Savannah s'est retranchée, seule, dans l'arrière boutique pour manger peinarde, pas envie de voir du monde aujourd'hui, supporter la maigre clientèle de la matinée a déjà été un effort surhumain. Elle a même faillit envoyer chier un mec qui s'est octroyé le droit de la draguer ouvertement et surtout lourdement, à coup d'allusions graveleuses et de clins d'œil dégueulasses. Oui un clin d'œil peut être ignoble, foi de Savannah. Nan mais après tout, c'est vrai que comme elle tient un magasin de cul, ça veut forcément dire qu'elle est complètement nymphomane et qu'elle accepte toutes les avances qui lui sont faites, évidemment, ça tombe sous le sens. En temps normal elle préfère rire de ce genre de sitation, mais aujourd'hui pour une raison qui lui échappe ça lui a mis les nerfs en pelote. Peut-être est-ce encore le manque de sommeil qui lui joue des tours. Ou bien le trop plein d'informations qu'elle emmagasine. Peut-être aussi qu'elle n'est pas encore passée par dessus sa violente rupture avec Bró, ah oui, non, ça c'est une certitude et d'ailleurs, le simple fait d'y penser lui arrache un reniflement à mi-chemin entre la tristesse et le dédain.

Assise entre les cartons, comme pour mieux se cacher du monde entier, elle avale un sandwich spongieux, sans être tout à fait sûre qu'il est encore bon, mais peu importe et se concentre sur l'écran de son téléphone qui affiche une série policière quelconque pour se changer les idées. Entre deux scène un peu plus intéressantes, elle tente un ou deux messages à certaines de ses conquêtes les plus régulières dans l'espoir de trouver un point de chute pour la soirée qui s'annonce bien déprimante maintenant qu'elle s'est remise à penser à son ex, mais jusqu'à maintenant aucune réponse.

Epuisée elle finit par s'endormir dans une position improbable, la tête reposant contre un carton, l'emballage du sandwich encore dans une main et les genoux toujours repliés avec le téléphone en équilibre précaire dessus.
La série défile toute seule et quand ça cogne contre la porte qu'elle a pris soin de verrouiller avant de s'exiler à l'arrière, elle ne s'en rend pas compte tout de suite, il faut au moins que l'intrus s'y reprenne à deux ou trois fois avant qu'elle ne réagisse. Un coup d'œil à l'heure lui indique qu'elle a largement dépassé le temps de fermeture de midi alors elle s'empresse de défroisser sa joue du dos de la main et d'essuyer la bave au coin de ses lèvres du revers de sa manche avant d'aller ouvrir.

« Pardon, excusez-moi , j'étais hyper occupée j'ai absolument pas vu l'heure passer, vous savez ce que c'est la vie d'auto-entrepreneur. J'vous en prie, entrez, si jamais vous avez besoin d'un renseignement sur un produit, j'suis à votre disposition, hésitez pas. »

Le torrent de paroles et l’amabilité exagérée lui viennent naturellement, comme pour mieux camoufler le fait qu'elle dormait profondément encore une toute petite minute auparavant.

@Jan Arsen

Certaines enquêtes amenaient parfois sur des chemins improbables, pour le plus grand bonheur de Jan.

(Non, rien ne le rendait heureux, pas même un topping chocolat sur des cupcakes, cet homme était une cause perdue..)

Un début d'après midi comme un autre, un homme comme un autre si ce n'est que plus roux peut-être et un trottoir comme un autre. Sur ce trottoir, une porte, devant cette porte, un homme et derrière cette porte, un sex shop. La porte, close, ne pouvait laisser passer le pèlerin errant car celui-ci n'en connaissait ni la formule magique, ni la clé.
Il avait tapoté d'abord quelques maigres coups, discrètement, attendant sans recevoir rien d'autre que solitude et silence.
Du coup il avait tapé un peu plus fort, légèrement et cela faisait bien dix minutes déjà que Jan tentait de braver le destin, de se frayer un passage.
Toujours rien.
Putain.
Alors, l'homme perdit patience (on était pas loin de la demie heure à présent). Cette fois-ci, il tapa du poing de bons gros BOUM BOUM BOUM des familles.
Les passants commençaient à le regarder, se demandant bien quel genre de gros frustré désespérait ainsi de ne pas pouvoir entrer dans cette boutique, comme un drogué en manque. Si Ikaar était là (un homme comme un autre si ce n'est que plus roux peut-être lui aussi...), sans doute ricanerait-il que cela était bien que Jan se reprenne enfin en main de ce côté là.

Il ne venait pas pour lui, il venait pour la justice.
Plus ou moins...

Pour la famille qui le payait parce que le fils chéri avait disparu et que ce fils chéri était un client régulier de l'endroit. Il avait la carte de fidélité... Rien d'illégal, la personne en question était majeure. La police avait sorti à ses vieux parents une histoire de disparaître pour mieux se suicider, opas quelque chose d'impossible en soit. Sauf que ça suffisait pas à des parents désespérés, prêt à payer un détective privé pour l'enquête. Ce détective, c'était Jan, et il avait passé quelques jours à éplucher les relevés de carte bleue du disparu.
Les plus grosses dépenses, ça venait d'ici alors...

Alors, quand la gérante/caissière/whatever ouvrit, l'homme se faufila à l'intérieur de sa manière complètement féline et complètement brutasse aussi, pour au moins échapper au froid. Il était de mauvaise humeur.

”C'est ça ouais, bonjour vous m'en direz tant.” Et tel l'homme le plus délicieux du monde qu'il était (non), Jan sortit sa licence de détective pour la montrer à Savannah. Puis, une photo du disparu. ”Ce type, il passait toutes les semaines normalement, un client régulier. Dites moi tout à son sujet. Si vous avez du café, amenez-m'en une tasse aussi... Merci. J'ai raté ma pause déjeuner. ”