C'est le même mot qui résonne dans sa tête, à Soledad. Les mêmes ordres, en boucle, pour pas faillir, pour pas se relâcher, pour pas tout laisser tomber. Accepter l'idée des sacrifices, accepter l'idée de mettre plus bas que terre sa fierté pour avancer. Avancer. C'est lui qui trotte sans arrêt, qui court dans les synapses, qui se fait autant carburant que nécrose. Ça tue la raison, tue l'esprit, tue la prudence. Et il marche dans les rues, dans ces moments où les gens qu'on dit biens se rentrent chez eux, au chaud sous le plaid devant netflix. Où ils oublient de se soucier du reste du monde, où ils ont déjà oublié à partir du moment où le monde, ce sont eux et leurs proches. Et c'est normal. Soledad regrette cette insouciance passée, regrette ce temps où il avait consicence de rien, où y'avait que sa mère, que son frère, que la nièce aussi parfois qui faisait des conneries. Le voici comme la tare de la famille, à présent. Et la fatigue qui s'installe, l'impression de pas réussir à faire tout ce qu'il faut qui le prend à la gorge. Alors, c'est sans doute pour ça que quand il reconnaît cette tête, lointaine, il s'arrête. Pour l'observer, au détective qu'il a déjà rencontré, qu'a pas vendu sa position ou son signalement. Accoudé là, à un bar, à sans doute récolter des informations pour ses propres cas à résoudre. Et ça le titille, ouais, à Soledad. Le regard sur la nuque offerte, sur ce bout de profil qu'il étudie. Il pince les lèvres, avant de baisser sa capuche pour approcher, fouillant dans ses poches après les dollars qu'il a pris pour cette sortie nocturne là, pour pas dépenser de trop à chaque fois. Des limites, pour se promettre de jamais trop les dépasser. Parfois, ça joue des tours. Et il en dépose quelques uns sur le comptoir, à côté du détective. La même chose qu'monsieur. Le même qu'il désigne d'un signe de tête, avant de tourner celle-ci vers lui, l'observant encore, de frontal cette fois. Salut, vieux. Il sait pas trop pourquoi il se la joue aussi détendue, aussi familier alors qu'au fond, il le connaît pas tellement. Mais il décide de miser potentiellement dessus et de voir de quoi il est fait, ouais. Alors faut bien rentrer dans le vif du sujet, jauger un peu plus ce qu'il peut y avoir, dans ses tripes à lui. Parce qu'être détective dans cette ville de dingue... Faut quand même en avoir une sacrée paire et qu'il admire un peu, Soledad, désormais. Je te paye un verre... ? Coude qui vient à se planter dans le bois, le corps tourné vers le détective, l'attention est toute vers lui aussi. Il renifle légèrement, les cernes plus profondes encore sous les yeux, à force des nuits et jours sans réellement dormir, à trop se bouffer la tête avec tout ce qui compose son quotidien. Comment il fait, Isak, pour survivre dans ce monde ?