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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze

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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Dim 5 Aoû - 15:49



La cuisine était un art de l’abandon, on n’échappait ni au labeur : sueurs, douleurs articulaires, lames élimées et parfois même – oui – du sang, pas plus qu’on n’échappait aux fruits de ce dernier soigneusement disposés asymétriquement sur de la porcelaine sans tâche. Comme tout art finalement, le plaisir résidait dans le délice de l’autre, le frémissement d’un regard sous l’explosion de saveurs, la vibration d’une peau sous l’extase du gout, tant de choses permettant aux sens de s’éveiller dans la plus parfaite permissivité sociale.

La gourmandise, après tout, était un si joli défaut.

Vito avança dans les allées du piccola’store s’écartant avec adresse devant la course poursuite de deux enfants hilares qui firent tintinnabuler avec force la porte d’entrée. Le propriétaire jura en italien, les mots chantants et grondants au parfum d’huile d’olive saturant un bref instant l’atmosphère. Le café et le vin n’étaient bon qu’en ces lieux. Pour toutes ses tentatives vaines à vouloir se défaire de ses originaires, la mère nourricière aux accents méditerranéens s’était bien trop agrippée à ses habitudes et c’est avec un paquet de café moulu qu’il emprunta l’une des allées. Le son de la porte lui vint confusément aux oreilles tandis qu’il s’arrêta devant les biscotti. Un café sans sucreries lui sembla sacrilège. On n’écrivait que dans le confort pieux des nuits chaudes à Little Italy, armé jusqu’aux dents de breuvage sombre et de petites douceurs.

Les lunettes de soleil coincées contre le second bouton de sa chemise griffée si typique des membres de ce quartier, le brun jeta un regard vers la baie vitrée, le soleil âpre de l’été lui courant sur l’échine. Peut-être devait-il prendre une bouteille d’eau aussi ? Demi-tour, le cuir impeccable des chaussures crissèrent sur le sol et il revint sur ses pas, l’attention distraite.

Plus pour très longtemps.

Ce furent les jambes qu’il remarqua en premier, longues, à la vanille irrésistible et aux promesses délicieuses. Les Bellandi avaient leurs faiblesses, n’est-ce pas ? Vito avait toujours récusé avec dégout cette trop grande similarité avec son père, peu enclin à voir sa semence prendre vie un peu trop facilement mais admirer n’était pas toucher et sourire n’était en aucun cas serment. Il s’approcha, l’air frais des réfrigérateurs aux murs en souffle agréable sur lui. Sur eux. La jeune femme avait tout d’un mimosa : la blondeur solaire teinté d’un khôl crépusculaire, l’éclat pétillant sur une silhouette de chatte alanguie et la légèreté tout estivale d’une fleur embaumant tous ceux qui s’en approchaient.

Elle regardait les vins sans sembler se préoccuper de sa nouvelle proximité. « Le chianti se boit frais mais j’ai une préférence pour le valpolicella. Il est un peu amer mais il n’y a rien de comparable en bouche. Vous permettez ? » Le front s’inclina sous le sourire qui se voulait charmeur. Il crut avoir ferré une souris mais lorsqu’elle tourna enfin son attention vers lui, minois d’or et mine indéfinissable, il ne fut plus si certain de quoi que ce soit.  

Vito cilla, le soleil en contre-jour et la mémoire en écho lointain. Il l’avait déjà vu peut-être ? De ses années à passer à voguer la région puis la cité, il ne savait plus trop. Des souvenirs épars lui vrillèrent l’esprit jusqu’à ce que sa langue passa en un reflet fantôme sur ses lèvres asséchées. « Un dîner en tête à tête ou pour des amis ? » Le sourire se creusa, l’air de rien. « C’est plus simple pour choisir le type de vin qu’il faut. » expliqua-t-il sans se démonter.


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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Dim 5 Aoû - 20:31



À la façon d'un héliotrope, son nez joyeusement froncé se tourne instinctivement vers le soleil de seize heures plutôt que de guider prudemment ses pas en pointant vers le sol. Gamze sait que la discrétion et la défiance sont de mise, pourtant, connaît l’implacable manière dont se monnaie la tranquillité trompeuse de la Petite – mais non moins tenace – Italie. Ses enquêtes la mènent souvent au cœur de ces rues embellies par la chaude patine du temps, qui palpitent, tantôt tranquillement ainsi qu’une eau dormante, tantôt impétueusement ainsi qu’une eau vive ; leur usure n’est pas seulement celle de la désuétude, du reste : l’étrange décoloration des murs suggère des veines où le sang aurait pulsé trop fort.
Elle n’en apprécie que mieux les endroits telle que l’épicerie italienne, où l’on perçoit à peine les troubles intestins qui agitent le quartier tant le délicat fumet des produits traditionnels y enivre les sens. Elle s’y égare fréquemment, soucieuse de combler un appétit de plus en plus exigeant – et la gastronomie italienne, à cet égard, s’arrache souvent à toute comparaison. D’un pas léger, elle franchit le seuil de la petite boutique, reçoit sur le visage, sans bouder, l’ombre fraiche qui y circule comme un baiser de bienvenue apposé sur les joues. Son bras glisse sous l’anse d’un panier et elle s’engage entre les premières denrées, saluant l’épicier, de loin, d’un aimable signe de tête.
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J’aime écouter les hommes parler de leur désir. Alors j’ai l’impression d’ausculter leurs nuits. Non pas leurs nuits temporelles mais leur nuit profonde, celle qui parle entre deux silences.
Elle a aussitôt envie de tout dévorer et contempler les étiquettes des bouteilles de vin suffit à peine à la distraire des charcuteries qui embaument un peu plus loin. Seule la silhouette qui obscurcit bientôt le coin de son œil achève d’y parvenir. Elle feint de ne porter son attention sur lui qu’à retardement, tandis qu’il lui offre un conseil, et la malice lui ourle immédiatement le bord des yeux. « Je vous permets. » acquiesce-t-elle en lui tendant la bouteille qu’elle a dans les mains afin qu’il puisse confirmer son premier avis. C’est le soleil qui lui manquait, songe-t-elle avec amusement.
Bien sûr, elle a cillé tout comme lui ; pour les mêmes raisons, à la différence près qu’elle se souvient. Sans doute l’aurait-elle reconnu à la simple rugosité de ses lèvres. Mais quant à lui, le trouble qui ajoure l’azur de son regard n’est pas celui de la certitude, n’est-ce pas ? Il ne l’a pas encore reconnue, devine-t-elle sans n’en rien montrer ; il ne se souvient pas d’elle, et elle trouve déjà un moyen de s’en accommoder, plutôt que de s’en trouver piquée. Son sempiternel sourire gagne en espièglerie alors que la bouche de l’homme s’attendrit – ou se rend plus tranchante tout au contraire – d’un pli charmeur ; c’est un sûr indice de la joie toute sensuelle qui vient de lui couler dans le ventre. À la décharge de sa courte mémoire, Gamze a toujours trouvé les hommes très reconnaissables à la seule ligne de leur mâchoire.
« En tête-à-tête, répond-elle sans détour en récupérant la bouteille. Prenons donc le valpolicella, puisqu’il a votre préférence – car vous êtes libre, ce soir, et que vous allez bien entendu m’inviter à dîner, n’est-ce pas. » Elle bat candidement des cils, adoucit la brusquerie de sa proposition d’un sourire, avant de déposer la bouteille dans son panier et de poursuivre son chemin dans l’allée. « Prenez garde, tout de même, ajoute-t-elle dans un haussement d’épaules faussement contrit : je ne suis pas un estomac facile. » Par-dessus son épaule, elle considère un instant – rien qu’une seconde – l’échancrure provoquée par le poids de ses lunettes dans le col de sa chemise – exactement comme un homme saisirait du bout des yeux ce qu’il peut apercevoir du décolleté de la femme convoitée.
L’heure n’est pas aux reproches, se dit-elle avec une moue fugace en repensant à la manière dont il a disparu après lui avoir donné un héroïque baiser. C’est là une réapparition inespérée. L’homme empeste le mystère – et mille autres choses encore, toutes déclinées de la volupté mêlée d’amertume qu’il a au fond des yeux. « Alors, Monsieur… Valpolicella ? interroge-t-elle à nouveau non sans lui faire sentir combien il lui déplaît de ne pas connaître son véritable nom. Qu’allez-vous donc nous cuisiner de bon ? »

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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Lun 6 Aoû - 22:53



« En tête-à-tête. Prenons donc le valpolicella, puisqu’il a votre préférence – car vous êtes libre, ce soir, et que vous allez bien entendu m’inviter à dîner, n’est-ce pas. » Il a un rire comme un soleil couchant, la gaieté languide dans les voyelles graves lorsqu’il acquiesce. « Evidemment. » Elle s’éloigne de façon légère, l’odeur délicieuse sur son sillon. Il parie que le même parfum coule le long de la peau dans les coins les plus reculés, arque un sourcil qui se veut sage à la vision nacrée qui lui fait s’alourdir les paupières tandis qu’il suit, la distance raisonnable entre les corps déliés. Un pas, puis deux, la danse devient presque jeu. Il soutient l’examen dont elle l'effleure sans broncher, cille sous l’éclat particulier d’une mèche qu’elle laisse tomber devant les yeux noirs le souvenir tambourinant quelque part dans ses souvenirs innombrables. Il retient la question pourtant, il y a des limites à la lourdeur - tout italien qu’il soit. Un « On se connait, n’est-ce-pas ? » lui semble presque criminel sous la ouate d’un désir latent qui pourlèche tranquillement leurs vêtements.

Il ne sait plus vraiment ce qu’il est venu acheter en premier lieu maintenant. Elle est irrésistible s’aperçoit-il, un puzzle logé dans un nœud tendu à l’intérieur d’une chambre flamboyante qui tourne sur la pointe d’un couteau aiguisé. Il est écrivain, c’est sa seule et unique capacité : percevoir avec acuité. Le torse vibre discrètement et l’azur se fait opaque. Il l'a déjà vu. Il s’en souviendrait pourtant croit-il, elle a de ses gestes aussi sûrs que des rituels antiques, le sourire doux et vicieux comme si elle pouvait même se rire de la mort et… Il s’arrête, l’image du sang imprégnant sa rétine, la compréhension lui tombant dessus tandis qu’elle l’appelle d’un autre nom. « J’ai bien peur d’être terriblement déconcentré si je dois cuisiner en votre présence. » Il se moque un peu, de lui-même assurément; il a l’esprit ailleurs, dans la ruelle puis l’hôpital. Son regard glisse sur elle de la même manière qu’il l’avait fait des années plutôt, la convoitise en plus. Ici elle a la bouche incendiaire et elle est terriblement droite sur ses talons. C'était donc ça...  

Elle avait une plaque avec elle ce jour là, non ?

Oui.

Et bien ...

Qu'est-ce que ça peut faire ?

Elle a du cran de revenir ici, le défi mâtin le long des cils fardés. Il ne peut pas décevoir en ne se montrant pas à la hauteur du toupet joueur et si savoureux qu’il a devant lui. L'inspiration est lente mais il a déjà décidé. La bravade vient en ricochet dans un chuchotement intempestif au creux de l’oreille, la main spectrale au creux des reins, pour l’équilibre, bien sûr (soit, quelqu’un voudra bien y croire). Il est rare qu’il soit si entreprenant avec les femmes, l’indolence plus sereine à l’ordinaire. Certains jours, il y a une démangeaison au fond de sa gorge qui l’étreint. Il y a une violence qui se faufile pour l’envelopper dans des bras moelleux, le laissant avec le désir de s’abreuver à quelqu’un pour en effacer la noirceur. Il traite ces humeurs passagères et mal ajustées comme sa machine à écrire et ses carnets : avec soin et curiosité. Les aventures qu’il essaime portent parfaitement leur essence dans leur unique appellation, presque sages en définitive lorsque l’on connait sa famille.

Les choses sont différentes ici – quoique, il entend l’écho des revolvers propre à leurs guerres dans le cliquetis du talon aiguille sur le carrelage. Les doigts pianotent en s’éloignant des courbes chatoyantes. Il aime à penser que c’est le genre de paroles et de gestes insouciants qui existe sans conséquences, que ce qu'il a dit est vrai, qu’elle aura en effet l’air parfaitement ravissante sur lui et qu’il le sera tout autant avec sa langue dans sa bouche, mais à peine franchissent-elles le seuil des lèvres qu’il leur trouve un gout aussi effrayant que délectable.

Elle s’éloigne à nouveau et il recule, les yeux plissés d’un amusement sombre sans fin. De prêt elle brûle mais de loin elle rayonne. Le soleil lui forme une couronne scintillante et il penche son visage. « Prenons au hasard ce que l’on pense que l’autre aime. Rendez-vous dehors avec nos paniers surprises. On verra bien la recette qui en sortira. Qu'en dites-vous ? » Ah, les jeux.

De l’héritage antique et autres arènes impromptues… morituri te salutant


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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Mar 7 Aoû - 15:16



Comme une mèche à laquelle on aurait mis le feu, le crépitement rauque de son rire la serre de très près entre les rayons de la petite boutique, prémices des caresses dont il ne l’accable pas encore. Gamze se retourne à nouveau lorsqu’il reprend la parole, saisit la variation soudaine de son regard comme elle aurait saisi l’odeur de son haleine s’il avait eu la politesse – oui. – de se pencher sur elle, feint de ne pas l’avoir remarquée cependant et s’empare de la moquerie dont il se fait l’objet en balayant du bout des paupières le compliment sous-jacent : « Ah. J’ai donc affaire à un écolier ? » L’impudeur qui durcit le fond de ses yeux, l’espace d’une seconde, lui signifie on-ne-peut-plus éloquemment qu’il devra s’éduquer tout seul ; mais elle sourit invariablement, sans ne rien montrer de la contrariété que lui inspire l’égarement soudain très perceptible de son esprit. Il n’est plus avec elle, et elle croit reconnaître sous le voile des cils la flamme glacée de la compréhension. Tant pis, sourit-elle intérieurement, tout reste encore à jouer.
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J’aime écouter les hommes parler de leur désir. Alors j’ai l’impression d’ausculter leurs nuits. Non pas leurs nuits temporelles mais leur nuit profonde, celle qui parle entre deux silences.
Du moins son corps ne lui fait-il pas défaut, se console-t-elle en percevant subitement la chaude moiteur de sa paume à travers le tissu de son chemisier. Elle ne se dérobe pas à sa proximité, les ailes de son nez palpitent discrètement tandis que son odeur mâle reflue et afflue vers elle pour lui courir comme un souffle le long de l’échine. Sa main, qui effleure distraitement les produits pour mieux en lire les étiquettes – en vérité elle ne lit rien du tout –, ne tremble pas. Elle ne peut s’étonner de la facilité qu’il a dans les gestes, y reconnaît au contraire avec plaisir une évidence qui porte sans doute le souvenir de ce soir-là, d’un contact trop longtemps différé : ce sont des retrouvailles, constate-t-elle avec un ronronnement intérieur, et les corps, ces habiles lecteurs, sont toujours les premiers à le comprendre.
Il lui est un peu plus difficile de garder sa contenance lorsque la gravité de sa voix lui lèche l’oreille et fait lentement couler le plomb de la volupté dans son bas-ventre. Sa nuque se hérisse agréablement et ses lèvres s’étirent dans un sourire mi-conquis, mi-moqueur sous le poids de ses murmures – et elle aurait tout aussi bien pu susurrer dédaigneusement : « Des promesses, des promesses… » Elle a pour lui un regard plus incisif, comme pour jeter de l’huile sur le feu de son désir, et quoique son ventre se soit creusé d’une délicieuse anticipation, elle n’a pas rougi. Sans s’effrayer d’un face-à-face, elle se retourne dans le creux de son bras, le bout de son nez agaçant aussitôt le sien et les paupières prétentieusement baissées sur sa bouche qu’elles semblent ainsi accuser de paresse : « C’est vrai que vous n’avez pas vraiment eu la décence de pousser votre langue plus avant, la dernière fois. » remarque-t-elle d’un ton qui se veut léger ; mais elle se compose aussitôt une petite moue navrée. « À moins que je ne vous confonde avec un autre. C’est fort possible, vous savez. » L’offense est maigre et gorgée de mauvaise foi : sciemment ou non, il n’est de toute évidence pas homme à se laisser méconnaître, et elle perçoit au fond de ses yeux les mêmes exigences d’amour-propre qui étreignent souvent son propre cœur.
Enfin elle se soustrait à son semblant d’étreinte, avec plus d’orgueil que de défiance, mais ne tarde pas à s’assouplir de nouveau. Sa proposition la ravit tant qu’elle laisse échapper un rire charmé. « J’en dis que votre disposition à jouer rattrape un peu votre côté rêveur… » rétorque-t-elle sans délicatesse ni excuse. Les vies intérieures trop riches sont ses pires rivales, après tout. Elle agite capricieusement la main. « À tout à l’heure, donc, Monsieur Valpolicella. » Oh, elle a parfaitement pris acte de son obstination à ne pas rectifier son identité ; soit : ne pas s’appeler, c’est tout aussi bien, se persuade-t-elle, et on verra bien assez tôt à qui le besoin de crier susurrer le nom de son prochain viendra en premier. « Veillez à rester concentré. »
Lorsqu’elle le rejoint quelques minutes plus tard à l’extérieur de l’épicerie, munie de son propre sac de courses, elle a le sourire à la fois fin et peu subtil des enfants qui n’ont pas joué selon les règles. « Alors ? s’enquit-elle en arrivant à sa hauteur et en ouvrant déjà son sac pour lui montrer ce qu’elle a choisi. J’ai boudé les tranches de bresaola pour la première fois de ma vie par votre faute, et je leur ai préféré, voyons voir… Elle plonge la main parmi les denrées pour en sortir tantôt un petit paquet, tantôt un bocal. Des tomates cerises du Vésuve… De la… poutargue de mulet ? Je n’ai aucune idée de ce que c’est. De l’extrait d’anchois que je vous ferai boire à la cuillère si vous ratez votre menu. Aussi des… Des anchois roulés. Elle grimace un peu à l’aspect de ce que contient le bocal. Bon, cela dit, les Italiens sont généralement doués pour rendre les pires choses délicieuses, n’est-ce pas. Et puis, je les ai pris car quelque chose me dit que vous aimez vous rouler pareillement en boule – pour échapper à votre destin, par exemple. » C’est mesquin et facile, mais enfin, il ne lui en tiendra pas rigueur : elle a dit tout cela avec un sourire infiniment doux. « Et pour finir, reprend-elle gaiement, je me suis laissé tenter par une pâte de pistache salée et un riz à rizotto. J’espère que vos talents de cuisinier ne tremblent pas trop. » Elle tend bientôt le cou pour apercevoir ce que lui-même a acheté. « Et vous ? »

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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Mar 7 Aoû - 21:21



La langue tranche et il devine les exigences sans scrupules sur la pulpe des lèvres. Il n’est ni question de patience ni de compassion tendre. C’est bonne chose se dit-il, il n’y a ni l’une ni l’autre au sein de la Little Italy. « À moins que je ne vous confonde avec un autre. C’est fort possible, vous savez. » La phrase a un tel potentiel de coquette qu’il finit par lui couler un battement de cils presque outré. « Autant que savoir, douter me plait. » Il récite, en réponse avisé, Dante dans un souffle. Elle n’a pas l’air de se rendre compte qu’elle glisse un parfum sulfureux à ses répliques, brouillant les pistes avec ses manières, un peu comme ses serpents quand ils s’enfoncent dans le sable pour mieux s’enrouler ensuite autour de vos chevilles. Ou peut-être ne le sait- elle que trop bien, la démarche féline et paresseuse tandis qu’elle revendique à son tour le jeu proposé.

D’ordinaire, on parle de conquêtes - elle en ferait une de prix, crinière d’or et iris onyx- mais elle a des éperons aux oreilles, des dagues cachées sur le col de son haut et des drapeaux de victoire déjà sur le bord des yeux. Elle est magnifique et terrible. Tout ce qui est beau l’est toujours un peu et c’est dans un soupir silencieux qu’il laisse le frisson d’horreur envoûtant lui parcourir la peau.

Il se sent plein à craquer, pas loin de lui dire que ce qu’ils ont commencé dans une ruelle, ils peuvent bien l’y finir, que la glace du réfrigérateur du magasin peut tout aussi bien servir de draps aussi rigides qu’il peut l’être lui-même en cet instant. Il se montre vertueux pourtant, la modestie silencieuse en écusson. Il ne cherche pas à rectifier ni même à contredire d’ailleurs. La fierté est un vice qui a ses propres codes fait de menton levé et d’allure indomptable. « Un peu seulement ?» Ils s’éloignent l’un de l’autre, les allées de l’épicerie en océan capricieux et il y a une joie indicible à la voir ne rien lâcher, le minois impérial et les conseils clinquants. Il y voit une superbe majestueuse qui provoque la même excitation qu’il a parfois en découvrant des mots écrits par d’autres, qui lui transpercent l’âme.

Il est dehors avant elle, la connaissance des produits comme pass-express et les doigts cherchant à s’assurer qu’il a les bonnes clés avec lui. Elle a des sacs pleins de victuailles qu’elle énumère avec l’éclat d’un papillon un après-midi d’été, et il éclate de rire en l’entendant piailler. « Merci de faciliter votre kidnapping. Il y a de quoi nous nourrir plusieurs jours. » Il soulève ses sourcils avant de lever son bras, le sac pendant en l’air tandis qu’elle cherche à y jeter un coup d’œil. Elle est grande, suffisamment pour qu’il n’ait presque pas besoin de se pencher. Son index - non sans effronterie -vient pourtant effleurer la pointe du menton pour l’amener à lui. « Il n’y a que la terre qui tremble. » Le sourire se fait mutin. « Mmmm parfois les lits. Ce n'est pas très loin. » Il l’emmène entre les ruelles, lui explique savamment que l’appartement est sous les toits, hésite un très bref instant avant d’avancer une vérité bancale. « J’écris des articles, les pièces étroites ne me gênent pas et j’ai un amour particulier pour le bruit de la pluie les jours trop gris. » Il omet volontairement de dire qu’il s’agit surtout d’une garçonnière, murs blancs et meubles anciens récupérés à divers endroits. On aime ce qui est précieux dans la famille, ce qui a une histoire. Les sacs sont lourds, et il s’amuse dans les escaliers, oubli un peu trop vite cette histoire d’anchois et de destin. Elle parle en code et lui avec des blancs, voilà qui est parfait.

Elle a surtout les jambes longues et lui les mains affreusement insolentes.

Il manque de l’embrasser au troisième étage, les sacs quelque part sur les marches en bois, les mains fermes sur la rambarde et le délicieux vertige de sentir le vide derrière elle tandis qu’il écrase son corps sur le sien. Maintenant, il se souvient mieux d’elle. « Je sais qui tu es… un joli soleil. Et j'ai oublié de mettre mes lunettes, c'est terrible. » L’azur s’épaissit, le sourire se brouille. Il dit vrai mais rien n’est plus faux.

(Rien n’est plus vrai.)

Sa main effleure à nouveau avec un peu plus d’instance la hanche ronde tandis qu’il la fait entrer enfin – sixième étage. C’est l’anarchie des ascensions. Les sacs sont toujours aussi lourds à ses bras, les cliquetis des verres et des bouteilles en musique gourmande, et il les dépose dans la cuisine exiguë. « Fais à ton aise. » S’entend-il lui dire en revenant vers elle, le vouvoiement bon pour l’extérieur uniquement. Il la déleste d’un geste rapide de ses affaires en lui offrant un rapide tour. Le couloir est sobre, une pièce baignée de lumière et habillée d’un tapis perse est à droite. «On pourra dîner là. » Il ne dit pas que la chambre est au fond avec la salle d’eau. La cuisine fait face à la pièce ensoleillée et il remonte ses manches avant de passer ses mains sous l’eau fraîche. « Bien, je vais pouvoir te montrer ce que j’ai pris. D’abord des olives farcies aux amandes. C’est un peu un mystère la façon dont ils parviennent à mettre autant dans un espace si restreint. C’est divin en tout cas.  J’y ajoute toujours un peu de piment mais je n’en ferai rien cette fois-ci, je ne sais pas si tu peux supporter. » Il pose sur le plan de travail au fur et à mesure, les commentaires aussi faussement légers que ceux qu’elle lui a offert juste avant. « La bressaola. » Il offre un regard complice. « Voilà aussi du fromage piccorino et du pain ah… et mon trésor. » Il se tourne complètement vers elle en ouvrant le pot transparent, les tranches chaudes de lamelles fines d’orange miroitant dans un sucre confit. « Oranges de Sicile au sirop parfumé au safran. Rien que l'odeur... » Il trempe le bout de son petit doigt dans le suc épais avant de le faire fondre sur la langue. A savourer au goût et au toucher. Pour taquiner et prendre. L’épice est or rouge et les oranges caressent de manière énergique lui dit-il. Tout toi semble-t-il ajouter silencieusement. Il sirote la dernière goutte de sucre indécent. « Goûte. Je ne gronde pas les gens qui prennent le dessert en début. » Et de lui tendre le pot pour de bon.


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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Mer 8 Aoû - 13:59



Il garde sur le bout des lèvres une poésie difficilement soutenable, d’un autre temps ; un lyrisme qui fait ciller, presque détourner les yeux, de gêne comme d’éblouissement, parce que l’époque n’est peut-être plus au Romantisme, et qu’il faut désormais une certaine audace pour l’assumer. Il distille un charme suranné avec un aplomb d’excentrique, sans pour autant se défaire de la discrétion, de la réserve séduisante qui le fait se tenir habilement au bord du précipice que représente le ridicule. Il paraît que le besoin de faire des phrases s’accommode mal de la crudité du désir. Les yeux de cet homme lui assurent tout le contraire.
Au reste, son autodérision et ses taquineries excusent un peu l’âme grave qui semble à chaque seconde menacer de sourdre dans sa voix. La cajolerie dont il flatte son menton appesantit ses paupières, à la fois de contentement et d’impatience – car il ne s’agit toujours pas d’un baiser, et qu’elle lui aurait pour cela volontiers mordu le doigt. Cependant elle a un haussement d’épaules désinvolte, contrefait moqueusement le ton et les paroles qu’il a eus plus tôt lorsqu’il évoque les lits dans une allusion timidement licencieuse : « Parfois seulement ? »
Sans plus chercher à découvrir ce qu’il a acheté, Gamze le suit d’un pas leste dans les ruelles, tout en observant discrètement le flegme captivant qu’il a dans le corps. Elle songe qu’il la recouvrirait de fait avec la lente et lourde inexorabilité d’une vague et se met à sourire rêveusement à ses côtés, écoutant son explication avec une attention difficile à soupçonner. Son hésitation, toute brève qu’elle soit, ne lui échappe pas. Le Sphinx perçoit dans les conversations la moindre circonvolution et, cela combiné à son expérience de femme, lui fait instinctivement saisir l’omission. Elle ne s’en trouve pas mécontente : au fond, leurs méthodes discrétions sont les mêmes. Aussi acquiesce-t-elle d’un « Hm-hm. » faussement distrait, magnanimement convaincu et dépourvu de reproche. L’arc de ses sourcils s’arrondit d’insouciance comme pour lui signifier qu’elle lui épargne les commentaires qu’elle aurait pu faire.
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J’aime écouter les hommes parler de leur désir. Alors j’ai l’impression d’ausculter leurs nuits. Non pas leurs nuits temporelles mais leur nuit profonde, celle qui parle entre deux silences.
Sa mémoire fixe le nom des rues, la forme de la porte derrière laquelle elle disparaît, la couleur et l’écaillement de sa peinture. Elle s’aventure dans les escaliers avec lui, les degrés craquètent doucement sous la pointe de leurs chaussures – ni l’un ni l’autre ne fait patte de velours. Elle en engloutit parfois deux en même temps pour se dérober d’un bond joyeux à l’effleurement de ses mains, et tâche de ne pas s’effrayer du poids de son corps contre le sien quand il se retourne pour l’avaler dans son ombre. Sa main libre se referme sur son avant-bras pour relativiser le vide qui lui mord les flancs ; une fois encore elle ne boit que son haleine à défaut de sa langue, et une fois encore il lui fait oublier l’affront d’une boutade – c’est-à-dire une occasion manquée de garder le silence. Elle rit malgré elle en considérant les lunettes de soleil qui pendent au col de sa chemise : « Non, vraiment, à ce compte-là, il vaut encore mieux vous taire et faire un usage plus constructif de votre bouche. Je vous assure. » Sa capacité à passer de la finesse insinuante de Dante à la drague balourde d’un joli cœur de comptoir lui semble vertigineuse – et drôlement irrésistible.
Elle lui passe souplement sous le bras et reprend son ascension, ignore le léger essoufflement qui la gagne une fois arrivée au sixième étage. La prudence aurait sans doute voulu qu’elle hésite un peu, mais elle franchit insouciamment le seuil de sa garçonnière – pardon, de son petit ensemble de pièces étroites propices à l’écriture et à l’écoute de la pluie par les jours trop gris –, sans se formaliser de ce qu’il profite de l’exiguïté de l’entrée pour égarer à nouveau sa main sur la rondeur de ses hanches.
Le premier tutoiement ne lui a pas échappé, le deuxième lui arrache un sourire tandis qu’elle embrasse attentivement les lieux du regard. Le tapis persan nimbé de soleil l’appelle aussitôt. « C’est ravissant. » déclare-t-elle en se tournant à nouveau vers lui, le regardant avec plaisir redresser ses manches – c’est un geste qu’elle a toujours apprécié, même s’il n’est pas nécessairement de bon augure, et cet homme, elle a pu le remarquer, a les bras fort joliment dessinés.
Pendant qu’il fait l’inventaire de ses propres courses, Gamze prend la liberté d’ouvrir la fenêtre afin de mieux faire entrer le soleil qui est déjà sur le couchant ; puis elle ôte ses escarpins et s’étend avec langueur sur le tapis pour s’ensoleiller la peau. Elle n’a pas le mauvais goût de s’interroger sur le nombre de personnes qui l’ont précédée entre les murs de ce sobre appartement – il ne tient qu’à elle de tout effacer, songe-t-elle orgueilleusement. Ses commentaires la bercent aussi efficacement que la chaleur de l’astre et elle y répond avec la même distraction – le mystère secrètement grivois qu’il prête aux olives farcies aux amandes la fait sourire jusqu’aux oreilles : « L’une de mes amies te répondrait sûrement que c’est ce qu’on se demande toutes, la première fois. » Elle feint aussitôt de se morigéner d’une petite torsion désolée de la bouche, mais le rire ne tarde pas à l’emporter : « C’est toi qui as commencé, après tout, et je crois que tes âneries inconvenantes sont contagieuses. »
Elle roule sur le ventre et s’accoude plus confortablement, poings sous le menton, visage au soleil. La fragilité dont il l’accuse lorsqu’il en vient au piment lui fait froncer le nez. « Ne m’insulte pas et ajoute donc autant de piment qu’il te plaira. Tu serais surpris. » À travers le plissement de ses yeux, elle intercepte instinctivement la complicité de son regard alors qu’il désigne la bresaola et un sourire nuancé de bouderie fait frémir ses lèvres. Il a eu meilleur goût qu’elle, en somme, et a joué le jeu plus qu’elle ne l’a fait – c’est-à-dire également qu’il ne s’est pas mis en danger.
C’est l’évocation du trésor qui l’arrache tout à fait à son bain de soleil. L’érotisme de son geste, plus que le miroitement mordoré du sirop, la fait lentement se redresser sur le bout des bras, dans un mouvement contemplatif dont elle s’aperçoit à peine. Il n’est pas encore temps de se montrer paresseuse, n’est-ce pas, pense-t-elle en se levant prestement pour le rejoindre. Elle n’a qu’un murmure en se coulant voluptueusement contre lui, un soupir faussement impatient au bord des lèvres, l’air de dire qu’il faut décidément tout faire soi-même : « Puisqu’il faut te donner un prétexte pour m’embrasser… » Elle n’a pas le moindre égard pour les oranges de Sicile, cependant, s’emploie plutôt à lui montrer qu’elle n’a nul besoin de prétexte pour lui sucrer les papilles à son tour en lui donnant un baiser d’une chaleur enveloppante, humide sans pudeur, bientôt rendu impérieux par l’intraitable orgueil d’une femme qui prend bien plus qu’elle ne se laisse prendre. Elle s’impose tranquillement à lui, ses mains s’aventurant confusément dans les plis de sa chemise pour éprouver à travers le tissu les saillies rocheuses de son torse et de son dos. Son cœur enfle agréablement et la caresse de ses lèvres se répand comme un souffle chaud sur sa nuque ; mais elle ne s’en détache pas moins paisiblement, la bouche souriante d’une inspiration satisfaite, comme on en laisse souvent échapper après s’être désaltéré. « Il s’agissait de commencer par le dessert, non ? » conclut-elle en dodelinant espièglement de la tête ; puis elle tapote le comptoir de la cuisine pour l’enjoindre de reprendre la préparation du repas, s’éloignant tout à fait, sans plus se soucier de l’allumette qu’elle vient de gratter dans la forêt dense de ses désirs. « Tu écris des articles, alors, reprend-elle avec un sourire de chat. À quel sujet ? » C’est qu’à nouveau alangui dans les rais du soleil, le Sphinx ne s’est pas encore endormi.

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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Jeu 9 Aoû - 20:43



C’est amusant la façon dont elle déambule entre les pièces, à la manière d’une chatte qui fait le tour du propriétaire, le pas alangui et le museau frétillant d’une curiosité placide. Le tapis a sa préférence et il n’en est que peu étonné, trouvant l’image parfaite dans sa simplicité sauvage. Il n’a jamais été d’un tempérament timide, secret, oui, peut-être un peu, à peine mais timide certainement pas. Il laisse ses yeux voyager sur sa silhouette bordée de tissu flou, les mains fouillant le dîner à venir. Il y a des gressins aussi quelque part, d’autres friandises que l’on croque en attendant le repas, qui sentent bon les rires échangées et l’ivoire incisif et gourmand des dents.

Elle n’est pas timide non plus, bien au contraire. Il se sent pelote de laine chatoyante entre des pattes moelleuses. Elle n’a pas l’air gêné ni par ses frôlements ni par ses regards qui s’échouent sur elle comme les marins désespérés sur les côtes les jours de tempête. Comme si tout ceci était un acquis finalement, le déroulement d’une intrigue dans un bon roman de gare. Il y trouve un confort parfait, les questions-là, au bord des pages à venir et la lecture intrépide qui vous happe même au milieu du trafic. Des métaphores un peu faciles qu’il laisse tomber vaguement dans un coin de son esprit. La chair est trompeuse mais indéniable et il sent la façon trop facile qu’elle a de s’entortiller autour de lui, le jeu perfide au bout du sourire hermétique. « Puisqu’il faut te donner un prétexte pour m’embrasser… » Il sourit. Le pot-aux-roses était fuchsia et fluorescent a-t-il envie de lui dire mais il y a ses lèvres et sa langue qui s’accorde à la sienne, la danse ronde et ondulante comme le reflux d’un hamac entre les rayons paresseux d’un soleil d’été. Elle n’a pas l’air bien innocente et il a les mains pleines, d’oranges de Sicile et de caresses à venir. Elles sont là, enfermées au creux des paumes, bouillantes d’anticipation restreinte, si dociles dans leurs écrins organiques. Elle est jolie, péniblement, comme seules les tentatrices peuvent l’être. Il y a encore un élément prédateur au bout des ongles qu’elle fait courir sur la chemise, dans l’inclinaison des yeux et la fleur rose de son sourire.

L’embrasser lui donne envie d’y revenir mais il ne cède jamais à ses propres désirs de façon immédiate. Au lieu de ça, il la laisse se prélasser dans un mouvement léger sur les lattes de son appartement. « Il s’agissait de commencer par le dessert, non ? » Il penche son visage. « A peine un petit morceau ici. Voilà qui est cruel. » La mise en bouche laisse un gout d’inachevé et de plénitude tout à la fois. Il referme le pot d’oranges non sans en gober une tranche acidulée en la regardant onduler, le sirop épais et doux en guise de consolation momentanée. Il a faim maintenant. Horriblement. La cuisine lui plait, lui rappelle des éléments familiaux bienheureux, les cadres enchanteurs d’un pays trop lointain mais qui a laissé ses odeurs sur leurs traditions. Il en est des plats comme de la romance, la prophétie des délices est teintée de vapeurs, les couleurs viennent fondre sur le palais et l’abondance vient mourir en volupté au creux des ventres.

Il entend à peine la question, l’eau éclaboussant le fond d’une casserole. Il étale et construit, fait se marier et découpe. On en a plein les mains et plein le nez mais il répond, aimable, lance parfois des œillades qui n’ont rien de vertueuses sur la longueur des jambes exposées à la lumière crue qu’il aperçoit parfois entre deux gestes rapides. « De choses et d’autres. Je n’y suis pas depuis si longtemps. J’y avais fait une incursion en sortant du lycée, autant dire il y a des lustres et… » Il s’arrête, les bouillons de l’eau se reflétant un court instant dans un azur dissipé. Le temps est plus fluide que nous ne le croyons – il glisse et s’écoule au fil des jours et des semaines, et finalement des mois et des années. Il a quitté Arcadia tant de fois…

(il est revenu)

Il apparaît sur l’encadrement, le sourire en corbeille antique. « Spaghetti à la poutargue, tu verras c’est divin. »  Comme un peu tout ce qui touche à cette ville d’ailleurs pense-t-il non sans une pointe de sarcasme. Il repart, le bavardage léger. « J’ai dû écrire sur un mariage russe la dernière fois. Je crois qu’on m’a proposé en pensant que je dirais non et par bravade j’ai dit oui. Je n'ai  rien sur moi que des carnets et des stylos. On n’est pas très aimé à Ashmill mais c’est étonnant parfois les similitudes. Eux aussi mangent des œufs de poissons, les leurs sont luisant comme des piles d’onyx alors que nous préférons le rouge vif. » Il découpe la poutargue en tranches fines. « Ils le mangent en entrée sur des petites crêpes. Ils ont raison évidemment, il faut profiter et dévorer – les choses les plus opulentes toujours en premier. Pour dire au reste du monde qu’ils sont notre dû ou quelque chose dans ce genre. Tu as lu Pouchkine ? Il doit être quelque part sur les étagères. Je n'ai pas la possibilité de risquer le nécessaire pour gagner le superflu. Je ne suis pas resté longtemps. Personne n’aime les étrangers, ni ici ni dans les autres quartiers et les russes sont… fragiles des nerfs. » La poêle crépite, le grésillement tel un feu d’artifice qui ne demande qu’à exploser sous les tranches onéreuses de la préparation italienne. La mer affleure dans la cuisine et Vito élève un peu la voix. « Et toi ? Que faisais-tu dans cette ruelle ? » La question est moins sage cette fois-ci et l’ail est rose sur le plan de travail. Tout ça n’est pas long à faire mais il invite tout de même. « Il y a du marsala aux amandes et des gressins dans ce placard. Pour patienter. » Ils dîneront bien assez tôt et il lui tarde déjà de reprendre un peu de miel à même ses lèvres.


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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Ven 10 Aoû - 15:35



Le sourire de Gamze se prononce. Elle n’est pas dupe de la déception qu’il affecte, a bien perçu, dans l’opacité de son sourire, dans le retrait insolent de ses mains la volonté – peut-être plus orgueilleuse que sage – de ne pas se briser les dents sur l’écueil de leurs désirs conjugués. Cela est bien, pense-t-elle tandis que le soleil la revigore. Il semble capable de s’astreindre – pour un temps du moins – à un détachement qui lui plait, qui préfigure une indépendance plus attirante que l’agitation – par trop tragique – des violentes passions. Elle pressent que ses débordements, que ses déferlements ne sont jamais qu’intérieurs et qu’il a dans une certaine mesure la décence de les garder pour lui, de les traduire en caresses dévorantes plutôt qu’en paroles assommantes ; qu’il sait se taire quand il faut, en dépit des démangeaisons poétiques de sa langue. Cela est très bien, pense-t-elle tandis que l’humidité de ses lèvres sèche doucement au soleil.
Sa réponse cousue de mystères lui fait un instant fermer les yeux. Ses hésitations, ses silences sont plus éloquents encore que ses mots ; mais elle ne sait toujours pas si elle les doit à la pudeur ou à la prudence – voire aux deux. Elle se tait patiemment, le laisse démêler ses propres pensées, tournant la tête vers lui pour suivre d’un œil distrait, sans poids inquisiteur, la préparation du repas – elle le croit sur parole : le menu qu’il annonce lui donne l’eau à la bouche.
Cependant il lui faut bientôt concentrer son attention sur l’anecdote qu’il raconte – et peut-être invente, mais qu’importe : on ne se compromet qu’indirectement. « Pourquoi aurais-tu dit non ? s’enquit-elle d’un ton en apparence aussi léger que le sien. Simplement parce que tu es Italien – si je comprends bien ? » Sans doute veut-elle l’entendre dire – c’est qu’au-delà de sa présence très confiante dans une épicerie traditionnelle, il n’a pas le moindre accent, simplement les traits solaires, violemment séduisants des méditerranéens. L’inclinaison de sa tête, alors qu’elle le regarde, prend une tournure plus contemplative. « C’est amusant, comme tu dis nous. Une belle et grande famille que ces Italiens, n’est-ce pas. » L’espace d’une seconde, le fond de ses yeux luit comme l’auraient fait ses crocs – car à certains moments, il lui semble que c’est d’abord l’instinct du Sphinx qui mène la conversation, qui en desserre minutieusement les mailles du bout de la griffe. Elle brûle de lui demander si c’est pour l’Italie qu’il a quitté Arcadia, quelques années auparavant ; mais leurs interrogations s’entremêlent dans un désordre faussement bon enfant – c’est-à-dire qu’il lui jette d’autres pelotes sous la truffe. Ce n’est pas un mal, se console-t-elle : tout au contraire, il est toujours bon de voir s’il en élude, retranché derrière ses airs rêveurs, et lesquelles.
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J’aime écouter les hommes parler de leur désir. Alors j’ai l’impression d’ausculter leurs nuits. Non pas leurs nuits temporelles mais leur nuit profonde, celle qui parle entre deux silences.
Il lui dispense par ailleurs une manne autrement précieuse et intéressante à examiner. Les livres. « Non, je n’ai pas lu Pouchkine, s’excuse-t-elle d’un sourire. Je devrais ? » L’aurait-elle lu, il n’est pas absolument évident qu’elle l’ait admis. Le Sphinx, si souvent inspiré par les Muses, le lui a fait sentir à de nombreuses reprises déjà : il n’est généralement pas bon qu’un homme cultivé connaisse vos lectures – celles-ci construisent en premier lieu, quoi qu’en disent les amateurs de racines, l’identité d’un individu s’il s’octroie le luxe de lire ; elles sont les premières patries d’un être, les plus profonds soubassements de son âme, les spectres insoupçonnés, oubliés en surface, qui gouvernent le moindre de ses actes. Il faudrait tout lire, du reste. Elle prend la résolution de dévorer Pouchkine le jour suivant. « Je peux te l’emprunter ? » demande-t-elle en se levant à nouveau pour s’approcher des étagères qu’il lui désigne. Elle n’a pas la niaiserie d’ajouter que cela lui donnera un excellent prétexte pour le revoir – elle se moque bien des rendez-vous, son corps lui est une sentinelle suffisante.
Son regard se fait gourmand le long des titres parcourus, même après avoir débusqué La Dame de Pique – l’usure qui personnalise le livre, tout corné, lui donne le sentiment de violer un secret quand elle en feuillète les premières pages. Elle trouve rapidement la citation qu’il vient d’emprunter, dans la bouche d’un personnage qui se targue de ne pas jouer, et se mord la lèvre inférieure sous le chatouillement de l’ironie. « J’aime les étrangers, moi. » miaule-t-elle presque en se détournant de ses lectures. Elle abandonne le livre près de son sac à main et vient s’installer au petit comptoir de la cuisine, feignant de ne pas saisir les allusions subtiles que son hôte fait aux divisions claniques d’Arcadia. Le crépitement de la poêle la fait frémir de contentement et l’odeur salée de la poutargue lui donne soif. À nouveau, elle n’est plus qu’un enchevêtrement de sens à satisfaire, et la tranquillité de cet état la séduit immanquablement ; mais il ne lui laisse pas le loisir de s’y complaire plus longtemps.
Le rire à la fois doux et sinistre qui lui coule longuement des lèvres semble saluer l’audace de sa question. Elle ne se précipite pas, néanmoins, verse un fond ambré de Marsala dans deux verres et dispose les gressins entre eux, quitte à se fourrer quelques secondes dans ses pattes pendant qu’il cuisine. Puis elle lui sourit. Elle lui sourit sagement. « C’est évident, non ? Je suis venue tout spécialement dans cette ruelle pour me faire poignarder, avec le fol espoir d’être secourue par un bel étranger – il faut croire que je les aime un peu trop. Mais heureusement que je n’ai pas eu à saigner une deuxième fois pour te revoir, n’est-ce pas ? Nous devrions trinquer à cela. » Elle lève ironiquement son verre. « Aux hommes mystérieux qui embrassent les belles éventrées et consentent à reparaître trois ans plus tard sans qu’elles n’aient eu besoin de se refaire éviscérer. » Elle trempe ses lèvres dans le Marsala sans le quitter des yeux, avant de grignoter méticuleusement un gressin comme elle aurait englouti une souris jusqu’au bout de la queue. « Cela t’arrive souvent ? demande-t-elle encore. De disparaître juste après t’être montré si héroïque ? »

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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Sam 11 Aoû - 22:10



Sa mère était écossaise, le chardon tourné vers le sud et ses coutumes colorées, la fascination rieuse devant les plats odorants d’une Italie qui avait prit forme sous les traits d’un homme blond comme les blés et charmant comme les matins bienheureux d'une brise légère sur la côte adriatique. « Ils disent rarement oui. » répond Vito à la première remarque. Ça n’existe pas l’accord complet chez la pègre. Il ne considère pas en faire partie totalement mais il a eu le temps d’observer, l’attention toujours alerte durant les fêtes de son oncle et les transactions tout autour. Le consentement prend la forme de signature en bas de contrats, d’alliances autour d’époux suavement choisis et de poignées de main. Jamais de paroles.

Ils y accordaient tous bien trop d’importance.

« C’est amusant, comme tu dis-nous. Une belle et grande famille que ces Italiens, n’est-ce pas. » Elle le contemple et il ne quitte pas de vue la poutargue. L’ironie est si ravissante ici et le mot famille est teinté d’un sang noir qui le fait sourire. « N’est-ce pas. » Répète-t-il sans ciller. « Je n’ai pourtant pas vraiment le sens de la famille vois-tu. » Pourquoi dire nous alors ? Il esquisse un sourire fantomatique et continue à préparer ce qui fumera dans les assiettes dans peu de temps. Quand il regarde en passant, elle a ses doigts fins qui feuillettent son livre. Des mains de princesse des sables, mais ça fait longtemps que Vito a cessé de se fier aux apparences. Elles tuent. Lorsqu’il repasse à nouveau, elle a ce miaulement qui lui gratte l’échine - « J’aime les étrangers, moi. » - et tombe comme du plomb au creux de ses désirs, le « moi » si parfaitement capricieux qu’on ne peut que lui donner raison et y céder, corps consentant et toucher de miel.

Elle le balade d’une vérité à une autre mais c’est là un jeu qu’il accepte volontiers. Il n’en sait pas plus aujourd’hui qu’il y a trois ans finalement et le verre qu'elle lui offre se lève, tintinnabule sous le toast et s’efface entre ses lèvres.

(Elle ne le quitte pas du regard et il en fait de même. Œil pour œil...)

(Il aimerait vraiment y poser ses dents.)

Il l’avait deviné belle à l’époque, malgré le sang et la poussière. Elle n’a vraisemblablement pas cessé de l’être depuis. On remarquait ce genre de choses à des endroits précis d’ordinaire, dans un ascenseur de gratte-ciel battu par des vents vifs, lorsque les lumières de la ville se répandaient en étoile dans les yeux ou encore contre le soleil éclatant d’une baie vitrée au sein d’une petite épicerie de quartier, mais elle dégageait un magnétisme autrement plus dangereux, le sourire mystérieux en étendard et des promesses terribles au fond des yeux.
« Cela t’arrive souvent ? De disparaître juste après t’être montré si héroïque ? » T'es sous le charme, Vito. Les lèvres s'étirent. « Pas vraiment mais j’étais attendu ailleurs de façon impérative. Je suis content que tu te sois remise de tout ça et que l’espoir de l’étranger ait été comblé. J’aurai aimé porter au moins une cape blanche maintenant que tu le dis, histoire de présenter un tableau plus féerique mais j’avais un costume, ça compte à moitié. Tu étais positivement désolée de le tâcher d'ailleurs. » Il peine à cacher le désir qui coule en voyant le gressin disparaître sous la gourmandise guillerette. Pour cela, il préfère boire à son tour, les paupières lourdes d’images autrement plus sulfureuses. Il penche son visage, presque taquin, autant pour écarter les brumes audacieuses que pour s'approcher d'elle.

C’est ainsi qu’elle le voit vraiment ? Comme un preux chevalier ? L'ironie est partout sur son joli visage pourtant. N’aurait-il pas été condamnable s’il l’avait laissé là, à se vider sur le bitume crasseux plutôt ? Little Italy ne fait pas dans la charité après tout mais il a Lazare au creux des paumes et sur la pulpe des doigts, il faut bien que cela serve à ceux qu’on lui met sur son chemin.

Il baisse son regard un court instant vers le liquide ambré avant de lui sourire. « Il faut croire que nous avons tout deux le goût du tragique. » Il repose le verre, croque un gressin rapidement avant de se tourner vers les plaques. « Ou peut-être que c’est un effet scénaristique, l’idée du suspens. Vont-ils se revoir ? Quels sombres secrets se cachent-ils ? » Il rit cette fois-ci avant d’éteindre le feu et d’égoutter rapidement les pâtes. « Bien sûr, on peut objecter aussi que cela n’a aucune importance. Elle est irrésistible après tout et lui ne provoque pas d’incendies en cuisinant. Cela se suffit à soi-même, tu ne trouves pas ? » Il soulève ses sourcils en laissant fumer les aliments, les gestes rapides maintenant que tout était cuit revenant vers l'apéritif improvisé.

Le parfum du marsala est d’amande et il a ses lèvres sur le verre. Le vin sucré est un délice mais moins que l'appel tacite du rose humide qu'elle lui offre. La seconde d’après, il est sur elle, l’urgence de toucher plus grave et pessimiste que sa sage prudence ne l’a laissé croire. « Je parle trop. » Lui souffle-t-il. A vrai dire, il n’en sait rien mais il perçoit dans son impérieuse convoitise, l’intoxication qu’elle porte au bout de sa langue. Il aurait du faire ça depuis dix bonnes minutes déjà. Il l'embrasse, le souffle avide malgré le corps maîtrisé. Il l'embrasse d'abord à la clavicule devinée, le cou, l’oreille, si doux que cela en devient murmure sur l’épiderme. Elle sent le savon et le soleil accumulé, une feinte odeur de sucre aussi et il revient à sa bouche, l’excès encore contrôlé. Elle est meilleure à ce jeu que lui, devine-t-il, l’acidité des oranges siciliennes encore en rempart exquis entre eux. Les mains serrent la taille et s’ils étaient des sons alors ils seraient des cordes : une mélodie ondulante à peine soutenue par une dissonance d’avertissement. « A table. » Finit-il par dire, le nez venant tapoter le sien. « Bientôt il fera nuit et nous n’aurons même pas encore dîner. »

Ils se connaissent depuis trois ans après tout. Ou quelque chose dans ce genre.


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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Dim 12 Aoû - 18:10



Est-ce de l’amertume qu’elle perçoit au coin de son sourire lorsque l’aveu d’une désolidarisation familiale lui échappe ? Son premier réflexe est de plaisanter avec légèreté, quelque chose comme : « Ah ! c’est donc pour cela que tu ne m’as pas encore présentée à tes parents, depuis le temps que l’on se connaît ! » Pourtant elle se surprend à s’abstenir, suspend un instant la curiosité dont elle remue ordinairement les secrets des individus, souvent pour en faire remonter le pire. Elle comprend instinctivement qu’il y a là, tout à la fois, un ténébreux mystère à éclaircir et un faux pas à éviter. La cruauté du Sphinx se tait, s’abreuve du fond d’aigreur qu’elle vient de distinguer et s’en contente.
Et puis, la façon qu’il a de soutenir son regard en dépit de ses paroles presque assassines lui fait comprendre qu’il s’est depuis longtemps construit un doigté capable de cueillir les fleurs les plus épineuses. Il se dérobe tout aussi bien qu’elle aux vérités formulées de vive voix et c’est de bonne guerre ; elle muselle pour quelques secondes sa curiosité redoublée – le héros était donc impérativement attendu ailleurs – et se moque un peu de ses observations, sans qu’il ne soit possible de discerner s’il y a là une simple forme de rancune ou la préparation d’une fable à venir : « J’ai donc l’air tout à fait remise ? C’est une merveilleuse nouvelle. » Il donne l’impression que les mots, tout incisifs qu’ils soient, ne peuvent lui couler dessus qu’à la manière d’une eau douce, laissant au bord de ses lèvres et de ses cils les perles d’une tranquillité redoutable qu’elle voudrait crever du bout de la langue. Elle émousse le poids de ce qu’il a au fond des yeux d’une autre gorgée de Marsala. « Oublie la cape blanche, objecte-t-elle en remuant son verre doucement. Cela reviendrait à porter ton propre suaire sur les épaules, et je tiens au fait que ton apparition n’avait définitivement rien de sinistre, ce soir-là. » Les suites de leur rencontre, en revanche, seront peut-être plus accablantes. « Et tu es bien le seul de nous deux à exceller dans le tragique – je te prie de me laisser en-dehors de tes déchirements. » Elle a un sourire sincèrement amusé, qui lui monte aux yeux pour de bon quand il s’improvise scénariste. Elle prend goût à l’aisance qu’il a maintenant dans les gestes et dans la parole, s’abîme dans une contemplation silencieuse et comprend qu’elle se trouve en plein cœur de ce moment fantomatique où la faim – dans tous les sens du terme – rend plus taciturne que volubile. Il n’est pas nécessaire de lui rétorquer qu’il provoque des incendies – partout – ailleurs, n’est-ce pas : la fixité toute reptilienne de son regard le dit assez bien pour elle.
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J’aime écouter les hommes parler de leur désir. Alors j’ai l’impression d’ausculter leurs nuits. Non pas leurs nuits temporelles mais leur nuit profonde, celle qui parle entre deux silences.
La chaleur qui s’est matérialisée entre eux ne flotte qu’un instant, du reste, et c’est tout naturellement, la seconde suivante, qu’elle accueille son désir péniblement différé dans l’écrin de ses jambes. Il se blâme de trop parler et elle lui signifie d’un battement de cils qu’elle ne saurait le contredire à cet égard : « Ce n’est pas faute de te l’avoir déjà dit franchement, ajoute-t-elle en feignant de refuser avec amusement toute complaisance. Mais regarde quel grand garçon tu fais, à si vite apprendre comment parler avec la bouche et avec les mains. »
Bientôt il n’y a plus dans la pièce qu’un silence complice, entrecoupé de leur souffle haché de caresses. Ses mains redessinent langoureusement le voûtement fauve de son dos tandis qu’il se referme sur elle ; et elle s’incline dans un soupir, pour mieux le laisser répandre la rosée bienfaisante de ses baisers sur la feuille anguleuse de ses clavicules, pour mieux sentir la ligne de son cou rosir et frémir comme une gaze légère sous le cheminement piquant de son menton. Une allégresse toute charnelle lui coule des lèvres quand il lui chatouille l’oreille et elle se dérobe enfin pour partir en quête de sa bouche ; alors, elle rencontre son nez fureteur dans la mousseline de ses cheveux, et c’est là, dans le secret de ses boucles et de son parfum, qu’elle trouve ses lèvres une première fois, dans un effleurement, et en apprivoise par touches l’avidité. Ses mains ne tardent pas à se refermer doucement sur les palpitations de sa gorge ; la pulpe de ses doigts frémit contre la douceur rugueuse de sa mâchoire tandis que sa taille, prise dans l’étau de ses mains, s’assouplit voluptueusement. Mais il se redresse pour finir et elle doit tendre le cou afin de retarder jusqu’au bout la rupture de leur baiser.
Il faut se mettre à table, paraît-il. Elle ne se soucie pas de lui faire remarquer qu’elle s’y sentait déjà. L’effleurement taquin, presque tendre de son nez agit comme un baume sur l’embrasement qui lui noue encore le bas-ventre et lui gonfle la poitrine ; cependant le désir a assombri ses yeux et ses paupières sont maintenant lourdes d’une volupté boudeuse dont elle a à peine conscience. Du moins la perspective de se nourrir l’enchante-t-elle. Elle se lève, ignorant la menace de la nuit, et entreprend de dresser une table de fortune sur le tapis, ainsi qu’il en a plus tôt évoqué le désir.
« Bon appétit, chantonne-t-elle en repliant ses jambes sous elle. J’espère de tout mon estomac que ce plat de pâtes n’est pas le dernier que j’aurai l’heur de manger. » Contredisant les craintes qu’elle formule, Gamze enroule sans tarder les spaghettis autour de sa fourchette et les goûte avec un ostensible appétit. Elle a aussitôt au fond des yeux le pétillement ravi auquel on reconnaît les véritables gourmands. « Divin, répète-t-elle en dodelinant joyeusement de la tête, il est absolument certain que tu n’as pas menti, cette fois-là. » Elle boit une gorgée d’eau pour atténuer le sel du repas et de sa remarque. Dans le ciel, le soleil déclinant s’est mis à saigner. « Qui donc t’a appris à ne pas mourir de faim et à t’offrir le luxe de cajoler tes papilles par-dessus le marché ? » demande-t-elle bientôt en s’approchant de lui comme pour se mettre dans la confidence.

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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Mar 14 Aoû - 15:59



« J’ai donc l’air tout à fait remise ? C’est une merveilleuse nouvelle. » C’est la première fois qu’il est déstabilisé par ce qu’elle vient de dire. Il n’a pas pensé à envisager plus loin les conséquences de la ruelle, de ce qu’elles pouvaient avoir de fâcheuses pour elle au quotidien. Il se doute que le guet-apens n’avait rien d’innocent, qu’il l’a extirpé d’un destin étrange en apposant ses mains sur elle, qu’elle fait partie désormais des spectres d’Arcadia, le sourire énigmatique jusqu’au bout des expirations. Du sang a été versé et ce dernier a la terrible habitude d’entrainer des revers cycliques.
 Il l’envisage sous une lumière nouvelle, les hanches joueuses et le menton défiant, le pied de nez au destin si étincelant qu’il rend aveugle. Même les boucles vaporeuses qu’elle fait s’agiter en terminant son verre ont une aura provocatrice et les mouvements fins de sa gorge rieuse sont comme autant d’appels hypnotiques à la vie et aux baisers fougueux. Evidemment, il ne sait pas encore que les sphynx ne tremblent jamais quand il s’agit de défendre les cités. Dans l’abaissement cristallin de son regard, il l’a déjà prise mille fois et c’est tout ce qui lui importe. Pourtant, il y a une pointe d’admiration qui se niche au creux de ses iris. Il voit à tout cela un présage, un écho à son propre retour. Il a méticuleusement pensé à la façon dont les choses se passeraient lorsqu’il foulerait à nouveau les pavés d’Arcadia. La revoir elle, ainsi, n’était guère prévu, pas plus que la façon délicieuse qu’elle avait de laisser le bord du verre un peu trop longtemps sur ses lèvres.

(Il y a toujours de la place pour un peu d’improvisation et elle est le plus envoûtant coup de poker qu’il n’ait jamais vu.)

Il essaie de se dire que tout ceci est accidentel plutôt qu’intime et ce malgré le frisson le long de sa colonne vertébrale quand elle enroule ses paumes autour de son cou. La main pressée contre le creux de son dos suit, plutôt qu’elle ne pousse, vers des contrées plus raisonnables. Le repas est chaud et le tapis familier. « Je n’ai encore tué personne. Je donne l’impression d’être un de ces vieux bacheliers qui ne savent pas faire cuire un œuf ? » Il s’en amuse, les mèches châtaines tombant sur le front qu’il ramène instinctivement en arrière. « Pour tout te dire. C’est la première fois que je fais ce plat. » Il a un froncement de nez malicieux avant de ciller sous la fierté de l’adjectif. Il est meilleur cuisinier qu’il ne veut l’admettre, l’harmonie des ingrédients comme un poème en composition devant lui. Les épices sont des rimes, les légumes des verbes et le grésillement des poêles autant de rythme frétillant. « Ma mère n’était pas bonne cuisinière. » Les écossais passent leur temps à frire les choses. Pas assez cuits ? A la friture. A réchauffer ? Autant que ce soit dans l’huile. Vito a un sourire amusé aux souvenirs des sandwichs à la confiture recouverts de beurre rissolé, la mélancolie chaste au bout des cils. « C’était immonde vraiment. Mais elle était amoureuse d’un italien et de tout ce qui allait avec je suppose. » Il sert le vin, les coupes simples mais de bon goût, avant de reprendre. « Elle a passé une partie de son temps à lire les recettes de cuisine méditerranéenne. Elle avait cet énorme classeur avec dix milles fiches dedans, toute imagées et classées par pays. Un abonnement, elle recevait des nouvelles recettes chaque semaine. Des plats, desserts, entrées d’Italie, Grèce, Espagne... Parfois je lui lisais moi le soir pendant qu’elle s’affairait autour des casseroles. J’ai plus gardé que ce je n’aurais cru à l’époque. Je sais faire des tiramisus, des feuilles de vignes et des paellas comme personne. » Il se met à rire sous l’énième bouchée avant d’esquisser un clin d’œil devant le visage tout proche. « Un vrai homme à marier. » Les spaghettis lui semblent pourtant fade maintenant qu’elle lui propose si innocemment du miel. « Il y a une certaine poésie aux livres de ce genre, la façon dont tout est agencée, les images choisies, si appétissantes. » Le sourire traîne avec une langueur qui vibre jusque dans les yeux qui déjà butinent à nouveau les lèvres qu’elle tend en questionnements intrépides. « Qu’est-ce que tu en penses ? Je devrais écrire mes articles comme des recettes, non ? Peut-être tout devrait être écrit de cette façon d’ailleurs. Ingrédients… » La main délaisse la fourchette pour venir se nicher dans les cheveux, couler dans le cou jusqu’aux premiers morceaux de tissu léger. Les ongles creusent et tirent. Il veut déchirer mais fait seulement sauter une attache de la chemise délicate dans une pression encore sage, le sourire en murmure, lèvres contre lèvres. « Du miel et une peau en gaufrette. Laisser chauffer. Recouvrir. » Les entraves torturent semble-t-il lui dire. Les doigts cherchent la chaleur et il abandonne le haut pour venir s’engouffrer autour des genoux. Les lèvres se recourbent tandis qu’il les presse un peu plus fort. Ils ne vont jamais finir ce repas mais il n’en a cure. Elle a l’air positivement délicieuse sur ce tapis. Son dos l’étire un peu dans cette position, l’inconfort rendant presque sublime la douceur de sa langue sur la sienne, les assiettes et les verres sont beaucoup trop près d’eux et il surveille du coin de l’œil avant d’oublier totalement, les paupières lourdes d’un désir gourmand. Le crépuscule se reflète en un croissant amoureux sur le renflement des hanches et il soulève un peu plus la jupe fluide entre les doigts. Les mains se serrent sur les cuisses ensoleillées, la chaleur palpitant presque sous les caresses, les pouces appuyant fort contre l’intérieur. Il remonte patiemment, les baisers avides maintenant, puis écarte. Le bruit du verre de vin tombant sur le bas de la cuisse de son invitée le fait ciller avant d’esquisser une moue. « Ah. La jupe est un peu tachée. » Et du rouge sur la peau dorée qu'il vient lécher sans la moindre hésitation.


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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Mer 15 Aoû - 23:43



« Tu donnes l’impression d’être un fils de bonne famille qui n’aurait jamais eu à se soucier de lever le petit doigt. » plaisante-t-elle entre deux fourchetées de pâtes. Il est difficile de ne pas remarquer la riche facture de ses habits, la ligne parfaitement polie, comme taillée sur mesure de ses chaussures en cuir. Tout le désordre de sa mise semble se concentrer dans la liberté désinvolte des cheveux qu’il essaie en vain de discipliner d’un geste de la main – c’est qu’ils sont faits pour être empoignés, pense-t-elle aussitôt, s’y voyant déjà cramponnée au plus fort de la houle que figure immanquablement le plaisir. Ce n’est qu’une provocation, du reste, et à sa manière, il ne cesse de contredire les apparences dont elle s’est par ailleurs toujours méfiée. Plus encore, le souvenir de ce soir-là et l’auréole de sauveur inespéré qu’il n’a pas manqué de jeter dans le caniveau sitôt sa tâche accomplie l’emportent aux yeux du Sphinx sur le masque social. Peut-être le romance-t-elle un peu.
L’exploit qu’il se fait candidement de son repas accentue sa gaieté. « La première fois, vraiment ? » Elle lève les yeux au ciel, comme pour lui reprocher sa frime, mais se laisse en réalité totalement séduire par son adorable froncement de nez. « Je comprends mieux, alors. Tu es plutôt de ces bons élèves insupportables qui réussissent tout ce qu’ils entreprennent. » Son regard s’alourdit furtivement. « De ceux qui donnent aux autres l’envie irrationnelle de les faire échouer. » Puis un rire bref lui échappe, ponctué d’un haussement d’épaules. « Et à qui, n’en déplaise à ces autres, la déconfiture sied aussi bien que le succès. » Elle boit tranquillement une gorgée de vin, les yeux rieurs, et baisse à nouveau le nez sur son assiette sans perdre une seule de ses paroles – il y a des choses dont elle ne saurait se détourner : son estomac, le plus intraitable des tyrans, l’a toujours emporté sur le reste. Celui-ci lui offre cependant une heureuse échappatoire à l’indéfinissable embarras qui l’étreint lorsque son hôte se met à parler de sa mère – au passé – avec une troublante facilité. Gamze n’a jamais aimé évoquer la sienne et la perfection qu’elle lui trouve, encore aujourd’hui, la gardant jalousement dans son cœur comme elle l’aurait fait d’un jardin secret. Pourtant le tendre souvenir qu’il lui livre la fait sourire rêveusement et l’amuse tout à la fois – en un sens, elle se fait avoir à son propre jeu, prise dans les rets d’une étrange pudeur affective qui aurait dû, depuis longtemps déjà, la dissuader de mettre le nez dans l’intimité d’autrui.
Sa volubilité lui laisse tout le loisir de terminer son assiette et de se rincer la bouche avec une autre gorgée de vin. Lui s’est à peine nourri – ou projette de toute évidence de se nourrir autrement, rectifie-t-elle en souriant intérieurement. « La prochaine fois, tu me régaleras d’une paella et d’un tiramisu. » déclare-t-elle avec une trompeuse insouciance – sans doute sa requête dissimule-t-elle bien mal l’envie foudroyante qu’elle se sent de lui demander : « Est-elle morte ? » Sa proximité, par bonheur, la distrait efficacement de la curiosité insoutenable du Sphinx. « Je me serais bien étonnée que tu ne le sois pas déjà – marié –, mais ce n’est pas vraiment mon genre. Et puis, qui me dit que tu ne caches pas ton alliance pour mieux dévoyer d’innocentes jeunes femmes dans ton atelier de poète maudit ? » Elle lui sourit malicieusement, front contre front. « De toute façon, je trouverais criminel qu’un aussi joli garçon n’appartienne qu’à une seule personne. » Son nez effleure le sien. Il lui semble inutile d’en dire davantage à ce sujet. « Les recettes sont bonnes pour les poltrons et les méthodiques, objecte-t-elle railleusement, peut-être plus par esprit de contradiction que par réelle conviction. Je ne soupçonnais pas ton amour pour l’ordre et le… rangement. Tu penses donc que tout peut s’organiser autour d’une marche à suivre enrichie de potentielles variations plus ou moins audacieuses ? Tu crois à la recette miracle ? »
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J’aime écouter les hommes parler de leur désir. Alors j’ai l’impression d’ausculter leurs nuits. Non pas leurs nuits temporelles mais leur nuit profonde, celle qui parle entre deux silences.
Sans doute l’aurait-elle joyeusement traité de niais s’il n’avait pas eu au fond des yeux une lueur à faire rougir et fondre toutes les pensionnaires d’un couvent. Gamze a dans tout le corps un bourdonnement exquis, entretenu par le murmure d’une suave gravité qu’il ne cesse de répandre sur elle. « Quelque chose pourrait mal tourner, susurre-t-elle pensivement sous la caresse délicieuse qu’il égare dans ses cheveux et sur sa gorge. J’aurais bien ajouté que je suis aussi délicate à faire fondre que le sucre, mais il s’agirait d’un énorme, énorme mensonge. » Elle s’en excuse d’un sourire jusqu’aux oreilles et feint de mordre l’indocilité de ses doigts, qui font soudain peser une terrible menace sur le col de son pauvre chemisier. Elle perçoit bientôt l’ajourage qui découvre la naissance de sa poitrine et soupire moqueusement, sourire contre sourire cette fois : « Je trouve que ton recouvrement laisse à désirer. » Elle finit par se renverser légèrement en arrière, appuyée sur les mains, pour mieux l’observer tandis qu’il s’enhardit, le regard ourlé d’une malice contemplative ; suit avec gourmandise l’ascension de sa main sur sa jambe, qu’elle replie lentement, comme un serpent se serait souplement dressé aux notes flûtées d’un charmeur, et son bas-ventre se noue d’excitation quand il presse sa paume contre l’intérieur de sa cuisse – la chaleur n’est pas tout à fait la même : elle brûle déjà, et l’été qu’il apporte au creux de sa main lui paraît d’une fraîcheur exquise. C’est avec une patience infinie qu’elle le regarde approcher, les paupières mi-closes, jusqu’à ce que l’ardeur de ses baisers ne lui permette plus le moindre recul ; sa gorge se dérobe puis se tend voluptueusement, s’ajuste souplement aux variations des caresses que ses lèvres et sa langue dispensent avec générosité.
Bien entendu, elle n’oppose aucune résistance quand il lui écarte les jambes, mais tout se passe comme si le décor s’était subitement mis en peine de compenser un tant soit peu son absence totale de mauvaise volonté : le mouvement qu’elle amorce fait vaciller son propre verre et elle ne tarde pas à sentir la tiédeur du vin imbiber le tissu de sa jupe pour la première moitié, couler sur sa peau pour la seconde. Elle rit franchement, à demi navrée néanmoins du sort réservé à ses vêtements : « Je constate que j’ai affaire à un bourreau des textiles en tous genres. Il existe des moyens moins salissants, tu sais, de me faire savoir que tu me préfèrerais nue sous tes doigts. » Cependant elle porte son attention, tout comme lui, sur le contraste qu’offrent le vin rouge et la peau claire qui a déjà commencé de le boire. La façon dont il se baisse aussitôt sur elle l’enfièvre violemment. Pendant les quelques secondes où la chaleur humide de sa langue retrace impudiquement la coulée du vin sur la courbure de sa cuisse, respirer lui semble tout à fait superflu ; son ventre se creuse d’une joie toute sensuelle et elle a déjà au fond des yeux la gaieté effrontée d’une amante complice. « C’est dramatique, vraiment, feint-elle de déplorer en considérant l’état de sa jupe. En plus… Elle s’empare du verre qui vient de se renverser pour en répandre les dernières gouttes sur sa peau – un peu plus haut cette fois. Je crains d’être terriblement maladroite ; tandis que toi, tu es tellement, tellement serviable... » Le verre roule sur le tapis dans un bruit mat, et elle abandonne sa comédie d’innocence au profit d’un sourire on-ne-peut-plus significatif. « Je me demande bien quel nom nous pourrions donner à une telle recette. Voyons voir… » L’une de ses jambes se replie doucement par-dessus l'épaule de son hôte, jusqu’à ce que le bout de son pied ne vienne s’y frotter pensivement. « Étape une : attendrissez la peau en vous annonçant d’un souffle – pas trop brûlant pour commencer. » D’un regard à la fois rieur et autoritaire, elle s’assure de la bonne marche des opérations en lui enjoignant de s’exécuter. « Étape deux : frottez tendrement votre joue contre l’intérieur de sa cuisse – une barbe est à cet égard plus que bienvenue pour la faire rougir. » Elle contemple avec une curiosité mêlée de désir le relief piquant de sa mâchoire. « Étape trois : Léchez la peau, du bout de la langue dans un premier temps, de manière à bien lui faire sentir vos papilles et à mieux répercuter votre présence un peu plus haut – elle lui adresse un clin d’œil entendu – ; puis appliquez-la franchement pour épouser tout à fait le galbe intérieur de sa cuisse dans un long mouvement ascendant. » Elle a une petite moue faussement navrée, l’air de lui demander moqueusement s’il arrive à la suivre ; et sans plus s’en soucier du reste, poursuit en chantonnant presque : « Étape quatre : Soufflez là où votre salive luit encore pour produire un contraste chaud-froid. » Elle rejette la tête en arrière dans un petit rire ravi. « Étape cinq : Cessez maintenant d’être timide et embrassez-la à pleines lèvres. » Mutine, elle cherche finalement ses yeux : « Qu’en dis-tu ? Comme nom, je propose : Faites-la taire, que diable ! » Mais la réflexion lui fait froncer les sourcils. « Ou faites-la gémir, pour les plus romantiques ! »

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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Ven 17 Aoû - 16:52







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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Dim 26 Aoû - 15:51




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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Jeu 30 Aoû - 22:40






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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Sam 8 Sep - 16:35




Enfin, elle a une lourde et bienheureuse inspiration, chargée de désir et de satisfaction, le corps offert aux sollicitations impérieuses de cet homme qui se propage partout sur elle, comme une ombre, comme le souffle continu d'un vent doux. Ses bras se referment langoureusement autour de lui. C’est qu’il l’a embrassée si fort, là, au creux des cuisses, qu'elle s’est sentie fondre et dépasser les contours de son propre corps. Son esprit cotonneux se rejoue leur étreinte, lui permet de savourer encore la déferlante qui a dangereusement gonflé dans son bas-ventre, avant de s’écraser sur son nombril et d’éclater en une pluie délicieusement tiède sur ses cuisses, sur ses seins, coulant à l'arrière de sa nuque, jusqu'au bout de ses doigts. Elle sent encore ses mains arachnéennes se déployer en coraux autour de ses hanches, la tenir impérieusement, passionnément, pour mieux la faire se refermer instinctivement autour de sa langue, comme la corolle d'une fleur sensitive. Elle est tout à fait défaite sous lui, les yeux et la bouche ourlés d’une joie pure comme seule peut en donner l’extase. Sa présence impatiente entre ses cuisses la fait sourire plus franchement encore. D’un geste intime et complice, elle ramène la pagaille de ses cheveux en arrière, cherche malicieusement son regard entre deux baisers – paresseux pour elle, encore affamés pour lui. Il lui faut rassembler ses forces pour le faire basculer sur le dos, ignorant le tremblement de l’assiette à peine entamée à leurs côtés, étouffé par le tapis. Elle s’étend sur lui dans une longue expiration de contentement – qui n’a rien d’un ronronnement, n’est-ce pas –, les yeux à demi-clos de bien-être, le nez au creux de son cou, plein de son odeur et de sa chaleur. Ses mains s’acheminent déjà vers les attaches de son pantalon – il n’y a pas plus trouble-fête qu’un pantalon, murmure-t-elle suavement contre sa peau, ignorant la menace que le souffle nocturne fait peser sur sa nuque –, les défont enfin avec une tranquillité experte…

Jusqu'à ce que la nuit jalouse ne fasse cruellement peser sur elle l’anéantissement du plaisir qu’elle ne peut désormais plus endurer sans l’aide du jour. À moitié consciente, refusant de croire qu’elle est en train de perdre pied à vingt-et-une heures aussi facilement qu’une représentante du quatrième âge, elle égare, une dernière fois, un sourire amolli par la fatigue et la volupté contre sa mâchoire agréablement piquante de barbe ; puis, insensiblement, ses caresses ne se résument bientôt plus qu’à la régularité d’un long souffle endormi.

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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Mer 12 Sep - 17:52



Elle est délicieuse. Il reconnait l’impulsion sur la gorge qui se gonfle, la taille qui se plie et les mains qui se serrent. Des mots muets s’écoulent en souffles fiévreux tandis qu’il imprime la salve d’un rythme savant et immodéré, comme si ses doigts droguaient consciemment un corps devenu triomphant. Sa bouche se repait des vestiges, la saveur singulière, juteuse et douce à la manière d’un fruit. Il sent le spasme qui remonte le beau corps félin qu’il tient contre lui, sourit à la façon dont elle s’attache, les bras en corolles moelleuses alourdies et paresseuses, la transfiguration scintillante d’une jouissance consumée en constellations charmantes dans un regard nébuleux. Elle est belle, alors il le lui dit avant que le rire ne gronde à l’arrière de sa gorge tandis qu’elle s’étire quelques secondes et ne s’attaque, dans un sourire savoureux, à sa ceinture. Elle a les gestes plus lents, encore groggy visiblement, les yeux noirs agrandis par l’euphorie. Il pose ses mains autour du visage, les paumes dévorant les joues encore roses, la ramène vers lui pour réclamer son dû, les lèvres gourmandes, la provocation au bout de la langue, la barbe laissant traces plaisante en caresses cruelles. Il la sent légère et un peu endormie, la respiration graduellement lente, la main curieuse sur son ventre. A peine plus qu’un murmure, un frisson délicat, traduit encore le fait qu’elle soit consciente, pourtant bientôt, alors que le soleil s’efface à l’extérieur, la lucidité coule en papillonnements charmants et elle se love contre lui, repue et innocente.

Vito cille à son tour sans comprendre avant de pencher son visage vers celui de la blonde, les boucles enroulées de façon sauvage autour d’épaules en ellipses lumineuses. Le soupir lui creuse le torse quand il s’aperçoit qu’elle dort. « Hey ? » Voilà une situation à laquelle on ne l’avait jamais exposé auparavant et si la surprise est visible, l’amusement l’est tout autant. « … Aurore ? » Il improvise un prénom inconnu se relevant à demi en prenant garde à ne pas la laisser choir violemment contre le moelleux du tapis. Les longues jambes de sirène se frotte paresseusement l’une contre l’autre en guise de réponse, cherchant sans doute la position la plus confortable. Vito lui trouve des allures de Belle au Bois dormant inédite. Il ramène ses cheveux en arrière, considère un temps d’un œil fort dépité le renflement de son pantalon avant de la regarder se faire exquise malgré elle dans son sommeil.

Bien.

Bien, bien, bien.

La frustration nimbe un temps ses pensées. Il pose une main sur les hanches qu’il secoue dans un mouvement invisible, puis se ravise en l’entendant miauler. Il est tout entier à la contemplation dépitée d’un coma adorable. « Tu te fiches de moi… » Murmure-t-il avant d’étouffer un rire déconcerté. La ceinture est finalement remise et il la soulève sans ambages, goûtant dans un claquement de langue nerveux le fait qu’elle niche son nez à nouveau contre son cou. Il mérite des médailles, s’en donne allègrement tout un tas dans son esprit comme seuls les hommes savent le faire puis la dépose dans son lit. « Ce n’est pas exactement ce que j’envisageais... » La surprise lui creuse une joie incrédule au coin des yeux.

Personnellement, l’image lui plait, que ce soit la jupe relevée sur les cuisses nues ou la chemise défaite ou même les boucles d’or en pagaille sur le blanc et le pourpre de son oreiller mais il s’imagine – à juste titre – qu’elle sera plus confortable s’il la passe dans une de ces larges chemises fluides qu’il possède. L’entreprise est périlleuse, plus que celles qu’on lui assigne parfois au sein de la Camorra. Enlever les derniers vestiges de la tenue de Gamze s'avère suprêmement facile mais il manque de peu de la laisser nue sans autre forme de procès. Un baiser traîne sur la poitrine offerte et il grogne en voyant le sourire endormi naître au creux des lèvres de la jeune femme. « Pffff. Tout ça pour une inconnue. » La mauvaise foi suinte dans un enchantement discret. Elle lui avait saigné dessus et plus avec affinités, le terme n’était donc pas très juste. « La privation joue des tours. ». Il passe ses doigts dans les anglaises et les vagues de sa chevelure longue, évasée, désordonnée dans une tempête magnétique ; elle forme autour de son visage, sur ses épaules, son dos et son buste un unique camail de cristal sablé. Le coton de sa chemise frôle le haut des cuisses et il a un froissement orphelin des lèvres, le désir refluant en pompes intenses dans son sang. Un râle lui échappe. Not again.

Il ferait mieux d’écrire pour la peine. Richard apprécierait sans doute des pages érotiques toute nouvelles sur ses rayonnages mais il n’est pas certain de vouloir partager ce qui est si délicieux ici. Sous la tunique improbable au logo célèbre, tout parait presque impalpable. Ni pointe de sein, ni nombril, ni toison ne sont visibles sous le tissu autrement que par leurs reliefs assagis. « Erf. » La tentation est ridicule. Il en rit encore et fuit l’attraction fatal, s’occupe un temps, range la cuisine, termine ses pâtes, laisser couler une eau glacée sur lui avant d’aller poser ses doigts friands sur une machine à écrire moins capricieuse. Les mots lui viennent toujours plus facilement quand il est contrarié, la catharsis inévitable sous l’encre sombre. Il n’aime que moyennement les ordinateurs et trouve un charme désuet aux appareils modernes copiant les mécanismes d’un appareil rétro. Les touches noires laissent apparaître des lettres d’or et ce n’est qu’au bout de quelques cigarettes au balcon, quelques pages et deux sessions à se laver les dents de manière pensive que le sommeil se décide enfin à l’étreindre.

Quand il se glisse à son tour dans le lit, il ne cherche pas à la ramener contre lui, préfère ne pas mettre son nez dans le poivre en posant ses doigts sur les rondeurs irrésistibles. Il choisit de passer son bras derrière la tête et clore ses yeux sur d’autres mondes.


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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Sam 29 Sep - 11:31



Ses mouvements et sa voix ne lui parviennent que confusément, à la façon d’un doux murmure, d’un chaud ronronnement qui achève de la bercer. Gamze cherche à se blottir contre la chaleur que son corps exhale chaque fois qu’il prétend s’éloigner un peu, laisse échapper un miaulement son réprobateur sitôt qu’il tente de l’arracher à un sommeil invincible. Il est en revanche amusant de constater à quel point elle se montre beaucoup, beaucoup plus coopérative lorsqu’il s’agit de la soulever pour l’emporter loin de l’inconfort du tapis : son nez se réfugie naturellement dans l’écrin tendre de son cou, les bras inertes, en châle soyeux autour de lui ; et elle est si docile quand il la débarrasse enfin des vêtements qui ont depuis longtemps cessé de remplir leur office. La fièvre de son baiser sur la pointe de son sein la fait rosir d’un plaisir à demi conscient, ourle ses lèvres d’une espièglerie ravie, rendue cotonneuse par le sommeil ; les caresses qu’il glisse dans ses cheveux se propagent en un souffle diffus sur sa peau, avivé par l’effleurement velouté de la chemise dont il l’habille. Elle finit par se pelotonner un peu plus contre l’oreiller, par prendre tout à fait possession des draps et du lit dans un long soupir de bien-être, comme ignorante du mauvais tour qu’elle vient de jouer à son corps défendant.

Son poids à lui ne se manifeste que bien plus tard à ses côtés. Gamze ne se réveille pas pour autant, s’est depuis longtemps enfoncée dans un sommeil sans rêve – aucun dont elle ne puisse se souvenir, en tout cas ; mais il suffit d’une petite heure pour que son corps reconnaisse instinctivement le sien, pour qu’elle se fasse un oreiller du bras qu’il a replié derrière sa tête, puis de son torse, avant de s’approprier son corps entier comme elle l’aurait fait, littéralement, d’un véritable matelas, s’alanguissant sur lui comme elle se serait glissée dans un hamac. Cependant elle ne tarde pas à avoir chaud, à se sentir cernée par sa présence et l’étau des draps qu’elle rejette d’un tour de bras ; aussi se retire-t-elle avec des ingratitudes toutes félines, après avoir allègrement mouillé son torse d’un assoupissement bienheureux.


La nuit est belle, aussi sereine et revigorante qu’elle ne peut l’être entre deux presque inconnus dont le désir a été contrarié. Celui-ci, néanmoins, n’a de toute évidence pas oublié l’affront.

Les yeux de Gamze ont le malheur de s’entrouvrir à cinq heures et demie. L’heure est indue pour les artistes aux muses nocturnes, mais elle n’a pas les délicatesses de celui qui l’a épargnée la veille, remue lentement dans le lit, le visage froncé de sommeil, la bouche un peu pâteuse de s’être endormie sans avoir eu le loisir de se rafraîchir ; puis s’étire doucement, étalant bientôt ses bras sur l’homme dont elle a envahi la couche, sans-gêne. Son absence de réaction la décide cependant à rouler de l’autre côté du matelas et à se redresser en laissant échapper un bâillement. Elle s’extirpe enfin du lit, retourne dans le petit séjour pour s’emparer de son sac où se trouvent un change et une petite brosse à dents – précautions systématiques de femme habituée à découcher – afin de faire un brin de toilette dans la salle de bain attenante à la chambre. Face au miroir, un sourire s’épanouit bientôt sur son visage, désormais tout à fait rafraîchi et réveillé.
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J’aime écouter les hommes parler de leur désir. Alors j’ai l’impression d’ausculter leurs nuits. Non pas leurs nuits temporelles mais leur nuit profonde, celle qui parle entre deux silences.

Elle songe, une fois revenue dans la pénombre de la chambre, qu’il s’y trouve sans doute quelques recoins où laisser traîner ses pattes. Mais il a l’insolence de remuer, de se retourner vers elle, sans qu’il ne lui soit possible de distinguer s’il la regarde dans l’obscurité ou s’il est toujours endormi. Gamze fronce doucement le nez. Le souvenir de la soirée lui assaille l’esprit : il s’est comporté comme le plus irréprochable des gentlemen et elle n’a malheureusement pas l’intention de lui rendre la pareille. C’est qu’elle déborde maintenant d’une énergie qu’elle puise dans le jour naissant… et qu’elle a terriblement envie de lui.

Aussi le lit ploie-t-il bientôt sous son genou. Le deuxième suit comme une eau, dans un long glissement. Cet imbécile a le bon sens de dormir encore. Elle se mord une seconde l’intérieur de la joue, avant de commencer à butiner tranquillement le coin de sa moustache, puis le bout de son nez. Elle n’obtient en réponse qu’un grommellement. Monsieur se détourne, bien évidemment. Loin de se démonter, elle s’attaque aussitôt à la ligne de sa mâchoire, à cet endroit où la jonction se fait avec l’oreille ; mais elle n’a pas le temps d’en mordre le lobe qu’une épaule menace de lui heurter le museau en se détournant à nouveau. Elle pousse un hoquet d’indignation, maintenant nez à nez avec un dos large – bien plus bavard cependant qu’un mur, laissant apercevoir dans la pénombre tous les points d’accroche à la gourmandise de ses mains et de ses baisers. Persévérante, elle vient poser une joue boudeuse sur son épaule, écoute patiemment la tranquillité de sa respiration, s’amuse à faire courir deux doigts arachnéens le long de sa hanche, puis de son flanc. Bien sûr, on proteste, on roule sur le ventre sans même chercher à l’emporter, aussi s’invite-t-elle toute seule : c’est à présent son dos qui lui sert de matelas ; pas longtemps hélas – il faut croire qu’elle est trop lourde. On bascule donc à nouveau sur le dos, et elle doit bien se résoudre à s’écarter, grommelant à son tour. Il est aussi insupportable qu’elle. Mais il s’est comme offert sur un plateau, finit-elle par remarquer en souriant, après avoir observé le capricieux quelques secondes.

Elle peut maintenant recouvrir sa pomme d'Adam d'un baiser langoureux qu’elle fait déflagrer en une constellation d'effleurements, du bout des lèvres d'abord, mais plus appuyés ensuite, une fois atteint le creux du plexus solaire, puis la longue ligne du ventre, enfin le chemin tout tracé et si bien dessiné des reins. Avec des gestes terriblement patients, Gamze commence de le défaire lentement de ce qui le soustrait encore à ses délicates attentions, accordant par moments un regard malicieux à son visage – prétendument – endormi, sans dire un mot. Elle finit par s'installer à son aise, les jambes souplement repliées, alanguie entre les siennes comme une chatte à la sieste. « Surtout, n’hésite pas à me dire si je n’ai pas ton consentement, murmure-t-elle tout contre lui, chauffant plus encore de son souffle le dernier rempart que représente son sous-vêtement. Ses mains, toujours aussi douces, ne tardent cependant pas à le débarrasser avec fermeté de ce qui l'emprisonne. Dans un geste infiniment tendre et intime, elle déposa sa joue contre le creux de ses reins tout en guettant l’apparition de son regard, contemplative, avant d'effleurer d'un doux baiser esquimau ce qu'elle convoite. Tu comprends, je m’en voudrais ter-ri-ble-ment d’abuser de toi après ta conduite irréprochable d'hier soir. » La cruauté tout enfantine de son sourire disparait cependant comme sa bouche descend tranquillement sur lui.

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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Dim 7 Oct - 15:04



Les rêves, tout comme les aubes crépusculaires, ont ces attraits de couleurs et d’éclat à nulle autre pareil.

La respiration est lente, le murmure le frôle et il bouge avec les gestes d’un noyé, lent et indocile dans l’eau. Dans son rêve, il est saoul, la bouteille pleine d’une liqueur brûlante, les yeux rougis d’une fatigue insurmontable. Et il tombe. Peut-être qu’il n’est pas totalement ivre – peut-être que c’est le contraire.

Il tombe quand même.

Dans son rêve, la chute le fait rire, le souffle un peu court du choc serti d’une douleur irradiant son torse, les caresses du vent comme autant de baumes quelques secondes après. Ce n’est pas comme s’il attendait une main salvatrice – il a les siennes, mais il y a cette brise délicieuse, cette langueur fraîche qui imprime un râle au font de sa gorge, ce cocon chatouilleur qui l'entoure de sable et d'or. L'humidité se cristallise, inexplicable dans son origine, comme s'il avait la réponse à une énigme et qu'elle flottait sur le bout de sa langue.

Il pense « on ne fait que commencer » à moins que sa réflexion endormie ne soit plus mélodramatique « ce n’est que la fin du monde, enivrons-nous de baisers »

Il remue encore, le lit moelleux quelque part sous son poids, le dénivelé tendre de lèvres gourmandes sur lui.

Les chutes n’ont pas de raisons d’être ici.

Quelque part entre les oscillations de son être et les illusions solitaires, il sent. Non. Mieux. Il voit. Sur le dos de ses paupières closes, il peut tout imaginer. La lueur d’un soleil chaleureux, la blondeur superbe et emmêlée – le blanc de sa chemise comme autant de nuages enveloppant la sphère parfaite. Lorsqu’il cille, le sommeil vaporisé partout sur son visage, il a un sourire discret à la vue de la poitrine, le bâillement tel qu’il l’espérait. « Il est trop tôt. » fait-il dans un marmonnement qui lui mange les lèvres. Les fenêtres se referment tandis que les muscles s’étirent en ritournelles huilées. Elle n’a pas l’air de vouloir le laisser dormir, ronronne – si – à ses côtés de façon empressée, les mèches somptueuses en guise de drap caressant. Il a le sourire qui se creuse malgré lui quand elle parle de consentir. Son corps parle pour lui en définitive, l’excitation fébrile au creux du ventre tiraillant les chairs souples. Il fait mine de ne pas être intéressé par ce qu’elle raconte, les sourcils suspicieux sous les gestes délicats, le souvenir encore frais de la veille où elle s’était laissé tomber d’épuisement, le glaçage de l’orgasme au coin des lèvres en brouillon audacieux.

C’est bien la première fois qu’on lui joue ce tour en vérité. Il ne sait pas s’il doit être flatté ou vexé mais il est l’un et même l’autre, l’éveil aérien sous le regard qu’elle lui offre. Il devine le jeu, la fougue et toute ces choses qui brûlent et consument.

Il se sent tomber.

(La terre est ronde comme un lit défait)

Le sommeil alourdit encore ses cils, l’enthousiasme si matinal qu’elle lui jette à la figure comme une sonnerie bourdonnante. Il a envie de la prendre là maintenant, de lui demander une fois la tête dans l’oreiller si on n’a jamais été fichu de lui enseigner les bonnes manières et s’il doit s’offrir comme professeur. Il a peu dormi confesse-t-il à demi-mots. Elle sourit, l’ombre de la lionne en miroir amusé. Elle est plus attirante encore ainsi et plus dangereuse aussi. Le souffle se fait friction et il se sent acier trempé face à leurs désirs, la surface des lèvres incandescente sur une peau qui reflue. Il remue doucement, l’épanouissement distinct et silencieux dans un premier temps. « Tu es très matinale. » Il y a encore des traces de reproches moulées dans les inspirations sourdes. L’élocution stagne pourtant, coupée par le traitement vertigineux qu’elle glisse en parfaite salamandre sur ses voluptés rigides. « Et parfaitement entêtée. » La ruelle est loin et l’idée qu’elle soit simplement en train de le remercier l’effleure avant que, dans une satisfaction toute masculine, il perçoive l’innommable appétit au fond des iris sombres. Il a la sensation d’une lave épaisse et chaude qui lui coule dessus. De quoi se cambrer un peu mieux. Elle l’explore, sans négliger la moindre surface, toutes les sinuosités merveilleuses de la langue, de la bouche, des dents en corolles autour de lui. Il ne sent plus le même grondement agacé qui, tout à l’heure, irritait encore un peu sa gorge.

Il est réveillé.



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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Sam 20 Oct - 12:18



Gamze s’amuse bien plus qu’elle ne s’impatiente de ses grommellements, y perçoit non sans vanité la fonte insensible de ses résistances à mesure qu’elle l’assomme d’un bavardage autrement savoureux. Il est trop tôt, bougonne-t-il, laisse-moi dormir, faut-il comprendre. Tu es très matinale, nuance-t-il bientôt, variation d’un même reproche qui s’émousse sous les rigueurs de sa langue – mais tu commences à m’intéresser, comprend-elle, continue. Elle lui signifie d’un long regard, mi-tendre, mi-amusé, la satisfaction qu’elle éprouve à avoir enfin obtenu toute son attention, tempère la sévérité de ses remontrances d’un suçotement malicieux tout contre le bout de son sexe au goût salé comme l’eau de mer. Le sommeil donne une inflexion bien trop séduisante à son visage et pendant une seconde, elle se félicite de s’être égarée dans le lit d’un poète maudit, tourmenté par une inspiration capricieuse qui boude le jour et chérit la nuit. L’orage fauve qui assombrit le fond de ses yeux lui remue délicieusement le ventre et elle a un plaisir singulier à soutenir la dureté de son regard sans jamais se retrancher derrière le frémissement de ses paupières, à percevoir l’affolement discret de sa respiration et à sentir sous l’assiduité de ses attentions le léger cambrement de son corps.
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J’aime écouter les hommes parler de leur désir. Alors j’ai l’impression d’ausculter leurs nuits. Non pas leurs nuits temporelles mais leur nuit profonde, celle qui parle entre deux silences.

« Je ne suis pas certaine que ton réveille-matin dispose d’une telle fonction, remarque-t-elle entre deux baisers, avec un soupçon d’avertissement au fond des yeux. Mais je peux toujours m’arrêter là et le laisser te hurler dans les oreilles d’ici quelques heures passées à te livrer à ton si précieux sommeil. » Elle cille lentement, à plusieurs reprises, les paupières tranchantes d’une tranquillité terrible, avant de se refermer à nouveau sur lui dans un sourire, sans rapidité malvenue.

Ses mains ne sont pas en reste. Si l’une le maintient tout contre elle, l’autre remonte lentement la ligne de son ventre, cajole son flanc en l’éraflant quelquefois du bout des ongles. L’aube sereine commence de donner une coloration ravissante à sa peau, accentue joliment les ombres que chacun de ses mouvements projette sur son corps. Et sa langue se promène partout sur lui, en d’intimes et mutines caresses, le coiffe minutieusement d’un liseré de chaleur ; elle prend son temps, s’enroule sensuellement autour de lui, respire soigneusement tout contre lui, à la fois pour le faire languir et pour qu’il sente avec acuité la volupté pénétrer dans son bas-ventre. Elle a parfois une façon toute orgueilleuse d’abaisser les paupières pour suivre le cheminement de sa propre langue tandis qu’il s’endurcit à son contact comme le bois durcirait au feu, puis de lever les yeux vers son visage froncé de plaisir pour lui communiquer toute l’envie qu’elle a de lui. Ce qu'elle ressent est impérieux et justifie bien assez le peu d'égards qu'elle a eu pour son sommeil, n'est-ce pas ? Ce n’est qu’au bout de plusieurs minutes supplémentaires, passées à différer – avec plus ou moins de malice – la profondeur de son baiser, à le sentir s’exalter contre ses papilles, contre l’intérieur de ses joues, qu’elle le fait enfin disparaître, l’enveloppant dans ses caresses comme dans un drap de soie.
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<nsfw> Libiamo ne' lieti calici ♥ Gamze - Dim 25 Nov - 20:22



« Je ne suis pas certaine que ton réveille-matin dispose d’une telle fonction. Mais je peux toujours m’arrêter là et le laisser te hurler dans les oreilles d’ici quelques heures passées à te livrer à ton si précieux sommeil. » Le torse est secoué d’un rire endormi, un râle capricieux en écho nuancé. Il n’a pas envie qu’elle s’arrête – bien au contraire. La fièvre lente grimpe le long des terminaisons nerveuses, les frustrations d’une vie agitée s’envolent sous la chaleur du baiser fatal, les doigts sur son ventre endiguent les furieuses démangeaisons qui lui parcourent le corps maintenant. Il retient son souffle, distinguant avec peine les ombres chatoyantes que la bouche charnue promène sur lui. La curiosité gourmande transcende quand elle le fait disparaître entre ses lèvres, le toucher orageux de la langue sur les veines lentement apparente. Elle l’enveloppe d’un brouillard matinal qui lui creuse les côtes et lui arrache des sourires plein de frissons. Il a dans l’idée qu’elle lui plait un peu, beaucoup, surement aussi à la folie et en soi, c’est suffisant pour qu’il arrête de jouer à tout ça. Elle n’est pas innocente, personne ne l’est dans cette ville et il se redresse légèrement sur son coussin, les paupières lourdes de bêtises délicieuses. C’est une jolie bourde, une de celles que l’on croise dans les romans de gare et qui vous fait lever les yeux au ciel avant d’en dévorer les lignes. Les boucles blondes s’inclinent contre la peau, le calme de l’appartement en écrin à des amours imaginaires. Il vient passer ses doigts sur l’or offert, les repousse d’un front lumineux avant de clore les yeux quand elle remonte son visage, le courant électrique brûlant sur les papilles râpeuses.

Les dieux peuvent bien garder leurs pouvoirs et leurs titres, tous autant qu’ils sont. Le pouvoir – le véritable ascendant sur autrui – réside là, dans la sensualité toute diabolique de corps en émoi. Lorsque Vito abaisse à nouveau un regard teinté d’un sérieux prudent, Gamze ourle la commissure de ses lèvres d’un sourire énigmatique qui lui transperce la trachée. Elle le tient semble-t-elle lui dire silencieusement. Quelques minutes, quelques heures, certes, mais il sent la pulsation magnétique l’emporter, la cache sous des œillades presque sévères. Le défi stagne au bord des cils, impalpable et volatile. Il n’a pas envie d’effleurer maintenant qu’elle a courbé l’échine sur lui et qu’il fond sous elle. Ça c’est bon pour les corps que l’on découvre amoureusement et qui se dévoile au gré des rayons d’un soleil facétieux…

(Et à cette heure-ci, il n’y a encore que de la brume dans les rues de leur ville.)

Il cille, le plaisir insondable qui jaillit dans son torse en murmures sombres. Elle est parfaite et rien que cette supposition distille un danger entêtant. Le charme, l’éclat des yeux noirs, l’assurance et sa langue sont autant d’alarmes à incendie dont le néon sanglant lui transperce les tympans. L’exhalaison creuse le lit tandis qu’il se cambre sans vraiment bouger, cherchant le paradis d’une gorge dans l’arrondi du mouvement.

Les courbatures ont une possessivité propre qui se dessine sous la chaleur, le répit à peine entamé dans les gestes précis et les convoitises voraces. Il la sent déjà couler entre ses doigts, insaisissable et secrète jusque dans sa mise. Il retient le désir domestique d'en savoir plus, de fouiller l'identité vaporeuse qu'il étreint. Va t-il la revoir ? Il se fait marbre quelques secondes. Bien sur qu’il va la revoir, Arcadia est si petite pour les gens comme eux, les plaisirs en constellations trop perfides pour rester sages. Elle le dévore, la pression douceâtre si trompeuse dans le métal des iris ardents et il ravale un prénom qu’il ignore encore, le mystère complet jusque dans l’identité. « Il va … il va falloir se revoir. » C’est un ordre drapé d’un soupir qu’elle avale comme si ce n’était rien qu’un caprice présomptueux.

Quand il la raccompagne et qu’il hèle un taxi des heures plus tard, le baiser fiévreux contre la bouche fugace qu’elle lui offre en passant, ce n’est plus qu’un chant songeur.


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