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carry on Ϟ - Sam 4 Mai - 18:55


( carry on )

« Vaut mieux la laisser se reposer, maintenant. Elle a mérité de dormir, je crois. » Bedelia acquiesce et, après un dernier coup d’œil dans le hublot de la porte, comme pour vérifier que sa protégée va bien, elle se détourne et ramasse son sac échoué sur un siège du couloir. L’escargot retrouve bien vite sa maison, image à peine exagérée, elle se trimballe un véritable kit de survie sur le dos à longueur de journée. Le cœur chavire, sous la poitrine, alors qu’elle esquisse quelques premiers pas aux côtés de l’infirmière. C’est toujours un peu dur, la naissance d’un enfant. Elle ne peut s’empêcher de s’en réjouir, mais le commencement de cette nouvelle vie signe aussi la fin de son rôle auprès de la mère. Et même si elle ne perd jamais contact avec les femmes qu’elle a pu accompagner en tant que doula, la relation est différente, un fil s’est rompu, une page s’est tournée. Elle n’a plus besoin de moi. Constatation qui fait mal au cœur, comme à chaque fois qu’elle vient toquer à la porte de son esprit. Et le cycle se répète sans fin, lorsqu’elle prend sous son aile une femme, elle sait qu’inéluctablement il faudra ensuite la laisser repartir, car l’enfant sortira, d’une manière ou d’un autre. Ici s’achève le chemin parcouru ensemble pendant les quelques mois précédents. Des souvenirs bien vite balayés pour avancer, toujours aller vers l’avant. Ne t’arrête pas, ne regarde pas en arrière. « Tu m’appelleras, hein ? Si jamais il y a besoin. » Pourtant, chaque fois vient la même demande, l’inquiétude de la gosse pour son aînée après l’accouchement. « J'te tiendrais au courant. » Sourire de l’infirmière, habituée à envoyer des messages à Bedelia, le temps de voir les nouvelles mères quitter l’hôpital.

Le personnel de l’établissement s’est habitué à voir trainer l’étudiante dans les parages, jamais à heure fixe, ni à un rythme bien régulier. Avant d’emménager avec Ozymandias, il lui est même arrivé de passer quelques nuits ici, tapie dans un fauteuil, avec l’excuse de veiller sur une de ses protégées, alors qu’elle n’avait juste aucun endroit où dormir. S’il arrive à tous ses camarades de fouler de sol de l’hôpital, habitude en médecine, elle marque un peu plus les esprits, toujours à accompagner une femme enceinte jusqu’aux derniers instants. Elle se fait discrète, ne prend jamais trop de place, mais elle est là. Et c’est tout ce qui importe. « Ça va bien les études ? » Sourire, acquiescement. « Ouais, ça se passe bien. C’est dur, mais je suis contente. » Paroles honnêtes, sans détour. Malgré les difficultés que n’importe quel étudiant peut rencontrer, elle s’y plait, se sent bien dans ce domaine-là. Elle a cette impression euphorisante de ne pas s’être trompée, d’être là où est sa place, d’avoir choisi la bonne voie. Qu’importe les obstacles si, à la fin, elle a ce qu’elle veut.

Le doigt s’écrase sur le bouton d’appel et le portes de l’ascenseur s’ouvrent. « J'te laisse là, Bedelia, j’ai encore quelques trucs à voir. J’ai ton numéro, j'te texte au besoin, comme d’hab’. Prend soin de toi et oublie pas de dormir, hein, t’as carrément des poches violettes sous les yeux. » Les yeux se lèvent au plafond, mais elle sourit, accorde un dernier salut avant que l’engin n’entame sa descente. Les mirettes observent la cascade des nombres et les pieds se meuvent à l’entente du cling retentissant. Elle s’en serait sûrement allée retrouver son lit, ou même ce pote de sortie aux messages insistants, si elle n’avait pas aperçu un visage familier au fond du couloir. « Brónach ? » C’est le prénom qui sort en premier, en pensant à la psychiatre. Une soirée à panser les plaies encore saillantes, à se confier au coin d’un comptoir a aidé à renverser la barrière entre l’adulte professionnelle et la petite étudiante.

Des mois qu’elle n’a pas pointé le bout du nez et la voilà qui traîne à l’hôpital en pleine soirée. Mais il est quelle heure ? Ses jambes ne lui demandent pas son avis, elle emboite le pas à la psychiatre après un coup d’œil à sa montre. Aucune consultation à cette horaire-là. Et pourtant, elle est bien là, revient et se fait furtive, un peu fantôme, à errer ainsi sans prévenir personne. Enfin, peut-être que certains savent de quoi ils retournent, mais Bedelia n’a aucune raison d’être dans les petits papiers de Brónach. Malgré tout, la curiosité l’emporte, l’envie de savoir ce qui se passe. Combien de fois les femmes à qui elle avait recommandé la psychiatre lui ont-elles demandé, presque reproché, pourquoi elle n’était pas là ? J’en sais rien foutrement rien, moi ! Je suis pas sa secrétaire non plus ! L’agacement a vite pointé, après avoir assurer son ignorance une bonne dizaine de fois. Le mystère du docteur Mooney.

Le pas s’accélère, et elle finit bien par la rattraper. « Brónach ! » Nouvelle interpellation, un peu plus sûre de son coup, cette fois-ci. Aucun doute possible, il s’agit bien d’elle, devant, qui vient d’entrer dans une salle. Avec un juron – elle fait exprès ou elle est sourde ? –  la jeune fille abaisse la poignée et suit son aînée dans la petite pièce, bien décidée à connaître le fin mot de l’histoire. Et de quel droit ? Pensée qu’elle repousse. La psychiatre et l’étudiante ne sont pas des intimes, même si, une fois, elles se sont allées à des confidences. Si la curiosité la démange, elle ne sera pas pour autant rassasiée. La revenante a sûrement bien d’autres choses à faire que de répondre aux questions d’une gosse, même s’il en avait le désir. Et Bedelia aurait tendance à parier qu’elle n’a aucune envie de s’épancher auprès d’elle.

Mais la question sort, quand même. « T’étais où ? » Franche et directe, elle ne passe pas par quatre chemins, pose la question qui la démange sans aucun autre préavis. Peut-être qu’employer le tutoiement, comme elle l’a hélé de son prénom, est un p’tit peu trop familier. Réflexion qui ne vient qu’après l’acte, alors elle hausse les épaules. Adviendra que pourra. Brónach ne peut pas y faire grand-chose, se contentera sûrement de la reprendre sur sa manière de lui parler. Difficile de savoir comment s’adresser à elle. Si le premier réflexe est de mettre un peu de distance avec "la grande psychiatre", les confidences rapprochent. « T’es partie sans trop rien dire, les mamans se sont retrouvées toutes seules. Enfin, peut-être que quelqu’un s’en est chargé, je sais pas. Mais voilà, elles t’avaient pas toi. » Bravo Bedelia, débarques avec tes gros sabots et met lui tous les reproches sur le dos. C’était pas la première idée, pourtant. Aucune envie de la mettre en porte-à-faux, juste le désir de comprendre ce qu’il s’est passé. Mais c’est pas tes affaires. « Enfin, voilà, bref, c’est cool que tu sois là. » Maigre tentative de se rattraper. « Ça va bien ? » Pathétique.


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carry on Ϟ - Mar 14 Mai - 21:42

    C’est étrange.
    Se retrouver pour la première fois depuis des mois dans cet endroit qui m’était pourtant devenu si familier. Fut un temps je passais carrément plus de temps ici que dans mon appart. Parfois même que j’y passais des nuits complètes. Et pas que des nuits blanches. Et pas que des nuits de garde. Juste pour la sensation de … sécurité ? Mais de quoi au juste ? De la voix qui jacasse non-stop dans ma tête ?

    * On M’appelle?

    Qui me rend tellement dingue que je n’éprouve nulle autre envie que celle de me ruer dans le premier mur venu, tête baissée, avec pour seule hâte celle d’encorner l’adversaire à l’image d’un taureau daltonien devant une cape de superhéros maculée de la mauvaise couleur. Oh, vous trouvez que la métaphore prête au sourire ? Qui vous dit que c’était le but recherché ? Pourquoi donc partir du principe qu’il s’agit d’une vérité détournée, délicieusement enrobée d’une pellicule de glaçage hyper diététique ? Parce qu’il vaut mieux en rire qu’en pleurer ? Parce que la vérité blesse ? Non, parce que là il y a juste tellement de sucre sur le gâteau que même en mode allégé il plongerait à coup sûr le premier diabétique venu dans le coma et ce rien qu’en le regardant. Vous connaissez le proverbe avec les arbres et la forêt ? Eh bien c’est exactement la même chose, sauf que l’action se déroule dans une boulangerie pâtisserie.

    * Tu tentes d’insinuer quelque chose ?

    Du tout. Et certainement pas à Ton encontre. On s’était mises d’accord pourtant. Pas ici. Pas maintenant. Pas ce soir.

    * Et si possible plus jamais ?

    Je signe où ?

    *…

    C’est bien ce que je me disais. Alors maintenant honore Ta partie de notre petit contrat à l’amiable et laisse-moi tranquille. Je n’arrive pas à croire qu’on en est arrivées à un point où il convient à moi de négocier des planches horaires. Et là je parle uniquement pour mon quart d’heure académique de silence cervicale. Oui je sais, cette combinaison de mots n’a pas le moindre sens. Grand bien lui fasse, ça résume d’autant mieux le qui, du pourquoi, du comment qui me lie par on-ne-sait-quel-sort du mauvais œil à un para …
    Oui, je sais. Non, inutile de Te répéter. Pas de vilains mots. Pas d’insultes gratuites. Rien, niks, noppes, que dalle, nawak. Promis maman.
    Même si j’ai plutôt l’impression de me disputer bec et ongles avec une ado de seize ans qui se croit supérieure à la moyenne sous l’éternel et intemporel prétexte de “mais toi tu peux pas comprendre” … Certainement pas, et je n’aspire en rien à suivre une formation en ce sens. Mais moi au moins je sais écrire et parler correctement jeune fille !
    Je manque de me baisser pour éviter l’objet invisible que tout enfant digne de ce nom se risquerait à balancer au visage de la figure parentale. Pantoufle, gobelet vide, smartphone. Au moins ça à le chiche de m’arracher un semblant d’amusement faciale. Elle a vraiment une mauvaise influence sur moi. Même lors de ma soirée de récup elle arrive à s’inviter dans mes monologues internes ultra super méga passionnants.

    En parlant du loup, accessoirement ma soirée, je profite du changement de service pour me glisser dans l’enceinte du bâtiment. Par une porte arrière à peine surveillée. Note à moi-même : rien n’a changé depuis la dernière fois. Malgré les rapports. Malgré les relances. L’hôpital n’a pas de moyens. Ce n’est pas mon problème. Ça ne l’est plus. Je constate. Je notifie. Si par la suite vous décidez de déplacer mon mail dans la spam-box, qu’il en soit ainsi fait ! J’ai fini de me plier en quatre – euphémisme – pour une bande d’incompétents charlatans. Mais qu’on se console, c’est partout la même chose. Les gros friqués qui en engrangent toujours plus tout en haut de la pyramide. La plèvre du petit peuple tout en bas, à lécher des pompes qu’ils ne pourraient même pas se permettre avec une vie entière de ce salaire médiocre. Et entre les deux, le chaînon manquant. Ceux qui font croire aux uns, ce que les autres paient à leur dicter. Avec plus ou moins de liberté. Plus ou moins de pincettes. Les boucs émissaires par excellence si vous demandez mon avis. Mais c’est là un tout autre sujet de discussion. Et encore aurait-il fallu que je rentre dans la case. C’est un peu comme fourrer un carré dans un rond. Pas que je me considère profondément comme l’un plutôt que l’autre. Mais là encore nous touchons un sujet qui ne donnera jamais lieu à débattre. Après tout … qui a véritablement envie de se lancer dans une activité pareille avec une psy dans l’opposition ?

    Mes pensées partent dans tous les sens. Mes idées se volent et s’envolent au gré d’un vent absent. Dans ma tête, ça cherche un échappatoire. Ça refuse de voir l’actualité des choses en face. L’esprit humain est décidément une bien complexe entité à part entière. Le film dit If these walls could talk ou encore Ce que veulent les femmes; alors imaginez un peu si on découvrait ce que leur susurre leur inconscient ? Freud et Nietzsche n’ont qu’à bien se sentir, car toute belle théorie qui ait pu faire leur célébrité … qu’en aurait-il été si au moins un des deux avait été du sexe opposé ?
    OPPOSÉ, voilà encore un de ces termes totalement et royalement à côté de la plaque. Il y a des gens, ils n’ont rien compris à la vie. Puis il y a les autres … ceux qui pensent avoir trouvé le codex d’interprétation.

    Vous voyez ! Ça part encore une fois en cacahuètes ! Impossible de rester concentrée sur l’instant présent. Sur l’endroit actuel. Mes yeux partent vers le bas. Vers cette lettre sous pli confidentiel que je tiens entre les mains. Je ne sais plus combien de temps j’ai passé à peser le pour et le contre. À l’écrire, à la réécrire, à l’éditer, à l’effacer, à la recommencer. Pour au final quand même me retrouver ici. À longer les murs, de nuit qui plus est, afin de ne pas me faire choper par un quelconque pseudo-collègue ou un patient en manque depuis des mois qui risque la syncope en apprenant la nouvelle. Il n’y a pas à tourner autour du pot. La lettre parle pour soi. Le lieu et l’heure aussi. Après ce soir,
    Je ne reviendrai pas.

    J’inspire un coup et me secoue légèrement la tête. Je pousse la porte de la salle commune des profs, pardon des psys, et m’engouffre à l’intérieur. Les néons se mettent à clignoter de par la détection du mouvement. Des pétéchies colorées se mettent à danser devant mes iris tandis que mes sens prennent quelques secondes pour s’adapter à ce nouvel environnement. Un bruit assez brusque dans mon dos, m’invite (m’oblige ?) à me retourner. Une étudiante qui ne m’est pas inconnue déboule dans la pièce à l’image d’une furie en plein marathon de bizutage. Je hausse un sourcil tandis qu’elle s’adresse à moi de manière commune, presque … familière. À ma connaissance nous n’avons pas élevé les cochons ensemble. Les sangliers peut-être ? Mais ça c’est une autre histoire. Il est toujours dangereux de se laisser aller aux confidences en présence d’un/e – future – collègue. J’aurais peut-être dû m’abstenir. Probablement même. But what is done …

    - « Mademoiselle Kjeldsen. »

    C’est très cordial, je vous l’accorde. Un peu froid, même si j’aurais plutôt tendance à le qualifier de neutre. Juste histoire de remettre l’église au milieu du village. Avant de l’incendier au cocktail Molotov bien sûr. Quel dommage, d’aussi jolis vitraux.

    - « Je suis certaine que mon absence effective leur a importé bien plus que l’endroit précis où j’ai pu me trouver pendant cette période. »

    Si TU veux savoir où j’étais, pourquoi ne pas me le demander ? Après tout … tout porte à croire que nous sommes AMIES maintenant … non ?

    Cool mademoiselle Kjeldsen ?
    Après les porcins, les serviettes ?
    Nous valsons de surprise en surprise, ma foi.

    - « Tout dépend de la définition apportée au mot bien. »

    Psy un jour, psy toujours.

    - « Est-ce que c’est l’impression que je donne ? »

    Tu veux jouer dans la Cour des Grands ?
    Viens, je t’attends.
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carry on Ϟ - Jeu 23 Mai - 19:27


( carry on )

Bedelia voit rouge, puis vire au blanc, et passe sûrement par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. C’est une douche d’eau glacée qu’elle se prend, lorsque le docteur Mooney délivre ses paroles, lui répond et, surtout, la remet bien à sa place. L’envie est forte, de s’enfoncer dans un mur et de le traverser, à la manière d’un fantôme, pour fuir bien loin de sa vue. Ou bien de se faire petite souris et se réfugier dans un trou pour y disparaitre. Ou simplement de s’enfuir en claquant la porte. Ce qui serait du plus mauvais effet. Mais au vu de sa réaction, elle ne laisse déjà pas une bonne impression, alors pourquoi pas faire pire, si c’est possible. Au point où elle en est…

Elle ne s’y attendait pas et s’en étonne encore un peu, de cette réaction provoquée. Et elle se renferme, l’étudiante, un peu apeurée, avec cette impression d’être mise en porte à faux. Mais t’as toujours été trop directe, Bede’. Elle dit ce qu’elle pense, sans forcément réfléchir aux conséquences, ne s’embarrasse pas de fioritures et de cette froideur que peut témoigner la psychiatre. Non, elle préfère y aller franco, quitte à se prendre un mur à chaque essai. Ce qui arrive souvent, mine de rien. Mais est-ce si grave ? Elle s’est presque habituée, à se faire mal recevoir, même si elle ne veut aucun mal, au final. Juste, elle ne sait pas s’y prendre, ce que sa mère lui répétait trop souvent, à chaque fois qu’elle rentrait à la maison, avec ses péripéties de la journée à déverser en vrac sur la table. Sois un p’tit peu plus subtile, peut-être ? Avant de se mettre à rire, amusée par la gamine, pour la rassurer aussi, un peu. T’as trop pris de ton père, toi. Ce à quoi un grognement répondait, et elle Bedelia se contentait de croiser les bras, comme elle le fait là, tout de suite, en fixant Madame Mooney. Mais aucune animosité dans le regard, non, elle se balancerait presque elle-même sur ses pieds, rendue mal à l’aise.

Elle ouvre la bouche une fois, comme pour donner un semblant de réponse, mais la referme aussitôt, pas trop sûre de la marche à suivre, pour une fois, hésiterait presque quant aux mots à sortir pour ne pas déclencher l’ire de la psychiatre. Le naturel ne la lâche pas, pourtant, revient au grand galop alors qu’elle tente vraiment de tourner plusieurs fois sa langue dans sa bouche. « J’en sais rien, moi de ce qui les intéresse vraiment. On m’a demandé ce que vous faisiez, où vous étiez, quand vous reviendrez, pourquoi vous étiez partie… » Mais elles ne se sont pas vraiment inquiétées de comment vous alliez. Ou alors, pas vraiment. Il n’y avait que l’envie de revoir la psychiatre, pas la personne qui se trouvait derrière. Parfois, une s’interrogeait, mais ne pensait qu’à son intérêt égoïste, ne voulait que la revoir revenir pour ne plus être seule face au nouveau-né. Alors elle préfère hausser les épaules, Bedelia, pas bien sûr que sa réponse puisse satisfaire, mais tente tout de même d’apporter un semblant d’information, de ne pas se braquer, un peu vexée, tout de même, alors qu’elle sait pertinemment qu’elle ne récolte que ce qu’elle a semé. Tiens, la prochaine fois, tu respecteras tes aînés. Mais le respect pour les plus âgés se perdaient vite, en vivant avec Ozymandias. « M’enfin bon, pas mes affaires, hein ? » Ces quelques mots coûtent à la curiosité qui est la sienne, mais elle tente tant bien que mal de tasser le terrain, de ne pas provoquer plus de remous. C’est déjà bien assez comme ça.

Pourtant, elle finit bien par relever le menton, avec une moue un peu fière, décidée à ne pas baisser les bras parce que Madame est de mauvais poil. « Bah non, j’suis pas psy, moi, j’en sais rien, que vous alliez bien ou mal. » De simples marmonnements qui sortent de sa bouche, un peu renfrognée la gamine. Merde, c’est votre boulot à vous de savoir si les gens vont bien, pas le mien. Et ne le sera jamais. « Moi je voulais juste prendre de vos nouvelles, rien de plus, je m’enquerrais de votre état. » Elle aurait presque ajouté qu’elle se contentait d’être polie, mais le mot passe mal, alors qu’elle l’a tutoyé, appelé par son prénom, ce que la psychiatre n’a pas eu l’air d’apprécier. Ça t’apprendra, gamine. « Y’a pas de mauvaises intentions, je m’inquiétais juste. Mais bon, vous faites bien ce que vous voulez, ça me concerne pas, si vous voulez revenir en pleine nuit ici, histoire de n’être vue de personne. » Parce que c’est ça, l’objectif, hein docteur ? Trainer dans l’obscurité, comme une voleuse, lorsqu’il n’y a aucune qui vive dans les parages. Mais elle se retient de le prononcer, ce mot, voleuse, de peur de se prendre une rouste. Elle était plus sympa avec quelques verres dans le nez, celle-là.


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carry on Ϟ - Ven 14 Juin - 8:05

    C’était assez brutal de ma part, je l’avoue autant que je l’admets. Ce n’est pas dans mes habitudes. Enfin, façon de parler. Un psychiatre se doit de se montrer distant. Réservé. Ou que sais-je encore. On nous baratine tellement le bourrichon qu’on finit carrément par s’y perdre. Il est vrai que j’aurais pu prendre des pincettes. Rajouter un peu d’eau à mon vin, quitte à le rendre plus fade par la même occasion. Mais encore une fois, ce qui est fait et fait … et n’est plus à faire.
    Les bases ont été posées. Pas besoin de retourner sur ses pas, ce serait là avouer un tort que je n’estime pas avoir commis.

    Je ne suis pas la seule quelque peu surprise par cette vague d’hostilité presque gratuite. Mon interlocutrice se referme quelque peu sur elle-même. Ouvre et referme une première fois la bouche. À l’image d’une carpe qui vient d’échouer sur une rive. Cela pourrait m’inspirer la pitié. Enclencher le bouton remords. Il n’en est rien. Et n’en a jamais été. Encore une prérequis pour pouvoir postuler pour le rôle d’étudiante en médecine psychiatrique. De l’empathie, certes, mais sans tomber dans l’excès et la saturation émotionnelle. Prendre sur soi le malheur des autres, ou du moins une partie, n’est pas donné à tout le monde. Croyez bien que les personnes qui possèdent cette aptitude extraordinaire (même si tout dépend, encore et toujours, du point de vue) n’ont clairement pas intérêt à s’aventurer dans un terrain de jeu aussi bourré de pièges que le mien. Endéans la première année d’exercice dans la fonction, la moitié de l’auditoire de base (si pas plus) aura attenté à sa vie, au moins une fois. Ou aura assurément envisagé la possibilité de. L’autre moitié aura résolument décidé de reporter son temps et son attention sur une cause moins désespérante et non vouée d’entrée de jeu à un échec cuisant.
    Sage décision.

    Mais revenons à nos moutons. Ou nos cochons. As you wish.
    Elle finit par prendre la parole. Par énoncer une vérité que je connaissais déjà, mais dont les sous-entendus semblent seulement maintenant percuter ses propres œillères. Direct du droit. Uppercut dans l’os de la mâchoire. En effet mademoiselle Kjeldsen, mes patients s’enquièrent uniquement et exclusivement de leur propre petit confort personnel. Accessoirement celui de leur progéniture. C’est ça aussi être psy. Cela fait partie intégrante du travail. Ce sont les petites lettres tout en bas du contrat. Vous savez, celles que personne ne prend la peine de lire, bien trop content de pouvoir apposer sa signature sous la mention CDI dans un monde de consommation rapide et de je-m’en-foutisme général. Je prends. Je jette. J’en reprends.

    L’être humain est un animal bien étrange. Il éprouve envers et contre tout ce besoin quasi viscéral et maladif qu’on s’occupe de lui. Mais n’allez pas pour autant lui demander la monnaie de sa pièce. Après tout, il vous paie déjà bien assez pour que vous supportiez son propre malheur. Que pourrait-il bien faire de celui d’autrui ? Si ce n’est prouver par A+B que le sien est vachement plus à plaindre. À moins qu’il trouve à s’en réjouir. Dans le premier cas de figure, comme dans l’autre, ma place à moi est bien définie. Mais vous ne m’entendez pas m’en plaindre, si ?
    Un psy n’a pas de vie à proprement parler mademoiselle Kjeldsen. Il respire et se lève tous les matins avec pour seul et unique but celui d’empêcher la communauté de s’effondrer en prenant soin des maillons faibles. Oh ne prenez pas là mes pensées pour un aveu de plus. Il s’agit là uniquement du rôle acquis de par la définition propre que l’on m’attribue. Et qui suis-je donc pour remettre en cause ce qui relève, in fine, du ressort de la culture générale ?

    Non, je ne vais pas bien.
    Oui, c’est moi la psy.
    Non, vous ne pouvez pas savoir.
    Oui, vous auriez dû.

    - « Vous êtes étudiante en médecine. Peu importe la branche qui se vantera de vous avoir dans son équipe, vous allez devoir apprendre à jauger une situation en grande partie sur base de votre propre ressenti. »

    Ma voix s’est calmée. Elle est moins sur la défensive. Comme mon expression générale en somme. Elle n’y peut rien de mes états d’âme. Elle ne vaut ni plus ni moins qu’un autre. Qui suis-je pour elle si ce n’est une quasi inconnue qui a partagé un peu trop de sa vie privée un soir de grande beuverie ? Si ce n’est le toubib ingrat qui a laissé ses patients en plan sans même laisser des consignes pour son remplaçant ? Certes, mais quel remplaçant ? La bonne blague.

    - « Pourquoi ne pas mettre cela en pratique dans l’immédiat? »

    Ton analyse débute bien. Tu veux me faire sortir de mes gonds? M’arracher des informations qui par la suite pourront servir ta propre cause, quelle qu’elle soit ? Grand bien te fasse. De toute évidence, qu’ai-je donc à y perdre ? Mon job ? Mon honneur ? Ma réputation ? Est-ce que je donne l’impression d’en avoir quoi que ce soit à foutre de ceux-là?

    - « Quels sont les faits? »

    Attention, question piège.

    - « Et lesquels ne le sont pas? »

    Il y a ce qui est, ce qui n’est pas, ce qui a été et ce qui sera. Tout comme ce que j’ai dit ou fait, ce que tu as entendu ou vu, ce que tu as cru entendre ou voir, ce que tu aurais aimé entendre ou voir, ce que j’ai voulu dire, ce que tu as consenti à comprendre, ce qui n’a jamais été abordé et ce qui pourrait l’être, mais actuellement ne l’est pas encore. Cette liste peut encore s’allonger sur quelques longueurs. Mais débutons déjà par le b.a.-ba de l’analyse sensorielle. Qu’est-ce que tu sais ? Qu’est-ce que tu supputes ? Et qu’est-ce que tu as d’ores et déjà tiré comme conclusion avant notre toute première parole échangée ?

    - « Allez-y, je vous écoute. »

    Examen surprise.
    Vous avez quatre heures.
    À vos crayons. Prêt. Partez !

    - « Fais-toi plaisir et analyse-moi … Bedelia

    Perturbant …
    N’est-ce pas?
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