ASLAN & INGIBJORG

Le commissaire m'a convoqué. Il est neuf heures trente-sept du matin sur ma montre et je suis dans les couloirs du bâtiment principal de la Arcadia City Police Department pour me rendre dans le bureau du grand manitou de la police. Je ne sais pas ce qu'il me veut, a-t-il découvert que je suis un flic ripoux ? Impossible, je couvre trop bien mes traces et je ne crois pas avoir fait la moindre erreur de ce côté. Trente-huit, je suis devant sa porte, son nom avec son grade sont affichés sur la vitre opaque en lettre d'or. Je toque une fois, deux fois et j'attends que l'on m'autorise à rentrer. Bien que je me moque des codes hiérarchiques, face à ce type je reste à ma place. J'entends sa voix grave me dire que je peux venir, j'ouvre la porte et je découvre une large pièce digne de celle qu'occupe tout commissaire qui se respecte. Il est au téléphone, mais il me fait un signe de la main pour me montrer où je dois m'asseoir. Je m'exécute sans dire le moindre mot.
La conversation téléphonique est terminée, mon interlocuteur me fait face de toute sa stature, un drapeau américain derrière lui et quelques photographies où on le voit prendre la pose en uniforme ou en serrant des mains de personnalités publiques importantes. Prétentieux ! Tu devrais t'agenouiller devant moi, le titan, mais il n'est rien de cela, au contraire c'est lui qui parle et moi qui écoute sagement. Il me complimente, que je suis un excellent élément, trop bon pour mon grade. C'est vrai je suis qu'un simple officier, mais je ne cherche pas la position, je ne cours pas après cette chimère puisque je suis le titan Atlas, je suis déjà au-dessus des hommes. J'affiche un sourire face aux flatteries, aucun mot ne sort de ma bouche. Je ne suis jamais très loquace, je préfère penser dans ma tête. « Pardon ? » Ce mot brise mon mutisme, car je suis étonné, vraiment étonné. La stupéfaction peut se lire sur mon visage. La discussion dure une dizaine de minutes en tout et pour tout, ensuite je quitte le bureau du commissaire.

Une envie de fumer se fait ressentir, mais je n'ai pas le droit d'en griller une puisque je suis toujours dans les locaux du ACPD. « Bordel ! » Un collègue se retourne par étonnement, je l'ignore.
La cigarette à la bouche je tire plusieurs lattes, cette fois-ci sur mon visage ce n'est plus la stupéfaction, mais l'énervement qui a pris place. En plus de noircir mes poumons avec ce poison en vente libre je fais les cent pas dans le parking extérieur où se trouvent toutes les voitures banalisées de la police. Ingibjorg Kjarvalsdóttir, ce nom je le connais on ne peut pas l'oublier facilement, il est tellement imprononçable, mais ce n'est pas à cause de la prononciation que j'arrive à me rappeler de ce dernier, c'est plutôt parce que j'ai dû masquer des preuves pour l'empêcher de remonter jusqu'aux meurtriers de sa petite famille. Ce n'était clairement pas prévu que je bosse avec elle ! Je dois la retrouver sur une enquête, elle m'y attend apparemment. Il ne me reste plus qu'un mégot dans les bouts des doigts, je le jette et je me dirige vers mon véhicule personnel, hors de question que je monte dans l'une de ses « chiottes » qui se trouve à notre disposition.

Les mains sur le volant, le pied sur l'accélérateur et le gyrophare allumé, je conduis à une vitesse élevée dans les rues d'Arcadia, l'avantage d'être policier. Je ne sais pas comment je vais m'y prendre avec la veuve, on va y aller au feeling et puis s'il le faut je ne dirai pas un mot hormis quand on me demandera mon avis sur l'enquête en cours.
Le lieu du crime est bouclé, le ruban jaune qui interdit les civils de passer est un peu partout. Je me trouve un endroit pour me garer de toute façon on ne me mettra pas de contraventions. Ma nuque est raide quand je sors de mon véhicule, encore mon hypercalcémie. La dose que j'ai prise hier soir ne fait déjà plus effet, je farfouille dans mon manteau et j'y sors le tube jaune-orangé pour prendre un seul comprimé afin de soulager mon corps en lui évitant de se tétaniser. Je me retrouve devant une banque, la première information que l'on me donne est qu'il y a eu un cambriolage durant la nuit. Je demande où se trouve le lieutenant, on me dit qu'elle se situe dans le sous-sol à la salle des coffres. Direction le cœur de la banque pour y retrouver la nouvelle femme de ma vie.
Mes pas raisonnent dans le secteur hautement surveillé et supposé inviolable de la banque. J'entends des voix non loin de moi, je me dirige vers ces dernières. Trois personnes se trouvent dans la salle du coffre-fort. La première chose que je remarque c'est l'énorme trou dans le sol, il est impressionnant. La seconde c'est la blonde qui répond au doux nom de Kjarvalsdóttir, ma nouvelle coéquipière et ma supérieure, en prime elle sera la dominante dans notre binôme grâce à son grade de lieutenant. « Ingibjorg Kjarvalsdóttir, le big boss a dû te prévenir, on va bosser ensemble maintenant. » Même pas un bonjour, même pas une reconnaissance de sa position hiérarchique, rien. Je ne cherche pas à me faire aimer d'elle, la seule chose que je désire et qu'elle ne fourre pas ses pattes dans mon business. « On m'explique ou bien j'attends que le trou se rebouche de lui-même ? » Mon regard est dédaigneux, de toute façon je n'ai rien à voir avec ces individus, je suis un titan, le titan Atlas, celui qui mènera une nouvelle guerre ici à Arcadia City.