Tell me who i am, tell us what we are | Sio

Invité

Est-il bien raisonnable, alors que l'on peut à peine souffrir d'être exposée aux plantes, au risque de se retrouver avec une énorme fraise à la place du nez, de venir se balader parmi autant de plantes ? Probablement pas. Toutefois, lorsque l'on a un but, comme la jeune femme en ce jour, certains sacrifices apparaissent nécessaires. Certains risques ne doivent être craints d'être pris, quitte à ce que son cou gracile ne soit enroulée dans une écharpe particulièrement épaisse, le nez enfoncé dans la laine immaculée. De son visage n'est alors visible que le haut, prunelles sombres embrassant d'un regard circulaire les jardins fournis de l'Emerald Garden. Il y a ici de toutes formes d'arbustes jusqu'aux pots de gardénias. Pour une raison absurde, inconnue, elle pour qui la nature possède d'ordinaire les reflets moribonds du goudron, est capable d'identifier chacun de ses membres de la flore.

Et c'est justement parce qu'elle le peut, ignorant le pourquoi, osant à peine rêver du comment, qu'elle se trouve dans ce sanctuaire voué au bonheur de son allergie.

Remontant le chemin sans but apparent, ses bras légèrement écartés voient ses doigts effleurer les tiges débordantes sans pour autant les toucher. Attitude étrange qui attire les œillades des quelques autres clients présents pour, eux, faire leurs achats dans cette partie ouverte au public durant les travaux. Elle ne s'encombre pas de leur perplexité, ne prend même pas la peine de leur accorder son attention. Cela peut faire sourire, mais à Arcadia, elle n'est qu'une étrange parmi tant d'autres. Qu'une âme sur laquelle on ne s'arrêtera pas davantage que sur une énième.

Souhaitons qu'il n'en sera pas de même pour celle qu'elle est venue trouver.

Finalement, elle trouve le seul endroit de cette jungle où elle peut respirer en paix. Jardins japonaise où de minuscules sakuras attendent d'être plantés. Prenant assise sur un banc sous l'un d'entre eux, elle libère ses lèvres et exhale un soupir satisfait. Et attend. Emi est patiente. Le temps ne lui est pas précieuse. Capturant une fleur de cerisier entre ses doigts prête à se détacher de son arbre, elle caresse pensivement ses pétales. « Ce sont les seules que je supporte. Alors que toutes les autres me rendent malade, semble-t-il. » On pourrait croire qu'elle se parle à elle-même, pensées prononcées à voix haute. Mais non. Ses paupières légèrement gonflées à cause du pollen se relève pour observer la belle silhouette à la chevelure flamboyante qui a fini par apparaître. Siobhàn Kearney. Celle pour qui elle a bravé jusqu'à sa santé. « On s'est rencontrées chez Cian. Tu te souviens de moi ? » Une réponse négative ne l'étonnerait pas. Ou si. Elle l'ignore. Comme tant d'autres choses.

**Siobhán Kearney**

tell me who i am, tell us what we are.

@Emi Hayashi ⊹ @SIOBHÁN KEARNEY

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Emmitouflée dans une écharpe en laine épaisse, l’Empoisonneuse arpentait l’extérieur de la propriété. A ses côtés, un homme aux traits tirés, la barbe épaisse et grisonnante, et le chef recouvert d’un bonnet, captivait tout son intérêt par de grands gestes et un discours interminable. On aurait pu la penser prise au piège, exaspérée par tant d’explications mais demeurant par politesse ; elle buvait ses paroles en vérité, l’interrogeait avec entrain et s’impliquait, parce qu’aucun projet en ce moment ne lui tenait plus à coeur que celui-là. L’Emeraude venait de réouvrir ses portes après deux mois de fermeture. Les clients commençaient à revenir, lui manifestant leur soutien en refusant de s’emmurer dans la terreur ambiante que l’attentat du magasin avait accentué.

Ca restait difficile, et la police ne l’avait pas vraiment aidée. Tout le monde avait compris qu’il s’agissait d’un règlement de compte entre la botaniste et les mafias du coin. Certains la pensaient innocente, victime de la pègre gangrenant la ville comme la plupart d’entre eux, et d’autres la croyaient désormais impliquée dans leurs affaires - et ils n’avaient pas tort. Aussi, l’irlandaise devait se montrer prudente, mais sa réputation ayant souffert autant que son être meurtri par cette attaque, elle avait décidé de se relever - comme elle le faisait toujours - et de voir bien plus grand. Le choc et la colère passés, elle avait contacté cette entreprise et son cabinet d’architecte qui avait dessiné les plans. Sous les directives de cet homme avec lequel elle conversait, l’Emeraude avait retrouvé son éclat, et serait d’ici quelques mois, plus vaste et majestueuse que jamais.

La divine se sépara finalement du chef de chantier qu’elle gratifia auparavant d’une poignée de main chaleureuse. Le regard empreint de reconnaissance et d’une lumière qui n’y avait pas brillé depuis longtemps, elle bifurqua dans les allées jusqu’à s’enfoncer dans les serres. Il promettait que les travaux seraient finis d’ici l’été, et cette annonce refaisait sa journée.

En dépassant les jardins japonais, les orbes captivées par une silhouette poussèrent la Belladone à rebrousser chemin. Il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour remettre ces traits qu’elle trouva familiers ; elle avait bonne mémoire et la chance d’être plutôt physionomiste.
Discrète, elle s’avança jusqu’à distinguer son aura bleu-nuit. Celle-ci baignait délicatement la verdure alentour, laquelle semblait absorber la cliente.

Surprise d’être percée à jour sans même avoir eu l’occasion de s’annoncer, la botaniste haussa un sourcil dubitatif. Bien vite, ce fut pourtant un sourire chaleureux qui étira ses lippes, alors qu’elle dévisageait la jeune femme. « Bonjour Emi ». Elle se souvenait en effet, et détenait sur elle quelques informations qu’elle n’avait pas eu à entendre. Sa nature de déesse, entre autre, et l’identité même de celle qui l’habitait. Elles étaient des semblables, voire un équivalent de deux panthéons différents.
« C’est sûrement parce que c’est ta fleur ». Elle s’approcha tout en fixant les cerisiers par dessus son épaule. Ils étaient son symbole, comme la Belladone pour Airmed.