Nuit sans fin. Bordel monstre.
Évidemment, c'est en pleine transaction que les emmerdes s'invitent. J'ai passé ces derniers jours à gérer l'intrusion surprise des bidasses. Entre les barrages et les perquisitions abusives, mon cœur balance.
Et s'inquiète pour Bro.
Cette conne ne donne plus signe de vie depuis une semaine. J'ai réussi à économiser ma batterie tout le long, espérant voir apparaître un message à chaque micro-allumage… Jusqu'à son décès.

Une silhouette deguinguandée. Un tignasse foutraque dans le vent. Une cabine téléphonique. Mon corps gallope avant ma tête.
Je brusque la porte.
Toi, moi.
Tes reproches.

- À ton avis, couillonne !

La pichenette agresse mon nez. Chez toi, l’Amour se révèle par vacherie. Aussi sale soit ce mot, truffé de majuscules, il est là : entre nous. Je me frotte le pif. Une oeillade ronchonne.

T’es toujours aussi bandante, connasse.

- J’avais surtout pas que ça à foutre….

Je t’attrape la main et je te tire avec moi, loin des badauds en détresse en quête -vaine- de téléphone. Une ruelle déserte nous offre un abri bienvenu. Je te coince contre le mur, la mine revêche.

- Où t’étais ?

Une forme s’agite sous mon blouson.
Une tête s’extirpe, de petit cochon.

- Il était inquiet...

Barbecue  a le droit aux caresses qui me sont proscrites. Mon agacement doit se lire dans mon regard puisque tu joues les bravaches.

- Je t'en foutrais des “pourquoi”... T’as laissé ton appart’ vide pendant une semaine alors que les bidasses fouillent toute la ville. J’ai cru qu’on t’avait coffrée.

Mes lèvres se pincent, musellent mon “j’étais mort d’inquiétude”.
Je déteste m’entendre jouer les mari anxieux.
Je hais constater ton inconscience.
J’ai peur de demander où tu étais.

Dans quels bras ?

Je baisse les yeux. Si on y regarde bien, c’est toujours moi qui t’embrasse, toujours moi qui te cherche….Toujours.

Je suis un crétin.
Quand tu me regardes comme ça, j’ai envie de croire que tu n’es pas en train de me rouler. J’arrive presque à éloigner ces voix qui me murmurent sans cesse de me méfier.

Ton baiser timoré ne me suffit pas. J’exige plus. Je prends plus.
Une semaine sans toi et j’ai projeté milles scénarios atroces où je finissais invariablement seul, ton cadavre entre mes bras.

Barbecue n’est pas ravi d’être ainsi pris en sandwich et l’exprime. Son grognement est couvert par une sirène : une escouade débarque et disperse la foule en hurlant au couvre-feu.

Joder!

Dans ton regard danse une lueur de folie. Séduisante. Dangereuse. Tu parviens toujours à me foutre le feu à la cervelle et l’âme.
Mais pas cette fois, Bro.
Je lis dans tes prunelles cette volonté de se détruire que je connais bien. Je la refuse.

- Suicide à deux… romantique.

Avec autorité je te tire avec moi vers le fond de ruelle pour effectuer un saut. Je nous téléporte dans une planque de la Calavera.

- Avant de me gueuler dessus, sache que c'est parce que tu m’as manquée que je veux que tu restes en vie.

T’as aucun droit de m’abandonner.

- Arrête de jouer les connes et on sera quittes !


Éclat de colère furieux. Tu me fous toujours à l'envers. Je m'approche, tachant d'adoucir mon ton.

- Bro, je t'ai dit qu'on étaient partenaires dans cette galère. Tu coules, je coule. Je morfle, tu morfles. Si tu ne me dis rien, je ne peux pas t'aider.

La réponse ne se fait pas attendre. Tu es au bout du rouleau, ma Tornade. Les vents ne te portent plus. Je viens cueillir ton visage entre mes mains cale uses, râpées par la cavale. Barbecue nous regarde du sol.

- Explique-moi…..

Te debine pas cette fois.