| casus belli (dick) - Mer 10 Oct - 23:39 |
| Le rendez-vous est pris depuis des mois. La date, entourée en rouge sur le calendrier de la librairie, s’est rapprochée à grand pas. Finn n’a rien pu faire pour éviter cette confrontation programmée avec Dick. L’inventaire devait être fait et seul, lui aurait pris plusieurs jours. Car la boutique principale, comme l’arrière-boutique secrète tenue par Dick, regorgent de milliers d’ouvrages. Et il a besoin de savoir où il en est pour boucler l’exercice de l’année. Le blabla administratif et comptable l’ennuie profondément mais est, après tout, inévitable pour tout patron. Quelle que soit la taille de l’entreprise, il faut s’y plier. Même lorsqu’il s’agit d’une petite librairie de quartier, tenue par un fou furieux et un insomniaque. Un insomniaque dont les pensées sont occupées nuit et jour par la nouvelle qu'il doit annoncer à Lyra...
A huit heures tapantes, Finn dévale l’escalier qui le mène de son appartement à la boutique. Exceptionnellement, il n’a pas passé la nuit chez Lyra. La nuit se résumant pour lui à quelques heures de sommeil arrachées à la va-vite, il préférait rester sur place plutôt que de rejoindre la jeune femme dont l’appartement se trouvait en centre-ville. Un trajet qu’il aurait eu à faire en sens inverse aux petites heures du matin, déjà naturellement fatigué et encore plus exténué à la simple pensée de la tâche colossale qui les attendaient. Machinalement, il lance une cafetière en route, la programmant pour leur assurer une dose suffisante de caféine tout au long de la journée. Assurément, ils en auront besoin. Lui, surtout, pour supporter l’indifférence froide de Dick. Depuis la mort d’Eo, plus rien n’a été pareil entre eux. Une année s’est écoulée et celui qu’il appelait autrefois son frère est désormais un mystère pour le libraire.
En attendant l’arrivée de son collègue, Finn fait couler un cappuccino pour lui, ainsi qu’un café serré pour Dick. Comme d’habitude, ses heures de sommeil se comptent sur deux doigts et son visage accuse le coup. Traits tirés, cernes sombres sous les yeux, Finn a tout du mort vivant. Et Dick, s’il est de bonne humeur, ne manquera pas de s’en amuser. En attendant, les minutes défilent et l’affreux n’est toujours pas là. Désireux de finir rapidement la lourde tâche qui les attend, Finn décide de se mettre immédiatement au travail. Il avale une gorgée de son café, en sachant pertinemment que la prochaine fois qu’il voudra y goûter à nouveau, celui-ci sera froid. Le libraire se dirige vers la réserve, où se trouvent empilés des cartons remplis de livres. Après quelques allers-retours, une tour de Pise improvisée aussi haute que lui s’appuie sur le comptoir. Piochant l’un après l’autre les livres que contiennent les cartons, l’irlandais s’esquinte les yeux sur l’écran de son ordinateur, cherchant et vérifiant les références.
Lorsque Dick pousse enfin la porte de la librairie, Finn a devant lui une haute pile de livres et l’un des cartons est déjà à moitié vide. Par-dessus l’écran, ses yeux se posent sur le visage peu amène du second employé de la librairie. « J’ai cru que tu ne viendrais pas. » Le ton est neutre, évoque le constat indifférent. Mais au fond, l’irlandais appréhende cette rencontre. Car, volontairement ou non, les deux hommes se sont évités depuis qu’il a eu cette phrase malheureuse à son réveil, un an auparavant. C’est moi qui ai tué Eo…
|
|