ce soir, c'est vers l'inferno que je me tourne. je pourrais être raisonnable, chercher un autre endroit où passer la nuit comme ma demeure qui tombe peu à peu en décrépitude, mais non. au fond, je la fuis parce que je veux fermer les yeux sur la réalité. je suis devenu un misérable. un homme qui préfère encore se piquer et boire jusqu'à en devenir ivre plutôt que de me reprendre en main. rien n'est réellement perdu, en vrai. il suffirait que j'arrête mes conneries et que je trouve divers endroits où je pourrais me produire. mais une part de moi reste amorphe ; inerte. qu'il est bon de s'amuser même si le lendemain, on ne se sent pas vraiment bien. on passe la journée à dégobiller, crachant tout ce contient nos tripes. on a le sentiment d'être tombé malade alors que si l'on se trouve dans cet état, c'est seulement de notre faute. demain aussi, je serais sans doute mal. je suis déterminé à me déchaîner ; me déhancher à m'en déboîter les côtes. vivre comme si j'allais mourir le lendemain. après tout, personne ne sait ce qu'il va se passer ensuite. le monde est si dangereux et les êtres humains sont si fragiles. même si je fais en sorte, de temps à autres, d'éviter les problèmes, ce sont eux qui finissent par venir vers moi. et parmi ceux-là, il y a, hélas, la mafia. ces groupuscules qui se battent pour obtenir un maximum de territoires et d'individu au sein de leurs alliances. ils sont comme des léviathans gourmands, s'appropriant tout ce qu'ils peuvent s'approprier. et moi... moi qui a eu le malheur d'être stupidement témoin de leurs méfaits. j'aurais pu passer mon chemin et faire comme si de rien n'était. d'ailleurs, n'est-ce pas ce que j'avais fait ? je m'étais seulement retrouvé au mauvais endroit, au mauvais moment, ne désirant guère me préoccuper d'affaires qui ne me regardent pas, aussi dangereuses que celle-là. dorénavant, il fallait que je reste sur mes gardes. fuir les emmerdes et profiter de mon existence tant que je pouvais encore le faire.

qui sait si quelqu'un ne devait pas me surveiller pour être sûr que je ne dirais pas n'importe quoi à n'importe qui. qu'ils restent tranquilles ; je suis personne. un pauvre type qui s'apprête à rentrer sur la piste de danse pour se mouvoir au rythme de la musique. si je ne me considère pas comme un professionnel, étant jadis un chanteur, je dois dire que je ne suis pas pour autant un mauvais danseur. bien au contraire. sans doute à force de fréquenter quotidiennement les soirées et les boîtes de nuit, avais-je développé un talent naturel pour cette forme d'art. aussi je me lâche, fermant les yeux et sautillant comme si je m'apprêtais à m'élancer pour m'envoler. je ne me préoccupe pas des personnes que je pourrais bousculer. ils s'écartent, ne s'intéressant guère à moi. je suis seul. seul au monde. mais sur le coup, ça ne me gêne pas. je me dis que je n'ai besoin de personne pour me défouler, m'égayer. c'est comme ça tout le temps au crépuscule. et puis, quand je suis épuisé par mon agitation, je finis par me rendre au bar pour boire. c'est ce que je fais trois heures plus tard, après s'être trémoussé. je commande un verre, puis un autre, puis un autre encore. un instant, je m'arrête. je ne peux m'empêcher de ressentir une certaine culpabilité. qu'est-ce que je suis en train de faire encore ? n'importe quoi. je vais me retrouver dans le caniveau. à coup sûr. où alors vais-je finir par dormir ici ? il semblerait que je sois bien parti pour alors que je m'accoude au comptoir, tête posé sur ma main et les yeux se fermant lentement. j'essaye de résister mais plutôt vainement. l'appel du sommeil se fait sentir et au final, je me dis que l'endroit n'est pas si mal pour piquer un petit somme. je suis seul, je n'ai nulle part où me rendre. je ne peux pas me permettre de dormir dans la rue. mais on jettera probablement du nightclub quand on remarquera que je désire passer la nuit ici. il fallait espérer à ce que le barman ne me remarque pas à travers la foule.