SUNFLOWER

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Clarence Birdwhistell & Aislinn O’Reilly

Du bonheur et des rires. Des étoiles dans les yeux, et sur les visages rayonnants, des sourires, inaltérables et insouciants. Dans ces terres reculées d’Arcadia, on célèbre l’Amour sous la lumière des astres, et les coeurs allégés se réjouissent. Les mélodies s’enchaînent et s’envolent jusqu’aux cieux, berçant les corps heureux qui flânent dans l’euphorie ambiante et les vapeurs d’alcool. Il y a bien longtemps que l’herboriste n’a plus vu un tel spectacle, et cette nuit, elle aussi est en paix ; légère et enjouée, sensible à la liesse collective, et surtout bien entourée.

Témoin de cette union bénie pour la soirée, la voilà libérée de son attribution mais pas moins sollicitée pour autant. Les têtes blondes se succèdent autour d’elle, hèlent tour à tour son prénom et tirent vaguement sur les pans de sa robe pour attirer son attention. Une histoire hilarante à lui narrer, une danse à partager ou encore une envie pressante, les raisons ne manquent pas aux chérubins pour se faire attraction auprès d’elle. Et l’instinct maternel alerte, prêt à tout leur céder, ne se lasse pas de voir le défilé d’enfants la réclamer sans cesse.

Ce sont ceux des mariés, longtemps séparés d’elle, qui l’accaparent le plus. Voilà déjà plus d’une heure qu’elle n’a pas adressé la parole à un adulte quand le deuxième fils de Clarence la lance sur un sujet qu’elle connaît bien : la phytothérapie. Entre eux et comme toujours, la discussion s’éternise. De part son éveil précoce et ses vastes connaissances, Heathcliff a toujours été son coup de coeur. Gamin curieux qu’elle se plaît à stimuler, avec lequel elle pourrait dialoguer des heures, il la surprend toujours par ses répliques et son vocabulaire. Ce soir, ils s’intéressent aux fruits et les révélations à propos des cerises vont bon train, quand le père s’approche enfin de l’Enchanteresse et de son héritier.  

« Elles ont des propriétés diurétiques » ; sourire au bord des lèvres, amusé et sincère, elle relève son regard vers Clarence et appuie sans attendre la théorie du garçon. Ce dernier échange avec elle une oeillade entendue par delà ses lunettes, et passe à autre chose ; en premier lieu, le buffet.

Son ami le plus cher depuis sept ans déjà, l’herboriste l’a déjà félicité. Mais c’est la première fois, depuis le commencement de la cérémonie, qu’ils ont tous deux l’occasion de partager un moment en tête-à-tête. Les doigts gantés de l’irlandaise se posent machinalement sur l’avant-bras du quarantenaire alors qu’elle se rapproche de lui. « C’était mon cavalier. Jusqu’à ce qu’il tombe de fatigue » ; les rires se mêlent et les silhouettes se mettent en marche naturellement, s’éloignant de la foule pour une balade nocturne.

Surréelle dans sa robe couleur pêche, les cheveux roux nattés dans un chignon asymétrique, la divine étire ses lippes vermeilles. L’éclat lunaire fait scintiller ses perles et sublime à ses yeux le doux sourire rêveur du tout jeune remarié. Elle acquiesce à ses dires et se perd un instant dans l’amour qu’il transpire.

Annalisa et Clarence sont le plus bel exemple à suivre. La vie s’est montrée si dure envers eux deux et pourtant les voilà réunis. Elle s’en fait la remarque face aux orbes qui brillent, au visage éclairé, et libéré à la fois du poids des tourments et de celui des années. Ils ont tout traversé, et peuvent être heureux à présent. « Je suis tellement contente pour vous. Vous le méritez ».      

SUNFLOWER

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Clarence Birdwhistell & Aislinn O’Reilly

A l’écart de la foule, les amis se retrouvent. Bercés par le son étouffé de l’orchestre, cajolés par la brise appréciable des nuitées estivales, et les pas éclairés par les rayons de l’astre sélénite. Ils s’arrêtent en bordure de forêt, où les adolescents s’installent souvent pour se confier leurs histoires autour d’un feu de camp. De gros rondins de bois dressés et une large racine apparente leur font office de siège à tous les deux.

Il a l’air si heureux. Les yeux remplis d’étoiles, le sourire imprimé en permanence, et pourtant l’incertitude menace encore de gâcher son moment. « Bien sûr que oui Clarence. N’en doute jamais ». Elle voudrait bien pouvoir lui ôter ce sentiment absurde, mais elle n’a que des mots pour tenter de le rassurer. Et des lèvres enjouées qui s’étirent, des orbes bleu marine qui le contemplent avec sincérité, pour appuyer ses dires. « Tu es un père formidable ». L’Empoisonneuse l’a vu à l’oeuvre tant de fois, élever seul ses cinq enfants en dépit d’un métier prenant. Il sait toujours être là, réparer ses erreurs, se consacrer pleinement à sa famille alors que tant de choses extérieures l’accaparent. « Le meilleur que j’ai pu rencontrer ».
Sourire encore, et l’herboriste esquisse un geste tendre sur l’épaule de l’ami. Sa mine se fait plus grave quand ce qu’elle s’apprête à dire la ramène à sa propre histoire. Assurément ratée. « Et puis, tu ne l’as jamais abandonnée ». Pas une seule fois depuis qu’ils s’étaient rencontrés. Même les menaces de la mafia réputée la plus tenace de la ville ne l’avait pas effrayé. Le new-yorkais s’était jeté à corps perdu dans sa défense et il avait tout fait pour la mettre à l’abri, pour la réconforter, pour la rassurer et au final, pour la sauver. Un amour véritable digne d’un conte de fées. « Tu es vraiment tout ce qu’il lui fallait », insiste-t-elle encore, achevant son argumentaire. Et ses grands yeux humides vont soutenir les siens. « Elle n’aurait pas pu rêver mieux ».

Elle n’était pas la seule à le penser. Beaucoup de monde était présent à ce mariage en dépit de la situation. Même le Royaume s’était en quelque sorte interposé et garantissait aujourd’hui la sécurité de la mère de famille. Le couple et leurs enfants pouvaient compter sur leurs alliés, et peu niaient encore que leur histoire valait le coup.

Plongés dans un silence qu’il est le premier à briser, les deux protagonistes se perdent au fil de leurs pensées. Elle s’émeut un peu plus de l’aveu qu’il lui fait,  et mêle ses doigts gantés aux phalanges du marié. Elle le serre un peu fort, devinant l’émotion qui lui monte aux yeux. « On est tous contents d’être là. Et d’être témoins de votre bonheur. D’une histoire qui se finit bien ». C’était beaucoup trop rare à Arcadia. Plus encore par les temps qui couraient. « Vous êtes un modèle pour tous ». Un éclat de rire cristallin s’envole par dessus les vocalises des animaux. Le corps de l’herboriste se délasse au contact rassurant, et puisque la sincérité de leur relation leur permet cette proximité sans équivoque, elle ferme les yeux doucement en appuyant sa tempe sur son épaule. « Ca faisait longtemps que je ne m'étais pas autant amusée. Profiter de l'instant présent, sourire tout le temps, sans s'inquiéter... » Un soupir élégant s'échappe de sa lippe entrouverte ; « Je compte sur vous pour vous remarier bientôt », plaisante-t-elle à demi. « Ou peut-être un baptême... ? »