J'ai attrapé le téléphone tendu, avant de m'affaler dans le fauteuil. Et je vais dans les paramètres pour activer le bluetooth de ton téléphone, souriant légèrement. J'ai entendu deux fois "toi", tiens. Je souffle un rire, décidé à trier quand même, pour éviter que des photos de ce genre puisse traîner en plein milieu d'un téléphone facile d'accès pour n'importe qui. Je me lance dans le transfert, les yeux baissés vers les écrans, aprè s avoir appuyé mon poing contre ma joue, t'écoutant. Aucune idée, je ne fiche pas le nez dans tes comptes. Je hausse les épaules brièvement. Tout est de ma faute, j'assume les frais. Point barre. Et le ton ne laisse pas entendre que tu peux constater. Après tout, tu ne te souviens de rien. Concentré, je ne remarque pas tes mouvements, attendant simplement, que tu poses les questions que tu peux avoir à me poser. Non, pas vraiment... Je t'entend rire, mais ça ne me soulève pas même le coin des lèvres, pour ma part. J'ai pas couru assez vite, pas assez longtemps. Si tu savais comme je regrette... Je m'attendais à ce que tu me laisses le temps de répondre, mais t'enchaînes les questions si vite qu'il me faut arrêter de regarder ce que je fais pour me concentrer uniquement sur toi. Si bien que j'entends parfaitement ce que tu viens de balancer. Je hausse très fort les sourcils, remonte le visage vers toi, la surprise largement visible sur ma face. ... Et bien... Non... Je vais de surprise en surprise... Et ça me déprime profondément. Pauvre con. J'insulte le River que je pensais connaître au moins rien qu'un peu, mais qui semble n'être qu'une lointaine connaissance déjà, en si peu de temps. C'est fou, je pensais te connaître, au moins un peu... Mais il est à croire que je me doutais pas à quel point tu n'aimais pas me parler. Et je rigole, faiblement, secoue la tête doucement, ravalant ma salive et l'amertume. Donc, t'aimes pas ça, hum... Tu devais être sacrément malheureux avec moi, alors. Et le coeur qui se serre, terriblement fort, à cette idée. Bref...

Je me redresse, observe les miniatures des photos, me demande jusqu'à où pouvait se situer les nons-dits. Je m'appelle Silverio Baeza. Divo, c'est le nom pour le public. Silver Divo, même, pour vous distraire. Je fais une mini révérence, avant d'inspirer plus fortement. Divo, c'était mon nom de famille avant. Mes parents m'ont adopté à sept ans, suite à la mort de ma première mère. J'étais brésilien à la base, puis j'ai grandi entre l'Espagne et la France. Je passe une jambe par dessus l'autre. On est que des enfants adoptés. Il y a Catalina, Bastian, Livia, Hector, Jemma et Octavio. Actuellement, mes parents ont aussi un cousin chez eux, qui leur a été confié il y a deux ans, Julian. Le tout a été dit avec les accents quand c'était nécessaire. Jemma et Octavio partagent le même sang, ils les ont adoptés en même temps. Pendant que j'évoque ma famille, je souris tendrement. Mes parents s'appellent Alfonso et Vivianne. Je m'arrête un instant, cligne des yeux. Aurais-je l'honneur de connaître le nom des tiens ou c'est top secret ? J'imagine que si j'ai ignoré la réponse pendant tant d'années, tu pourras envoyer valser encore l'information. J'attends un instant, avant de me remémorer les questions que tu pouvais avoir. Ah oui, mon métier. Du coup, pour mon métier... J'étais en France à ce moment-là, j'avais arrêté les études parce que ça m'emmerdait, que j'aimais le sport moi. alors, je voulais être coach sportif. J'ai vu une petite annonce dans un journal un jour, pour un casting pour un porno. J'ai appelé, postulé et eu le rôle. Ça m'a plu, j'avais 19 ans, toute la vie devant moi, je me disais que ça durerait qu'un temps. Résultat, j'ai fait que ça de ma vie pratiquement. Et je ris un peu, ravi pour ma part.

Je me redresse dans mon assisse, avise encore les téléphones dont les écrans se sont éteints. Quant à si tu le vivais bien, j'imagine que oui. En tout cas, tu me disais que oui, que ça ne te dérangeait pas. En même temps, tu m'a connu via ce biais-là, ça aurait été difficile d'être dérangé par celui-ci ? Enfin, je veux dire par là... T'es sorti avec moi en toute connaissance de cause, après des mois à se fréquenter pour ton enquête. J'imagine que t'avais largement eu le temps de peser les pour et les contre ? En toute franchise, à force, je viens même à douter de ça. Je ne sais plus ce qui était vrai ou non et ça me fait terriblement mal au coeur, vraiment. Mais il faut faire avec, ne rien en afficher. Tu n'as jamais évoqué l'idée que je puisse arrêter mon métier, en tout cas. Je ne fais que de l'hétéro, d'ailleurs, je pense que ça doit aider à faire la différence : t'étais le seul homme avec qui je couchais, malgré le reste. Puis, j'ai toujours été clair sur la distinction que je faisais entre mon travail et le sexe avec sentiments. Clairement, la différence est énorme pour moi. On avait eu le temps d'en parler, durant tout ce temps où on apprenait à se connaître, où je te faisais du charme malgré que tu semblais totalement insensible à celui-ci. Et donc, tu dois aussi coucher pour le travail ? La question qui tombe enfin, alors que je t'observe, toi, le River qui se fiche bien des réponses qu'il peut me donner. Et vu tout ce que j'apprends, on fait finalement réellement connaissance.

Le regard qui se perd sur toi, parce que j'enchaîne clairement les conneries. Je me demande ce que tu savais vraiment de moi au final, je suppose que je ne voulais pas te mêler à ma vie merdique. Que le risque constant et mes aller retour à l'hôpital ne devait déjà pas être facile alors en plus te mêler à ce que je devais faire, n'était pas une bonne idée. Je soupire doucement. « Je n'aime pas parler, mais actuellement, j'en ai besoin... même si ce n'est pas facile. Je pose ce que je sais. » Je viens me frotter le visage doucement avant de soupirer. « Je n'aime pas baiser. Je vois plutôt ça dans un sentiment positif... le fait qu'on le faisait. » Je te regarde dans les yeux pour essayer de te faire comprendre ce à quoi je pense. Que je devais être encore au moins un minimum amoureux pour faire ça. Je baisse les yeux doucement me cachant un peu sous mon draps l'air complètement dépité. Je t'écoute, le visage à moitié planqué sous celui-ci. J'écoute ta vie, me demande si j'ai été accepté dans ta famille, si je ne suis pas le pire petit ami que tu as eut. Même si je n'ai aucun doute là-dessus. Vu que j'ai clairement caché beaucoup de ma vie. Peut-être parce qu'avec toi j'oubliais mes peines, que je ne voulais pas y penser. J'en sais rien, ça m'agace terriblement. Je grogne un peu et ferme les yeux profitant de l'histoire de ta vie pour me reposer les yeux. « Tu as une grande famille... Je suppose que vous vous entendez tous à merveille. » Je soupire un peu, admirant une nouvelle fois à quel point j'ai une famille nulle. « Ma mère s'appelle Avril, mon père, Richard, mais est-ce que ça a vraiment de l'importance ? » Pour moi, leurs prénoms ne sont plus que des souvenirs, douloureux, comme eux. Rien de mieux que de parler d'eux pour me déprimer. « Mon meilleur ami s'appelait Jonah. » Petit rajout qui n'aura sûrement aucun sens pour toi, mais ça en a pour moi. Je laisse ma tête se tourner à ton opposé et je regarde dehors l'air déprimé.

« Je vois. Non, je ne pense pas que ton métier me dérangeait, j'étais juste curieux de savoir si avec le temps j'étais devenu jaloux. » Main qui se pose sur mes yeux et je murmure pour moi-même, je me murmure d'essayer de me souvenir, de retrouver ce qu'il me manque. « Je couchais pour... des informations. Ce n'est pas glorieux. Aucun plaisir, j'en offre juste, enfin j'essaie. » Je n'ai rien d'un pro dans ce domaine, mais je suppose qu'avec toi j'ai du bien m'améliorer, pour qu'on continue même sans être ensemble. Je hausse faiblement les épaules avant de me dresser pour essayer d'attraper un verre d'eau. J'attrape le pichet pour essayer de m'en verser un verre que je renverse. Le verre qui finit dans l'eau, à baigner dans la petite tablette qui sert pour les repas nuls qu'on m'infligera bientôt. Je serre les dents, semble vraiment mal un instant. Énervé de mon manque de force, je crois qu'oublier me met sur les nerfs. J'ai l'impression d'être dans une cage trop petite, qu'on a recouvert d'un voile pour que je ne sache pas ce qu'il y a à l'extérieur. A l'intérieur de tourne en rond avec mes vieux souvenirs et à l'extérieur, je t'ai toi avec toutes ses informations inconnues. Je repose finalement le pichet puis repousse la table. Je te regarde l'air de te demander de laisser ça, juste parce que je veux ignorer. « Si je ne me calme pas ils vont me remettre des calmants... » Je me mords la lèvre, la torture, arrache la peau tellement elle est malmené. « Je suis un gros con. »  

Il y a une sacrée différence entre ne pas aimer parler et ne pas parler à son mec pendant trois ans. Ce fut cinglant, tant dans le ton que dans la manière d'être dit. Et c'est pour ça que je préfère balayer le sujet d'un "bref", pour ne pas m'enfoncer dans une rancoeur que tu n'as pas à subir parce que ton toi de mon présent n'a été qu'un profond abruti. Et qu'à cet instant précis, je ne regrette absolument plus la rupture. Je me lance dans les réponses à tes questions, bien loin du souci que tu peux avoir pour ma part. Sans doute que l'égocentrisme est bien plus prononcé chez moi ou que j'aime m'entendre parler. Je te raconte ce qu'il en est de ma famille, de ce tas d'enfants qui se sont retrouvés orphelins avant d'être tous réunis dans une grande maison qui leur donnerait beaucoup d'amour. On a eu des tensions à une époque. Que je te signale, au sujet de l'entente. Et puis, je tente d'obtenir le prénom de mes ex-beaux parents. Que j'obtiens, à ma grande surprise. Mais le ton que t'emploies, les mots aussi, rah, ça me donne envie de te broyer le cou. Oui, ça donne l'impression de partager des trucs. Et je me retiens très fort pour qu'une pique ne s'échappe pas en plus. Avril, Richard, Jonah. Chaque nom s'incruste dans ma mémoire, très fortement, se grave dans le dossier qui t'es alloué dans celle-ci. D'accord... Merci. Et les noms en poche, je peux continuer sur la lignée, te dire ce qu'il pouvait en être avec mon métier, sans évoquer que celui qui posait le plus de souci était le tien. Non, pas de jalousie. Ou tu... N'en parlais pas... Hum. Viiiite, passons à un autre sujet, vite vite ! Bon, pour le coup, c'est ma propre jalousie qui parle, qui vient savoir ce qu'il en est de ces histoires de coucherie pour le boulot. Et ça aussi, mon dieu, tu n'imagines pas à quel point ça peut m'agacer, me donner envie de hurler pour savoir si t'as continué durant notre relation, sous couvert que c'était pour ton propre travail. Si tu oserais user comme excuse du mien pour avoir fourré ta queue ailleurs, alors que ça n'avait jamais été évoqué de ton côté. Mon self-control est terrible, je m'impressionne moi-même à cet instant, même si je dois avoir l'air fermé au possible désormais.

Je t'observe faire ton petit manège, remarque les tremblements, l'attention portée, la colère qui semble t'envahir. T'as des allures de volcan prêt à éclater, à cet instant. Et ça me fend le coeur, me fait oublier celle qui gronde en moi-même, avant que je me lève finalement tandis que tu parles, tente à ta manière de noyer le poisson. J'abandonne les téléphones sur le canapé, vient à poser un bout de fesse et de cuisse sur le bord du lit, pour venir te masser les tempes, le crâne, la naissance de la nuque. Détend-toi, trésor... Ma voix se fait plus basse, alors que mes doigts s'exécutent, qu'ils vont aller doucement vers tes cheveux pour le massage crânien. Mais pour le moment, ils sont alloués à leur première destination. Même si j'adore te savoir tout calme, on va éviter la piqûre du médecin. Je me rapproche légèrement, laisse mon regard vagabonder sur tes traits. Et je me laisse un peu aller, intérieurement. Me laisse me souvenir d'il y a quelques mois, du crash, de ce que j'aurais aimé pour me calmer aussi. Alors je continue, plus doucement encore, perdu entre ton visage et mes souvenirs qui forment comme une deuxième vision qui prend le dessus. Et j'inspire plus fortement, quand je veux m'en sortir, quand il me semble encore sentir mes poumons brûler. Le River qui me rassurait n'est plus là. Cette pensée m'assassine. Elle me tue sur place et les larmes ont tôt fait de revenir, sans que je le perçoive moi-même. Elles roulent en silence, sans même m'échauder le souffle. Et quand je m'en rends enfin compte, je semble revenir sur le moment présent. Ah. Pardon. Mes mains te quittent, quelques instants, pour venir écraser les fautives avec un bout de t-shirt, les chasser, essuyer les cils. Et je reviens finalement continuer le massage, en silence. Comme un deuil à faire...

Et c'est le TOUCHDOWN. Point marqué pour Silv, poing dans le cœur d'un homme qui n'a pas de souvenir. Je crois que tu vas me couper toute envie de parler de moi encore. Je laisse donc la discussion passer, je t'offre les informations que tu demandes, m'attendant à ce que tu me tacles une nouvelle fois, car je ne parlais pas avant. «  Oh. Et je tiens à dire que j'aurais jamais couché avec quelqu'un d'autre en étant en couple ou même simplement en étant amoureux. J'ai beaucoup de mal, avec les doubles jeux. Ton travail, j'accepte, mais j'aurais voulu mourir de te savoir avec quelqu'un d'autre. Enfin... de savoir la personne que j'aime avec quelqu'un d'autre.  » Autant prévenir, parce que tu sembles assez énervé. Tu sembles vraiment m'en vouloir à moi, comme si j'en étais capable, mais j'ai bien une question qui me brûle les lèvres. Est-ce que tu m'as vu avec quelqu'un ? Savoir si ce que je crois, s'approche ou non de la réalité. Finalement je laisse l'énervement, la déprime prendre le dessus et quand le verre tombe avec l'eau dedans je ne sais plus parler. Du moins, je ne sais plus calmer mon énervement. Alors je reste le plus neutre possible pour contenir ce qui pourrait partir, parce que tu n'as pas à subir mes crises. Tu n'es pas là pour payer le prix de mon incompétence, même si moi je paie le prix de ne pas t'avoir parlé pendant des années. Je finis par te laisser venir, t'occuper de moi, prendre soin de mes temps. Je soupire lentement avant de fermer les yeux, mes doigts encore un peu mouillé qui s'accroche à ton haut et quand j'ouvre les yeux je te vois pleurer encore. Le cœur qui se serre, je me redresse automatiquement pour venir t'attraper entre mes bras et je me laisse retomber lourdement dans le lit avec toi contre moi. Tant pis si ça fait un peu mal, tant pis si je dois te retenir. Il y a mes doigts qui glissent contre ta joue puis ta mâchoire.

«  Pourquoi tu pleures Silv ? » Je laisse une de mes mains glisser sur ton visage, ta joue, descendre sur ton cou, éviter ton bras pour se poser contre ton  torse. Je te regarde en soupirant un peu et je me mets à sautiller, les nerfs qui lâchent. «  Je veux me souvenir. Redevenir l'homme que tu aimais. J'ai l'impression d'être encore pire avec tes piques. J'ai l'impression de tout briser et  ça fait mal. De te voir pleurer. » Je te connais pas, tu es pourtant un bon opposé, mais j'arrive à comprendre que j'ai pu t'aimer et tu m'as aimé pendant toutes ses années. «  Imagine, si je redeviens comme avant... mais que j'ai tout gâché là ? Je devrais peut-être me taire. Je veux pas … Je veux pas... » Je ne finis pas ma phrase et je viens cacher mon visage contre tes cheveux. Je ne veux pas, briser ce que j'ai pu chérir. «  Je veux rentrer à la maison... avec toi...  » 

Je ne t'aurais jamais trompé non plus. Ça tombe directement encore une fois. Je ne supporte pas ça. Et sans doute que ça sonne un peu étrange, venant de la part d'un type comme moi. Je préfère encore largement qu'on me dise qu'on a envie d'aller voir ailleurs, pour une fois ou deux. Pouvoir dire d'accord ou non. Savoir, simplement. On s'engage sur une pente dangereuse dans le fond, qu'il faudrait éviter. Parce qu'on ne vit, simplement, pas dans la même dimension actuellement. Ton quotidien dans ta mémoire ne me contient plus, contrairement au mien qui était rempli de toi. J'approche pour tenter de te calmer, utilisant ce truc que je faisais déjà parfois par le passé, après les tensions inutiles. Et je me perds dans des songes où tu as ta place, sans l'avoir. Je crois que je suis épuisé, moralement. J'essuie mes larmes, misérables, aimerait révoquer le sujet là encore. Mais il y a l'espace entre tes bras qui s'ouvre, qui me fait glisser contre. Et je m'y perds, y ferme les yeux. Y'a un arrière goût de désespoir, dans l'étreinte que je te rends. Pour rien... Rien du tout. C'est juste la fatigue qui agit à ma place. Je t'écoute et tout me semble douloureux, à moi aussi. Et j'y songe, tu sais, au fait que je n'ai pas le droit d'être ainsi contre toi. T'as juste oublié à quel point je suis horrible. Et j'imagine que trop bien si tu redeviens comme avant. Mais tu n'as rien gâché, je m'en étais déjà chargé. ... Bientôt, trésor... Bientôt...

Je me tais encore, inspire longuement, avant de tout expirer. Le nez contre ton cou, je me gorge que trop de cette odeur qui ne te colle qu'à moitié. J'en ai assez, des hôpitaux. Et les larmes reviennent, inévitablement. Y'a trop de blessures. Je suis trop épuisé, pour réussir à retenir encore mes propos. J'étais persuadé que... Que si tu te réveillais, ça me permettrait de retrouver mon River... Et tu as ouvert les yeux, sans être celui que j'attendais. Et maintenant... J'ai juste l'impression... Qu'il y a jamais eu "mon" River... Je me demande... À quel point il ne tenait pas à... Les larmes affluent un peu plus. À nous... Et les sanglots surviennent. Je sais plus quoi penser... De tout ça... Je sais plus jusqu'où se situe la vérité, les mensonges, les nons-dits... J'ai la tête qui va exploser. Je lui en veux... Terriblement... De pas m'avoir retenu... De m'avoir donné l'impression, tant de fois, qu'il était totalement indifférent... De m'avoir laissé construire cette relation, de m'avoir laissé y mettre fin dans cette même passivité... Il y a tout qui ressort, tout ce que j'ai pu partager avec Javier, les larmes en moins, la résignation en plus. Envolée à cet instant. J'aurais tellement aimé qu'il... Qu'il me dise que je comptais... J'explose un peu plus, m'épanche bien trop, usé jusqu'à la moelle de la situation. Pourquoi c'est si dur pour toi, de parler ?! Je me redresse, les mains qui viennent cercler ton visage, la souffrance qui transparaît dans le mien. Pourquoi j'ai jamais su... Te réparer... ? Et la hargne qui est déjà retombée. Je m'en veux aussi de tellement de choses... Ma voix n'est plus qu'un souffle. Je m'en voudrais... À jamais, de... De pas avoir su... Lui inspirer assez confiance... Pour qu'il s'ouvre à moi... Les yeux retombent à terre. De toute manière, tout est flou. ... Et le silence qui tombe, tout comme mes mains. River... Désolé... Tu... Tu n'as pas à... Subir ma peine... Et je renifle, détourne la tête. J'ai la voix cassée, tout comme le coeur.

 Tu viens à moi pour trouver du réconfort contre mon cou et m'en donner en même temps. Mon nez qui se plonge dans tes cheveux pour respirer ton odeur, pour effleurer du doigt un lointain souvenir, qui s'échappe de nouveau quand tu viens à parler. Quand je me prends un surplus d'émotion. Alors je glisse mes doigts contre ton crane pour te le caresser lentement, pendant que de mon autre main, j'essaie de réconforter ton cœur qui semble à sang. Que tu me livres si facilement, alors que moi, je n'ai jamais su le faire de ce que tu dis. Je dépose de petit baiser en fermant les yeux, laisse tes mots me briser le cœur un peu plus. Me montrer que je ne suis qu'un con à vouloir garder mes souffrances loin des autres. Je t'ai fait du mal, alors que je n'ai aucune idée de ce qu'on a vécu. Tu me parles, comme si j'étais un autre. Finalement, il y a les questions que je garde dans un coin de tête pour quand tu auras fini. Tu attrapes mon visage dans ton désespoir que tu ne caches plus contre mon cou et ça fait mal. Je semble neutre, comme à mon habitude, mais quand tu viens à fixer le sol et relâcher mon visage, je lève une main pour la glisser sur ta joue. « Je ne peux pas parler, de la partie qui t'intéresse, mais je vais sûrement expliquer la base. Tu as été abandonné aussi. Sauf que toi on t'as offert une nouvelle famille, j'ai pas de famille moi. On m'a renié, abandonné en me jetant la pierre. Ce qu'a fait Jonah aussi ce soir-là. Mon chef, amie, duo m'a abandonné, laissant que des cadavres à pleurer, pas le sien bien sûr. Seulement ceux qu'il avait choisi. J'ai beaucoup partagé avec ces gens, donné tout ce que j'avais.  Je voulais sûrement juste, ne pas partager mes peines et ne penser qu'au bonheur apporté. Parce que je ne me sens pas à la hauteur d'être aimé, parce que pour moi je ne le mérite pas. » Je me frotte le visage d'une main avant de t'attraper par la nuque et te ramener encore contre mon torse. Je dépose plein de baisers sur le dessus de ta tête, cherchant à ne plus penser que je suis qu'un lâche. « Tu ne peux pas réparer les blessures, on peut juste les atténuer, mais elles ne sont que des plaies ouvertes. C'est malheureux, mais Jonah étant mort et l'autre vieux connard en cavale, je doute que ce soit possible de refermer ses plaies. » Je me mords la lèvre face à cette vérité qui me fait comprendre que j'aurais sûrement jamais la paix intérieure. J'ai tellement peu d'information, que je ne veux pas parler pour les années avec toi. Je peux juste supposer que... « Tu devais rendre ma vie mille fois mieux. Sauf que je ne sais pas exprimer ça. Physiquement, je sais. Oralement, j'ai même jamais dit je t'aime. Même pas à mes parents... Je te l'ai dit ? Durant ses années ensemble ? » Curiosité pour moi-même et qui clairement, pourra me donner le niveau d'amour que j'ai pu te porter. Je continue mes papouilles et mes baisers, pour calmer ta peine, mais je vois bien que tu as surtout besoin d'être loin d'ici. « Je te promets, de parler plus régulièrement... même quand tout me reviendra. On pourrait... trouver du temps pour ça ? Comme un groupe de parole genre les alcooliques anonymes, mais juste toi et moi. Pour que petit à petit, ça vienne ? »

Et comme depuis toujours, tu n'exprimes rien. L'impression de n'avoir jamais réellement quitté ce statut d'inconnu s'intensifie. Alors, je te relâche, m'excuse. Je me sens perdu, véritablement, plus que jamais. J'ai perdu toute l'essence de ce qui me compose normalement. Je crois que je ferais mieux de partir, finalement. Que j'ai pas les épaules assez solides après cette semaine à pleurer inutilement et à ne plus savoir dormir. La solitude m'a que trop pesé dessus, il est temps de m'en aller. Ta main sur ma joue ne me fais pas relever les yeux, ni même réagir plus que cela. Je me sens juste usé, t'écoute avec attention, même si je semble vide de toutes émotions supplémentaires à cet instant, avant de me laisser emporter pour revenir contre toi, sans chercher à placer un bras autour de toi en retour. Pantin vide. Et ce que j'entends... Alors, je ne peux rien pour toi, hein... Bouche close, yeux baissés toujours, bouche fermée jusqu'à ce que tu me poses la fameuse question. Tu me l'as déjà dit... Que je murmure, épuisé. Et les souvenirs viennent à doucement se nicher dans mon crâne. Les fois où j'étais à m'endormir, où j'entendais ces mots-là, que je chérissais. Ils étaient si rares. Et je me demande si tu te forçais, à ce moment-là, parce que j'attendais après eux ? Un soupir, avant de me redresser, pour te regarder. Je ne réponds pas tout de suite, t'observe un temps avant de hocher doucement. Puis je me penche, pour venir déposer un baiser à côté de tes lèvres, une main étant venue se poser pour t'empêcher de tourner la tête, m'en voler un autre, d'un genre différent. Je vais rentrer. Que je te murmure, me redressant non sans une dernière caresse sur une joue à toi avant. Je vais à mes affaires, silencieux, plongé dans un miasme que tu ne peux comprendre. Il me faut une courte réflexion, avant de te rendre ton téléphone et t'éteindre le mien, pour venir retirer ma carte SD. Je te la tends. Tiens. Il y a toutes nos photos, dessus. Les plus softs, en tout cas. Rien de compromettant qu'une personne pourrait utiliser auprès de la presse, si je venais à perdre mon téléphone. Et d'autres encore, mais bon. Au pire, tu redécouvrira mon monde avec. Je hausse les épaules en songeant aux selfies, avec des ami(e)s et connaissances, les photos de soirée ou de tournage parfois pour immortaliser des moments qui nous font rire... Il y en a avec Javier mais comme pour le reste, aucune n'est compromettante. On dirait deux juste amis parmi d'autres. Le reste est sous scellé dans la mémoire de mon téléphone. Ton code pin, c'est 0000 pour le moment, simplement. Perd pas ma carte, y'a des choses auxquelles je tiens, dessus. Et si tu me le demandes, j'irais la mettre moi-même dans ton nouveau téléphone, avant de mettre mon manteau et passer la bandoulière de mon sac sur une épaule. Tu veux que je ramène quelque chose, demain ? Je me frotte le visage, essuie les traces qu'il peut rester de mes crises de larmes répétitives. Enfin, si tu veux bien que je revienne demain... Je comprendrais que non, éventuellement. Je te regarde encore, t'offre un sourire où il ne règne pas grande conviction, parce que je rêve de dormir. Je verrais rapidement avec les médecins pour te promener dans le parc avec un fauteuil roulant, pour pouvoir amener Mouki... Signe de main, avant de doucement m'éloigner. Bye, trésor... Tâche de te reposer, s'il te plaît. Please...

 La sensation de détruire ce qu'on n'a pas encore vécu,, je trouve ça compliqué. Je me sens comme un idiot qui n'a pas su avoir les mots qu'il faut pour te rassurer, mais de toute façon, je ne pense pas que j'aurais pu. Tu as l'air vraiment déprimé et tu sembles m'en vouloir et t'en vouloir en même temps. Je ne sais pas ce que je peux y faire au fond alors je reste juste là, à caresser ta joue même si ça ne te fait rien. Même si tu sembles ne plus rien vouloir. Je regarde la petite carte que tu me tends en haussant les sourcils me demandant où je peux bien foutre ça. Je te tends le téléphone et tu la rajoutes, j'accepte le faible baiser que tu m'offres sans bouger, sans broncher. « Je regarderais ça... Je pourrais t'envoyer des messages ? » Ce n'est pas que tu vas me manquer, mais si. Autant quand j'étais dans le coma, c'était facile, mais maintenant, je me raccroche à toi. Je viens doucement mordre ma lèvres à tes mots avant de froncer les sourcils. « Bien sûr que je veux te voir demain. Ramène moi ce que tu veux... quoi que, je veux bien deux trois affaires à moi. N'importe quoi. Je suppose que tu as la clé de mon appartement. » Je souris doucement avant de te faire un signe de la main. L'air désolé encore, de ne pas être celui que tu veux voir. « Oh ! Tu m'appelles pour Mouki hein ? Quand tu te seras reposé. » Je parle plus doucement d'un coup. « Silv... Si je te fais trop de mal... Je suis vraiment désolé. » Je te fais coucou avant de me retrouver seul dans cette chambre. Je me laisse tomber contre mon oreiller avant de le foutre sur mon visage et de hurler dedans par énervement. Ça fait du bien, même si ça alerte une infirmière qui passait.

Oui, bien sûr, n'hésites pas. Les messages sont acceptés, largement. Peut-être auras-tu d'autres questions au travers d'elle. Je mets la carte SD dans le téléphone, la laisser charger avant de reposer le téléphone à côté de toi, évitant la tablette trempée. Et tu m'autorises à revenir demain, me demande quelques affaires. D'accord. Et je hoche, pensivement. Oui, j'ai le double. Petit acquiescement, avant de partir vers la sortie. On se fera un appel vidéo, il sera tout fou de t'entendre. Pour sûr qu'il va courir partout ensuite et que Culotte va se demander ce qu'il se passe. Le signe de main est fait, je vais pour sortir, quand ta voix résonne comme une dernière fois. Je m'arrête, semble y réfléchir un instant, avant de sourire légèrement de nouveau. Ce n'est pas toi. Je secoue doucement la tête, t'envoie un baiser par les airs et referme la porte après l'avoir ouverte et passée. Je reste là, planté, quelques secondes, avant de bouger pour aller à un bureau poser quelques questions, savoir quand est-ce que je pourrais te faire prendre l'air, savoir s'il sera possible de ramener Mouki dans le parc de l'enceinte. Et puis je repars chez moi, salue le petite monde dedans, ouvrant la cage de Mango pour qu'il vienne avec moi, lui laissant ouverte pour s'il souhaite y retourner, avant de m'écrouler dans le canapé. Et je m'épancherais quelques minutes, avant de sombrer dans un sommeil que je retrouve enfin, quoique encore maladroit, après plus d'une semaine à être fui de sa part. Quand je me réveille, il n'est pas encore trop tard pour t'appeler et rendre Mouki heureux. Tu peux enfin respirer, Silverio.