If we had a bad day (Célestine) - Mer 3 Avr - 18:47
If we had a bad day
Célestine
There is but one nation on the globe from which we have anything serious to apprehend, but that is the most powerful that now exists or ever did exist. I refer to Great Britain.
John C. Calhoun
« Cher moi », non, pas assez clair. « Pays de mon enfance », pas terrible non plus. La lettre se profil mal, vue comme ça. Mais Katherine, ça lui importe peu. « Mon autre moi » c'est un peu trop spirituel. « Quand je serais rentrée », non, ça fait un peu trop lettre de vœux. Plongeant la plume dans l'encre, elle se fait la remarque qu'elle pourrait au moins faire l'effort de faire comme les autres et d'écrire avec un stylo à bille. Mais... Pas trop son truc, depuis quelques temps. A la limite, elle utilise souvent des crayons de bois, pour colorier ou pour pouvoir effacer. Mais le grattement de la plume, ça la fait toujours sourire lorsqu'elle la pose sur le papier.
Ecrire une lettre, c'est bien joli. Mais finalement, elle trouve son idée un petit peu idiote, maintenant qu'elle y pense. Est-ce que l’Angleterre lui manque à ce point ? Probablement. A vrai dire, depuis qu'elle habite avec Célestine, elle passe souvent du temps à y penser. Elle adore Arcadia, elle découvre des tas de choses. L'inspiration y est très différente, aussi. Elle voit des tas de choses qu'elle ne verrait normalement pas en Angleterre. Ce qui ne la change pas, c'est l'humidité du pays. Ça, la pluie, heureusement qu'elle aime ça. Elle rechigne parfois à sortir sans parapluie (déjà, parce que sinon elle perdrait cet air de "Dame" qui la fait tant rire), et surtout parce qu'elle se retrouve toujours avec des boucles indéfrisables. Mais sinon, elle est plutôt contente, parce que son pays natal à tendance à être vraiment humide. Après, il y a aussi la langue. Non pas qu'elle pense que les Américains ne parlent pas l'anglais. Mais... Leur accent. Mon dieu, qu'est-ce que leur accent peut-être agaçant souvent. Elle n'a pas la prétention de parler mieux l'anglais qu'eux, mais des fois elle tique, face à certaines expressions ou façons de parler qui lui semblent invraisemblables. Elle a déjà pensé à fabriquer un casque qui changerait les voix, pour revenir à l'accent britannique. Mais, on lui a déjà dit que c'était trop farfelu, même pour elle.
« Peut-être que je devrais mettre des photos, plutôt. Non, des dessins ! Encore faudrait-il savoir dessiner... » Elle se retourne pour fouiller vigoureusement dans le panier où elle rentre les crayons et les plumes. « Oui, non, de la couleur, c'est bien. » Elle parle toute seule, souvent. Trop, même, parfois. Mais le meilleur interlocuteur, quand les machines ne parlent pas, c'est toujours soi-même.
Elle délaisse sa plume, se perdant dans ses pensées. Finalement, voilà qu'elle écrit « Ma très belle Angleterre, (et moi-même) ». C'est mieux que les autres, mais c'est pas encore assez satisfaisant. Puis, elle se souvient que de toute façon elle n'aura pas vraiment de questions à se poser. Normalement, quand elle lira cette lettre, elle en aura déjà des dizaines d'autres à lire. Vu que c'est... au moins la dix-septième qu'elle écrit. A chaque fois, c'est un peu la même comédie pour la commencer. Griffonnant encore quelques mots, elle continue sa lettre, à moitié dans ses pensées. Quand la porte s'ouvre derrière-elle, elle manque de laisser échapper sa plume. Katherine s'empresse de glisser la lettre sous d'autres papiers, refusant à moitié d'avouer qu'elle fait des choses aussi bizarres que de s'écrire des lettres à elle-même pour plus tard. « Oh, pardon Célestine. » Elle reprends son souffle, un peu, après avoir presque sursauté à cause de l'ouverture de la porte. « Tu as besoin de quelque chose ? » Un peu pourrie, Katherine, mais elle est pas vraiment très forte pour décrypter ce que les autres veulent. Elle laisse tomber, souvent, c'est beaucoup plus simple de leur demander. Elle peut paraître un peu robotique des fois : « sur une échelle de 1 à 10, où situe-tu ta douleur ? », mais elle ne fait pas exprès. Même avec les gens qu'elle connaît bien, les relations sont compliquées parfois. Elle n'a pas beaucoup l'habitude d'échanger. Sauf à elle-même, comme ses lettres.
