«You know you're in love when you can't fall asleep because reality is finally better than your dreams.»
Dans sa robe blanche, elle s’était avancée vers lui, le visage plein de larmes. Des larmes de joie comme les siennes, alors qu’il l'observait le coeur serré, qui refusaient de couler. Le regard brouillé l’aurait empêché d’admirer celle qui ressemblait à un ange. Les « oui, je le veux » ont été soufflés comme des certitudes qu’ils portaient au creux de leur coeur. Leur relation officielle était encore toute jeune, mais elle s’était, malgré tout, construite et solidifiée sur quelques années. Leur complicité était inébranlable. Et, sans l’ombre d’un doute, même les âmes divines s’étaient nouées ; le dieu magicien s’était épris de la déesse mère. La main au creux du dos de son aimée, les corps resserrés en une danse lente, le regard dans le sien, Clarence se repasse les images de la cérémonie trop vite terminée. Il rit doucement à la remarque sur le bouquet ; d’ailleurs il ne sait même pas qui l’a attrapé ! Toute son attention, il la donnait à la mariée. « La jarretière, je peux la garder ou je dois vraiment la lancer ? », qu’il demande en venant poser un baiser sur le front de la rousse, l’espièglerie faisant bondir ses mots. Il ferme les yeux, apaisé, sous les caresses de son épouse, appuie sa joue contre les fins doigts qu’il embrasse finalement. Sa main remonte le long de son dos, s’appuie plus fermement sous les omoplates.
Il n’a pas de mots assez forts pour répondre aux remerciements d’Anna. Parfois, seul le silence convient. Mais son regard, fier et amoureux, parle pour lui. Il sait qu’elle est forte et qu’il n’est pas le seul responsable de sa liberté. Si elle n’avait pas voulu s’en sortir, il n’aurait pas pu l’aider autant. Doucement, il se penche et embrasse sa mâchoire. « Tu sais, j’ai souvent eu peur que cette place soit donnée à un autre. C’est que tu m’as sous ton charme depuis nos premières paroles… » Son regard se détourne un peu, sous la timidité presque juvénile qui s’installe soudainement. Cela a beau être son second, mais il a l’impression de vivre tout ça une première fois. Sa première épouse, il l’avait certes aimée, mais il était jeune, ne savait pas nécessairement ce qu’il voulait de la vie, et, surtout, la hâte s’imposait comme si le temps lui filait trop vite entre les doigts. Maintenant il était posé et surtout plus mature. Alors que la première danse tire lentement à sa fin, Clarence attrape Annalisa par la taille et la fait tourner brièvement, clôturant le moment sur un long baiser. Puis, il murmure à l’oreille d’Anna que sa robe est magnifique, mais qu’il se réjouit d’avance de découvrir la dentelle qui se cache en-dessous. Un clin d’oeil joueur en guise de ponctuation alors qu’il se détache à contre-coeur, sous une pluie d’applaudissements. Aussitôt, les plus jeunes s’agitent et s’exclament, heureux, alors qu’ils viennent s’accrocher aux jambes d’Anna et de Clarence. Ça fait rire le nouveau marié qui n’imagine sa vie ni sans elle, ni sans eux.
«You know you're in love when you can't fall asleep because reality is finally better than your dreams.»
Son regard ne quitte pas Annalisa qui ne manque pas, encore une fois, de lui couper le souffle. Il boit chacun de ses gestes, de ses sourires. Au quotidien, son bonheur est contagieux et suffit à apaiser tout le poids qu’il a l’impression de porter sur ses épaules. Clarence sait toute la chance qu’il a d’être marié à une femme comme elle, qui émane constamment d’amour et de douceur ; qui sait s’émerveiller même des plus petites choses de la vie. Oui, si la Bratva avait tenté de la mariée à nouveau, il l’aurait emmenée loin d’ici, qu’elle n’ait pas à revivre à nouveau une vie de soumission. La tête ailleurs, son coeur fond en la regardant faire danser les petits, les faire tourner et titiller leurs rires. Sans hésiter, Clarence se joint à elle et fait danser leurs filles qui réclament une valse, dans sa définition la plus enfantine. Du bout des bras, il tient leurs petites mains et les fait tourner à tour de rôle. Plus expérimental, Fafnir demande à faire l’avion, ce qui ne manque pas d’attiser les exclamations amusées des invités. Quand Anna part voir les jumeaux, le troupeau la suit - comme les canetons suivent la maman canard - avant de se disperser pour aller jouer entre eux et avec les cousins et cousines plus ou moins éloignés.
C’est en s’invitant dans les discussions diverses, en prenant des nouvelles de gens qu’il n’avait pas vu depuis un moment, qu’il comble l’absence d’Anna. Hunter et Rosaleen ne tardent pas à venir l’embêter. Hunter, l’ainée, lui pince une joue qu’elle tapote ensuite, lui dit qu’elle le trouve mignon, niais comme ça. Le divin rougit instantanément, pince ses lèvres, à la fois d’orgueil, mais aussi d’allégresse comme le geste lui rappelle leur enfance. Bientôt, la musique se fait plus entraînante et les deux soeurs s’éloignent, mains liées, pour se secouer au rythme de chansons pop piquées aux années 80 et 90. La nostalgie s’impose autant qu’Annalisa qui soudainement enlace Clarence de ses bras réconfortant. Mais Clarence cultive l’attente : il ne se retourne pas immédiatement, profite de la chaleur tout contre son dos, caresse les avant-bras de l’aimée jusqu’à ce qu’elle incite finalement pour qu’il se retourne. Il suit chacun de ses gestes. Le regard moqueur quand elle le fait tourner, il l’embrasse sur le front pour se jouer gentiment du fait qu’elle ait besoin de ses talons pour y parvenir. « Il va mettre la caméra sur le trépied de temps en temps, j’espère ? », qu’il lance, peut-être un peu inquiet. Il ne souhaite pas que Cyrus passe la soirée le nez derrière la caméra plutôt que de profiter de la soirée. Le sentiment se disperse aussitôt lorsque son regard se plonge dans celui d’Anna et qu’un sourire qui souligne son désir de défi soulève ses pommettes au même moment où les premières notes de Footloose se font entendre. Elle veut qu’ils donnent tout, alors ils donneront tout ! D’un pas rapide, il l’entraîne plus au centre de la pièce, où l’espace convient pour une danse plus vive qu’une valse. Ce genre de danse, sur ce genre de musique, qui invite tout le monde à se joindre. Évidemment, Clarence ne manque pas de fredonner l’air qu’il a entendu tourner trop souvent durant son enfance.
«You know you're in love when you can't fall asleep because reality is finally better than your dreams.»
C’est rare qu’il se laisse aller, qu’il oublie le monde et ignore les regards, peu importe ce dont ils le couvrent, qu’on pose sur lui, mais avec Anna et les enfants, c’est différent. Leur bonheur, leur sourire, passe avant son orgueil questionnable. Les joues rosies par l’effort et la concentration, ses pas s’arrêtent au fil de la musique qui tire ses dernières notes, mais son attention reste toute collée à l’aimée à qui il passe son bras autour de sa taille pour mieux l’attirer contre lui. Son nez se pose sur le sien, qu’il frotte doucement ; un instant espiègle qui témoigne de son coeur léger. Calmement, il reprend son souffle, laisse tomber un rire et quelques mots : « C’est comme si j’avais vingt ans de moins… » Les lèvres se pincent en un sourire niais. C’est la légèreté, l’insouciance du moment, qui lui donnent cette impression et lui font accepter qu’il mérite une autre chance, un nouveau départ. À cet instant, il voudrait que le temps s’allonge, que la soirée ne se termine pas, même s’il attendait le moment où ils se retrouveraient seuls rien que tous les deux ; il lui tarde de se blottir dans la chaleur des bras de la rousse. Il n’y a que les mains de leurs filles, qu’elles serrent pour mieux les guider devant leur scène improvisée, qui parviennent à le tirer de sa contemplation.
Intrigué, il lange un regard curieux à Anna ; les préparations n’avaient pas été particulièrement subtiles, mais Clarence n’avait pas du tout la perspicacité d’Anna – c’était son petit truc à elle. Émerveillé, presque trépignant, il attend de découvrir les efforts que les mômes ont misés pour les éblouir. Sveinn brise la glace en venant leur déposer sur la tête, en bon petit prince, une couronne de papier ; la seule qui vaut réellement la peine d’être portée. Amusé, il se penche et pose un gros bisou sur la joue d’Askja et celle de Sveinn avant qu’ils ne se sauvent comme des voleurs, les prunelles espiègles.
De l’autre côté du rideau, auquel sont pendues des fleurs de papier, les rires aigus et les exclamations un peu impatientes chamboule le silence et attendrissent Clarence. Sa main serre plus tendrement celle de son épouse à qui il lance un regard complice : « Les connaissant, ça va être intense », laisse-t-il tomber, la curiosité dans la voix. Il connait bien ses enfants : quand ils font quelque chose, c’est presque toujours over the top. Des petits artistes dans l’âme, qui ne manquent jamais de le rendre fier. Graduellement, une musique enjouée remplace les voix enfantines. Le rideau s’ouvre rapidement, tiré par Maisie et Timothy qui rejoignent ensuite, au milieu de la scène, Aster et Laura avec qui ils ont chorégraphié une danse. S’en suit, après les applaudissements (Clarence s’assurant évidemment d’applaudir le plus fort, en bon papa poule), Heathcliff et Fafnir qui ont concocté pour l’occasion une expérience scientifique. Sveinn qui leur sert d’assistant, se pavane maladroitement en lançant des bisous volants à la foule. De temps en temps, l’attention de Clarence divague sur Anna pour profiter de la fascination, de l’allégresse, qui se dégage de son visage. C’est lui, cette fois, qui vient poser sa tête contre la sienne. Il a le cœur un peu lourd, mais non pas de tristesse. S’enchaînent ensuite du chant (Gisla ne chante pas très bien, mais Clarence applaudit quand même très fort, bien qu’il se disse qu’il faudrait peut-être investir dans des cours de voix si elle comptait poursuivre dans cette vocation), du théâtre et quelques sketches humoristiques. Au fil des présentations, l’émerveillement dans les yeux de Clarence s’embrume et sa gorge se noue. Il serre la main d’Anna un peu plus fort avant de la lâcher, venant plutôt passer ses bras autour de sa taille, ne s’en éloignant que pour applaudir à la fin de chacune des présentations et, surtout, à la fin, lorsqu’il se lève pour applaudir la petite ribambelle qui offre à la foule une révérence désacordée. Il ignore les larmes tièdes qui coûlent finalement sur ses joues, le goût salé quand elles se faufilent entre ses lèvres. C’est qu’à ce moment-là, il a devant lui tout ce qu’il croyait ne pas mériter. Une légèreté à laquelle il a encore du mal à s’adapter. Il n’est certainement pas le mauvais père qu’il croyait être malgré les mots rassurants d’Annalisa. Et si elle a choisi de l’épouser, il doit être suffisamment adéquat. Les enfants remarquent son hoquet et s’empressent de descendre pour venir lui faire un grand câlin. Sveinn, pas très rapide sur ses petites pattes, se fait attraper par Maisie qui l’amène à destination. Le papa n’a pas assez de bras pour tous les enlacer, mais il fait de son mieux pour qu’aucun ne se sente en plan. D’un regard, il invite Anna à se joindre au câlin collectif.