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Wet dreams - Lenny

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Wet dreams - Lenny - Jeu 24 Jan - 17:00

Nausées.

Les yeux s’ouvrent, précipitamment, sur le noir intense de la nuit qui, désormais, par la magie incroyable de la chimie et de l’extraction de molécules particulièrement bien choisies, arrive à tourner, chavirer, tanguer. Le monochrome de noir qu’est ma vision n’arrive pas à garder une stabilité, ce déséqulibre se propage dans tout mon corps, dans ma gorge endolorie, dans mon estomac usé. Ils se serrent, hurlent et veulent cracher leurs ires acides. Je me cramponne tant bien que mal à un bout du matelas afin de me rassurer et j’essaie, le temps que mes prunelles s’habituent à l’obscurité, de me concentrer sur ma respiration. Par la bouche, lentement, j’insuffle à mon organisme du dioxygène si salvateur et calme mon corps chaotique à l’aide de ce rythme apaisant.

Grognement.

Ce n’est pas le mien. Juste à côté de moi, en train de dormir, la tête sur l’oreiller. Je distingue sa silhouette, preuve que mes yeux discerne mieux les formes désormais qu’ils s’éveillent. Je me lève péniblement, en essayant d’être le plus discret et silencieux possible, tâche particulièrement ardue vue mon état d’ébriété encore actif. Mais je connais mon appartement, je connais les distances, les meubles. Mes pieds posés sur le carrelage froid me rappelle à la dure réalité et électrise ma carcasse engourdie. Comme un chat, je m’enfuis vers la salle de bain, sans allumer de lumière, en me précipitant dès l’entrée dans mon salon. Je ne fais rien tomber, j’en suis presque fier.

Vomissement.

Aussitôt arrivé, d’un geste abrupt je lève la cuvette des toilettes et évacue le trop-plein de mon estomac.   Plusieurs saccades plongent dans l’onde, comme différentes couches, strates successives de ma soirée : bière, vins californiens, Tequila, Gin, eau-de-vie redneck.  Après avoir chassé le précipité trouble, je me fixe dans le miroir. Blafard. Pâle, excessivement. Ma blancheur maladive contraste avec l’épaisseur de ma barbe naissante et de mes cheveux, noir de jais. Je passe de l’eau fraîche sur mon visage, plusieurs fois, je ne sais combien de fois. Puis, je me lave les dents, m’aidant de cette sensation mentholée dans ma bouche pour proscrire les souvenirs de la soirée, les alcools, les drogues, la chair qui s’endort et, maintenant, les relents gastriques. C’est l’ancre qui me maintient à la réalité.

Pluie.

Maintenant que mon corps se stabilise, je remarque en fond sonore l’éclaboussure perpétuelle des précipitations sur les vitres. Un sourire germe sur mon visage à cette écoute. J’hésite un instant à me recoucher dans mon lit, préférant la solitude sobre, mais j’imagine la réaction de Lenny le lendemain, me voyant sur le canapé, il en profiterait pour me charrier. Alors je décide de retourner discrètement dans mes quartiers. Mon hôte dort paisiblement sur le ventre, véritable étoile de mer moderne. Le rai de lumière me permet d’apprécier sa silhouette callipyge dont j’en profite une dernière fois, dans l’obscurité, une fois mon corps et mes mains sous la couette enfoncés.

Vertiges.

Malgré la vidange effectuée, mon sang demeure garni d’opiacés divers et d’alcool en un taux bien trop élevé. Alors, dès mon corps allongé, je sens le mal de mer revenir, les orbites chavirer et le monochrome de ténèbres valdinguer. Je me concentre de nouveau sur la respiration afin de calmer mon corps bien trop endommagé. J’en profite pour user de ma magie, absorber les émotions de mon voisin ; ainsi, j’apprends qu’il ne m’a trompé ce soir, qu’il ne m’a pas drogué à mon insu, qu’il a participé autant que moi. Aussi, il dort du plus profond sommeil, écrasant comme la Belle-Au-Bois-Dormant, n’attendant qu’un Prince pour le réveiller. Il attendra jusqu’à demain. Je me tourne, dos à lui qui prend toute la place, et m’efforce de suivre ma respiration autant que le chant de la pluie afin de chasser la nausée et tenter de m’endormir.

Lumière.

Mon téléphone s’anime, vibre et m’éblouit. Je m’en empare pour lire le message. Il me faut plusieurs minutes pour comprendre les mots écrits mais, une fois décrypté, un soulagement parcourt mon corps. Je suis en vacances. Les soucis s’envolent, les tensions dans mon corps s’estompent ; je m’étire, ravi. J’enfile un short et un T-Shirt rouge où deux cactus ornés de sombreros jouent des maracas et dansent littéralement, il porte l’odeur de la lessive qu’on utilisait dans la colocation où j’habitais, étudiant, et m’évoque de bons souvenirs. J’enfourne pêle-mêle des affaires dans un sac que je pose sur mon épaule avant de quitter mon appartement.

Trottoir.

Je croise, justement, mon ancien colocataire qui, dépité, part au travail. Lui expliquer que j’ai des vacances lui fait plaisir et un air enjoué se dessine sur son visage, avant qu’il ne disparaisse à l’horizon. De mon côté, j’enfourche un vélo et me dirige enfin vers mon repos bien mérité. J’avale des kilomètres, guilleret, sans voir le temps passer, m’amusant à pédaler tranquillement avec du jazz dans les oreilles. Entre chaque morceau, comme pour me rappeler mon dur labeur, j’entends mon bipeur sonner ou la voix strident de la secrétaire disant « Votre rendez-vous de 15h est là, Dr Nava.  » Elle rythme mon trajet, suivant le cycle solaire à la perfection.

Concert.

Une fois sorti de la ville, je traverse un désert à la chaleur assommante. De part et d’autre de la route, où je suis seul, des hommes et des femmes jouent de la musique, remplaçant mes écouteurs tombés à cause de la vitesse. Qu’ils jouent de la contrebasse, du saxophone ou de la guitare, ils sont tous en blouse d’hôpital, mais cela me semble normal : le concept s’avère plus original que ces musiciens habillés en costard. Au loin, un petit Dinner isolé semble m’attendre, je m’y dirige rapidement. En quelques coups de pédale, je m’y retrouve et me gare devant.

Vide.

Il n’y a qu’une serveuse, assez déprimée et ennuyée, qui claviote sur son téléphone, sans doute en train de battre son record de Candy Crush. Elle me propose aussitôt la spécialité : du jus d’orange bien frais. J’accepte volontiers et me désaltère. Maladroite, elle fait tomber un seau de glaçon non loin de moi, bien qu’elle s’excuse, j’explique que j’apprécie le geste, mourant littéralement de chaud.

Clochette.

La porte s’ouvre, des individus entrent dans le restaurant. Bien que je reconnaisse Lenny, je suis attristé de l’arrivée imminente de bruit. J’en profite pour sortir, préférant la quiétude à la compagnie. La jungle regorge de bruits étranges que je tente d’analyser. Mais je ne saurais différencier le chant d’un oiseau à la mélodie des serpents à sonnette, alors je me balade, insouciant, dans cette humidité doucereuse. Je remarque ça et là des éclats de couleurs, du rubis, le pelage d’un perroquet, de l’azur, serait-ce un oiseau ?, de l’ambré, le regard carnassier d’un félin.

Rivière.

Le chant de son écoulement m’attire. Plus je m’approche, plus le vacarme s’intensifie. Je remarque alors la cascade et l’immense fleuve, m’hypnotisant et m’invitant à nager dedans. Un peu en amont, je vois quelques personnes en train de se baigner, je reconnais quelques visages de la Calavera. Cruz sort de l’eau, s’approche de moi et tente de me convaincre d’y plonger malgré ma pudeur presque maladive. Mais merde, je suis en vacances ! Je me déshabille, jette mes habits, où les cactus dansent toujours, sur la berge avant de m’enfoncer dans l’onde.

Planche.

Allongé sur le dos, mes iris fixent la canopée et les cieux d’un bleu particulièrement foncé. Je dérive lentement, m’éloignant de la foule, du monde. J’apprécie cette sérénité qu’offre la nature, si fragile, si promptement détruite par l’homme. On crie mon nom. « Aurelio ! » Je sors de ma torpeur et me redresse, entouré de poissons, de truites et de saumons que je connais désormais intimement. Lenny scande mon prénom, alors qu’il est assis sur une souche.

Sang.

Son visage ne semble pas rassuré, ou bien me fait-il une blague ? Je sors le rejoindre, afin de répondre à son appel. Les pieds sur le sable, je remarque qu’ils sont écarlates, recouverts d’une épaisse couche carmine. Tout mon corps, de la tête aux orteils, est peint de sang. Je me retourne ; la rivière elle-même n’est plus qu’un flot gigantesque de sérum.

« T’as peur du sang, c’est ça ? »

Je m’approche de lui, dans ma nudité fallacieuse, dans ma robe écarlate, et dépose ma main trempée sur son visage.

« Tu sais, ça ne brûle pas. Tu vois. »

J’éclate de rire.

« Ce n’est pas de l’acide. Tu peux t’y plonger sans problème. »
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Wet dreams - Lenny - Lun 28 Jan - 12:50

Pas de souvenirs de l’avant. Trou béant devant et derrière. Le temps comme distendu par les conneries ingérées et proférées. Il a oublié, Lenny, qu’il avait existé. Des heures plus tôt. Ou des minutes. Tout a éclaté lorsque les dopes ont fini de l’achever. Et sur le pieu d’il ne sait qui il ne sait où et pas bien pourquoi, il a trouvé le sommeil. Ce putain de sommeil qu’on lui refuse chaque jour nouveau. Des cernes violacés sous les cils, des poches gonflées de manquer de paix, de manquer de sérénité. Le repos, il a beau le chercher jamais il ne le trouve. Palpitations. Le pouls cavale et lui se paume. Se paume davantage qu’il ne l’est, l’était. Y a quelque chose qui foire, Lenny, y a quelque chose qui foire tu l’sais bien sûr que tu l’sais mais tu refuses de remonter, tu ne sais même plus comment on fait. Tu vas te noyer Lenny putain tu vas te noyer.
Les couleurs et le sommeil d’un autre qui n’en est finalement pas un pour lui. Labyrinthe des perceptions fracassées. Des rires et des cris. Des visages qu’il discerne, assimile au clair-obscur des soirées, quand il daigne mettre de côté le business et jouir de sa liberté. Merde mais réveille-toi t’es pas libre t’es jamais libre et tu le hantes. Qui ça ? Il ne parvient pas encore à le deviner. Ça pue la chaleur des étés et ça pue les envies adolescentes. Ça se mélange sous des airs monstrueux et il suit, lui, les méandres et les tremblements du récit entrecoupé. Il se balade sur les différentes strates, sur les niveaux qui se croisent et mélangent. C’est pareil à un jeu de cartes qu’un gosse aurait décidé de battre. Ça valdingue en tous sens et sans doute s’y plaît-il, lui, en parfait équilibriste. Avec sa risette tordue et ses guibolles qui s’articulent mollement et ses godasses qui ripent sur le béton qui n’est finalement que du sable. Les baskets disparues, les pieds nus dans la tiédeur ouatée d’un impossible.
Une grande bouffée d’air est prise et il n’y a que des fragrances diffuses, presque absentes. Des lambeaux de mémoire entrechoqués. Trouve ta victime et barre-toi. Fais-lui ouvrir les paupières, quitter tout ça. Et sors de là. Sors de là avant que tout ne dérape avant que tu ne mattes des trucs que tu ne veux pas voir non tu ne veux pas les voir. Tu veux pas voir l'rouge et les fantasmes tu ne veux pas voir les secrets glauques qui animent les bides crevés, les têtes dingues.
Dans l’effusion de sensations, il peine à se concentrer. Le peut-il seulement ? C’est la grande question à cent points. Peut-il devenir maître des lieux, évincer le peintre, lui dire que tout ça schlingue, qu’il faut y foutre des formes fixes, des couleurs vives, des trucs qui brillent dans le noir autant que sous le soleil.
Expiration.
Il hésite, la hanche choquée contre un bout de table. Un semblant de restau tout autour et des odeurs de bouffe qui l’indiffèrent. Il hésite à bouger, à suivre les courants qui lui dictent de s’amener. Se radiner là où le dormeur concentre l’attention, l’énergie.
Et ça glisse, évidemment que ça glisse. Puisqu’il n’y comprend définitivement rien, que le système lui échappe. Décomposé, le baku chavire, se déchire. Fusion au délire, silhouette humanoïde. Lenny reste Lenny et pourtant Mike est de la partie. Dénaturation de l’être, flétrissure de l’esprit autant que de l’identité. Perché sur sa souche, il mire le nageur dans sa rivière écarlate. Et les informations s’accumulent entre les tempes. Des parcelles de souvenances remontent derrière l’ovale du front. La réalité s’invite et s’évince de l’abstraction.
Pogne repoussant les mèches brunes lui tombant devant le museau ; sourire-rasoir allant et venant. Il observe, torse nu, orteils dans le sable de la berge, l’objet de convoitise. La marionnette-marionnettiste. Puisque t’es qu’un objet du décor, pas vrai, t’es qu’une tache, une chimère coincée dans son tableau.
Le baku décortique l’être dont il prononce le nom sans ouvrir la bouche. Bouche scellée sur le rien de la songerie. Aurelio, qu’il appelle. Et pour quoi faire, au juste ? Le réveiller. Et toi avec. Et prétendre que tu dois rentrer que c’était cool à une prochaine et dors bien. Ouais dors bien. Éclat de rire dans le crâne et Aurelio désormais face à lui. Aurelio dans son plus simple appareil, couvert d’une substance rubescente qu’il préfère déconsidérer. C’est rien que d’la grenadine. Pas de sang par pitié pas de sang, pas cette nuit.
Il bat des cils, Lenny, tente de se raccrocher aux branches de l’histoire qu’on lui raconte.
T’as peur du sang, c’est ça ?
Main apposée à son visage dans une forme de caresse.
Tu sais, ça ne brûle pas. Tu vois.
Rire en cascade.
Ce n’est pas de l’acide. Tu peux t’y plonger sans problème.
Y a pas un son qui s’échappe d’entre ses ratiches serrées. Mâchoires crispées, l’émail prêt à péter. Lenny, il se redresse et sent les doigts d’Aurelio lui couler de la tronche au bide. Ça laisse une traînée ardente et il pressent la panique. Cette connasse de panique. Elle lui graille les intestins, immole le poitrail. Coince la parole. De sorte qu’il se recule, enjambe sa souche et se frotte la gueule.
Les paluches à son torse, il astique les traces avant que ça ne sèche, que ça ne reste. Il nettoie alors qu’il ne faudrait que penser à les gommer de l’épiderme et. Et. Et tout valdingue une nouvelle fois. De jour à nuit. Le ciel se sacrifie au bon vouloir des peurs enfantines. Crépuscule scarifiant la voûte. Des raies orange et aubergine au-dessus de la rivière désormais calme désormais morte. Noir goudronneux et Aurelio devant qui continue de sourire. Battements de paupières et Lenny qui s’écarte encore. D’un pas puis deux. Tandis que les pupilles ne se décrochent pas de la surface. De l’eau ou du sang ou du pétrole. Quelle importance il délire et becquète des parcelles de ce rêve qui ne lui appartient pas. Le beau avalé, il en émerge désormais le laid.
Il sent monter la torsion dans ses entrailles ; et à la surface de cette connerie de rivière tout se met à miroiter. La nature intime en scintillement désordonné. Aurelio et ses mensonges Aurelio et ses mondes. Nuées de mouches sur semblants de cadavres, Lenny entrouvre enfin les babines et s’étrangle.
Y a un problème.
Et pas qu’un, si tu veux mon avis. Y a un gros problème, un énorme problème. Un problème qui te dépasse. T’es pas dans la bonne tête, t’es pas dans le bon rêve et tout ça, ça va te tuer.
Parce que Aurelio demeure Aurelio mais ses yeux changent. Une splendeur reptilienne qui lui hérisse les cheveux sur la nuque.
Il y a un sursaut. Un sursaut du rêve autant qu’un sursaut du corps, là, étendu dans le pieu de l’appartement silencieux. Une contraction et le myocarde qui s’alarme.
Bouge pas putain ou j’te cogne.
C’est tout ce qu’il arrive à proférer, Lenny, en réussissant péniblement à abandonner sa torpeur. La violence en rempart. La violence pour repousser, pour s’évader du contact de l’autre. Ici ou ailleurs.
C’est quoi, cette merde.
La question éteinte avant même d’être prononcée. Pas de ton, dans la voix gravillonneuse. Juste les prunelles qui tanguent d’Aurelio au carnage derrière. Aurelio de nouveau et cette sensation qui lui noue les tripes. Aurelio qui n’est pas celui qu’il devrait être :un bon coup, un bon porte-monnaie, un bon tout ce qu’ils veulent, ceux dehors. Ceux qui ne sont pas enfermés dans ce rêve qui vire au cauchemar.
Le baku tressaute. Image déchiquetée.
Il supposait côtoyer les hauteurs d’un arbre mais c’est au-dessus de la rivière et ses membres et ses visages aux yeux morts qu’il s’installe, Lenny. Mouvement de balancier dans l’atmosphère. Ses mirettes, et sa bobine, penchée au-dessus du charnier chef-d’œuvre. Il en retient son souffle absent, et il n’y croit pas vraiment et il touche, Lenny ou Mike, Mike plus que Lenny recroquevillé à l’intime, effacé – presque – de l’équation ; là, suspendu au néant, accroupi. La gestuelle féine. Le pourtour d’une pommette opalescente de moitié noyée sous l’ongle de son index. Les ombres découpées aux couteaux sous les rayons d’une lune mordue.
Y a de la fascination dans l’horreur. La créature japonaise, avide de secrets plus que de terreur, lève finalement le nez et reluque Aurelio resté sur la rive et susurre, sans mouvoir langue ni lèvres :
Tu lui as fait peur. Aurelio. Aurelio le menteur.
Phonation en mélodie universelle.
Il s'est caché. Caché à l'intérieur.


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Wet dreams - Lenny - Mar 5 Fév - 1:12

  «  Il s’est caché. Caché à l’intérieur»

Qui s’est caché ? A l’intérieur de quoi ? Ai-je une huître en face de moi ?
La tristesse m’envahit, véritable tourbillon de questionnements et d’anxiété. Ses mots, si froids, si pesants, lestent mon âme vers les profondeurs infernales et ténébreuses. Mon corps autant que mon âme semblent attaché au sol sombre comme l’on fixe une tente ; stigmates douloureuses, son phrasé imite les clous unissant le Christ à la Croix en me plantant au sol, immobile, face à la tempête qui déchire mon visage, qui cherche à faire rompre mon squelette et mon esprit. Le vent souffle toute l’affliction de la Terre, figé je ne ploie, inspirant ces macabres olfactions, tétanisé je ne m’endors, bercé par le requiem du zéphyr gémissant, effrayé je souris, montrant l’émail de mes dents aux éclairs mordants la terre.

Tonnerre.

Le sifflement strident de la bise glaciale gèle ma peau, formant de cruelles engelures sur mes bras et mon visage, anesthésiant mon épiderme et rendant mon corps absous de toute sensation physique ; les vibrations remontent dans ma carcasse, rythmées par les éclats électriques, seule lumière dans cette géhenne éteinte, y font gronder mes organes et mes os, imposant l’absurdité de la chair. Les rafales s’intensifient, les cadavres grondent. L’air se charge de leurs derniers souvenirs, de l’image létale qui les a amené dans la tombe. Peu à peu, ils se soulèvent, s’envolent et tournent autour de nous. La putréfaction sature nos narines mais ce n’est pas ce qui me donne la nausée.

Souvenirs.

Je me mets à trembler, à pleurer. Des hématomes commencent à couvrir mon corps tandis qu’il reçoit de violents coups, des fracas de membres déchirés ignorant ma silhouette stoïque dans la tempête, des roches basaltiques qui cherchent à m’assommer, à me faire saigner, à détruire mon crâne, se muant en pétales de charbon après le méfait et s’envolant dans le ciel s’assombrissant, mais je les ignore, je ne les ressens pas comparés à ce que mon âme subit. Les vertiges de cet enfant, torturé et violé par son père ; l’estomac grondant, les yeux mourant du gamin né au mauvais endroit, il rejoint son frère, arme à la main, prêt à mourir pour un dictateur éphémère et c’est sa seule joie, d’être au combat avec son frangin, voler la nourriture qu’il ne verra jamais  pour son bien aimé chef ; cette femme brûlée à l’acide ; cette prostituée dont l’enfant sans père lui est enlevée alors qu’elle fait une overdose de cocaïne ; ce fils qui meurt de froid ; cette famille noyée dans la Méditerranée ; ce paysan qui succombe au dur labeur pour espérer la subsistance de sa famille ; ces morts, ces vies sans joies, ces larmes parcourent le patchwork de mon être.

« Si je ne mens pas, je suis seul dans ces ténèbres. »

Le vent tombe, les cadavres l’imitent.  Avec une voracité infinie, les mouches et les corbeaux se ruent dessus, nullement effrayés par les bombardements lointain. Je fixe Lenny, toujours sur sa branche, sur cet arbre tortueux aux feuilles de jais, s’effritant lentement. Mon sourire s’offre à lui, à cette moule à la carapace si fragile, car lui-même ne sait qu’il brandit un bouclier. Les commissures de mes lippes lui transmettent ce message en silence : « Toi aussi, tu mens. Car toi, aussi, tu ne veux voir. » Fuir la vérité, détourner le regard, c’est ce que nous faisons. En y pensant, en voulant oublier ce fourvoiement si humain, une caresse froide parcourt ma cheville.

Pression.

Je l’ignore, qui remonte sur mon mollet, enlace ma cuisse, s’enroule autour de mes viscères. La froide chaleur qui fait fondre la banquise effleure ma peau, remonte à mes épaules en laissant tomber, une à une, pour se délester, à l’instar des alpinistes abandonnant les bouteilles de dioxygène sur le Mont Everest, autant d’espèces qui se sont éteintes pour permettre à l’humanité de respirer ce précieux gaz que l’on massacre, dans des linceuls de ses mues, toujours plus grandes, toujours plus blanches. Le serpent d’albâtre se pose sur mes épaules et impose son poids millénaire, mes omoplates miment de craquer, mes hanches de se briser, mais par un miracle inopiné, sa constriction semble maintenir intacte ma constitution. Sans se concerter, lui et moi, nous scrutons Lenny qui nous toise toujours.

« Mieux vaut cacher la vérité. »

Les mots sortent de ses crocs, avec ma voix, ma tonalité, mon accent, qui glissent sur sa langue serpentine. Nul sifflement, nulle joie. Juste une lame qui tranche l’air. Nous lui sourions, condescendants. Alors, là, il bondit, rejoint la branche autour de laquelle il s’enroule. Sa queue demeure autour de mon cou, ultime étreinte de marbre. Et peu à peu, lentement, le mou s’amenuise ; subrepticement, le reptile opalin serre le nœud sur son support arboricole tout en s’avançant, doucement, pour l’amadouer, vers Lenny.
Alors, mon corps quitte la poussière du sol, s’élève sur une légère hauteur, maintenu uniquement par le membre caudale du serpent. L’air ne rentre plus, je savoure cette asphyxie synonyme de paix, de silence émotionnel, implorant alors une sérénité faisant fi de la putréfaction ambiante, de l’affliction de l’humanité et du cri de la Terre gangrenée.
Alors, nous puisons dans les dernières onces d’air se trouvant dans mes poumons tandis que mon visage tend à pâlir.

« Tu lui as fait peur, Lenny. Lenny le menteur. »

Des larmes coulent sur ces joues diaphanes, roulent sur ces lèvres qui sourient toujours malgré cette peau qui semble subir des brûlures à l’acide, malgré ce cul qui encaisse mille-et-un viols, malgré ces couilles coupées pour avoir été pédé avant de connaître l’excision commune à tant de femmes, malgré cette chaire qui devient famélique, débile, malgré ces perforations naissant sur cette peau opaline, geyser de sang noir, prospection de pétrole, qu’importe que demain meurt tant qu’aujourd’hui survit.

« Il s’est caché. Caché à l’intérieur. »

Mon corps tombe, inerte et désarticulé, les corbeaux et les mouches se ruent dessus. Je le lâche, m’harnache à cette branche qui grince sous notre poids. Les secondes s’égrainent avant que le slider et le serpent ne chutent, scène surréaliste et figée dans le temps, observée par la lune gibbeuse et les sourires profanés.

« Le premier qui trouve l’autre a gagné, claqua ma langue à peine sortie. Compte jusqu’à dix avant de me chercher. »

Et la branche se casse, cascade de brindilles et d’écorces. Aussitôt, je dévore le cadavre humain, l’englouti d’un seul coup de mâchoire et  plonge dans le marécage obsidienne. « Un Mississippi.» L’écho d’une voix résonne dans chacun des ciels ; l’estomac gronde, épuisé de tant de nourriture, d’un tel poids, d’un tel litre. Dans l’eau glaciale, mes écailles frétillent, frissonnent et un fourmillement les parcourt.« Deux Mississippi. » Chacun de mes squames s’étirent et s’étend, se soulève, voulant muer une ultime fois. Je sens pousser au bout de chacune de mes écaille un calame dur et noir. L’eau reflète alors l’arc-en-ciel de ma silhouette où mes plumes arborent fièrement des couleurs plus criardes les unes que les autres. Les quetzals s’envolent et balaient les corbeaux.« Trois Mississippi.» Je bondis de flaque en flaque, cherchant désespérément une cachette adéquate pour que Lenny ne me trouve, pour fuir. Mes plumes détrempent l’eau croupie et déteignent, chacune des marres se dote d’une couleur unique. Rouge, orange, vert, bleu ! Il peut me suivre à la trace, je sème des pigments. «Quatre Mississippi. » Contagion abominable pour se monde achromatique, les crapauds bondissent de cours d’eau en cours d’eau, les libellules voltigent d’onde placide en étang statique, la vie contamine les sources qui irradient de mille teintes. Les champs de peinture unique se séparent par des joncs dressés fièrement. « Cinq Mississippi. » Comme le règne de la noirceur, la gravité semble s’inverser pour certains sujets. L’eau désormais coloré se condense en d’immense sphère qui désire pleuvoir sur le ciel.  Elles tombent. Ruissellent. Éclaboussent. Des cieux à la glauque brume, des taches criardes peignent l’univers, gommant Buffet et son amertume pour des mélanges puérils. «Six Mississippi. » Les aplats de pigments forment le cosmos autant que l’air, plus rien est invisible, tout se colore, se palpe, s’égaie. Les cadavres accompagnent alors la fleuraison de couleurs, lévitant vers les étoiles. Silhouettes noires, elles demeurent de fusain et de charbon. Mais elles se fixent dans la toile céleste, se coupent, se tranchent ; chaque strate anatomique apparaît, chaque coupe de la peau ou d’organe se montre, parfois exagéré, parfois déformé. Salamandra a signé la fin des macchabées sans joie.« Sept Mississippi. » Même si ce camouflage archi saturé s’avère parfait, il me faut me planquer. Dans un tronc, dans une souche, dans une cavité. J’ignore où je vais, j’avance à l’aveugle, à l’instinct, apeuré autant qu’excité, autant chasseur que chassé.  L’herbe coupée me déplaît, je suis visible ici-bas. « Huit Mississippi. »  Mais le marbre immaculé  me rassure, et les fleurs en bouquet posés sur la pierre froide, je pourrais les imiter. Des couronnes irisées et émeraudes sur fond blanc, en m’enroulant je serais identique, parfait mimétisme entre la proie carnassière et la plante décorative. Or, les pétales se fanent et ce n’est la rosée sur les épines des chrysanthèmes mais des larmes. Echec.  « Neuf Mississippi. » Un immense mur de marbre noir, aux innombrables noms, avec autant d’encoches et de vases. Eduardo Nava. Je grimpe jusqu’à lui et m’enfonce dans son casier.

«Dix Mississippi.»

Séisme. Tremblements. Quelqu’un a trouvé la jarre et l’agite. Ma tête pousse le couvercle et j’apeçois Lenny en costume noir sous un ciel de plomb. Je scrute un peu plus loin ; des hommes et des femmes en procession, tous en noir, le visage fermé, les larmes coulants par principe ou sincèrement. Je fixe Lenny qui porte l’urne où je me trouve, où je trône, au dessus des cendres de ses parents. Je l’ai trouvé, je t’ai trouvé, mais ce n’est peut-être pas le moment de te le dire. Si ?

« Tu es un piètre menteur, pseudo-Lenny, murmurai-je couvercle sur la tête. Mais il te croit, c’est tragique, pauvre Lenny, il ne te mérite pas. »
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Wet dreams - Lenny - Mar 12 Fév - 18:51

Vortex putride. Ça empeste le macchabée et les délires qui plantent la raison et Lenny n’est plus et Mike sourit, s’éclate dans ce bordel des sens. Membres déchiquetés et couleuvres dans la trachée. Ça coince les bronches mais on s’en branle.

Asphyxique, la carcasse du dealer tressaille dans le pieu. Veinures violacées sur l’épiderme blafard. Il s’étrangle et tremble. Poignets comme cassés et phalanges tordues, ongles plantés dans le matelas. La nuque menace craquer et la sueur humecte la chair.

Retour aux méandres des songes. Ça chavire, ça balance. Et la bestiole mate l’opposée ; la charogne d’homme ou la serpentine raclure. Glabre. De la glace recouvre ou de la barbaque ; poulet cramé ça éclate. Dégueulasse ouais dégueulasse mais te laisse pas impressionner, te laisse pas approcher. Un coup de crochet ou un coup de queue et t’es mort.
Il s’est fait bouffer, Aurelio le pendu. Tout entier, pas une éructation en appel.  
Les branches en brindilles, des arc-en-ciel sans couleur, trop de poids dans les hauteurs ; de la poudre au pif et dans les yeux. Lenny trébuche ou lévite quelle importance. Survivre. Ça lui enroule les boyaux, des nœuds et des crampes dans l’intérieur du bide. Roulement de tambours roulement d’orbes. Les iris valdinguent en arrière. Coupure au cortex, la lumière s’éteint. Tout se tait. Plus de bruit plus de musique plus de soupirs en cris. Il s’en repaît et il se calme, le mince baltringue. Muscles bandés et haut-le-cœur ; la gerbe aux bords des lèvres.
L’ensemble repart et le baku regarde autant que Lenny qui s’angoisse, qui panique, qui terrifié par le théâtre des ordures et des bannières se perd. Se paume au désordre qui le dépasse. Des milliers de textures et de teintes qui s’enchevêtrent à virer taré. Canevas à la folie des grandeurs ; tout se peinturlure et dégouline. Putain putain mais réveille-toi.
Impossible.

Lenny dans le lit cherche l’oxygène qui ne vient pas. Commissures barbouillées de mousse blanche. La gueule livide devenue pourpre et les soubresauts qui ne s’interrompent pas.
Respire raclure respire ouvre la bouche et relâche la pression.
Impossible ça répète impossible. Des trous dans la tête. Brisures et morcellements.

Il éclate comme un missile.

C’est une traque. Une traque en jeu. Un jeu qu’il présuppose mortel. La créature dégringole sur la gerbe polychrome. Plus de godasses. Pieds nus, les orteils s’y enfoncent. Viscosité et flaques de pluie. Tonnerre à perdre haleine au-dessus du front.
C’est pas comme d’habitude ouais pas comme d’habitude. Y a rien qui va à l’endroit ou à l’envers. C’est pas normal pas normal réveille-toi tu contrôles rien. T’es qu’un pantin. Son pantin.
Un pas et il se fatigue et tombe. Genoux dans la merde à la pâleur de cadavre. Pas de reflet dans l’onde qui scintille. Les prunelles cherchent le corps démesuré du reptile qui bondit et dans la tête, ça compte et décompte. De trois à quatre il craint disparaître. Membre qui s’efface. Il lève le bras qui n’est plus qu’à moitié là. Pas de souffrance, rien que l’incompréhension. Il se gomme au rêve, on le tire au-dehors. Le tangible qui rappelle, l’organisme qui réclame la tension de l’intellect évaporé.
Et ça lui glisse sous le nase, si vite qu’il valdingue. La surprise et l’inquiétude, toujours. Sur le derche, le baku mire les environs et cherche et cherche putain qu’est-ce que tu fous. Déjà à sept et pas la moindre idée d’où planter les pupilles. Pupilles rondes si rondes, des coupoles.
L’éclipse le gobe.
Du noir émerge le blanc et du blanc s’entasse le noir. Tous un tas de nigauds bigots éplorés au-dessus des ancêtres et il ne sait pas ce qu’il fout ici, lui. Urne dans les pognes, il secoue et secoue comme un môme abruti et ce n’est pas vraiment lui. De sous le couvercle le reptile miniature et les invectives qu’il imagine. Et les vérités qui sont comme autant de lamelles à trier.
Cendres et fragrance alléchante de barbecue. La faim lui remue la panse et le visage penche.
Tu es un piètre menteur, pseudo-Lenny.
Mais il te croit, c’est tragique, pauvre Lenny, il ne te mérite pas.

Le serpent susurre et lui sursaute. Lâche tout.
L’urne tombe avec l’asticot au-dedans et Lenny scrute les morceaux de l’être et les morceaux du vase. Pas de sang beaucoup de gravier et des débris de miroir miroir miroir les uns dans les autres. De la poudre blanche en souvenance et des champignons et le désert du cimetière s’efface autant que son second bras autant que la moitié de sa tronche.
Il gueule de haine d'abord et puis d’horreur et tout s’effondre.
Détraqué. Un magma déluré sous les mirettes, il hoquette et sitôt regrette. Il demande pardon sans que la bouche ne parvienne à s’ouvrir et les larmes sont absentes. Sec tellement sec, le baku. Aussi sec qu’une saloperie de gargouille.

Secousse, le sol craquelle et engloutit les monstres et les cauchemars sans qu’une phrase ne puisse peser sur sa langue.
La terre avale les rêveurs et c’est un rien qui enveloppe, désormais. Un rien d’apesanteur et la lueur d’un astre en perce les entrailles. La flotte partout, tout autour. La flotte qui encercle enferme emprisonne. Poumons envahis sans que la souffrance n’afflue. Pas de brûlure pas d’apnée seulement l’absence de besoins et Lenny qui fixe le reflet fêlé d’Aurelio à moitié métamorphosé. La colonne de barbaque froide et multicolore par endroit seulement. L’humain et l’animal dans un patchwork immonde qui cependant hypnotise le baku. Lenny torsade, s’avance. Pareil à un putain de poiscaille bienheureux dans son bocal d’eau glacée ; il effleure du bout des doigts la face déstructurée de l’homme ou de l’entité – hideuse.
Une presque caresse. De celle qu'on prodiguerait à un clebs malade.
La parole lui a été subtilisée et ne demeure que le regard qui creuse et fouille les arêtes et les replis de la carne exposée au profondeur d’un océan sans nom. Ils sont à poil comme bercés dans le gouffre et giron béant d'une mère. Et il cherche, Lenny, ouais il cherche au corps de l’autre les stigmates d’une vérité qui lui serait tout droit adressée. Seulement à trop dévisager, il oublie d’exister et coule au néant. Bas du corps disparu, totalement.
Un coup rapide, les jambes en ciseaux et il remonte et il se redessine. Chimère luttant contre les affres de sa victime d’une nuit qui, inconsciemment, repousse et anéanti l’intrus détecté en travers sa psyché.
Laisse-moi putain mais laisse-moi. Encore. Encore et laisse-moi toucher. J'ai pas menti j'ai pas menti putain j'ai pas menti ou rien qu'un peu.
Lenny reprend de la vigueur, se repositionner devant la chose qui ne cesse de se muer en une autre, qui cherche à se réunir ou diviser. Ça lui rappelle sa condition et ça le fait aussitôt paniquer. Refus puéril d'acceptation. D'abdication. Nouvelle nature abominée.
La panique pourfend la quiétude du moment, toujours toujours toujours putain tu peux pas t’en empêcher tu peux pas aimer tu peux pas caresser tu peux pas juste chialer.
L’eau remue. Des courants qui rappellent à l’attention que jamais ô grand jamais rien n’est serein et sécurisé, dès lors qu’il arpente les parages, Lenny, et s’y accroche tel un noyé.
Lenny ou Mike change au gré des connexions de son cerveau défoncé ; bouillie neuronale. Y devrait plus rien avoir, là-dedans. Plus rien du tout. Rappelle-toi, rappelle-toi la flaque sur le macadam et le cri des sirènes.
Pas d'écailles ni de bimbo tueuse, à l'instant. Uniquement la mélopée stridente des ambulances.
Lenny bouscule, cogne et repousse Aurelio et. Et qui ?
Il ne demande pas.
Il accroche, s’accroche. Les phalanges enroulées à la gorge du serpent, les jambes repliées, les pieds pressés contre l’estomac de la silhouette humanoïde ; il se recroqueville tel un enfant et regarde, incrédule, les couleurs acides revenues tacher sa peau. Déteindre de la sienne à l’autre. Former une masse trouble autour d’eux. Furieux, il serre, Lenny. Il serre les jointures à les blanchir tout autour de cette gorge difforme. Pulsion de mort, instinct de violence. Pas moyen de lui fermer la gueule, pas moyen de l’empêcher de mordre. Le museau proche du serpent, il feint claquer des dents et les ultimes bulles s’échappent, remontent vers une surface inexistante.
Il insiste et exige, brutal, les réponses qui n’existent pas. Les réponses qu’il ne veut pas écouter ni voir. Qu’il repousse. Qu’il escompte faire disparaître dans cette mixture opaque qu’ils propagent. Contradictoire, insupportable.

Torsion du buste, le mâle chancelle. Mandibule butant contre le parquet, d’abord. Il s’y éclate absolument la seconde d’après. Prunelles soulevées sur le vide et bouche grande ouverte. Lenny suffoque. Désorienté et trempé. Puanteur rance dans les narines. La sueur le trempe autant que les draps. Il se redresse. Tente de se rappeler l’avant, tente de se rappeler le pourquoi et le où. Le où qui échappe autant que l’avant. Une œillade au-dessus du matelas reforme un fragment de soirée. Nava et les envies délurées.
Hantise plantée au thorax, il exhale un râle et ses guiboles le projettent contre le mur derrière. Omoplates plaquées au plâtre, cul au plancher. Il observe le dormeur, la paume essuyant les gouttes de sueur sur le front, ramassant les tiffes en arrière. Respiration en saccades, sifflante dans l’œsophage.
Il ne sait pas, ne sait plus, ce qu’il doit croire ou non. La lâcheté en survie provoque en lui un sursaut de lucidité.
Les calots tressautent de droite à gauche, la raison force à trouver les fringues. Fringues éparpillées, manquantes. À quatre pattes, malhabile et fiévreux, Lenny traverse un bout de chambre, prêt à déguerpir et tant pis pour le calbut. Rotules claquant au sol à se faire mal. Nausée et gorge sèche. La cuite, les excès de psychotropes, les lumières de la nuit derrière les vitres ; tout paraît lui perforer la tempe. Les mains cherchent la chambranle de la porte et dans un effort surhumain il s’y hisse, fébrile, les jambes rendues douloureuses, les épaules rendues douloureuses ; des courbatures qui le scindent de part en part comme après un combat de boxe.


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Wet dreams - Lenny - Mar 19 Fév - 17:20

Suffocation.

Les mains jointes enserrent mon cou, collier novateur de derme froid et boursouflé. Les phalanges deviennent os, durs et longs, écrasent mes veines, mes capillaires, ma gorge. Les pouces, je les sens, ses pouces, s’enfoncent sous ma pomme d’Adam, ôtant tout air pénétrant mon corps. Et d’en sortir. J’essaie de planter mon regard dans celui de mon agresseur du moment, de Lenny, mais l’eau trouble nos orbites, floute le paysage qui sépare nos pairs d’iris. Les miennes, d’ailleurs, chavirent en tout sens, valdinguent et dansent à l’instar d’algues brassés par de forts courants marins.

Ténèbres.

L’invasion obscure suit alors les remous aquatiques, bercée par la houle, avançant progressivement, vague par vague, dans mes pupilles ambrées. La nuit s’y fait pernicieusement dans cette onde sans lumière. Le visage maquillé d’ire de Lenny disparaît sans que je ne m’en rende compte, ne laissant place qu’à un aquarium sans éclat, sans vie. La seule ancre me gardant à une proximité relative est ce collier de main serrant ma nuque qui, soudain, disparaît. Et il n’y a plus rien. Que le vide.

Absolu.

Le néant froid. Deux bulles apathiques coulent hors de ma bouche et s’échappent vers la surface, tandis que mon corps, si lourd, suit le chemin inverse. Je n’ose respirer, cependant ma langue fourchue semble appelée par l’eau salée. Peu à peu, l’iode envahie ma bouche, s’immisce entre mes crocs. Un liquide glacial coule dans ma gorge, dans mon estomac et mes poumons, alourdissant mon corps écailleux et gonflé, déjà, d’une eau morbide. La légère lumière qu’émet la surface s’efface finalement, me faisant perdre définitivement toute notion de hauteur, de sens, d’orientation. Mes yeux se closent alors que je m’éteins, mettant fin à ma vie sans joie.

Choc.

L’apesanteur aquatique se termine alors que je rencontre enfin le sol. Mes os vibrent, mes os tremblent mais un vacarme se répand. Un bruit sourd. Un son que je ne connais que trop. Un corps qui tombe, un os qui devient caisse de résonance. Le monde entier l’a entendu ; ce n’est ni un vacarme, ni une déflagration, le monde entier l’a subi, le monde entier a subi un heurt, est un heurt. Est-ce moi, atterrissant ? Je ne le pense. Mais lors du contact brutal avec la pierre, mon corps se déchire, littéralement, vulgaire tissu étiré de part et d’autre. La fibre ploie, rompt et crisse, d’une entité j’en deviens deux, distinctes mais lié. L’humain et le serpent.

Quetzalcóatl.

Il file entre mes pieds, écailles emplumées, rejoint la surface promptement et inspire une bouffée d’air salvatrice. Quant à mon corps, il avance lentement vers la crique non loin, porté par le courant, guidé par les yeux reptiliens.  J’échoue sur une plage de sable blanc, lunaire, vide de vie, d’émotion, de saveur. Il n’y a que de l’eau, du sable et quelques rochers, le tout baignant dans une lumière morne et fade.  Aseptisée de folklore, la crique silencieuse et glabre semble dépourvue de vie. J’entends pourtant au loin un sifflement roque, un gémissement qui, à lui seul, trouble la quiétude maladive du roulement perpétuel des vagues.

Cadavre.

Presque. Son ventre se gonfle en un va-et-vient à la lenteur exacerbée, me rappelant les dépouilles agitées par les vers et les asticots. Mais il respire. Et ses cheveux noirs et sa peau encrée jurent sur ce plateau marmoréen. Mais il vit. Presque à contre-coeur, presque malgré lui. Quand je m’approche de ses orbites, je l’effraie, ou le serpent je ne sais. Ses pupilles se dilatent, ses orbites sortent de leurs cavités. Il veut fuir ce cauchemar que j’incarne. Sa force ne lui permet pourtant pas.

Volte-face.

Son visage change, se métamorphose, dans des petits détails, des soubresauts à peine perceptibles. Un petit rictus éphémère, une lueur vindicative cachée rapidement par un battement de paupières. Je comprends que ce n’est plus Lenny en face de moi, je comprends alors comment gagner à ce cache-cache qui a failli me coûter la vie. Le serpent s’enroule autour des mains de l’homme en face de moi, constriction forcée, il le paralyse et bloque ses mouvements, tandis que je sors de ma poche un scalpel.

« Ca risque de faire mal. N’hésite pas à mordre ma queue pour atténuer la douleur. »

Aussitôt, le serpent place ses écailles en travers des dents de mon patient, non pas pour l’empêcher de parler, nulle nécessité à le bâillonner, mais pour l’aider, simplement. Je m’abaisse à son niveau, m’approchant de son bas ventre, entre son pubis et son nombril. Je tranche sa peau, son derme, ses muscles. Je coupe ses protections physiques, son bouclier de chair, afin de tomber nez-à-nez face à ce que je cherche. J’enfonce ma main dans ses entrailles ; ses dents s’enfoncent dans mon corps. Là, du bout des doigts, dans une mélasse de liquide poisseux, je sens un objet non-identifié que j’extirpe. Une boite, entre ses tripes, avec une croix métallique. Un sarcophage low coast.

Placenta.

Il en est plein, débordant. J’enfonce de plus belles mes paluches dans ce cercueil intra-utérin tandis que ses canines perforent le squame du serpent. Là, tout au fond de ce lac amniotique , je m’empare d’un poignet que je tire de toutes mes forces. Je le sais, il s’agit de Lenny que je sauve de l’enfouissement, l’emmurement vivant entre ces planches de bois, cette digestion par ce monstre, ce doppelgänger. Spéléologue livide sortant d’une grande subaquatique, il s’extirpe hors de ses entrailles, épuisé. Le reliant à sa caverne digne de celle de Platon, un cordon proche du chapelet ou du rappel l’enroule. D’un coup sec, je le découpe.

Électrisation.

Mes yeux s’ouvrent sur une chambre éteinte. La moiteur sur mes mains n’est aucunement du sang, juste de la transpiration d’une nuit, d’un sommeil, trop agitée. Sans avoir besoin de vision, je sens que je suis seul sur mon lit, Lenny s’est donc enfui, parti tel un amant honteux. Qui plus est, l’air empeste l’effroi, la frayeur, et les courbatures de mon corps éreinté indiquent que mon pouvoir ne s’est pas complètement coupé durant mon sommeil. Le dealer, sous couvert de couardise, m’a abandonné à mon triste réveil. Pourtant, le clair-obscur nocturne infirme cette hypothèse : en face de moi, devant la porte, un corps demeure, allongé et placide. En sursaut je me lève, allume la lumière et inspecte Lenny. L’instinct du médecin s’éveille plus aisément que le corps, les doigts se glissent sur les artères, le front, et ouvrent les yeux enfiévrés.

Convulsion.

L’écume sur la commissure de ses lippes et le frénétisme oculaire diagnostiquent une convulsion qui vient de se terminer, il y a quelques secondes, juste après (ou pendant) le paroxysme de son angoisse et sa peur que j’ai lue dans les fragrances récente. Aussi, je remarque une perle écarlate sur son front, un choc à la tête qui l’a assommé. Le caleçon à ses pieds semble l’arme de la glissade.  Malgré mes tempes battantes et la nausée latente, mes bras s’insinuent sous le corps de mon hôte afin de le soulever. Bancal, je le porte jusqu’à la salle de bain où je le pose dans la baignoire, faisant couler de l’eau chaude sur son visage fiévreux. Son voyage opiacé ne s’est pas bien déroulé. D’un coup de gant, je nettoie son visage barbouillé et ôte la sueur emplie de toxine de son corps, ablutions mécaniques.

Déjà-vu.

Mes mains qui passent sur son derme. Mais, surtout, cette constellation sur sa peau. Le détail de ses grains de beauté, la précision de ses tatouages. Nu, je ne le vois jamais, toujours dans la pénombre ou l’obscurité totale, et les yeux abattus par l’ivresse délétère. Pourtant, je ne le découvre pas, la précision de mon rêve ne me trompe, à moins que ce ne soit mon cerveau qui, afin de combler les trous de la mémoire onirique, me fait imaginer connaître ses détails.

Soupir.

Après l’avoir séché, je l’alite sur le sofa. Je peux l’habiller durant son sommeil de plomb et probablement maladif. Je le couvre d’un drap, sa fièvre semble déjà avoir baissé. De mon côté aussi j’enfile un jogging et un vieux sweat, il est plein de tâches de peinture. Je tourne au ralenti.

Café.

Seul ce mot fait écho dans mon crâne embrumé. J’active la machine et enfonce ma tête dans mes mains, écoutant le breuvage se faire. « Aurelio le menteur. » Assourdissante mélopée qui gangrène mon esprit, matraquage verbale. J’avale deux gorgées de liquide noir et quelques cachets de paracétamol, espérant qu’ils chassent les souvenirs de ses songes absurdes et glauques. Je passe ma main sur ma gorge, mon cou, endolorie. Ce n’est pas le moment de m’appesantir sur mon triste sort, Lenny a convulsé, a fait une mauvaise réaction aux cocktails de la nuit, je ne dois succomber à mes tourments.

Cache-cache.

Pourtant, le doute s’insinue. Les détails de son corps, son omniprésence. Ce n’est pas le hasard. Pour un humain lambda, cela pourrait l’être, mais je ne crois aux coïncidence. Et de quoi a-t-il eu peur ? Qu’a-t-il vu ? Je me remémore ses mains autour de mon cou ou mon scalpel faisant une césarienne à un homme portant un tombeau dans son bas-ventre. Si ses rêves s’ourlaient du même acabit, je peux comprendre sa frayeur. Un instant je me dis que, peut-être, à cause de ma magie laissée active, nous avons fait tout deux le même rêve, la même histoire.

Difficile déglutition.

Dans un grand verre, je mélange de l’eau et quelques gouttes de médicament, alchimiste moderne, et dépose le récipient sur la table basse, en face de mon improbable patient. Je me resserre une tasse , me pose devant la fenêtre et admire la pluie couler sur les vitres. Mon reflet est blafard, livide, j’ai certes dormi mais je ne me suis reposé. Les cernes verdissent mon visage. Un coup d’œil à Lenny qui dort du sommeil du juste, je l’envie presque. « Il s’est caché. Caché à l’intérieur. » Était-ce son inconscient qui me parlait ? Car, justement, je l’ai trouvé à l’intérieur. Cette image me hante, infâme. J’ai ouvert sa boîte de Pandore. Il n’est pas humain, mais ne le sait pas, cette hypothèse peu probable gagne du terrain sur celle du junkie malade ; mais les deux, ô terrible équation, s’avèrent compatibles.

Mouvement.

Lentement, Lenny sort de sa torpeur. Je me mets à sa hauteur, déposant ma main sur son front ; la fièvre a presque cessé, comme si elle allait de pair avec son sommeil. Il ouvre les yeux, je lui souris et attends, attends qu’il réalise. La nuit, la chute. Quelques secondes se sont écoulées, ou des minutes, et mes mains lui portent le gobelet préparé.

« Eau sucrée, pour ton foie, anti-vomitif et anti-douleurs, vitamines. Tu vas en avoir besoin.  »

Je force ses doigts à agripper le verre, tenant ses paluches dans les miennes, avant de me lever, prenant avec moi ma tasse de café. Je reviens quelques instants plus tard dans son champ de vision, deux mugs fumant que je pose sur la table. Je m’assieds à ses côtés, plantant son regard dans ses orbites nuageux. De nouveau, mes doigts effleurent son front, m’assurant de la diminution complète de sa fièvre, avant d’inspecter son entaille faite sur mon chambranle. J’en profite pour les faire glisser le long de sa joie et l’arrête de son menton.

« Sacré voyage, n’est-ce pas ? »

Je ne dois en aucun cas l’effrayer. Si magie il possède dans son sang, je suppose qu’il la refuse, d’où la terreur nocturne, cela me rendrait en possession d’un savoir bien trop grand pour lui. Je dois agir avec subtilité, autant en tant que médecin qu’ami, et lui laisser le choix de parler, de rester. Cela se fera sur un certain long terme, que je m’efforcerai de raccourcir pour sa santé mentale.

« Mais ne t’inquiètes pas,  dis-je avec un sourire en coin, je t’aiderai à faire un atterrissage en douceur, Mike.  »
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