Tu t’arraches les ongles à coups de dents, stress palpable que tu ne réfrènes même plus. Depuis le temps, tu as appris à vivre avec, à le laisser se faire sa place au niveau de ton cœur, nouvel organe ayant pour but de juste l’emmerder. L’audition est passée désormais, et si tu sais que tes chances d’être prises sont proches des cent pour cent, tu ne peux empêcher l’hybris de se déclencher. Ma’at n’a été qu’un problème pour toi depuis qu’elle s’est infiltrée dans ta chair, et tout s’empire depuis que tu es arrivée à Arcadia. Le chaos s’est infiltré dans chaque sous-couche de cette ville, rues qui pulsent au rythme de la destruction et de l’Isfet. Chaque pas à l’extérieur te donne l’illusion de chuter, de t’enfoncer dans un magma de ténèbres duquel tu ne peux pas t’enfuir. Sables mouvants enserrant le cœur, le corps et l’âme. Et aux soucis de la divinité s’ajoutent aussi les tiens, plus personnels. Ceux de ta quête d’identité, ceux de ton existence en tant qu’humaine, bien qu’elle soit aujourd’hui compromise. Tu en as déjà assez à faire avec ta propre personne, mais il te faut en plus rajouter cette petite voix dans ta tête. Et étonnamment, tu sens que ça ne va pas aller en s’arrangeant…

Tu quittes cette pièce, à l’écart sur le campus. Ce n’était que pour un petit spectacle, mais tu aimes donner corps aux musiques et aux pas, qu’importe qui le fait, ou à quel endroit. Que ce soit pour un spectacle de fin d’année, au cœur de la vie étudiante, c’est même plutôt intéressant. Apporter une part d’opéra à cette population qui n’en regarde ou n’en écoute pas forcément… Y’a un sourire qui se dessine sur des lèvres, légèrement, avant que tu te rappelles la seconde raison de ta venue ici. Un homme, à peine plus âgé qu’elle. Une fois de plus, c’est la Justice en toi qui t’as guidée. Les pupilles ont discerné l’âme, et la tienne a vibré, inconsciemment. Comme si tu voulais le protéger. Comme si elle voulait le protéger. Mais il avait fui, la fois précédente. Parce que tu es flippante comme fille, et que tu lui es tombée dessus sans prévenir. Et tu vas recommencer aujourd’hui, parce que tu n’as toujours pas compris ce qui n’allait pas dans ta façon de l’aborder.

Et tu te laisses guidée par cet autre sens, alors que cet autre don sonde les corps qui l’entourent. Tu ne la sens pas, la migraine ophtalmique latente, la cécité qui menace de s’emparer de ta vision. A trop forcer, tu finirais aveugle. Et tu ne t’en rends même pas compte…

Et il te semble repérer l’être que tu recherches. Tes gants repoussent quelques corps, te dégagent de là. Sonnerie d’intercours qui te fait presque perdre le visuel sur Marvel. Car oui, tu as pensé à lui demander son prénom avant qu’il ne… Prenne la fuite. Peut-être était-ce lié au fait que tu avais commencé à parler pouvoirs et aura, de façon tout à fait naturelle… Tu en as oublié que les êtres humains n’étaient pas tous au courant de ce qui se trame. Car il l’est certainement, malgré les murmures que Ma’at essaie de te faire rentrer dans le crâne.

Et t’arrives à l’attraper, au détour d’un couloir. La main gantée se pose sur le bras, la voix passe la barrière de tes lèvres : « Marvel ! » Tu t’en rappelles, oui. Tu t’en rappelles, mais finalement que lui aurait préféré que non. D’ailleurs, tu enchaînes rapidement, pour lui éviter de trop réfléchir. « Je suis désolée pour la dernière fois, je ne voulais pas… Enfin, je me suis mal exprimée. » Sourire contrit, et même ton anglais se teinte d’un accent légèrement français. Après tout, en à peine quatre mois ici, tu n’as pu t’en débarrasser complètement…