Je ne pige pas grand chose en histoires d’amours. Je les vis par procuration au travers de Savannah. Ses peines de cœurs sont toujours teintées de romanesque. Pour ma part, Savy est ce genre de licorne dont la vie est une aventure exaltante d’héroïne Arlequin.

Mais là, je ne pige pas.

Tu l’as quittée cette meuf, alors pourquoi ?
Je te rejoins sur le canapé où tu t’es recroquevillée en boule sous une couette en pilou-pilou. Je te tends ma préparation fétiche en cas de cœur brisé : sorbet citron, arrosé de tequila, à même le pot.

- Cadeau, mi querida ! régale-toi !

Démaquillée et les yeux bouffis, le nez gonflé et écarlate de trop s'être mouchée. Le spectacle est pitoyable et exclusivement réservé à l'hispanique spécialisée dans le ramassage de petits morceaux d'amoureuse éperdue.
Savannah renifle bruyamment en s'emparant du précieux cocktail glacé sans vraiment émerger de son nid de mouchoirs et de pilou.

Merfwi...

L'articulation est aléatoire, le regard fuit celui de la sauveuse d'estomac grognant et de cerveau en surcharge émotionnelle, mais l'intention y est.

T'sais... T'étais pas obligée...

À sous-titrer : pitié ne me laisse pas toute seule Mon Soleil.

@Marisol Laciudad
(100 mots)

Pas dû quoi ?
Aller confronter ta nana ?
L'espace d’une seconde je suis prise d’une bouffée d’inquiétude. Je me rassure vite, elle n’est pas au courant, simplement en manque de câlins. Je plante une grosse cuillère dans son pot et je viens me vautrer tout contre elle.

- Si si , mi hermosa… J’éventre un paquet de biscuits à trempouiller que je pose sur son nid de mouchoir. Je secoue la tête avec un soupir. Viens donc là… va !

J’ouvre mes bras pour la caler contre mon épaule et je tapote gentiment ses cheveux.

- Pourquoi tu l’as quittée si tu regrettes tant ?

Elle ne se fait pas prier pour venir se blottir contre elle. Elle vie toujours un peu mieux au travers du contact humain.

Une généreuse cuillerée dégoulinante d'alcool est enfournée dans le gosier et déclenche une aussi généreuse salve de chair de poule. Le cocktail est toujours aussi réconfortant même au bout de la millième fois.

L'information n'est qu'à moitié traitée et vexée elle s'empresse de répondre plutôt que de réclamer d'où elle tient cette information.

J'voulais pas...

Un gâteau est plongé dans le pot et dans un nouveau sanglot elle ajoute

Je l'aime...

@Marisol Laciudad
(102 mots)

- Sans vouloir te vexer, ma chérie, tu dis ça pour chacun d’entre eux…

Je te mouche le nez avec un de tes très nombreux kleenex usagés. Soupir appuyé. Geste maternel. Je viens te caresser les cheveux avec une tendresse toute fraternelle. Ma joue vient reposer sur le sommet de ton crâne.

- Pourquoi tu n’as pas tenté de la rattraper, alors ? Ou je ne sais pas, de le lui dire au moins ! L’amour ça devrait être aussi simple qu’un QCM : « Je t’aime. Et toi ? » « Oui » ou « Non ». Basta !

Mais parce que c'est touujouurs vrai...

Gémissement désespéré.

Mais elle...

Coupée dans ses geremiades par le mouchoir qui vient se coller contre son nez, elle en oublie de terminer sa tirade enflammée. A défaut, elle enfourne le biscuit avant qu'il ne commence à se déliter et répond, la bouche pleine.

T'peux pas comprendre Cholèy Mwen, ton QChéM il est foireux avec les chens comme elle. Chi tu...

Déglutition.

Si je lui avais dit comme ça elle se serait barrée plus vite que Philibert qui accourt quand il m'entend ouvrir un paquet d'jambon...

@Marisol Laciudad
(96 mots)

- Avale, Tonta !

Je ricane doucement en te voyant faire. S’il savait tous ces amants que t’allumes comme des réverbères ! T’es qu’une enfant, pas une « Mère ». D’ailleurs ce titre est pompeux et parfois -souvent- j’ai la sensation qu’il t’étouffe.


-En vrai vous aimez plus vous emmerder la vie que de vous aimer tout court. Enfin pour ce que chais de l’Amour. Chuis qu’une putain, hein ? Je comble les carences du romantisme par quelques coups de reins. St’tout.

Je grignote un biscuit pour t’accompagner.

-Et c’est quoi qui marche avec elle, selon toi ?

Une claque sonore vient s'écraser sur la cuisse de la frangine non sans avoir au préalable assuré sa prise sur son goûter pour s'assurer qu'il ne volerait pas au travers de la pièce en cas de ruades.

Ouais mais t'es la plus géniale des putains, alors forcément tu sais mieux qu'les autres !

Et c'est le retour des questions qui fâchent. Elle ne saurait lui avouer à quel point leur relation était bancale, pour ne pas dire malsaine. Elle ne se voit pas lui dire qu'elles se foutaient presque sur la gueule pour s'exciter.
Se blesser pour mieux baiser.

Chais pas...

@Marisol Laciudad
(108 mots)

Je ris de bon coeur.

- Une prostipute goldée ! Je veux un certificat avec marqué ça dessus.

Ta bonne humeur s'étiole.
Ce n’est pas de la curiosité, chérie, simplement de l’inquiétude. Dans “tomber amoureuse” il y a cette idée de chute, de vertige, de gouffre inéluctable. Même si tu te relèves, ton coeur reste couturé. Moi je le sais.

Moi je le vois.

Les paroles de l’irlandaise me reviennent.

- Pt’êt que tu la connais pas si bien que ça. Haussement d’épaule. Moi, chuis une femme d’action : soit tu te bats pour elle, soit tu laisses béton… Choisis et va de l’avant!

L'idée est précieusement enregistrée dans un coin de sa tête, on n'a jamais trop de potentiels cadeaux d'avance.
A son tour elle hausse une épaule, un peu défaitiste alors que son pouce vient caresser le pansement dans le creux de sa paume, relique de leur dernier affrontement qui s'est si mal terminé.
Inspiration profonde qui fait siffler ses narines encore encombrées.

J'veux pas la laisser, j'veux pas abandonner...

Cette fois, c'es un mouchoir qui subit, méticuleusement transformé en millier de confettis pour occuper ses mains.

Cheri mwen... L'est trop importante.

Sempiternelle rengaine.

@Marisol Laciudad
(100 mots)

Honnêtement, soeurette, toi et ta meuf vous vous comprenez pas d’un pouce.

- Idiota mia ! Juron affectueux, un poil agacée. Arrête de te comporter comme une victime à chaque fois que ces couillons t’abandonnent: Rend les coups! Mords-leur dans le lard ! Joder ! Cette gonzesse t’obsède, ben renverse la vapeur : Fais lui mouiller sa culotte pour qu’elle ne rêve plus que d’toi la nuit ! Sauf que, Hey Bitch, t’as perdu ton tour !

Je m’exprime avec de grands gestes, tout feu, tout flamme.

- Pique-lui son mec ! ça lui f’ra les godasses !

Je me rends comptes brutalement que j’en ai peut-être trop dit.

Sa lèvre inférieure est maltraitée par une canine alors qu'elle l'écoute avec attention et une pointe de honte aussi. Elle sait bien qu'elle se goinfre trop souvent du cocktail glacé spécial cœur brisé.
Un sourire amusé éclair malgré tout son visage froissé par la tristesse en voyant l'hispanique s'enflammer. Elle arrive même à glousser lorsqu'elle a terminé, elle aime tellement la voir s'exprimer avec tant de conviction, son aplomb et sa détermination sont rassurants.

Malheureusement, emportée elle lâche une bombe et Savy se referme comme une huitre. Elle n'arrive qu'à articuler deux mots, la boule de retour dans sa gorge.

Quel... Mec...?

@Marisol Laciudad
(111 mots)

Merde.
Merde, merde, merde, merde, merde !
Je me pétrifie face à elle, yeux écarquillés comme deux ronds de flanc, bouche ouverte qui trahit la bourde. Je pue la culpabilité à plein nez.

Rebondis, couillonne !

- Ouaiiiiiis! ahaha ! T’vois bien c’que j’veux dire ! Son mec, sa meuf.. n’importe quel tocard avec qui elle t’a remplacée…

Mon rire sonne faux, alors je pioche à mon tour dans la glace alcoolisée.

- VENGE-TOI, quoi ! C’est ça l’idée.

La cuillère gonfle mes joues, histoire d’occuper ma bouche à autre chose que de lâcher des ogives.

- Et si jamais, sers toi de moi pour la rendre jalouse !