for the glory (Liliha)

**Nesryn Kron**

for the glory

Les yeux ne brûlaient plus.

Elle sourit, soupira doucement et jeta un regard pas la fenêtre. Son don que beaucoup considéraient comme une bénédiction était devenu depuis longtemps une malédiction des plus écoeurantes. Chaque regard croisé le déclenchait, chaque être avait quelque chose à se reprocher. Quoi qu’elle fasse, elle ne pouvait pas combattre le dégoût, la haine latente qui s’installait à sa propre encontre. Se battre contre elle-même était devenue épuisant à force. Elle s’étira doucement, se frotta les paupières pour chasser le cauchemar qu’elle s’était elle-même infligée. A force de courir après le contrôle, de voir les gens souffrir, Nesryn en avait oublié que le talent se retournait contre son propriétaire. Et moins elle contrôlait, plus elle souffrait aussi. Plus elle souffrait, plus son pouvoir l’effrayait, et moins elle cherchait à le contrôler. Un cercle vicieux duquel elle s’extirpait doucement. En réalité, c’était le lien avec Ikaar qui la rendait plus stable, qui l’obligeait aussi à se recentrer. Si elle mourrait, lui aussi en prendrait pour son grade. Et la suédoise refusait que quelqu’un souffre par sa faute, par son existence. Alors, elle composait avec le pouvoir, avec sa vie, se donnant l’illusion que tout finissait par s’arranger…

Un coup d’œil sur sa montre, pour lui rappeler qu’elle avait un colis à aller chercher. L’électricité étant revenue, bien qu’instable, les magasins avaient pu rouvrir, et les colis arrivaient de nouveau. Elle qui attendait son matériel pour se remettre à chanter depuis des mois maintenant, elle était heureuse de le savoir arriver.

Sifflotant, elle traversa les rues et ruelles. La bonne humeur avait un goût étrange sur sa langue. Goût amer, sans cesse rappelé par la peur d’échouer, la peur de faire souffrir. C’était la seule raison pour laquelle les lunettes noires étaient posées devant ses iris, une vaine barrière contre la puissance de son don. Seul un bout de tissu évitait que le pouvoir traverse et embrase une autre personne. Sauf que cela la faisait devenir aveugle. Pouvait-elle encore vivre sans voir la beauté du monde autour d’elle ? Même si la souffrance en faisait partie, ne plus voir signifiait aussi supprimer la douceur, la magnificence qui s’en dégageait. Alors, il fallait juste qu’elle accepte les désagréments, qu’elle les fasse devenir positifs. Elle pouvait y arriver, elle en avait la force. En tout cas, c’était ce que les gens se répétaient au Royaume…

Elle finit par s’arrêter, au détour d’une rue donnant sur un parc. Arcadia était une vraie belle ville, malgré le sang qui coulait à tous les coins, les mafieux qui la gangrénaient. Elle avait survécu tout ce temps, Nesryn n’était pas si différente finalement… La soleil de fin d’après-midi dessinait une large ligne oranger sur les bâtiments anciens du quartier historique, lui arrachant un léger rire. Jamais elle n’aurait cru se sentir chez elle ici. Jamais elle n’aurait pensé pouvoir se promener aussi librement, même si l’ombre de la Camorra était toujours présente dans son dos. Aujourd’hui, elle était plus libre qu’elle ne l’avait jamais été. Il fallait juste qu’elle apprenne à faire confiance.

Elle reprit son chemin, se glissa dans une ruelle un peu plus sombre. A cette heure-là, elle ne s’attendait pas à avoir le moindre problème. Encore trop tôt pour que les silhouettes étranges vivent dans les ténèbres, pour les tueurs assoiffés de sang. Quelques pas, une dizaine de minutes encore avant d’arriver à la poste, tout aurait dû bien se passer.

Jusqu’à la silhouette, jusqu’à ce que les yeux croisent ceux d’une autre femme. A nouveau. Elle sentit la douleur, fulgurante, bien avant d’en prendre entièrement connaissance. Un genou à terre dans la foulée, les nausées qui s’amplifiaient. Cependant, cette fois-ci, elle combattit la sensation, la culpabilité, la haine. De trop longues minutes, avant de se redresser, de se relever. Elle tremblait, elle tressaillait, mais elle finit par reprendre sa respiration, stabiliser son état. « Je… » Bégaiements incontrôlables, elle attendit encore un peu. « Ce n’est pas la première fois… » Elles se connaissaient. Elle en était certaine. Encore faudrait-il qu’elle voit si l’autre n’avait pas disparu pour discuter…

(c) DΛNDELION

Invité

C'était une journée assez banale, sauf qu'elle venait de s'embrouiller avec un quinquagénaire qui prenait trop de temps pour retirer du cash. Sommer quelqu'un de se dépêcher car le temps pressait n'était pas une raison pour se faire cracher dessus. Sûrement qu'il pensait que Lili était intimidée vu qu'elle ne le regardait pas dans les yeux. Mais ses quelques injures avaient sûrement réussi à lui faire comprendre que non.

Le quartier historique trônait devant elle, baigné par une lumière orangée. C'était la golden hour, le moment préféré de Lili dans une journée. Maintenant elle n'avait plus qu'une chose à faire, c'était de rentrer pour s'occuper de ses gosses. Richard venait de lui donner une avance phénoménale et elle avait eu l'occasion de refaire ses stocks de kétamine. Elle n'avait plus qu'une envie, c'était de se faire une ligne en rentrant.

De plus, Willow était censée rentrer de son audition, et Liliha avait hâte de savoir si la gosse de dix-sept ans allait lui rapporter de l'argent grâce à son talent de danseuse. Toutes ses pensées fusèrent sans qu'elle ne puisse faire quoique ce soit, le paysage la détendait fortement. Même qu'elle fut attirée du regard par la silhouette d'une jeune femme, elle ne put s'empêcher de la couver du regard. De toute façon elle était trop loin pour qu'elle puisse la remarquer. Quelque chose l'attira chez elle, et non pas sexuellement, mais comme une attraction impossible à arrêter.

Elle se rapprocha d'elle, tout en faisant attention à ce qu'elle ne la remarque pas. Elle avait presqu'envie de la suivre, elle lui semblait très familière, mais Liliha ne savait pas d'où. Lorsque tout à coup, elle fit l'irréparable et tourna son regard vers celui de Lili. La douleur fut démesurée. Tout son corps semblait brûler dans des flammes dignes de l'enfer, elle avait envie de s'arracher les yeux. Des péchés mêlés aux siens lui laissèrent comme un goût d'acide sulfurique dans sa bouche. Elle ressentit un profond mal-être qui n'était pas le sien, une illégitimité sans pareil.

Liliha connaissait cette sensation plus que douloureuse. Ce n'était pas la première fois... Elle se souvint comme si c'était hier. C'était l'événement qui l'avait poussée tout droit dans les drogues, histoire d'oublier qu'il était possible de ressentir une souffrance pareille.
"Pitié..."
Qui était cette personne qui lui brûlait le cerveau ? La douleur était telle que son corps se dissocia, elle tomba à genoux et trembla de tout son être. Elle réussit à fermer les yeux.
"Qui est-ce ?! S'écria Liliha avec force.

**Nesryn Kron**

for the glory

liliha & nesryn
@LILIHA SOUTHAVILAY

Nesryn n’aimait pas rencontrer des gens, des âmes qu’elle connaissait d’un passé plus ou moins trouble. Sous l’effet de la peur, d’une adrénaline nouvelle et pourtant si proche, le pouvoir se déclencha, les pupilles s’enflammèrent. Au contact d’un autre juge, cela avait pour effet de forcer les dons à s’ouvrir, à se combattre, à se haïr. Du moins, c’était ainsi que la Suédoise le percevait. Etait-ce réel ? Etait-ce une simple illusion d’un esprit sur le point de s’écrouler, à la recherche de sens dans le surnaturel ? Parfois, elle se sentait stupide de croire de telles choses, d’accepter que son don puisse être forcé par un tiers. Néanmoins, la majorité du temps, elle ne cherchait pas à aller plus loin. Parce que ça lui convenait, parce que ça lui offrait quelque chose sur lequel réfléchir, auquel penser. Une fois les pensées occupées, elle avait l’impression que tous ses soucis s’éloignaient. Qu’elle n’était qu’une mortelle, une humaine des plus normales. Enfin, si la normalité avait un sens, et pour le peu qu’elle y restait, dans cette banalité…

La souffrance finit par se tarir. Les inspirations, d’abord rapides, se calmèrent. Au fur et à mesure qu’elle se forçait à les prendre profondes, Nesryn pouvait percevoir les battements de son cœur ralentir. Myocarde qui revient dans ses habitudes, permettant à la douleur de refluer comme si de rien n’était. Comme toujours, celle-ci était intense, mais plus ou moins brève. Ou peut-être était-ce parce que les regards ne s’étaient croisés qu’une seconde, s’étaient détournés plus rapidement cette fois-ci. Ou alors, d’une façon plus effrayante, la suédoise avait fini par s’y habituer. Les mois, les années passant, elle avait atténué la souffrance ressentie, au point que celle-ci s’efface en quelques minutes, disparaisse dans les tréfonds de son âme. Avait-elle un simple vide à la place du cœur ? A force de détruire les autres, de les mener à la mort dans certains cas, plus rien ne l’impactait ? Cette seule idée eut pour effet de lui couper de souffle, rendant les questions et l’esprit brouillons.

Néanmoins, les mots de l’autre la ramenèrent dans l’instant. Être distraite lui allait, et elle se laissa même aller à quelques remarques, quelques réponses. « Nesryn. Je m’appelle Nesryn. » Elle finit par se relever. Tenir debout n’était pas aussi compliqué qu’elle s’y attendait. « Comment… On s’est déjà vues. » Elle se répétait, l’esprit plus aussi clair. Y’avait un peu de fatigue, peut-être le contrecoup de cette utilisation non voulue de pouvoir. Les doigts se posèrent doucement sur les tempes, pour les masser, dans un dernier soupir. « Vous… Vous pouvez utiliser ce pouvoir. » Ce pouvoir, celui que la suédoise avait longtemps dénigré, avait souvent considéré comme une malédiction. Elle savait qu’elle n’était pas la seule à le posséder, néanmoins, elle en connaissait aussi la rareté, pour avoir été manipulée, enfermée par l’une des mafias qui souhaitait se servir d’elle. Une arme, une unique arme… L’autre l’était-elle aussi ? « Comment ? Depuis combien de temps… ? » Enfin, plus ils étaient nombreux, moins la Camorra se mettrait en tête de la traquer à nouveau…

(c) DΛNDELION

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