoproclamé, trône à présent en tête de la tablée. Salut rigide, l’œil mauvais de l’homme qui n’a toujours pas décoléré. Mauvais réveil, mauvaises nouvelles, suaire aux effluves capiteux d’un venin resté collé sur sa langue. D’autres sont là, l’autre Bellandi présent aussi, à recevoir l’esquisse d’un grognement en guise de salutation, courbette du bouffon du roi déchu envers ce successeur que tout le monde ignore. Crise, c’est ici, en ce lieu, qu’il la voit. L’éleveur au regard acéré malgré l’ivresse, celle qu’il presse contre son flan, dans les replis de sa veste. Traine de la patte jusqu’à un siège, le plus loin, recoin de ténèbres dans lequel il se planque et se laisse tomber dans un soupir qui en dit long. Qu'on se magne de régler ce désordre, il a autre chose à faire.

Bonne année qu’ils disent, tous ces ignares. Délicieuse hâblerie.

Alcide est en prison. En est-elle paniquée ? Pas le moins du monde.
Alcide en prison. En est-elle heureuse ? Presque.
Se considèrerait-elle comme une traîtresse ? Non.
Il a tué Frances, elle ne lui pardonnera jamais. Si elle n’est pas à l’origine des informations ayant fuité jusqu’à la police, elle est à la limite de la reconnaissance pour cette personne anonyme. Que Bellandi finissent emprisonné à cause de ce meurtre parmi des dizaines ? Ca a quelque chose d’ironique. Elle n’aime pas l’hôte de Zeus, ne lui est pas fidèle à lui, mais à la Nuova. Alors c’est dans cette optique qu’elle se rend à la fameuse réunion des gradés. Pas pour sauver le fessier de leur chef mais celui de la « famille » à laquelle elle doit une dette colossale.
Elle salue Angustin en premier, d’un mouvement de tête. Le regard balaie la salle. Luca lui manque.
Julius est silencieux, comme beaucoup d’entre eux. Elle est curieuse de voir comment Hermès va leur présenter la situation. N'est-il pas le dieu des orateurs ?
Rachele est la seule mortelle et aussi peut-être, une des seules qui osera dire que sauver le roi des Cieux n’est pas la priorité du moment. La Nuova peut tourner sans lui et le fera. La Calavera est à surveiller, le Royaume est particulièrement vulnérable, détourner l’attention sur eux pourrait leur faire gagner du temps. Les Yakuzas méritent une attention nouvelle et la Bratva … Elle est ce qu’elle est.

Le temps semble s’être ralenti en cette fin de journée, alors qu’il attend l’entrée de ces hommes et femmes de confiance. Silencieux, Augustin croise le regard de @Gisella U. Dello Iavoco qu’il sait particulièrement bouleversée par la nouvelle du jour. Elle est proche d’Alcide, peut-être même plus qu’aucun des autres membres de la Camorra ne pourrait l’être. Elle ne sera pas rassurée tant qu’il ne sera pas sorti de prison.

C’est @Aura Sciarra qui est la première arrivée et il répond brièvement à son signe de tête. La glace est toujours là mais plus effacée qu’au matin, après une journée très occupée pour tous les deux. De toutes façons le sujet n’est pas à l’ordre du jour. @Calliope Bartolli suit de près l’avocate, sourire triste et nerveux aux lèvres, elle a beaucoup donné aujourd’hui elle aussi. Il la regarde se servir, allumer une clope. Gisella risque de ne pas apprécier mais Augustin ne dit rien – chacun fait face à sa façon. Tant qu’elle reste pro par la suite. @Julius Gates arrive lui aussi, invité spécial qui pourra mettre ses connaissances et ses dons au service des besoins de la Camorra.

Les yeux noirs se posent sur @Saturno Bellandi quand il pousse la porte, une expression insondable sur le visage, fidèle à lui-même. Augustin le suit des yeux, l’observe saluer Gisella et se demande ce qui a bien pu se passer dans sa tête depuis que la nouvelle est tombée. User de la télépathie ce soir serait trop épuisant, mais Sybille le surveille, et pour l’instant n’a rien rapporté de suspect. Se pourrait-il qu’ils l’aient surestimé Silas et lui, qu’ils se soient un peu emportés ? Ou bien est-ce que le cadet Bellandi fait simplement profil bas, le temps de laisser passer la tempête ? Le consigliere ne cille pas quand Saturno s’approche et lui tend la main. Poignée de main solennelle, le caporegime ne dit rien et va prendre place, le regard d’Augustin un brin songeur vissé dans son dos.

C’est @Silas Salvatore justement qui fait son entrée, arrivée bien contrastée avec la précédente. Augustin esquisse un sourire las à son attention et accepte son accolade amicale. Les mots sont eux accueillis avec sérieux et il lui adresse un signe de tête reconnaissant. Son soutien est sans doute le plus précieux. Augustin observe ensuite @Levi Israhel rentrer dans la pièce et se traîner avec mauvaise volonté jusqu’à un siège. Sale journée, ouais. Mais il est venu. La dernière à se présenter est nulle autre que @Rachele Vogh, à qui Augustin retourne son salut. Les désaccords qu’ils ont eu ces derniers mois ne sont pas réglés, mais il sait qu’il n’a pas à douter de la ténacité de la directrice du Times, ni de sa loyauté envers la mafia.

Bien. Ils sont au complet. Il n’y a pas à palabrer ni à attendre plus longtemps.

« Avant de commencer je tiens à signaler que Miss Pasolini ne sera pas présente ce soir. Elle est coincée au poste de police, et sa présence là-bas nous est de toutes façons plus que nécessaire. »

Quelques appels échangés dans l’après-midi avec @Zelda Pasolini ont suffi à se rendre compte qu’elle ferait mieux de se montrer entièrement dévouée à son boulot pour les jours qui arrivent. L’attention de la police est braquée sur Little Italy, et avoir une télépathe dans les forces de l’ordre est un avantage précieux. Nullement nerveux, mais concentré, Augustin balaie l’assistance des yeux.

« Je ne vais pas palabrer cent-sept ans sur la situation, vous êtes tous conscients des risques que nous encourrons avec l’arrestation d’Alcide. »

Liés à lui ou pas, personne ici n’est protégé d’une possible enquête policière. S’ils ne sont pas vigilants, le moindre petit indice laissé derrière eux pourrait mettre en péril toute leur organisation.

« La Camorra a survécu à des périodes plus critiques, donc elle s’en relèvera, il n’y a pas à en douter. Si nous sommes suffisamment rigoureux, efficaces et exigeants avec nos équipes. Le trafic ne doit pas ralentir malgré les précautions que nous prenons. »

Il lance un regard à Silas, un autre à Callie, s’attarde sur le visage nerveux de la jeune femme. Ils ont besoin de commandants aujourd’hui. Il pose les yeux sur Gisella, puis reprend le fil.

« Nous avons communiqué tout au long de la journée mais il faut qu’on sache où on en est exactement. Vos comptes personnels, vos propriétés, celles de vos hommes. Tout doit être hors de soupçons. Gisella s’est chargée de boucler le QG. »

Il fait un signe dans sa direction, lance le tour de table. « Commence donc, fais nous un point rapide. »

Gisella salue les arrivants, particulièrement rassurée par la présence de Saturno qu'elle réclame assis à côté d'elle. Et puis Augustin engage le dialogue, résume brièvement ce que l'on sait de la situation à quelques heures après la nouvelle. Il désigne d'abord Gisella pour parler en premier du QG. Un hochement de la tête et elle se lève, d'abord un regard sur l'égarée dans le coin dont elle préfère la présence à table pour avoir son approbation à elle aussi. « Callie, ma chérie, éteins ça et viens t'asseoir avec nous s'il te plaît. » Elle a l'esprit déjà trop dispersé pour qu'en plus on l'oblige à chercher le regard de personnes ne se trouvant pas assises à table. La main de l'hôte tremble quand elle repose ses yeux sur la feuille, elle s'éclaircit la voix et son autre main vient machinalement passer sur sa jupe, essuyer brièvement la moiteur naissante. Inspire, expire, le moment est venu pour elle de faire son maximum pour protéger Alcide et la Nuova Camorra mais à son échelle. Elle n'est pas une déesse, elle ne possède pas de dons fantastiques comme les autres ici présents sauf Rachele, avec qui elle a partagé cela longtemps avant d'être la réincarnation de Calypso. « J'ai gelé toute avancée de mes projets, étant donné la situation je passe d'un versement mensuel de 36 % a 52% de mes bénéfices pour la Nuova Camorra. Qui sera versé sur un compte au nom de mon fils Amadeo. Je laisserai l'accès à Augustin et Alfonso pour s'en servir et participer un peu à la sécurité du quartier. » Le regard n'a pas décroché de la feuille, ce n'est pas une proposition, en situation de crise elle se garde le strict minimum pour tenir son établissement, ne s'octroie pas le moindre bénéfice pour elle jusqu'à ce qu'Alcide soit hors de prison et la NC hors d'atteinte. Puisque la sécurité de son hôtel passe d'abord par celle du clan, sans cela, c'est un permis de détruire qu'elle colle sur sa façade.

Elle reprend sa respiration, le diaphragme bloqué par l'anxiété latente, elle tient néanmoins toujours debout et change de feuille. « Concernant mon établissement je vais demander à chacun de remplir ces feuilles d'information. Adresse, numéro de téléphone, nom et prénom. » Elle fait passer un tas de feuilles pour que chacun en prenne une et fasse passer à son voisin. « Pour justifier vos allées et venues dans l'hôtel si la police fait main mise sur mon administration ou vous espionne je vais créer des fiches clients fictives avec de fausses factures de vos différents séjours dans l'hôtel. Pour moi vous êtes donc des clients comme les autres. » Elle lève le regard vers l'assemblée, étire un fin sourire, elle ne leur fait jamais rien payer ici, ils sont tous la bienvenue, le Ciao Roma est comme une grande maison familiale dont elle est la gardienne. « Désormais quand vous viendrez à l'hôtel jusqu'à ce que la situation se stabilise je vais vous demander de me prévenir, que je vous avertisse si c'est possible ou pas. En aucun cas je veux que l'on voie votre visage ici si ce n'est pas le bon moment pour éviter les interrogatoires ou faire le lien avec la NC et l'hôtel. » La main dans ses mèches claires, elle les coince derrière une de ses oreilles et continue. « Le reste des documents confidentiels de la Nuova Camorra qui étaient dans le QG sont dans un endroit sécurisé dont je garderai le secret par sécurité, si l'on lie Alcide à la NC et ensuite à l'hôtel vous serez donc tous protégés. Si vous avez d'autres documents à mettre en sécurité je vous propose de tout mettre dans le même panier et de me les faire parvenir.» Elle lève les yeux vers Augustin et se mord les lèvres, ne peut pas résister quand même à un brin de comique. « Et donc je vous interdits toute tentative de lire dans mes pensées pour le savoir. » Dernière feuille, elle s'appuie d'une main sur la table. « Concernant Alcide je suppose que je risque d'être interrogée et je m'engage à ne donner aucun nom qui soit votre, plus on isolera les faits moins on risquera de mettre la familia à découvert, je désignerai cependant un héritier au cas où je sois à mon tour en garde à vue et à qui il sera transmis les accès au QG. » Fini, elle soupire doucement, et lève de nouveau les yeux vers l'assemblée. « Je suis ouverte à toute proposition, changements, sinon je n'ai rien d'autre a ajouter. » Sortez Alcide de prison s'il vous plaît ? Elle se rassied.

Pas un geste, pas un signe de stress, peut-être parce qu’elle n’en ressentait aucun Aura. Ce n’était pas la première situation de crise qu’elle connaissait, et ce ne serait certainement pas la dernière. Le monde merveilleux des mafias…

Assise, elle portait son regard sur les arrivants, retint un soupir devant le manque de sang-froid palpable de Calliope, s’étonna intérieurement de voir Saturno encore en vie, épousa du regard l’arrivée de Julius, qu’elle venait de quitter, et Silas, étrangement calme. Comme quoi, lui aussi était capable d’attirer son estime et sa confiance. Il n’y en avait pas beaucoup dans cette pièce. Levi, toujours aussi mystérieux, prit place sans un bruit sur l’un des sièges, dans les ténèbres salvatrices, et Rachele ferma le ballet. Seule mortelle en ces lieux, Aura savait pourtant que son intelligence et son esprit étaient inégalés par ici.

Et elle écouta distraitement le discours, les mots d’Augustin. A n’en pas douter qu’elle connaissait déjà sa rhétorique, pour l’avoir entendue à plusieurs reprises durant son enfance. Et de cet oncle, elle avait certainement beaucoup appris… Les propos sur le trafic ne la visaient guère, la sous-boss s’occupant principalement de missions d’espionnage ou meurtre. Cela seyait bien mieux aux ténèbres qu’elle chérissait…

Tour de table lancé, pour faire un point sur les propriétés et les équipes. Gisella se lança, stress palpable de celle qui devait être proche d’Alcide. Aura croisa simplement ses jambes, réajusta son oreillette qui continuait de divulguer des informations en continu. Sur Alcide, sur la situation légale, de la part de ses contacts sur les territoires américains, tout comme en Europe. Elle allait devoir mobiliser des ressources qu’elle n’avait pas en direct. Quitte à révéler des secrets cachés depuis des années…

La feuille entre les doigts, elle la fit passer à la personne suivante, remplissant la sienne dans la foulée. Véritable adresse et numéro indiqués, alors qu’elle ne squattait plus son immeuble… Depuis plusieurs jours. Et l’opération sera probablement répétée dans les jours, semaines suivantes. Lire dans les pensées… Augustin devait déjà savoir, au vu de son don, passif comme elle l’imaginait. A n’en pas douter que cela pourrait devenir un problème. Enfin, lui ne se ferait pas avoir comme Alcide.

Gisella n’était pas stupide, à vouloir désigner un héritier au vu de ses liens avec Alcide. Après… Aura la voyait surtout comme un alibi potentiel. Et le torse se pencha légèrement en avant, intérêt poussé de l’avocate. Et ce fut à son tour de s’exprimer, elle qui n’avait rien à dire à ce sujet. Enfin, elle n’avait qu’à rassurer les masses et répéter ce qui avait été dit en quelque sorte. « De mon côté, tout est en règle depuis le début. J’en ai juste profité pour faire vérifier qu'aucun message ou appel suspect ne traînait dans les téléphones, au cas où les enquêteurs cherchent à creuser de ce côté-là. Pareil pour mes équipes, de ceux que j’ai eu, tous ont suivi les ordres. Il n’y aura que quelques personnes que je placerai sous surveillance. » Celles à risque, que ce soit sur le plan de la Camorra, ou juste personnel. Ce n’était pas le moment de rajouter des femmes enceintes ou des bébés morts à la liste des problèmes de la mafia. Même si personnellement, tout cela ne la dérangerait guère. En revanche, d’autres êtres lui inspiraient un manque de confiance flagrant. Et tant qu’elle ne se sera pas assurée de leur loyauté… Le regard s’enfonça dans les pupilles d’Augustin. Ils en avaient déjà discuté, bien que faire entendre raison à l’homme relèvera du miracle. « Sinon, j’ai passé la journée sur le dossier d’Alcide, avec Julius, mais un premier janvier, c’est plutôt lent. »

Pause. « Gisella, il faudra que je vous parle dans les jours à venir, vous venez de me donner une idée. » Grand sourire sur les lèvres, derrière le regard de glace. Elle qui n’avait jamais réellement souri auparavant, la voilà bien plus à l’aise dans ses expressions. Pas pour le meilleur. Retour sur un sujet plus global. « Ce n’est qu’une question de temps pour l’en sortir, et nous devons avoir d’autres soucis sur lesquels réfléchir. » Autant ouvrir plus de débats et de possibilités…