modern myths ((ariel))

**Sora Maruyama**

((modern myths))

ariel x sora

Le monde change. Autour de lui il tourne, s’agite dans un mélange de couleurs. Toujours plus sombre au New Kabukicho. Toujours différemment. Et les allégeances s’agitent, se perdent. Le quartier qui devient de plus en plus neutre. Comme une bouffée d’air frais. L’impression qu’il étouffe avec cet air frais. Pas habitué à la pureté de la chose. Pas habitué à tant de liberté. Les démons s’échappent, s’éloignent, comme s’ils n’avaient plus rien à trouver à Arcadia, mais les promesses sombres restent. Pèsent. Il n’est pas libre Sora. Pas autant qu’il ne le montre. Contrat qu’il a toujours avec le Kyosei-kai, même s’ils ne sont plus là. Plus véritablement. Créanciers qui restent là. Toujours. Vautours autour de sa personne. Et aucune autre échappatoire. Pour faire quoi de toute façon ? Gamin qu’on a forcé à se vendre dans les derniers drapés de son enfance. Gamin qu’on a détruit depuis une dizaine d’année à présent. Et si les griffes se sont ouvertes sur le quartier, la neutralité de celui-ci comme une nouvelle vie, Sora il travaille toujours au casino. Sora il travaille toujours en tant qu’Escort, jolie image de jour, minois qu’on aime avoir à son bras. Et la première partie de la nuit, c’est dans des draps sales qu’il s’abime. Dans le love hotel du coin. Dans des chambres miteuses. Dans les ruelles parfois ou à l’arrière d’une voiture, lorsque la considération n’est pas une option. Il n’a pas changé Sora. Toujours la même ombre dans Kabukicho. Toujours le même. Gamin qui semble immuable aux changements, et qui peine à profiter pleinement de l’éloignement de ses monstres. Et la nuit lorsqu’il retourne chez lui, studio triste dans un vieux bâtiment délabré, il veut juste oublier. Juste se dire qu’un jour il sera libre. Mais pas aujourd’hui. Ni demain d’ailleurs. Lucidité triste. Il ne regarde même plus les fringues griffées qui s’entassent dans son armoire, a du mal à apprécier les cadeaux qu’on lui offre dans des élans de générosité. Morose, le vague à l’âme et l’âme ailleurs. Gestes automatiques tandis qu’il passe du coton sur son visage pour enlever le maquillage. Pour enlever le masque et la confidence avec laquelle il s’affiche. Sourire fragile et son reflet qui lui rappelle ce qu’il est. Pas grand chose. Mais assez pour attirer l’attention des autres. Coups à sa porte, et derrière le sursaut c’est le corps qui se tend. Angoisse qu’il peine à contrôler. Peu de gens savent où il habite. Et la plupart du temps ça ne veut rien de bon à Sora. Non. Mais lorsqu’il se décide à ouvrir la porte, après quelques autres coups, on ne fuit pas ici, la surprise anime ses traits, et la porte s’ouvre un peu plus. « Ariel ? » Il ne vient pas souvent le voir. L’impression que le regret enveloppe l’autre homme dès qu’il s’approche trop de Sora. L’acte condamnable sans doute. Presque incompréhensible aux yeux de l’asiatique et de sa logique tordue. Mais accepté, parce qu’il n’a rien à y perdre. Juste à gagner un peu de compagnie. De soutien. Et c’est déjà ça. « Are you … hungry perhaps? »

(c) whistle'

Invité

T’as ce qu’il faut à la maison pourquoi t’es là ? Pourquoi tu rentres pas, t’en crèves pourtant.
Petite question en boucle dans la tête, ricoche contre le crâne avec l’allégresse d’une bille folle. Métallique pour bien vriller les tympans et faire s’entrechoquer les os, batterie d’ivoire qui devient dingue. C’était dans son programme, de rentrer au manoir. Comme tous les soirs depuis des mois, passer la porte, se doucher, se coucher. Dormir. Se réveiller, repartir. Instants volés dans les bras de son géant, pas suffisants pour épancher la douleur qui lui broie le cœur. Instigateur d’une séparation qui fait mal mais dont il ne sait pas comment s’y prendre pour arrêter le massacre. Abandonner un de ses trois boulots qui lui grignotent tout son temps. Il y a pensé mais ne le peut pas. Pas encore. Plus tard, toujours comme ça avec Ariel en ce moment.
Plus tard.

Limite qu’il a repoussé jusqu’à la fêlure, à sentir que ça commence à se casser la figure dans sa poitrine. Aux battements du cœur un peu plus fou à l’idée de ce qui va arriver. Aux veines qui font mal, de ces picotements bizarres qui dérangent. Petites aiguilles dans les canaux avant que ça ne deviennent des lames acérées, à en transpercer le crâne et la raison pour faire s’échapper le monstre de sa prison de chair. Pas le choix, il pourrait attendre de rentrer mais préfère ne pas prendre le risque. Un massacre à l’hôpital ferait désordre dans son dossier. Souffle et accélère l’allure. En pilote automatique parce qu’il sait où il va. S’enlise dans les limbes d’un rituel bizarre aux limites encore un peu floues. Pas bien instaurée, ni par lui, ni par cet autre qu’il détruit. Parasite qu’il est, l’argentin, aux regrets chevillés au corps lorsqu’il s’aventure dans le quartier asiatique. Il hésite à faire demi-tour, ravaler son élan téméraire et les nuages noirs qui l’accompagnent. Ne pas s’arrêter et repartir vers Ashmill et sa maison à la lanterne rouge. La prochaine fois, t’oublieras pas de venir le ventre plein avant de te faire sauter, c’est tout. Vrai. Réplique acerbe de l’aîné dans la tête, celle qui opine doucement et pousse le corps en avant. Toujours pas à se faire sauter, mais c’est tout comme, bosser les veines remplies, c’est toujours mieux que de risquer un nouveau massacre.

Frappe alors sur la porte terminus, destination au bout des cils et le visage surpris de Sora qui éclipse le panneau de bois. La question fait mal, tord un peu la bouche du môme qui pique du nez vers ses pieds avant de relever la tête, sourire timide sur les lèvres. Tiédeur passagère aux reflets carmin, il hausse une épaule, douloureusement candide. Un peu fragile. « -Je suis désolé de débarquer comme ça, j’étais pas loin et… » Menteur. A moitié, il était en ville. Moins loin que de venir de la baie. Il se rassure comme il peut, maladroitement. « - Si ça ne dérange pas. » Oui j’ai faim, s’ajoute dans le soupir silence qui lui échappe en fin de phrase. Dans le regard qu’il pose sur Sora, ciel bleu aux reflets d’orage, les éclats fauves de l’oupyr en paillettes dangereuses dans les prunelles.