Pour une fois, elle passe la nuit loin de la librairie de Finn. Pas de cours à bosser, pas de rapport à rédiger ou de bouquins plein de mythes à éplucher. Pourtant, l’idée d’y passer, ne serait-ce que pour le voir cinq ou dix minutes lui à effleurer l’esprit. Plus que ça, ses jambes semblaient lui ordonner de s’échapper de son appartement, comme pour se diriger jusqu’à l’autre bout de la ville. Mais c’était sans compter sur cette lune resplendissante qui l’hypnotise plus que de raisons. La môme se met à marcher, pas franchement dans la direction du libraire, mais un peu au hasard, le nez en l’air, fixé sur l’astre argenté. Elle l’aime, la Nuit. Sa Nuit. Aussi rassurante qu’angoissante en fonction des jours. Et doucement, elle laisse s’échapper les ombres. Doucement, elles flottent autour d’elles. Lyra qui prend pleinement conscience de ce qu’elle, qui elle est, depuis quelques temps. Evidemment qu’elle connaissait ses aptitudes, une partie du moins, qu’elle se savait la réincarnation d’une quelconque déesse. Maintenant, elle sait. Nyx. Déesse de la nuit, des ténèbres. Fille du Chaos. C’est comme si tout ça s’assemblait. Pourtant, aucun souvenir, rien de plus que cette identification. Seulement maintenant qu’elle sait, la jordanienne a l’impression d’être entière, comme si jusque là, il lui avait manqué une part de son être.
Elle joue la fille de la nuit. Depuis combien de temps ? Elle a marché. Longtemps. Sans véritable destination, si ce n’est de suivre ses ombres qui semblaient la guider Dieu sait où. « Lyra » une main sur son épaule, les ombres qui se dissipent presque au même moment, comme si elles les rappelaient à elle. Certaines s’évanouissent, d’autres se refondent dans son corps. A en croire qu’il s’agirait presque d’une seule et même entité. Cette voix, elle la connait, et surtout la reconnait sans le moindre problème. Alors c’est sans surprise qu’elle tombe nez à nez sur Sybille en se retournant, plus interrogative et curieuse qu’effrayée. Pourtant, toute personne normalement constitué aurait sans doute été effrayée. Elle aurait sans doute même fui plutôt que s’approcher tête baissée. Elle a un sourire qui se glisse sur ses lèvres en posant ses iris sur les opales azures de son amie. Non, sybille n’est définitivement pas comme les autres. Il n’y a aucun doute quant à sa nature. Son aura est détectable, tout comme la sienne. Une déesse, sans aucun doute. Et la jordanienne se rend compte qu’elle n’a osé jamais la questionner à ce propos. Quel panthéon ? Quelle divinité ? Le sait-elle au moins ? La découverte de l’identité de sa propre réincarnation est toute fraiche. Un voile levé de manière assez inexplicable. Juste comme ça, une certitude. « C’est toi qui fait ça ? » Un léger sourire sur les lippes, le regard pétillant, malicieux, elle acquiesce d’un signe de tête. Lyra tend légèrement les bras alors que les ombres semblent danser autour de ses avant-bras. Comme des filaments noirs, sombres qui la caressent délicatement. Mais elle sait mieux que personnes qu’elles peuvent être violentes, dévastatrices. Lyra tend alors les bras sur le côté, à l’image du Christ sur sa croix, bien que beaucoup plus énergiquement, et les ombres s’échappent à une vitesse folle pour tournoyer autour des deux jeunes femmes. Elles les enveloppent. Dans un cocon qui se veut rassurant, à l’abri du monde, comme dissimulé au milieu de la ruelle. Pourtant, cette obscurité n’a rien de naturelle. Si quelqu’un venait à s’approcher, tout se dissiperait. Ou elles attaqueraient. « Des fois, j’me laisse un peu aller. J’essaie. J’apprends encore. » Maitriser les ombres, son umbrakinésie, c’est pas rien. Ca demande de l’énergie, et une maitrise sur elle-même, sur ses émotions, qu’elle n’a pas toujours. « Si ça te met mal à l’aise, j’peux arrêter. » ajoute-t-elle avec un léger sourire en parlant des ombres autour d’elle. Elle se souvient parfaitement d’Alcide, peut à l’aise avec l’obscurité et avec ses ombres avec lesquelles la jordanienne semblait le taquiner. « qu’est ce que tu fais par ici ? Je croyais que j’étais la seule à me balader à des heures indécentes ? » lache-t-elle en rigolant. « Ou je devrais plutôt demander ce qui te pousse à approcher d’une obscurité pareille ? Pas très prudent comme comportement… » elle la taquine, en imitant le comportement d’une mère qui trouverait le comportement de son gosse répréhensible. Elle parle Lyra, elle parle, en oubliant la question la plus évidente qu’elle aurait pu lui poser dans un moment. Ou au moins lui révéler qui elle est.
« Non, au contraire je trouve ça fascinant je n'ai jamais vu telle chose ! » en guise de réponse, la jordanienne lui sourit, quelque peu reconnaissante de ne pas la faire passer pour un monstre. Si Lyra a toujours pleinement acceptée ce qu’elle était. Accepter ce qu’il semblait être la nature même de son essence et de ses dons était tout autre. Même lorsqu’elle ne connaissait pas son identité exacte, qu’elle ignorait pour nyx, elle ne pouvait ignorer le caractère sombre et quelque peu ténébreux de son don. Elle ne faisait pas pousser les fleurs, elle n’amenait pas le soleil, elle ne pliait pas non plus les eaux à sa volonté. L’essence même de sa divinité semblait résidait dans la nuit, dans les ombres, peut-être même dans les ténèbres avait-elle alors pensé. Elle avait toujours su que certains en seraient effrayés. Parce que la puissance qui en émanait était perceptible, et le contrôle pas toujours là. Et forcément, faire pousser des fleurs, ça fait toujours moins flipper que ramener l’obscurité. « En général, les gens préfèrent trouver ça fascinant … de loin. » avoue-t-elle avec un léger sourire, presque gênée de ce qu’elle pourrait inspirer.
Malgré l’amusement, le côté protecteur de Lyra ressort bien vite. Presque étouffant envers certains de ses proches. Si on aurait pu se dire qu’il était moins dangereux de se balader seule dans les rues d’Arcadia en étant une déesse, il fallait se rappeler que la ville était bourrée de réincarnations en tout genre, et surtout qu’on ne savait jamais sur qui on allait tomber. Un tordu. Un dieu psychopathe un peu trop semblable à sa réincarnation… Alors elle ne peut que se demander ce que son amie fait là. Lyra, l’éternel exemple de ‘fais ce que je dis mais ne fais pas ce je fais’. « Je préfère me balader la nuit, j'apprécie le calme, la fraîcheur ; c'est un moment qui m'inspire toujours beaucoup » Involontairement, ça la flatte qu’elle puisse trouver la nuit si reposante et accueillante. « C’est reposant. Je le reconnais, parfois angoissant. Mais surtout reposant. Personnellement, ça m’aide à me poser, à réfléchir et mettre les choses au clair. » et puis, vu l’hybris qu’elle se coltinait, heureusement pour elle que ce n’était pas l’astre solaire avec lequel elle avait le plus d’affinités. Elle aurait eu quelques problèmes.
Elle hésite pas avec Sybille, à lui montrer. Et ça fait du bien, de complètement assumer. Ca fait du bien de pas se demander –ou d’oublier- s’il y a un mortel dans les environs, et quel serait sa réaction à de tels phénomènes. Ca fait du bien d’embrasser pleinement cette obscurité. « La nuit est comme ma mère » elle fronce les sourcils. Est ce que c'est une manière de parler ou le dit-elle au sens littéral. « Je... » pas le temps de finir, Sybille enchaine. « Je n'ai pas les mêmes facultés que toi mais les origines de mon divin sont dans la nuit, l'ombre. Je ne suis pas le genre de personne que tu pourras effrayer » Les deux amies commencent à marcher, mais ses paroles continuent de tourner en boucle dans sa tête. Elle essaie d’y trouver des significations, mais rien, si ce n’est la plus évidente. « Est-ce que… Enfin, ta réincarnation ? Sa mère… C’est Nyx ? » Elle y avait jamais trop réfléchit, lyra. A tous ces liens de parents divins, et que ça impliquait ou non. Evidemment, parfois le hasard faisait bien les choses, mais elle n’avait jamais franchement pris la mesure de tout ça.
« Qu'est ce que tu sais faire d'autre avec ce pouvoir ? Dis m'en plus! » Un léger sourire sur le coin de ses lèvres alors qu’elle ramène ses mains, l’une au dessus l’autre, les doigts légèrement écartés alors que se forme une étrange boule noir au milieu. Les ombres bougent légèrement, mais restent ensemble. Comme une étrange matière noire, prête à être envoyée. « Elles ont plusieurs… formes. L’umbrakinésie c’est… dense. » avoue-t-elle en rigolant. « Ce qui me demande le moins d’effort, c’est quand j’suis calme… Juste assombrir les environs, intensifier l’obscurité, faire grandir les ombres… Mais lorsque c’est plus violent, plus concentré… Ca demandé plus d’énergie. » Et elle n’arrive pas toujours à maitriser ses émotions. Pas assez pour pouvoir pleinement contrôler la force de cette partie d’elle qui s’échappe. « Mais toi alors ? »
« Nyx oui, c'est la mère de ma réincarnation si j'en crois mes recherches, mais je t'avoue que c'est flou sans souvenirs, on a tous besoin de réponses de ce côté là » un léger sourire sur les lèvres, lyra baisse légèrement la tête, un peu perdue dans ses propres interrogations. Elle sait ce que c’est… La satisfaction d’enfin savoir qui elle est, avant que la frustration ne reprenne le vite dessus.A u fond, ça ne change pas grand-chose. Pas de souvenirs, une mémoire divine aussi vide que lorsqu’elle ignorait l’identité de sa réincarnation. Elle le sait ça finira par venir, mais en attendant, les questions subsistent. Et tenter de trouver des réponses dans les livres n’aident pas vraiment. Ce n’est que des mythes, des rumeurs, rien d’aussi précis qu’avoir ses propres souvenirs. « Je comprends parfaitement… J’avais tellement hâte de savoir. Et au bout de quelques temps, tu te rends compte que t’as d’autres questions qui se pointent. Encore et encore. » Mais elle va lui dire Lyra. Elle va lui dire qui elle est. Elle attend juste encore un peu. Pas par méfiance, loin de là. Seulement par curiosité. Elle veut en savoir plus, savoir comment Sybille se sent par rapport à tout ça.
Ses ombres dansent toujours. Doucement, et Lyra, ça lui fait du bien. Comme une mélodie agréable à l’oreille. Ce soir, elle se fout bien de garder le secret, des possibles mortels qu’elle pourrait croiser. Qui pourrait bien être dehors, à cette heure là ? Quelques camés, quelques jeunes ivres, sortant de boite ? Surtout par ici. Au pire, ils prendront ça pour illusion fabriquée de toute pièce par leur cerveau en manque de sommeil. « Moi je contrôle les hybris, je les amplifie, les supprime pour un temps, le temps que ça m'arrange. » Lyra se stoppe un instant, prenant conscience de toutes les possibilités que ça offre. Ses ombres se sont stoppées, comme rappeler par son propre corps. « Le temps que tu veux ? » Enfin, elle imagine aisément que plus ça s’étale dans la durée, plus ça doit être épuisant pour la jeune femme. « Pratique s’il y a quelqu’un que t’aimes pas. » dit-elle en haussant les épaules, un sourire amusé sur le coin des lèvres, comme détendre l’atmosphère. Sybille n’a pas l’air des plus ravis des options qui s’offrent à elle avec ce pouvoir. Elle ne tarde pas à en découvrir l’origine. « Je....Il semblerait que je sois Némésis, c'est une certitude mais comme je te l'ai dit sans souvenirs c'est particulier »La Vengeance. Sans doute pense-t-elle être dans l’obligation d’utiliser son don pour des fins peu glorieuses. Et encore, c’est à l’appréciation de chacun. Certains croient à la vengeance, quand d’autres suivent un chemin qui se veut plus sage. Là encore, ça reste subjectif. « Sybille… Ton don, t’en fais ce que tu veux. C’est pas lui qui te définit. T’es Némésis, mais t’es aussi toi... La part humaine de toi. » elle lui offre un sourire réconfortant avant de continuer. « Moi, c’est Nyx. Mais pitié, m’appelle jamais Maman. » ajoute-t-elle en éclatant de rire. « Je l’ai su il y a peu. Au fond, c’était pas vraiment une surprise. Presque un soulagement je crois. »
Elle y était préparée, Lyra, à son éveil. Un peu. D’abord sans franchement y croire. Comme des contes pour enfant qu’on lui aurait raconté lorsqu’elle était jeune. Comme une magie destinée à endormir les plus petits, qui aurait pris son sens une fois adulte. Parce qu’elle a beau toujours avoir eu la tête dans les mythes et les légendes, au milieu du ciel et des étoiles, la môme se voulait cartésienne. Elle voulait comprendre le monde, les lois et les principes qui faisaient tourner la terre, qui faisait briller le soleil. Pas de dieu là dedans, juste de la bonne vieille physique agrémentée de principes et réactions chimiques. De la thermodynamique dans son état le plus basique. Pourtant, elle aurait été aveugle de ne pas noter les capacités de ses parents. Deux êtres choisi et désignés depuis des millénaires, pour leur sang, pour hériter de ces réincarnations. On l’y avait préparé. Comme ses sœurs, elle y aurait le droit. Et elle y a eu le droit. Pas de grosses surprises, si ce n’est appréhender son don. Pas des moindres. Peut-être pas le plus rassurant non plus quand on sait pas vraiment le contrôler. Pas le genre de don à faire pousser des pâquerettes ou faire danser les papillons. Mais y’a pas que le sien qui peut effrayer. Celui de son amie aussi. Y’a les deux côtés. L’utiliser pour se venger, pour faire souffrir, ou pour apaiser. « Pour les gens que j'apprécie aussi, qui en souffrent, ça peut leur être utile » « Tu vois… tu peux en faire ce que tu veux. » Lyra pense alors à ses migraines dès qu’elle passe trop de temps au soleil. Elle ne supporterait plus le soleil jordanien comme elle en avait l’habitude. Adieu les expéditions au milieu du désert. Ce genre de migraines la cloue au fond du lit, la rende sensible à tout. Y compris au bruit qui ne font qu’accentuer la douleur dans sa tête.
Mais vu la nature de la déité, Lyra a un doute quant à la nature de don, sa véritable utilité. Puni, chatier, réclamer justice. D’une manière bien personnelle. Au fond, tout le monde en a un jour rêver. Même les personnes qui se disent les plus vertueuses, les plus pures. Toutes personnes affirmant le contraire mentent. Aux autres, mais surtout à eux même. Mais de là à en faire une activité régulière, y’a un monde. Pourtant, ici à Arcadia, tout vient vite. Trop vite. Les décisions doivent être prises, les camps choisis. Elle le sait mieux que personne. Elle qui se disait sans dieu ni maitre. Pas d’attache –hormis sa famille- pas de compte à rendre. La voilà qui cotoie de plus en plus près la Nuova Camorra.
La jordanienne e confie, comme elle peut. Elle est pas beaucoup plus avancé que Sybille de ce côté-là. Elle sait qui elle est, mais aucun souvenir. Rien. Que dalle. Nada. Néant total. Mais c’est étrange que de savoir, de par les ouvrages, les différentes légendes connues, que sa divinité est en réalité sa fille. Ca ne change pour le moment pas grand-chose aux yeux de Lyra. Elle reste une amie. Ca ne fait que l’amuser davantage. Mais plus tard ? Quand les souvenirs se pointeront ? Quels étaient leurs rapports ? Y’a comme une voix qui lui murmure, une intuition peut-être de par leur amitié actuelle, qui lui dit que ça n’est que du positif. Une confiance sans réserve. « Un soulagement ? » « Pour Nyx. De savoir que j’étais pas une sorte de créature maléfique. Tu sais y’a des déesses… Tiens, comme le reste de la descendance de Nyx… Eris, les Kères, Apaté… Tu sais quelqu’un dont la nature est franchement définie… » Et elle ne voyait ni Nemesis, ni Nyx de cette manière. « Mon éveil a pas franchement été un soulagement. Mais j’savais qu’il arriverait. Y’avait plus… qu’à attendre. » elle hausse les épaules, en se rappelant de ce temps où elle vivait à Amman, dans une baraque digne d’un palais des mille et une nuits. Des princesses à la peau dorée, au destin prometteur. « tu peux me raconter ton parcours ? Je t'avoue que...Ça m'intrigue beaucoup et je n'ai jamais réellement parlé de cela avec personne, je ne sais pas comment tout cela fonctionne » elle lui sourit timidement –la première fois depuis bien longtemps- ne sachant pas vraiment par où commencer. « L’éveil a été… relativement gérable. Juste, des ombres partout, mais étrangement pas si effrayantes que ça ? Je sais pas… C’était étrange. Un peu étourdissant, flippant dans le sens où même si je m’y attendais c’était soudain. Mais à part ça, ça allait… » elle soupire en repensant à la suite, à ces moment où elle ne contrôlait pas grand-chose. « Mais je me suis vite rendue compte que mon umbrakinésie dépendait largement de ma capacité à gérer mes émotions… C’était pas gagné. » qu’elle avoue avec un sourire en coin. Encore maintenant, ça peut lui arriver d’y aller plus fort que prévu. « Un jour ça a dérapé… Mon père est… disons spécial, très traditionnel aussi. Et bref, les mariages arrangés c’est son truc. Moi, j’suis réputée pour briser ses rêves. Bref, il m’en avait trouvé un autre qui ne voulait pas avoir le droit au même traitement… il m’a fait comprendre sa manière de penser, et j’étais jeune, j’ai paniqué… » si c’était arrivé il y a peu, elle lui en aurait simplement foutu une. Mais à l’époque, les différentes techniques de combat lui étaient complètement inconnues. « Et tout est sorti… Les ombres. D’un coup, violemment. Rien ne s’est arrêté jusqu’à ce qu’il soit à terre. Sans vie. Et j’me suis évanouie. » elle a le regard dans le vide, Lyra, elle se souvient de tout comme si c’était hier. Elle se souvient de cette vie qu’elle voulait pas prendre, qui n’a été qu’un foutu accident parce qu’elle était trop jeune, plus puissante que ce qu’elle n’aurait dû. Le résultat d’un monde qui le dépassait.
« Ta famille ne t'a pas préparée à tout ça ? Mes parents sont des dieux, ils m'avaient dit ce qu'il m'arriverait un jour, mais je dois dire que je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi difficile à comprendre sans le moindre souvenir » « Oh si… mais j’avoue que quand j’étais petite je prenais les choses différemment. Evidemment je les voyais faire ces choses extraordinaires… mais, j’sais pas, je crois que je réalisais pas complètement. Quant à ce qu’ils nous racontaient, j’ai longtemps pris ça pour des comptes pour enfants… » pour les endormir, les assagir. Leur faire peur avec les monstres tapis dans l’ombre, ces dieux pas très recommandables et ces panthéons à éviter… de quoi attiser la curiosité d’un môme ou de le traumatiser. « C’est plus à l’adolescence, que j’ai … compris plus ou moins ce qu’était ma famille, ce qu’il nous attendait. C’était autre chose que de réellement l’assimiler ou d’imaginer comment ça allait se passer. Enfin, c’est toujours bien d’être préparé… mais on l’est jamais vraiment. » Parce qu’une fois qu’ils sont réincarnés, chacun a ses propres questions, ses doutes, et sa propre manière de ressentir les choses. C’était flippant que de sentir toute cette puissance rusher dans ses veines, que de ne plus se sentir franchement en contrôle quand la colère prenait le dessus, les ombres avec. « Le… problème, si je peux dire ça comme ça, c’est pas franchement mes dons, c’est mes émotions. Mes ombres se déchainent si j’suis hors de moi. C’est violent, parce que c’est ce que je ressens. Honnêtement j’ai jamais été foutu de contrôler mes émotions. Tout est relatif, mais si on me fout hors de moi, ça commence à devenir dangereux. » Evidemment qu’elle peut se mettre en colère sans risquer de blesser quelqu’un, mais jusqu’à un certain. Jusqu’à un point de rupture où Nyx prend le dessus, où elle se nourrit de chaque émotion, chaque ressentiment et blessure, pour n faire une arme. « Tu sais… la théorie c’est bien beau… mais la pratique c’est autre chose. » qu’elle lache, amusée.
« Tu as toujours été à Arcadia? » elle tourne la tête, regarde sybille un bref instant, et sa beauté la frappe. Evidemment, elle l’avait toujours remarqué. Mais ce soir, ses yeux clairs ressortent encore un peu plus, avec sa peau porcelaine et ses cheveux d’ébène. Sybille est magnifique. Elle ressort au milieu de la crasse d’Arcadia. Elle jure dans ces rues trop sales. Elle l’imagine aisément à une autre époque, entourée de royauté, dans un décor à tomber, qui ne ferait que la sublimer. C’est là qu’elle se rend compte qu’elle ne sait pas grand-chose de son amie. En réalité, sa sincérité et sa gentillesse lui suffisent largement. C’est une base solide, mais la môme devient curieuse. Et finalement, la jordanienne secoue doucement la tête. « J’suis née à Amman, en Jordanie. Mon père est de là bas, ma mère est d’origine grecque. J’vivais sous le soleil, dans la chaleur, sous les palmiers… » elle a un sourire en coin, Lyra, quand elle parle de son pays. Ca lui manque, mais elle sait pertinemment qu’elle ne pourrait pas retourner y vivre. Rien à voir avec la politique. Mais son hybris l’en empêcherait. Les dernières années là-bas avait commencé à être rudes. « Palais des mille et une nuit et tout ce qui va avec… Bon j’exagère, mais c’était pas loin… » qu’elle lache en rigolant. Vraiment pas loin, en réalité. Elles vivaient bien dans un somptueux palais. La Lyra enfin n’avait connu que ça, pour elle, c’était juste sa maison. « Ca s’est un peu gâté là-bas… alors on est parti. Toute la famille. J’suis arrivée ici à dix huit ans… et le décalage était énoooorme. » insistance sur le dernier mot, tant c’est un euphémisme. Adieu le soleil et la chaleur. Bonjour la vie citadine occidentale. « Mais je m’y suis faite… Enfin, venir ici n’a jamais empêché mon père à continuer ses magouilles de mariage arrangé. Crois-moi, pour ça, pas besoin de rester là-bas. » elle lève les yeux au ciel, en se souvenant de chaque machination de son père, pour lui présenter –ou ses sœurs- un nouveau prétendant, sous son soi-disant meilleur jour. « Seulement… il a pas eu les filles les plus obéissantes au monde. » un sourire complice sur le coin des lèvres, elle reporte son attention sur son amie. « Et toi alors ? Née ici ? »
« Je suis Grecque, je viens de Mykonos » « j’imagine que ça te manque… » Comment ça pourrait ne pas être le cas ? La jordanienne a eu l’occasion de voyager, de fouler le sol grec et de se perdre dans ses milliers d’îles. Elle se souvient du turquoise de l’eau, si intense, contrastant avec les roches et le blanc des maisons. Un paysage sorti tout droit des cartes postales. C’est peut-être bien d’ailleurs ses nombreux voyages dans le bassin méditerranée qui ont intensifié son gout pour l’histoire, et plus encore pour l’archéologie. Elle se souvient des ruines et des sites visités. Certains mieux conservés que d‘autres, mais tous, avec leur part de mystère. « Mes parents tiennent un petit restaurant traditionnel, j'ai été étudier à Athènes, puis j'ai vécu à Istanbul et je suis a Arcadia depuis deux ans tout juste » « Oh c’est tout récent alors ! » et c’est vrai qu’ y faire attention, l’accent ne s’était pas fait mal. Il était toujours là, à celui qui savait le repérer. Plus fort, sur certains mots que d’autres. « Pourquoi t’es venue ici ? » Elle se demande un instant si la question n’est pas trop personnelle. Après tout, elle aurait pu vouloir fuir. Fuir et ne jamais se retourner, et peut-être n’a-t-elle pas envie d’en parler malgré le nombre de confidences qu’elles se font ce soir.
« Est ce que tu as rejoint la Nuova Camorra ? J'ai su qu'il y avait un bon nombre de dieux Grecs mais Némésis m'empêche de m'y approcher, j'ignore pourquoi. Ça doit sans doute faire parti de ces choses qui auront une réponse si je récupère ses souvenirs un jour. Qu'est ce que tu penses de ce groupe ? Confondre Olympe et Mafia je trouve ça très rétrograde quand on sait que nous sommes des dieux et que nous le serons peut être complètement un jour. » Doucement, Lyra secoue négativement la tête avant de hausser les épaules. « On n’est pas des dieux. A peine une pâle copie. » qu’elle lache avec un léger sourire sur le coin des lèvres. « On se fatigue trop vite. On lutte pour survivre. On se fait plus maitriser par nos dons que l’inverse. » Pourtant, ils ne sont pas humains pour autant. Ils sont la réincarnation des dieux. Ils ont cette substance particulière qui coule dans leurs veines, qu’ils le veuillent ou non. Ils ont été choisis. Leurs familles l’ont été. Des privilégiés. « Mais non, je ne suis pas au sein de la Nuova Camorra. Je les fréquente… Certains. Parfois pour affaire. Et j’ai été fiancé au deuxième Bellandi. Saturno. Mon meilleur ami en fait aussi partie… Je m’y sens… attirer. Tout en voulant garder mon indépendance. » Elle rit doucement, Lyra, consciente que ce n’est pas simple à expliquer. Elle sent Nyx, elle la sent vouloir se renforcer, vouloir sentir plus de puissance. Pourtant, elle sent une certaine indépendance. Devoir répondre de rien, à personne. « Je sens que la Nuova pourrait nous être utile… Et c’est Nyx qui m’y pousse. Ca se confond parfois, ce qu’elle veut, ce que j’veux… J’crois que c’est qu’une question de temps. Honnêtement, j’crois qu’on ressemble… » qu’elle avoue finalement. Aveu qu’elle n’a jamais fait à personne. Aveu qui vient d’une intuition, d’un ressenti inexplicable. Parfois douce, parfois implacable. Un désir d’indépendance tout en étant aimante et attentionnée. « J’crois que la mafia est la nouvelle puissance d’aujourd’hui. Une manière comme une autre d’obtenir ce qu’ils veulent… plus de pouvoir. Je sais pas.. J’ai jamais réfléchi au bien, au mal, la morale… » une conversation plus sérieuse, la morale évoquée, certains plus laxistes que d’autres. Et Lyra, elle en fait sans doute partie. « J’fais comme je le sens. J’vais pas tuer le premier Venu… Loin de là, mais j’ferai ce qu’il faut pour me protéger. Ou mes proches. J’le fais selon moi… Pas selon ce qu’on me dit ou ce qui est instauré. » Lyra al Khayzuran, toute jeune archéologue déjà bien respectée, à la face cachée de pilleuse d’épaves avec son ainé. Drôle de duo. Les princesses des milles et une nuit qui jouent constamment avec le feu, avec les lois.
« A mon éveil, quand j'ai su que j'étais Némésis et quand on m'a dit qu'à Arcadia il y avait d'autres dieux Grecs. Je me suis mise en quête de trouver ceux qui sont liés à Némésis pour comprendre ce que je suis et ce que je vais devenir » Lyra comprenait parfaitement la curiosité. Elle comprenait le besoin de connaitre le pourquoi du comment, de remonter aux origines, de rassembler les éléments pour avoir une meilleure vision d’ensemble. Elle en avait fait son métier. Mais sur le plan personnel, c’était autre chose. Avec son éveil, même si elle avait été un peu paumée, Lyra avait continué sa vie sous la chaleur du soleil jordanien. Elle avait continue sa vie en compagnie de ses sœurs et de son meilleur ami. Elle était excitée à l’idée de rencontrer d’autres réincarnations, d’avoir d’autres avis et d’autres histoires à entendre, mais elle ne les avait pas cherchés. Peut-être parce qu’au fond, elle avait toujours su que Liam était sa moitié divine. Son meilleur ami, mais surtout celui qui complétait Nyx, plus que n’importe qui d’autre. Et ça, avant même de savoir qui elle était. Qui ils étaient. « C’est qu’en arrivant à Arcadia que j’suis réellement devenue curieuse… De tout ça. Des liens, de ce que ça pouvait impliquer, même si, j’le reconnais, j’suis pas partie à la recherche de qui que ce soit… »
« A vrai dire Nyx était en tête de ma liste, alors tu imagines à quel point je suis contente de savoir que c'est toi » La jordanienne sourit, garde le compliment dans un coin de son palpitant. Elle apprécie sincèrement Sybille, et savoir que même dans le monde divin, elles sont proches, et surtout reliées par le sang –ou peu importe ce que c’est- lui plait bien. « Et c’est réciproque. » le sourire de Lyra est rayonnant. Ce n’est pas avec tout le monde qu’elle peut avoir ce genre de discussion. Ce n’est pas tout le monde qui peut comprendre les ténèbres qui dansent au fond d’elle. Nyx représente la nuit. La nuit noire, les ténèbres des origines. Issue du Chaos, du vide originel. Pas foncièrement mauvaise, les ténèbres sont une part d'elle. Saturno l’a toujours compris. Pas besoin d’en parler, pas besoin de l’évoquer, il le savait. Avant même qu’elle ne sache que sa réincarnation était Nyx, ils savaient qu’ils avaient plus en commun. « J’espère bien que t’es pas déçue. » sourire taquin sur les lèvres avant de hausser les épaules. « Tu peux compter sur moi, Sybille. Pour n’importe quoi. » qu’elle ajoute, un peu plus sérieusement. Chacun vivait son expérience différemment. Et si ça ne s’était pas trop mal passé jusque là pour Lyra –si ce n’est l’incident de ses débuts- elle savait qu’elle n’était pas au bout de ses surprises. Elle savait pertinemment que l’influence de Nyx ne serait-ce de grandir en elle. Son tempérament avec. « Est ce qu'il y en a d'autres que tu as rencontré ? J'ai vu que Nyx a eu beaucoup d'enfants... » Cette fois, Lyra se met à rire, et elle a dû mal à s’arrêter. Cette notion d’enfants divins lui semble tellement abstaite. Peut-être que ça se clarifiera ou que les choses changeront lorsqu’elle aura recouvrer les souvenirs de sa réincarnation, mais en attendant, l’idée la fait plus rire qu’autre chose. « M’en parle pas… Elle a pas chômé. » un éclate de rire qui s’échappe encore une fois de ses lèvres avant de doucement secouer la tête. « Hm… Dyonisos. Hadès… Erèbe… Zeus, forcément… » qu’elle dit, un léger sourire sur le coin des lèvres. En réalité, il y en a beaucoup d’autres qu’elle connait, qui pourraient être sa progéniture divine, mais elle ignore leur véritable nature. « J’crois que t’es la première… Enfin, dans la descendance, que je connais… je crois. Je sais pas, peut-être que certains ne savent pas encore qui ils sont. » elle hausse les épaules, un peu dans le doute.
« Némésis a beaucoup de colère en elle, je la ressens, comme si c'était la mienne. Je ne sais pas comment réagir, c'est un fardeau qui n'est pas le mien. Elle vit à travers moi, souvent, elle influence mon comportement. » Sans savoir exactement quelle influence –à quelle intensité- ça a sur son amie, Lyra en a tout de même une vague idée. Elle sent l’influence de Nyx à chaque minute. Elle sent sa puissance, sa force de caractère. Elle sent ses convictions, et son côté protecteur. Elle sent son intransigeance à chaque instant. La jordanienne peut s’estimer heureuse de ne pas avoir un caractère à l’opposé de celui de sa divinité, lui évitant ainsi les impressions de schizophrénie, ou simplement d’être complètement folle. Mais chaque émotion, chaque ressenti est décuplé. Elle n’a déjà jamais été très doué pour se contenir, principalement sa colère, mais avec nyx, c’est comme tenter de retenir un torrent avec un barrage fait de fines planches de bois. La môme impulsive ne l’est que plus dans ses réactions, bien que parfois plus posée lorsqu’il s’agit de prendre une décision. « Elle m'a rendue introvertie, et sans souvenirs c'est difficile de rester aussi solitaire parce que je n'ai aucune raison d'être comme ça. Est ce qu'il y a un contraste de personnalité entre toi et Nyx ? Comment tu arrives à ne pas être influencée ? » Une moue désolée sur le visage de la jordanienne, en osant imaginer ce que ça doit être que d’agir différemment, sans pouvoir franchement le contrôler. Réaliser après coup, la solitude dans laquelle on est, sans pouvoir la changer. Lyra secoue doucement la tête en signe de négation. « Je suis influencée, mais pas comme ça. J’crois qu’on ressemble pas mal. C’est juste que… je m’énerve plus vite. J’ai toujours été impulsive, à avoir du mal à contrôler mes émotions. Avec elle… C’est pire. » elle sait pas comment expliquer tout ce qu’elle ressent, ce que ça lui fait, quand elle s’engueule avec quelqu’un, ou quand elle se retrouve face à une injustice Elle sent Nyx bouillir dans ses veines. Elle sent Nyx, implacable qui veut tout raser. « Elle est protectrice… Mais intransigeante. Parfois moi-même vengeresse. Y’a ce truc… un peu ténébreux que je ressens parfois. Pas de là à me renfermer ou m’éloigner… Juste quelque chose de noir, de puissant qui veut sortir. » Et des fois, elle se dit que ça lui ressemble bien, Lyra. Des fois, elle se dit qu’au fond, Nyx n’est qu’une extension de son propre caractère. Lyra n’a jamais été sans défense, ou irréprochable. La colère et la douleur la rendent parfois dingue, et Nyx accentue tout ça. Ce n’est sans doute pas pour rien qu’elle est fille du Chaos, et qu’elle a engendré tant de divinités, et certaines pas très lumineuses. Le sarcasme, la tromperie, la ruse, la misère, la colère, l’injustice, la discorde… Heureusement qu’il y en a d’autres pour contrebalancer. Ether, Moïra, Hypnos… « Crois-moi, je sens son influence à chaque minute. Je la sens qui veut s’exprimer. Parfois se venger ou exploser. Je la sens vouloir plus de pouvoirs. » Pourtant, la jordanienne sent aussi que nyx est une déesse entière, comme elle. Elle aime et elle déteste avec chaque fibre de son être. Elle est persuadée que pour Nemesis, il peut aussi y avoir des bons côtés. Et s’ils sont bien enfouis, Lyra, à l’aide de Nyx est bien déterminée à aider Sybille. « Je pense que ça va s’intensifier avec le temps… T’as déjà essayé d’agir… contre sa volonté ? Enfin je sais pas, contre quelque chose qui ne t’aurais pas semblé naturel avant ? » seulement avec leur nouvelle condition –depuis déjà 12 ans pour la jordanienne- il n’y a pas de mode d’emploi. Elle avance à tâtons, parfois plus difficilement. C’est des expériences, certaines plus difficiles que d’autres, qui lui font découvrir chaque facette de ce statut semi divin. « Nyx est une déesse importante, une grande déesse, est ce que cela est différent ? Je te prie de me pardonner, mais j'ai tellement de questions laissées sans réponses et personne n'a l'air de vouloir organiser de conférence sur le sujet ! » Lyra se met à rire, doucement, en passant son bras par-dessus celui de son amie. « Arrête de t’excuser. » elle lui offre un sourire amusé, rayonnant. « Je sais pas honnêtement… J’imagine que oui, peut-être ? Je sais que oui, c’est une divinité primordiale… C’est peut-être pour ça que je ressens autant sa puissance. Sans pouvoir vraiment l’utiliser, mais je le sens, comme quelque chose qui sommeille. Les rares fois où j’ai utilisé mon don en étant hors de moi… Je contrôlais rien. C’était plus… elle qui s’exprimait. Elle, qui se lachait. J’appréhende un peu la suite. » une légère grimace qui passe sur son visage en se demandant comment ça sera, plus tard. Si elle aura plus d’ascendant, si ça sera nyx, ou un parfait mélange des deux. « Et bah tiens ! On a qu’à en faire une. On regroupe un max de témoignages, on fait des recherches, et hop, on se lance ! » qu’elle ajoute en riant. Après tout, l’idée est loin d’être bête. C’est à se demander pourquoi ça n’a pas déjà été organisé.