Je fuis. Je me sens lâche. Incapable. Faible. Je suis totalement paumée. Je n’y arrive pas. Mon corps réclame quelque chose qu’il n’est pas prêt à recevoir. Ce n’est pas [i]Lui|/i]. Je sais que c’est facile à dire mais ce n’est vraiment pas lui. Aedan est parfait, beau, désirable. Je ne sais pas encore si je suis totalement amoureuse, je ne sais pas vraiment ce que c’est l’amour. Je le découvre, j’ai peur, je panique un peu. Il y a un tas de choses qui font je suis sous son charme mais un tas d’autres qui m’obligent à douter de lui. Après tout, même s’il m’a sauvé la vie, j’ai déjà eu des échos sur son comportement avec les femmes. Son caractère séducteur. Je ne veux pas être une femme parmi tant d’autres, ce n’est pas mon genre, ce n’est pas moi. Alors j’ai un passif qui me boque mais j’ai une conscience qui se pose trop de questions. J’aimerais pouvoir partir en courant. Seulement tout semble m’en empêcher. Le chien que je manque d renverser. Ma tenue… peu réglementaire et la porte fermée à clé. Je serais allée où ? Aedan vit sur les docks et ce n’est pas du tout mon quartier. Alors j’aurais fait quoi ? Quelques pas et puis quoi ? Je serais tombée sur les mecs qu’ils entraînent ? Non, la fuite ne semble pas être une bonne solution. Cette journée toute entière est une erreur. J’aurais dû laisser tomber, ne pas me rendre à ce cours de défense, je n’aurais pas dû vouloir en finir, laisser ma faiblesse prendre le dessus… je regrette toute ce qui m’a mené à le désirer, à le vouloir dans mes bras, à sentir le feu dans mes reins. Je regrette et je suis totalement perdue.
Mes larmes coulent. Elles inondent mon visage. Je me sens trembler. Je n’ai pas froid. Overdose de sentiments. C’est ce qui se passe après une rude journée. Je voudrais juste qu’elle s’arrête. Je voudrais juste arriver à fermer les yeux et ne plus penser, je cumule un taux de fatigue trop élevée pour le commun des mortels. J’ai encore du mal avec les révélations auxquelles j’ai eu le droit et clairement en trois jours de temps, je fais un burnout des divins. C’est dingue l’effet qu’ils ont sur nous. J’espère qu’ils ne font pas cela à tout le monde.
J’entends le chien. Puis j’entends Aedan approcher. Je le vois se pencher pour atteindre mon niveau, il ne porte qu’un caleçon, il n’a pas pris le temps d’enfiler autre chose. Peu importe. Je crois que je m’en fiche. Des mots résonnent. Je souris, pensive, je ne le regarde pas vraiment. Il veut prendre son temps. Il semble ne pas vouloir précipiter les choses. Je n’en espérais pas moins, sinon nous ne serions pas là. Je déglutis, je le regarde. Ses doigts glissent entre les miens. Je serre sa main qui caresse la mienne. Je le regarde pleine de sentiments confus. Je suis perdue. Il veut qu’on essaie, lui, moi… ensemble. Une question me vient à l’esprit, je veux la poser… j’attends, je ne sais pas… j’hésite. Je me laisse allée à nouveau dans ses bras. Ses gestes ne sont pas ambigus. Ils sont doux, aimants. Il me soulève à nouveau. Mes jambes s’enroulent naturellement autour de lui, je cale mon visage dans son cou, je l’enlace. On dirait un petit singe. Il nous ramène dans la chambre. Il me dépose à nouveau dans son lit, les circonstances sont différentes. Il me remet la couverture sur mon corps. Je souris légèrement, je le retiens juste avant qu’il ne parte. J’aime bien le chien mais ce n’est pas tellement lui qui m’intéresse.
« - Reste » Je le tire pour qu’il revienne dans le lit. J’ai toujours cette question. « - Pourquoi ? Pourquoi moi ? » Je me souris. « - Ton ami m’a fait comprendre que tu n’avais rien d’un prince charmant… et pourtant… Alors pourquoi moi ? Qu’est-ce qui change ? » Je ne desserre pas sa main. Je me fais une place contre son torse. « - Je ne veux pas être juste une fille de passage… mais j’ai peur… » Peur parce que tout cela est nouveau.
La recherche d’une chaleur humaine est un talent inné d’Aedan. Jamais, pourtant, il n’avait senti un courant si agréable s’emparer de son corps. C’était comme si son cœur avait été noyé par la puissance d’un torrent. Irrésistible. Le géant s’était avoué vaincu. Il souriait lorsque Nat, ce petit chiot qu’il avait recueilli au refuge de la ville lors d’une visite de courtoisie, monta sur le lit. Jamais Nat avait échoué à rendre un sourire. Fier, ses oreilles dressées, il était venu sourire, langue pendue, devant Iris. S’il ne pouvait lui rendre le sourire, alors personne ne pourrait. Aedan laissa alors sa meilleure recrue agir. Soigneusement, lui qui était habituellement si remarquable, se laissa couler en arrière plan.
Jamais le géant n’aurait pu songer à ce qu’une main vienne l’attraper, l’empêchant de fuir, de se retirer. Il se laissa alors tirer à elle, glissant à son tour sous la couette sous la pression populaire. Dans le lit, au chaud, Aedan s’autorise alors une étreinte. Son bras vient doucement et chastement envelopper une Iris qui littéralement peut se servir de lui, de son torse en particulier comme d’un oreiller. Ses mots font sourire Aedan qui est dans la même situation qu’elle : il l’ignore. Il est porté par un sentiment qu’il ne maîtrise pas.
Dans son étreinte, Aedan cherche doucement des réponses. Il ferme alors les yeux, s’oubliant une seconde dans ses bras. Nat, renfrogné, se couche gentillement à leurs pieds. Le long bras du géant s’empare alors d’une cordelette qui éteint la lumière. « Je ne sais pas.» glisse t-il en murmurant. C’est presque un aveu romantique de faiblesse, d’incompréhension. « Je sais juste que c’est toi, qu’il le faut.. que c’est nécessaire. » Le géant cherche difficillement ses mots. Il respire doucement. Il vient doucement embrasser son front avec de venir caresser le dos de sa main, jusqu’à mêler ses doigts aux siens. « Je sens que c’est la chose à faire. Je ne l’explique pas. T’aider, être là pour toi ; c’est juste extrêmement simple à prendre comme décision. » Il décide alors de cesser de chercher une explication. C’est ainsi. Il l’aime. Point. Son coeur a décidé à sa place. La sagesse divine s’est évaporée, et seule le géant est maître de lui. Il accepte son destin. Il ré-embrasse son front chastement, avec douceur. Il vient alors à changer légèrement de sujet.
« On devrait songer à un rencard. Un vrai. Sans arme et sans meurtre. Sans mort. Sans rien de surnaturel. Juste un resto, des bougies, un bon repas. » Aedan sourit. « Et surtout, sans invité non désiré ! » glisse t-il légèrement plus fort, de manière légèrement sarcastique, si jamais un fantôme se décidait à entendre ce doux réquisitoire. « Un bon repas. Toi plus moi. C’est un doux rêve qu’on devrait rendre réel, non ? » Aedan doucement, alors que cette pensée traverse son esprit, commence à s’endormir. Ici. Dans ses bras.
Aujourd’hui, je crois que j’aurais passé plus de temps dans ses bras que sur la terre ferme. Oh ce n’est pas tellement pour me déplaire, il est géant, je suis minuscule. Je me sens en sécurité dans ses bras. J’ai l’impression d’y avoir ma place. Mon corps se fond parfaitement dans le sien, on est compatible. Il y a un lien, c’est étrange. Je crois que dès le premier jour il y a eu un truc. Je ne saurais pas dire ce qui s’est passé. Je ne crois pas au coup de foudre et pourtant, ce jour-là, il y avait un orage. Je me souviens, il pleuvait à torrent. Il a tué quelqu’un. Pas lui vraiment, ses hommes. Il supervisait. Je suis tombée sur lui, littéralement. Il m’a semblé invincible, j’étais sûre qu’il me tuerait et pourtant… je suis dans son lit ce soir, cette nuit, j’ai goûté à ses lèvres, il a goûté à ma peau. Il m’a sauvé en quelques sortes. Ses hommes étaient prêts à me tuer, j’en avais trop vu. J’en savais trop. Quoique rien à la fois. Je ne pensais pas retomber sur lui. Mais il y a deux jours, tout a changé dans ma vie. La soirée au Trianon, cette invitation de Clarence, les révélations. Tout a changé. Et à nouveau, je suis tombée sur lui. Il m’a sauvé, soigné… je l’ai sauvé… soigné… bref je crois que c’est là qu’il s’est passé un truc. Aussi antipathique qu’il pût être, mon cœur s’est remis à battre pour quelqu’un. Sans la moindre explication. Je ne veux pas croire au syndrome de la princesse, qui parce qu’elle est sauvée tombe amoureuse du prince. Aedan est plus que cela, je suis plus que cela, je n’ai pas la moindre confiance en moi mais je ne me rabaisse pas à ce niveau. Je ne veux pas me tromper avec lui. Je ne veux pas être une fille de passage. C’est toujours compliqué et je suis toujours perdue. J’ai appris trop de choses, j’ai vécu trop de choses. Le commun des mortels ne pourrait pas supporter de telles révélations sans devenir dingues. Alors mes sentiments, c’est vrai que cela fait beaucoup.
Je tente de me laisser aller. Dans ses bras, tout semble possible. Je ferme les yeux, je me laisse bercer par ses pas qui nous emmènent dans son lit. Il me borde presque, je le retiens, je n’ai pas envie de dormir seule, ça c’est sûr. J’ai besoin de lui. Je le retiens pour qu’il reste. Il se glisse à côté de moi et je me presse contre lui, dans ses bras. Ma tête se repose sur son torse. J’entends son cœur battre dans cette position. J’aime assez cela. Je lui pose alors cette question qui me brûle les lèvres. Je ne sais pas s’il aura plus de réponses que moi mais ne sait-on jamais. Je tente. Je le sens sourire. Un baiser chaste est déposé sur mon front. Il ne sait pas. Je me pince les lèvres, le flou ne sera pas éclairci ce soir, cette nuit, nous n’en sauront pas plus. Je souris cependant parce que je me sens moins seule à ressentir exactement la même chose. Ne évidence, une obsession. Il me rend folle, folle de lui sans rien faire. Je me colle juste un peu plus contre lui, plus à l’aise avec l’idée qu’il ne se passe rien d’intime, rien de plus intime ce soir. Une de mes mains caresse son torse musclé, elle s’égare, le bout de mes doigts dessine de l’art abstrait.
Il parle alors de rencard. J’hausse un sourcil sans le regarder. L’idée est plutôt bonne. Je me redresse alors sur un coude pour le regarder. « - Alors ce n’était pas un rencard ce petit tête-à-tête à Trianon ? » Je le taquine totalement parce qu’on n’aurait pas pu faire pire si cela en avait été un. « - Hm, j’aimerais quelque chose de plus original qu’un diner, j’attends tes propositions d’ailleurs, tu devras m’envoyer un message et me proposer une soirée et je verrais si j’accepte ou pas… » Je le taquine toujours, un large sourire se dessine sur mon visage. Je me penche pour l’embrasser, un long baiser, doux, chaste, plein de promesses. Je me recale dans ses bras. Je baille. J’ai mes yeux qui pèsent de plus en plus lourds. « - Je te laisse réfléchir, je crois que Morphée m’a rattrapé » Je me love contre lui, une véritable sangsue. En moins de temps qu’il a fallu pour dire cette phrase, je commence à m’endormir pour sombrer un peu plus à chaque secondes.
