YOU & ME, WE HAVE AN OPPORTUNITY


You don't know me the way you really should
You're sure misunderstood
Don't underestimate me
I'll make you sorry you were born
Don't call me baby

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Bronach Mooney & Siobhan Kearney

Le parfum court encore sur sa peau, la saveur sur ses lèvres persiste. La chaleur masculine étreint toujours le corps de l’herboriste, quand avec la plus grande précaution, elle ferme derrière elle la porte du bureau. A l’étage de la distillerie, aux premières lueurs d’une journée de printemps, le coeur de l’Enchanteresse suit un rythme constant. Apaisée, sereine, après des mois de chagrin, de doutes et de remise en question, elle sent la vie dont elle est la gardienne, repoindre en elle à chaque instant. L’être meurtri renaît, tel la plus belle des saisons, et les tourments de l’esprit sont laissés de côté. Après la mort qu’elle a frôlé, elle apprend simplement à profiter de ces moments qui se présentent, et regoûte un bonheur dont elle avait depuis longtemps oublié la saveur.  

Sourire vague sur les lippes encore marquées d’un baiser fiévreux, elle traîne son regard azuré d’un bout à l’autre du couloir. Personne. Sa main gantée frôle encore la poignée quand la silhouette s’écarte, ne sachant plus si le fait d’être aperçue sortant de l’antre du patron avec son air coupable, serait une mauvaise chose ou un fait anodin. Les talons claquant sur les dalles malgré le souhait de discrétion, l’irlandaise détale jusqu’aux tréfonds du corridor. Les escaliers suggèrent déjà leurs premières marches tandis qu’un frisson s’octroie le loisir d’effleurer son échine. L’instinct s’anime, se devine animal pris en chasse, et la carcasse s’immobilise. Des bruits de pas se rapprochant confirment l’impression, et la divine attentive rajuste son corsage. Étire les plis de sa tenue pour se donner un air plus présentable, et cesse enfin de lui tourner le dos.

Badb. Le Corbeau et son hôte qu’elle affronte du regard, les laissant s’approcher. Le dos presque voûté, la figure toujours pâle, et ses yeux noirs qui fuient. Mais la langue bien pendue, comme à son habitude, récitant cette fois ci des comptines.

Leur dernière entrevue remontait à l’enterrement de sa cousine et avait bien failli lui être fatale. Pourtant, aujourd’hui, les vacances imposées de l’humaine et les retrouvailles de la divine avec Lir les ont toutes les deux détendues. Seulement impatiente d’en finir, non plus hostile comme ce fut le cas par le passé, la rouquine croise les bras sans la quitter des yeux. Elle pourrait tout autant s’échapper. Dévaler la volée d’escaliers ou opérer un demi-tour pour trouver la paix dans le bureau du Sénéchal. Mais ses bonnes dispositions l’empêchent de l’ignorer. Alors elle demande d'une voix extrêmement calme ; « A quoi tu joues ? ».  

YOU & ME, WE HAVE AN OPPORTUNITY


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You're sure misunderstood
Don't underestimate me
I'll make you sorry you were born
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Bronach Mooney & Siobhan Kearney

Les pas se succèdent, et l’ennemie se rapproche. Les effluves qu’elle dégage renforcent l’agression ressentie à sa vue, mais l’Enchanteresse reste de marbre. Garde pour elle ses piques acerbes et ses menaces, observant le manège que le Corbeau entame.

Dans l’enveloppe en apparence décontractée, l’hybris commence pourtant à s’agiter. Etouffé par la double fusion des âmes soeurs et de la déesse et son hôte, il est toujours muselé ; mais pour combien de temps ? L’éducation de l’irlandaise a beau être un atout puissant, elle sait que Badb et son larbin ont le talent pour la faire sortir de ses gonds.
Par deux fois en arrière, elles en étaient venues aux mains. Siobhan avait souhaité si fort sa mort qu’elle ne s’était pas reconnue. Cette fois, la chaleur qui berce de nouveau son corps a repris le dessus, et la vie revenue a chassé les idées morbides. Mais elles côtoient toujours sa faiblesse éternelle, vengeance intarissable, qui pourrait imploser à tout moment et leur coûter bien cher. Le timbre écorchant les barrières qui la retiennent encore, cette rancune infernale, la déesse tend l’oreille. Chaque mot de la psychiatre est un appel à la guerre. Auquel ni l’hôte ni l’âme ne cèdent.

« Pourquoi ne pas lui poser la question toi-même ? ». Le grade cité lui glace le sang. Elle n’en laisse rien paraître. Elle sait, cette furie qui la dévisage. Pas besoin qu’elle en dise davantage pour que l’herboriste comprenne. L’instinct ne trompe jamais le prédateur qui chasse, et quand bien même tout autre aurait pris son départ du bureau pour une visite de courtoisie, Badb renifle la fièvre et l’amour qui la lient à la Mer.
Nier serait inutile. Ou entrer dans son jeu.

Elle veut ce qu’il possède. Ce que la Terre lui donne depuis des siècles, ce que Siobhan apprend à offrir de nouveau à l’homme. Son affection et sa confiance. Sa fougue et sa passion. Sa dévotion intense. Au fond, rien qui ne lui conviendrait, elle pense, car la Guerre s’ennuierait. C’est la traque qui lui plaît, le répondant qu’elle a toujours en face, elle en est persuadée. Et puisque céder une seule fois a tout envenimé, l’Empoisonneuse a toujours refusé d’abdiquer de nouveau. Sa fierté l’en empêche, qu’importe si leur querelle insensée pouvait enfin s'en retrouver éteinte.


A la question suivante, la divine arque un sourcil contrarié. Et sa mémoire s’active, retraçant mentalement l’arbre généalogique de l’importune. Pas celui de l’humaine, mais bien de l’immortelle. Affublée de deux soeurs sur les champs de bataille, aussi redoutables et aussi barbares qu’elle. La Triade sanguinaire qui s’oppose à Airmed et ses frères. Quand les unes prennent la Vie, et les autres la rendent.

La jalousie s’en mêle. Morrigan lui est encore inconnue dans cette sombre existence, mais Nemhain brille au coeur du Royaume. Elle retenait sa main aux obsèques de la Reine, et peut-être qu’une histoire qu’elle ignore la met en scène entre les bras du Sénéchal, à lui donner du réconfort.
Elle préfère chasser les images, et contourner les trous béants que Badb répand sur son passage. Les serrures invisibles retiennent toujours l’hybris en cage.

« Cesse un peu tes fadaises et tes provocations. Tu es parfaitement ridicule. Et je n’ai pas envie de me battre ». Du moins pas aujourd’hui.    

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You're sure misunderstood
Don't underestimate me
I'll make you sorry you were born
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Bronach Mooney & Siobhan Kearney

Regard inquiet par dessus son épaule, la divine se détache du Corbeau pour scruter la porte fermée du bureau. Intacte et aussi close qu’à son départ, mais pour combien de temps encore ? Entre les murs épais, la distance et les bavardages incessants, impossible d’entendre le pas lourd ou le bruit de l’appui sur le plancher. Elle soupire et n’écoute qu’à moitié mais la dernière question la fait rouler des billes vers le plafond. « Tu délires complètement ». Haussement de sourcils, claquement de langue agacé, la divine secoue lentement la tête et se permet un ricanement léger. « Tu crois que je passe mes journées à penser à toi ? A fomenter des plans à ton encontre ? » Badb ne fait pas l’objet d’une obsession chez elle. Plus elle est loin, mieux elle se porte. Et autant dire qu’après leurs dernières altercations, l’herboriste n’a eu ni le temps, ni l’occasion, et encore moins l’envie de ressasser leur querelle ancestrale. Retrouver sa famille et apaiser son coeur blessé auprès de Lir reste à ce jour sa seule priorité. « Tu n’es pas le centre du monde et tu devrais arrêter de croire que c’est le cas ». Elle crache avec dédain, les orbes s’égarant sur la nuque rougie de plaques et entamée par endroits.

Elles auraient pu simplement se croiser. Serrer les dents, se saluer et chacune disparaître du champ de vision de l’autre. Mais ça ne se passait jamais comme ça avec la Guerre. Il fallait qu’elle provoque. Il fallait qu’elle se plaigne. Qu’elle attise sa colère jusqu’à lui faire perdre patience. Son petit jeu au cimetière avait été celui de trop. Hybris ou non, Airmed ne lui permettrait pas de gâcher sa parenthèse en se donnant en spectacle à nouveau. Surtout pas dans ce domaine qui l’avait vue renaître. « Trouve-toi une occupation et oublie-moi tu veux ? ». Et de tourner les talons, la rousse embrasse la première marche en direction du rez-de-chaussée.

Sa poitrine allégée d’un poids à mesure qu’elle s’éloigne, elle sait pourtant que le soulagement sera de courte durée. Au moins, l’amant ne sera plus aux premières loges pour les voir s’entredéchirer. Dans la cage d’escaliers, du passage la laisse espérer que peut-être, l’un des gars du Royaume se sentira d’humeur bavarde. Mais cette fois, tous ont l’air pressés et se dépêchent de saluer les deux silhouettes avant de grimper à l’étage.

Dans le hall déjà plein de clients malgré l’heure matinale, la divine se hâte de poursuivre sa route en cherchant à semer le Corbeau dans la foule. Elle traverse la partie publique en se sachant suivie encore, et s’enfuit dans les couloirs jusqu’à regagner la verrière. Jardin entretenu par ses soins dernièrement, elle s’apaise dans son élément, sans pouvoir s’empêcher de relancer les invectives.  « C’est ton jour de repos ou l’hôpital s’est enfin rendu compte que tu étais nocive pour tes patients ? »