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L'or des fous [Aurelio]

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L'or des fous [Aurelio] - Dim 16 Juin - 23:39

Je souffre. C’est là dans un coin de mon cerveau, une certitude ancrée, elle fait trembler mon sourire qui s’écaille à mesure que la douleur s’incruste. Et dans les néons, auprès des millions d’autres corps alanguis à cette heure de la nuit, tout semble soudainement aller mal, aller de travers, comme les sourire qu’on me sert alors que sur mon visage s’étale toute l’horreur de cette vérité là. Je souffre. Moi. Alors je joue des coudes, ressens dans mes joues, mon estomac, la torsion sur un bras. Je cherche, autour de moi, quelqu’un pour me venir en aide, mais personne ne vient. Ils sont tous là, à me demander si je vais bien, si je veux encore partager un verre, un baiser. Stupides et aveugles, alors que j’ai mal. Je m’imagine, des plaies, des bleus, après des poings, des liens, l’impuissance aussi, mais surtout la souffrance, la souffrance, la souffrance. J’en ai les yeux qui brillent, de cette rage, de cette détresse aussi. C’est moi qu’on blesse. Et je promets déjà d’assassiner celui qui ose, qui a osé, que j’extirperai bien des milliers de hurlement de sa gorge et il me suppliera d’arrêter, mais je le crèverai, je le crèverai, je le crèverai d’avoir même osé frôlé ma carnation, d’avoir imaginé qu’on puisse toucher Dieu en toute impunité. J’excaverai son coeur et… Je pleure. Je pleure, à peine sorti de l’appartement plein à craqué. Je pleure, parce que je souffre, je souffre et personne ne semble s’en inquiéter.

Jusqu’à ce que toutes les sensations disparaissent. Que mon visage ne me semble plus constellé de coups comme des météorites à la surface de la terre. Alors je me fige, dans le couloir, le bras appuyé contre le mur. Et je cherche. Je me palpe le corps, le visage, mais rien. Rien. Simplement une sensation de vide, maintenant. Et je comprends finalement. Ce n’est pas moi qui souffre, mais l’autre moi. Enfin. Je, il, ne souffre plus. Il est sans doute trop faible pour rester conscient. Mais il n’est pas mort, je ne suis pas mort puisque mon cerveau fonctionne encore et qu’il est déjà en train de tourner à toute vitesse. Même si je me sens toujours ébranlé, je sais que je peux aller l’aider. Aller m’aider. Mais je ne sais pas soigner. Moi. Je ne sais pas faire ça. Et pourtant.

Je consulte le lieu de rendez-vous, c’est dans mes mémos. J’ai toujours des mémos pour me rappeler. Sur ce téléphone comme le mien. Enfin, celui que possède l’autre Cezar. L’autre moi. Le quartier qui m’a vu grandir, qui l’a vu grandir. Alors ça m’ébranle encore un peu plus, que je vais peut-être y mourir. Je me hâte, donc, arrête un taxi en pleine course pour qu’il m’emmène dans un endroit où je pourrai trouver quelqu’un pour me soigner. Pour le soigner. Quand on l’aura retrouvé, quand on m’aura retrouvé. L’inquiétude me ronge encore une partie de mon cerveau, si bien que ce sont mes ongles que je ronge. Parce que le chauffeur ne va pas assez vite, qu’il ne comprend pas même quand je lui explique qu’il s’agit d’une question de vie ou de mort.

Les putes, les autres m’en avaient parlé. Celles qui s’estiment suffisamment neutres pour traîner les deux quartiers, qui ont la langue chantante, pleine de portugais. Il existait un endroit où elles pouvaient se rendre au moindre problème. Très sûr, qu’elles avaient juré. Alors je m’y rends, même si moi je n’ai pas d’ignominie à crever. Parce que s’il savent faire ça, ils peuvent aussi sauver. Je m’essuie le visage dans mon t-shirt à peine arrivé, sans attendre qu’on me rende ma monnaie. Et je vais sonner à l’entrée du planning. Tape comme un damné contre la porte pour encore souligner l’urgence. J’ai besoin d’aide ! La voix éraillée d’imaginer que je puisse crever comme un rat, que je puisse souffrir comme ça, que le monde n’en paraît pas plus chamboulé. Parce que je souffre moi. Et de tous les évènements cosmiques, de tous les évènements cataclysmiques c’est bien cela le pire. Il faut m’aider, je vous en supplie ! Et je tuerai celui qui a osé, je promets. Oui, ça non plus je n’ai pas oublié.
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L'or des fous [Aurelio] - Mer 19 Juin - 0:09

Café.

La machine semble ne cesser depuis le début de la nuit ; cette garde improvisée précédée d’une autre garde à l’hôpital sape le peu d’énergie en moi. Je veille, plus mal que bien, mais je veille dans l’antenne principale du Planning Familiale, l’œuvre de ma mère, et patient que la relève arrive tôt le matin. D’ici peu, d’ici une longue heure, l’entreprise pour le nettoyage viendra astiquer les lieux, des mexicaines sans papier cherchant à financer leurs visas ou simplement leurs repas. Elles finiront à la Calavera.

Horloge.

Je la fixe, sans cesse, elle qui ne bouge d’un iota, qui paraît figé dans un éternel instant, trop loin de ma délivrance. Et j’ai faim. Je me sens comme notre commandante, à manger en permanence, trempant des biscuits au sésame dans mon café. Dans le frigo d’appoint, je m’empare d’un yaourt, me disant qu’il calera peut-être ma fringale. Cuillère dans la bouche, je retourne devant l’ordinateur, essayant d’avancer sur mes dossiers de l’hôpital, puisque j’ai terminé ceux du Planning. Le suivi de mes patientes m’assomme. Peut-être dois-je dessiner. Peut-être dois-je errer sur Internet. J’ouvre mon téléphone et répond à deux ou trois messages, marquant par la même occasion ma présence mensuelle sur les réseaux sociaux. Bonsoir, gens de la nuit, qui est éveillé pour me tenir compagnie ?

Personne.

Je change de musique, en trouvant une plus guillerette et dynamique afin de me tirer hors de ma torpeur. Je me lave les dents, aussi, aspergeant au passage mon visage d’eau afin d’en ôter les cernes. Généralement, dans le quartier, il se passe toujours quelque chose la nuit. Surtout avec l’été, la fin de l’année scolaire et l’alcool coulant à flot pour fêter les désintégrations et les diplômes tombant mais … pas ce soir, pas cette année. Je ne sais si je le regrette.

Sonnette.

Qui trouble le silence de la nuit et l’apesanteur de ma torpeur. Après m’être relevé, mes pas se dirigent vers la porte d’entrée où une silhouette tambourine à la porte. Elle doit être pressée et souffrir le martyr, ou simplement beaucoup trop soûl. Ou effrayée. En la déverrouillant, je tombe nez à nez avec un jeune homme dont le regard trouble  et l’ersatz d’aura viennent à heurter la placidité de ma nuit. J’hausse un sourcil.

Interloqué.
Echo du passé.


La brise marine s’engouffre dans mes cheveux, dans ma chemise en lin à moitié ouverte, à moitié déchirée. Le Soleil tape sur nos peaux basanées et salées. Je souris en regardant les voiles se gonfler : nous avons le vent de dos et allons donc à la vitesse maximale. Je descends sur le pont, laissant le gouvernail à un de mes officiers et monte à la vigie, longue-vue à la main. Esseulée, une embarcation se trouve droit devant nous, légèrement à bâbord. Un navire marchand, mais seul, ainsi, il s’agit peut-être d’un piège.  Pourtant, les pirates ne sont pas dans cette région en ce moment, les routes commerciales étant bien plus au nord.

Instinct.

Il faut foncer dessus. Je redescends sur le bois, touchant de mes pieds nus les cordages et fonce dans le château où se trouve ma cabines et mes biens. Ainsi que ma femme enceinte et mes enfants. « Je me dis qu’on a bientôt la solution à nos problèmes. Tout va bien ? » Elle hausse de la tête, les gamins s’ennuient à chercher sur la carte des destinations imaginaires. « Il va y avoir du grabuge, planquez-vous. » Après avoir fait le plein de munition et nettoyé mon sabre, j’enfile des chaussures décentes et met sur mon chef un tricorne orné de trois magnifiques plumes multicolores. Certes, je ne suis plus un serpent mais, au moins, je suis toujours haut en couleurs.

Branle-bas de combat.

Les marins s’organisent et s’oppressent. Les plus habiles de leurs yeux postés aux grappins, d’autres menaçant avec les canons. Mais le gros de mon bataillon se tient prêt à aborder, pistolet en main, lame à la ceinture et hargne dans le regard. «  Je vous rappelle, nous ne cherchons pas qu’un trésor, mais plutôt une personne. Après, s’ils ont de l’or ou de la soie, on ne va pas se priver ! » Et ils m’acclament.

Claquement.

Le drapeau noir vient d’être hissé, sombre présage à l’horizon. Nous arrivons comme une furie, le vent nous aidant et eux non. Le premier boulet vient d’être tiré, le bois vole en éclat. Je sens d’ici la peur s’insinuer dans l’air. Les cordes s’attachent à la coque et nous sautons sur cette flûte marchande, absolument pas prête pour le combat. Je vois un homme richement vêtu et me rue dessus, plaquant l’acier froid de mon arme sur son cou.

« Que tout le monde m’écoute ! Je le libère si vous avez un médecin parmi vous ! Parole de Roberto Cofresì 

Une rumeur parcourt l’assemblée. Mes hommes menacent toujours de massacrer le navire marchand mais demeurent cois. Le bois grince et j’entends des pas ; ils le montrent tous du doigt. Je me dirige vers lui et l’échange avec le riche.

« Prenez leurs biens, ce sera votre salaire ! »

Je n’y toucherai pas, pas plus qu’au médecin. Je le fixe tout en l’emportant avec moi sur mon galion. Quelque chose dans son aura me trouble, déjà parce qu’il en a une.

Interloqué.
Questions.

J’hésite à lui demander ce qu’il chercher auprès d’un obstétricien en pleine nuit, avec tout le sarcasme dont déborde mon être mais je me retiens, je ne dis rien et le toise, cherchant à deviner ce qui me perturbe. Combien il l’aime, quelle est la hauteur de sa connerie, pour venir ici et non appeler les ambulances ? Mais, si je suis ici, c’est bien pour ce genre de catastrophes, ou de personnes sans assurance.

« Qu’est-ce qu’elle a ? Dis moi ce que tu sais que je puisse l’aider au mieux. Et ne t’en fais pas, je suis bien médecin, ça restera confidentiel. »

Je me mets à sa hauteur et plonge mes orbites dans les siennes. J’ai une impression de déjà-vue assez particulière, peut-être est-il déjà venu avec sa copine, ou sa sœur ? Ou sa mère ? Je ne peux savoir, voyant trop de patientes déjà, retenir leurs accompagnateurs m’est difficile.

« Il faut juste que tu gardes ton calme. Respire. »
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L'or des fous [Aurelio] - Sam 22 Juin - 20:06

Je m’abîme les yeux, quelques temps, avant de m’assoupir subitement, les paupières trop lourdes de ne plus savoir de quelle journée ou de quelle nuit je suis le rejet.


DES PIRATES! Je sursaute, faisant tomber sur le sol de l’encre. Je jure entre mes dents, ignorant parfaitement tout le fatras au-dessus de moi. Je range mes affaires dans ma besace, délaissant l’encre et la plume pour mieux contempler le navire et son pavillon noir.

Mais tout ceci, je ne le verrai pas vraiment, car il n’y aura pas de combat, pas même de fracas. Juste le capture de Monsieur le Marchand, si effrayé qu’il en perd ses plus jolis boniments. Ses hommes s’arrêtent, les yeux fixés sur la lame, celle qui pourrait arracher la vie à leur employeur et avec elle, tout espoir d’une quelconque rétribution. C’est alors que le capitaine, ou du moins celui qui j’identifie comme tel, s’exclame qu’il est prêt à échanger sa vie contre celle d’un médecin. Contre la mienne. Je reste interdit, alors que tous s’écartent comme une mer trop rouge, pour que je sois visible. Je dégluti, mais ne baisse pas la tête. Les humains sont prévisibles, n’est-ce pas ? Il me chuchote comme parfois il me chuchote de leur arracher leur cœur tremblant avec mes doigts pour que je puisse m’en repaître.

Je me laisse capturer, sans esquisser la moindre résistance. Parce que j’imagine parfaitement qu’un pirate ne prendrait pas un médecin à son bord si ce n’est pour qu’il puisse s’occuper d’un malade. Et tant qu’il estimera que je puisse être un tant soit peu utile alors je vivrai. Et alors l’ombre inconnu dans mon esprit se tait, intrigué.


***

Je m’écarte alors que finalement, la porte s’ouvre. Ma paume et mon poing douloureux, mais moins encore que cet être moi, cet autre corps inerte, quelque part. Et le messie s’incarne, droit et calme, ma pupille dans la sienne, faisant naître finalement du soulagement, affreux et dégoulinant de je ne sais où. Et ça ne me plaît pas, parce que je sais que moi je ne dépendrai que des ses doigts, qu’il pourrait me sauver comme ne pas le faire s’il le décidait. S’il n’accédait pas à ma requête. Et j’essaie de me calmer, agacé, là encore, de me montrer si peu assuré. Mais, l’inquiétude et toujours sourde et se superpose à la crise d’égo. À moins que ce n’en soit là qu’une autre, grossière.

Il, je commence, en insistant sur le pronom, pour qu’il comprenne tout de suite que je ne suis pas là pour des conseils obstétriques. Est blessé. Je meurs, en réalité. Mais j’ai déjà les yeux fous et si je me mets à divaguer alors, il ne prendra pas la peine de se déplacer. Je sais qu’il devait rencontrer un client, dans un club du coin. Et je brode un semblant de vérité, l’inquiétude transperçant plus encore le ton de ma voix. Seulement, il y a eu un problème. Je grimace en prononçant ce dernier mot, puisqu’il s’agit plus d’un crime de lèse-majesté que d’un simple problème. Il faut le retrouver et lui prodiguer des soins ! Avant que l’aube ne morde sa peau et la mienne et que nous en mourions. Car j’ai la certitude que si la nuit est mon domaine, le jour m’est trop hostile pour que je survive.


Je ne peux pas appeler le 911, vous comprenez ? Les autres putes disent que vous êtes le plus fiable.

Je fixe le sol, car l’impuissance dont je fais preuve me dégoûte et redonne à ma colère un nouveau souffle. Je saisis le poignet devant moi avec force, l'air plus sérieux que dramatique, parce que c'est une certitude ancrée dans mes os. Si vous ne m’aidez pas, il meurt. Je meurs.
 
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L'or des fous [Aurelio] - Ven 19 Juil - 18:02

Intrigué.

Par ses mots, ses gestes, son aura. Enfin, ce qui dégage de lui. Comme quelque chose que je n’avais jamais vu, jamais ressenti ; l’impression d’être une pièce d’un puzzle face à une autre, et tenter de s’emboîter, mystiquement parlant, et de voir des prémices de possibilité. Cependant, un autre paradigme se forme : si l’enclenchement s’opère, l’image dessinée ne semble correspondre à rien de ce que je connais. D’où l’intrigue, d’où l’incompréhension de cette sensation absconse.
Il ne semble aucunement divin, nulle déité ne coule hors de sa peau, de son âme, et son derme s’éloigne des teintes méridionales des dieux méso-américains ; l’inconnu ne doit pas être nôtre, simplement un humain au charisme déroutant, à l’aura particulièrement hypnotisante qui fait convulser mes sens analytiques. Qu’est-ce ?

Décousu.

J’écoute son discours alors que mon esprit s’effiloche. Pensées délétères qui tente de rallier le pragmatisme de la situation à l’ivresse de cette sensation impalpable et la panique dans ses mots. Un blessé, un homme qui vend son corps. Un classique. Déjà que que la société dénigre le plus anciens métier monde, qui tente de survivre à l’ombre des buildings pour se repaître des miettes tombées de ces hauts piédestaux, et profite de l’anonymat de ces travailleurs pour les tabasser, il s’avère dangereux d’être un homme dans ce milieu. Car les hommes qui aiment les hommes (ou les femmes du même acabit) sont pourchassés pour que la virilité introvertie soit exprimée. Par les poings. Par le sang. Cocktail dangereux que de faire cette activité.
Alors j’acquière. Du mieux que je peux.

« Je vais l’aider, ne t’en fais pas. »

Je plonge mon regard dans ses yeux, posant ma main sur son épaule, afin de l’apaiser, afin de balayer de son esprit toute once de peur. Peut-être le rassurer, lui dire qu’il est enfin en sécurité, avec moi, ici. Ce serait mentir, le danger m’entoure, je nage dedans, je m’y noie parfois, et j’en tire quelques miettes de plaisir certes coupable. Mes lippes s’étirent, pour lui sourire,  mais je ne montre mes dents car ça pourrait l’effrayer que de voir des crocs.

« Tu es en sécurité avec nous, on forme une famille tu vas voir. Hétéroclite et totalement dégingandée, raillé-je, mais on s’amuse bien ! »

Je pivote ; pirouette sur le bois, mes bottes crissent sur le pont. Mes bras se lèvent, comme pour implorer les cieux azurs. Mais j’interpelle mon équipage.

« N’est-ce pas qu’on s’amuse, hurlé-je. »

Une acclamation parcourt le galion, accompagné soudain par le claquement des voiles et le grincement de la coque. Et le cri d’un homme à la mer, jeté par l’un des miens. Les rires parcourent le ponton, la joie, qui fait paniquer les marchands ; cette folie furieuse qui nous caractérise, nous les pirates, nous qui n’avons rien à perdre si ce n’est la vie. Car tout nous a été ôté, nos biens, nos maisons, nos attaches, si nous perdons, nous sommes condamnés. Alors, nous ne perdrons jamais. Je l’ai promis à mon équipage.

« Viens. »

J’emporte le médecin avec moi, refusant à ce qu’il soit attaché. Je désire à ce qu’il soit heureux, à ce qu’il intègre notre famille, ma cour, mon petit royaume de pacotille. S’il est suffisamment malin, il comprendra que s’asseoir à mes côtés, juste dans l’ombre de mon trône, est la meilleure position. S’il est futé il m’aidera et m’écoutera. Sinon, juste après avoir eu besoin de lui, je le passerai par dessus bord, ou l’abandonnerai sur une île où il séchera et où la folie viendra envahir son esprit.

« Le tumulte est trop fort ici, mes hommes ont besoin d’exercice pour ne pas sombrer dans la mélancolie. »

A pied joint, j’atterris sur mon propre navire, déserté par mes soldats qui conquièrent un autre château de bois. Seuls quelques mousses sont demeurés, et les marins prêts à faire partir notre galère, bien vite, bien loin, à un endroit caché de l’horizon.

« Tu comprendras bien vite pourquoi tu es venu ici. Je m’appelle Roberto, continué-je, mais tu peux m’appeler Capitaine. »

Sa silhouette ne me dit rien, ne m’évoque rien. Ni sa voix. Pourtant, j’ai l’impression de le connaître, de quelque part. Je me dis, je m’excuse, que dans mes vagabondages nocturnes, peut-être l’ai-je déjà croisé à la lueur de la Lune. Nous qui flottons, nous qui errons, il est probable que nos deux corps se soient effleurés, entrechoqués, sans nous en rendre compte , juste au détour d’un regard, ombre dans la foule.

« Je vais chercher une trousse de soin, ne bouge pas. »

Je m’éloigne d’un pas de lui. Mon visage se referme, mes yeux se détournent, mais j’essaie d’avoir l’air rassurant, calme et réfléchi.

« Cherche juste le moyen le plus rapide et / ou le plus discret pour m’amener vers lui. »

Après avoir fait volte-face, je m’enfonce dans le bureau à la recherche du nécessaire, prêt à soigner tout et n’importe quoi. Je prie juste qu’il ne meure pas dans mes doigts, je n’ai pas l’énergie pour appeler le commissariat et passer la journée au poste.
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L'or des fous [Aurelio] - Dim 6 Oct - 19:53

Les muscles de mon visage tressautent, évidemment, impatiemment, moi-même, décousu, dépenaillé, dissocié. Paraître à ce point en détresse, ah, ça ne me ressemble tellement pas. Peut-être, peut-être parce que je ne suis pas moi, plus moi, que je ne suis pas le vrai, cette fois, je ne sais pas. C’est vrai. J’aimerai penser, que, celui qui supplie, qui attend, qui espère qui dépend si durement d’une autre personne n’est qu’une partie frelaté de ce que je suis, mais, voilà. J’expire du soulagement à en avoir la larme à l’œil, toujours pathétique cet être là, cet être moi. Il va m’aider, il dit, il ne pose pas plus de question, non, il déclare, avec assurance qu’il nous aidera, qu’il me sauvera. Ah. J’expire, la paume sur mes entrailles qui se recroqueville, je hoche la tête. D’accord. Très bien. D’accord. Il s’éloigne, pour chercher une trousse de soin, des pansements, de quoi soigner toutes sortes de blessures, je pense, je crois, mais pas celle faite à l’égo. Pas ce soir en tout cas.

Ne t’en fais pas, moi je te sauverai, moi je me sauverai.

Prudemment, si ce n’est, docilement, je suis celui qui se proclame roi des fous, parce qu’il me dit vient, parce qu’il est plus qu’un fou, ou pas moins, sans doute. Et que ma vie, ne repose simplement plus autrement qu’entre ses paumes. Je reste silencieux, même en arrivant sur cet autre navire, qui m’emmènera trop loin de ma destination, pour un temps, au moins. Mes yeux parcourent ces autres restés sur leur maison de bois, car il paraît que tout le monde ici forme une grande et belle famille. Et qu’ils sont disposés à me tendre les bras. Comme si les pirates n’étaient pas ces mécréants sans foi ni loi qui parcourent les mers, qu’ils n’étaient que des drôles, des plaisantins. Mais, ceux qui sont passés sur le fil de leurs lames ne devaient pas partager cette opinion là. En attendant je ne sais pas pourquoi je suis là, je ne vois guère de mourant, pour le moment.

Je connais le lieu de rendez-vous. C’est tout. Quant au moyen d’y parvenir… Je sors mon téléphone, essaie de calculer l’itinéraire. Je n’ai pas de voiture, si vous en avez une, je peux indiquer le chemin. Sinon… Un taxi. Je hoche la tête. Conscient que la marche à pied serait le plus discret, mais je ne suis pas certain que nous puissions arriver suffisamment dans les temps. Je paierai. Je rajoute, même si cela me semble plus évident que n’importe quoi d’autre dans cette situation.

Qui est malade ? Je demande, les mains agrippées à ma sacoche. Car je cherche encore, mais que je connais très bien les raisons de ma venue ici. Soigner. Et après-tout, pourquoi pas, car c’est de toute façon ce que fait un médecin. L’un de vos hommes ? Vous même? La question me brûle les lèvres, mais je la retiens, comme beaucoup d’autres, ainsi que des réflexions qui ne mèneraient à rien d’autres que ma propre perte. Stoïque, mais, toujours enclin à suivre et à écouter, sans pour autant prendre pour argent comptant ce qu’il me dit. Et même les plus beaux sourires, les plus francs éclats de rire, ne me feront pas oublier que, je ne suis pas ici après y avoir été convié. J’ai été, capturé, j’y ai été poussé parce que ma vie valait sans doute moins que celle d’un marchand capable de payer.



 
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L'or des fous [Aurelio] - Lun 14 Oct - 7:48

Silence.

J’écoute les tressautements dans sa voix, comme des sillons dans ses cordes vocales crépitant à l’instar d’un vieux vinyle. Il grésille, il est usé, fatigué, le disque, et lui, le jeune homme, loin d’être fatigué, usé, semble pourtant ne pas être en terrain connu. Le diamant se trompe de sillon, fait des fausses notes et saute, rendant son discours chaotique et abscons. Je remarque dans son intonation la peur du sang, la tonalité vermillon de ses palabres ; bientôt il me demandera, je le devine, quel est la réalité de la close de confidentialité. Et jusqu’où elle peut aller, dans les méandres de la loi, entre un gynécologue et un patient masculin.

Soupir.

Je suis presque amusé, lorsqu’il me dit qu’il va payé le taxi. Mais mes sourcils s’arquent un instant alors que je le regard, grand et maigre, presque débile et chétif, cette nouvelle génération de jeunes adultes à la maigreur exacerbée par les habits trop serrés et la peau trop diaphane pourtant couverte d’encre noire. J’hésite à lui demander ce qu’il a pris, ce qu’ils ont pris, les deux, comme drogues, comme quantité d’alcool ; sans juger je constate qu’il est hors de ses moyens habituels tant il transpire la panique.

« Le temps qu’un taxi vienne, ton ami sera déjà … dans un pire état qu’il ne l’est actuellement. »

Mon esprit s’agite, tempête de pensées, d’idées, de présomption. Je ne peux décemment pas diagnostiquer le malade, le blessé, avant de l’avoir vu. Non. Déjà, il faut que nous nous rendions au point de rendez-vous, là où le sang couvre le sol, ou les draps, que sais-je, et il me faut un moyen de m’y rendre.

Porte.

D’un geste sec, elle se ferme sous mon injonction ; devant moi, les petites marches menant au bâtiment, baignant dans la nuit, sous le réverbère sale de la ville. Attaché au lampadaire traîne mon vélo, glissant lentement vers la position horizontale. Quelques mètres plus loin, une seconde bicyclette trônant, cadenassée à une barrière de fer,  attendant à ce qu’on la libère. Je m’approche et regarde sa chaîne, simple et fragile. Heureusement pour moi, j’ai du matériel médical dans mon sac, habituellement utilisé à trancher la chair ou couper les os ; ce n’est pas un brin de fer qui résistera à l’acier chirurgical. D’un coup de levier, je brise la faible serrure du vélo et le tend à mon patient nocturne.

« J’espère que tu ne crains pas la vitesse, clamé-je.  Parce qu’on va avoir le vent dans la face pendant longtemps. »

En effet, au milieu de la mer, dans la direction où nous allons, les cieux ne nous sont pas favorables ; la boussole à la main, je regarde l’horizon et le drapeau flottant au sommet du plus grand mât. Par vents contraires, au moins jusqu’à la tombée de la nuit, c’est à peine si nous allons bouger. Je regarde mon hôte et lui indique ma cabine que j’ouvre. Je l’invite à y entrer, a-t-il le choix en réalité ?

«  Il n’y a personne de malade ici. »

Le pan de bois se ferme derrière le médecin, le cloisonnant avec moi, ma femme et mes enfants, sur cette nouvelle prison flottante. Ils le regardent, ma femme avec de grands yeux plein d’espoir. Elle se met aussitôt à pleurer et, instinctivement, mes bras entourent ses épaules et un baiser se dépose sur son front.

«  Allons, allons, tout va bien se passer. »

Les trois gamins le fixent. Deux garçons, un de neuf ans, un de quatre, et une fille de sept. Et ma femme, débordante d’amour et d’affection, prête à m’en donner un quatrième. Enfin. Un septième. D’un regard, j’invective ma progéniture d’aller jouer sur le pont, qu’importe que mes marins reviennent à ce moment précis, butin à la main, fiers d’avoir gagné une bataille facile. Ce n’est pas un peu de sang qui les choqueront.

«  Il y a quelques années, j’ai libéré quelques uns de mes frères d’une plantation de canne à sucre. Ils travaillaient pour des européens, à peine payés, à peine mieux traités que les nègres que j’ai aussi embarqués, loin de ces blancs impunis. Il y en avait un parmi eux, un noir, maigre et rabougri, et pourtant, il était au côté du plus riche de tous, assis à côté de lui, à table. Il mangeait en premier, avait les morceaux de choix. Quand je suis venu, il a dit qu’il m’attendait, qu’il savait que j’allais venir et m’a donné toutes les richesses de la demeure, laissant crevé celui qui l’a nourrit pendant des années. Il m’a dit que quelques années plus tard, sur mon bateau, sur mon cher navire, j’allais te rencontrer toi. Et que peut-être tu saurais, non pas par ton intelligence, car c’est mon fardeau, l’intelligence, mais par d’autres talents, que tu pourrais sauver mes enfants. A l’époque, je pensais que, et déjà je commence à perdre mes mots, mes enfants allaient bien,  qu’ils iraient bien mais, tu vois, dis-je après une pause, puisque je suis leur père, ils sont condamnés.  »

Ma femme, ma belle femme, celle que j’aime le plus au monde, continue de pleurer de plus bel alors que je l’étreins du mieux que je peux autant pour elle que pour moi.

«  Mon aîné a bientôt dix ans. Dans quelques jours, mes mots mettent plus de temps à sortir, c’est même pas dit qu’on soit de nouveau sur terre quand ça arrivera. Et. »

Le silence s’installe. Ma voix devient beaucoup plus tremblotante.

«  Ca ne m’étonne pas que je sois tombé sur toi. Le vieux nègre avait raison. Xololt, c’est de ton ressort de le sauver. »

Le vent fait claquer les portes et apporte avec lui une odeur de mort, une saveur de malaise ; chaque rafale semble me rappeler que le temps s’égraine rapidement, beaucoup trop vite, et qu’un dernier souffle arrivera bien vite, bien trop vite. Certains prient, d’autres agissent mais actuellement, à ce moment, je ne peux qu’imaginer le pire et, avec, la tristesse emplissant mon âme.

« Entre l’adresse sur mon téléphone, je connais la ville comme ma poche. »

J’apporte l’engin volé et mon téléphone à cet homme si étrange, si particulier, duquel je sens quelque chose émaner, quelque chose d’inhabituel, d’absolument abstrait. Je serre bien mon sac à dos sur mes épaules et enfourche mon vélo, prêt à partir dans les ténèbres de la nuit, filant comme un bolide.

« Fais attention à toi sur la route, ce serait dommage que je doive te soigner aussi. »
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L'or des fous [Aurelio]

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