La mâchoire crispée et la partie inférieure du visage irritée. Celo bougonne deux trois jolis mots à travers sa barbe inexistante, justement rasée pour l'occasion. Geste regretté aussitôt qu'il s'est achevé. La colère omniprésente se fait prémices d'ouragan ce soir et le colosse fulmine sur place, la gueule fermée et prêt à entrer en combustion. Y'a bien des visages familiers sur qui ses orbes s'attardent, des mouvements de menton en guise de salutation et quelques poignées de mains qui le font redescendre pourtant. L'épiderme cesse de bouillir, apportant quelque répit aux vêtements d'apparat. Un de ces milliers de costumes de la nuova. Le discours du maire, il est rentré par une oreille et ressorti par l'autre. – Cazzo, que Celo grogne sans murmurer. Il joue des coudes pour aller piocher une coupe de mousseux. Pas ce qu'il préfère mais il s'en contentera. Écoute unes à unes les discussions qui l'entourent, mais demeure en retrait. Préfère observer.

Par un miracle, tu étais parvenu à te faire engager comme serveur pour la petite sauterie du maire. Peut être que Gysin en était à l'origine ; le souci étant que ton génie rechignait toujours autant à la tâche, si bien que quand tu lui demandais un service tu savais jamais s’il allait l'accomplir.
Toujours est-il que tu avais l'air presque fréquentable tout bien sapé que tu étais dans ton uniforme de pingouin, soulevant un plateau garni de coupes de champagne dans lesquelles tu piochais tour à tour, sous prétexte d'égaliser le niveau de la quantité du mousseux.
Il y a surtout du gratin latin, de ce que tu peux sentir. L’avantage c’est que t’es pas une figure éminente de la Bratva, donc tu pouvais te fondre un peu partout, surtout si tu décidais de te fondre dans le personnel. Un serveur, ça se regarde pas, le contenu de son plateau est bien plus intéressant.
Dissimulé avec les verres à hauteur de visage, tu peux observer qui tu veux. Et c’est non sans un ricanement que tu observes Celo jeter son dévolu sur toi. Tu le laisses s’armer d’une coupe, avant de lui faire la remarque qui pique un peu comme les bulles. « Ça tu l’as dit, mon grand… T’es là pour être calife à la place du calife ? » Tu siffles dans un verre, lui adressant un regard complice par-dessus le pétillement des bulles. « Oulala, la soirée risque d’être un poil plus palpitante que prévu, dans ce cas ~ »

Je n’avais jamais été à l’aise dans ce genre d’événement. Non pas que je ne les appréciais pas. La nourriture était bonne, le champagne encore plus, et si vous vouliez les derniers ragots, vous étiez probablement au bon endroit. Seulement, tout le monde était convié et par là, je voulais dire toutes les mafias. Il y avait autant de chance de croiser un membre de la Nuova Camorra comme moi, qu’un membre de la Bratva. Au delà du simple fait de leur amitié bien connue, j’avais un petit problème personnel avec la Bratva. Pour faire simple, ma mort ne les aurait pas dérangés.

Peut être étaient-ils d’ailleurs responsable de la mort de Danai. Il était légitime de se poser la question. Je ne l’avais pas très bien connue. Je l’avais déjà vue en réunion, sortie d’affaire en tant qu’avocat une ou deux fois. Mais nous n’avions jamais été très proches. Cependant, à la différence de la méfiance de certains membres de la Camorra, elle n’avait jamais fait peser ses doutes sur moi. Et je lui en était reconnaissant. C’était la principale raison de ma venue. Honorer un membre de notre famille. Aussi, en tant qu’avocat de la Camorra, je pourrais peut être grappiller quelques informations sur ce qui s’était réellement passé.

Je déambulais donc entre les invités, habillé d’un costume trois pièces gris, essayant de rester discret et de dissimuler mon identité grâce à mes dons. Je préférais éviter de me dévoiler. Je me dirigeais vers le buffet, écoutant les conversations sur mon passage. Du coin de l’oeil, j’apercevais Celo Adimari une coupe à la main. Un peu plus loin, se tenait Sybille et Aura. Au moins j’étais en compagnie des membres de la famille. Une fois servi, je restais accouder au comptoir, sirotant ma coupe de champagne et dévisageant les invités, comme pour essayer de lire leurs intentions dans leur regard.

Celo, il capte pas tout de suite qu'il s'agit de @Vitali Babanine, là, tout près de lui, grimé en serveur. Sa paluche se saisit de la coupe de mousseux, et basta. Y'a trop de choses qui se bousculent dans sa caboche pour qu'il daigne jeter ne serait-ce qu'un regard compatissant à un pauvre serveur réquisitionné pour ce grand foutoir. Puis surtout, il s'en fout, Celo. Il salue @Aura Sciarra et @Sybille M. Dousmanis quand celles-ci passent près de lui, et continue de tendre l'oreille autour des diverses discussions qui l'entourent. Alors, il faut bien la voix sirupeuse de Vitali pour lui mettre la puce à l'oreille. Là, le colosse s'écarte un peu et plante ses yeux bleu sombre dans ceux, plus clairs, du tenancier de l'Obsesja qu'il reconnaît aussitôt. Il fronce le nez à la vision de l'aura rouge dont est drapé le quinqua. – Comment as-tu... Il ne finit pas sa phrase, pousse un soupir. – Avant qu'un des tiens ne s'y mette, oui. Il boit une gorgée de mousseux avant d'ajouter tout en lançant un regard circulaire autour de lui. – Quand ils ne sont pas occupés à décorer la ville de cadavres. Sourire semi-courtois, totalement provocateur envoyé à Babanine, bien qu'il le sache peu investi au sein de la Bratva.

Tu ne te départis pas de ton inlassable sourire, insupportable et provocateur. C’est que le Celo pesait dans les jeux de pouvoir, mais tu sais pas pourquoi, c’est peut-être qu’il soit venu jusque dans ta piaule pour t’acheter, mais tu ne pouvais t’empêcher de lui courir sur le haricot. Sauf que le bougre a à peu près la même chose en tête ; bah, c’était toujours plus amusant que de jouer aux invités polis. « Roh, sois pas pessimiste comme ça, mon mignon ; ça pue le rital à des kilomètres à la ronde, j’sais pas si y’aura beaucoup de mes p’tits potes. » Tu hausses un sourcil, te penchant un peu trop vers lui, chaloupé comme un bateau ivre. « A moins que… t’aies envie que la Bratva vous paye une visite ? » Tu tends un bras, embrassant le reste de la salle d’un geste ample, presque théâtral. « T’imagines le tableau ? Les Slaves profitent du deuil italien pour venir semer le chaos -une fois de plus » que tu titres, serrant le poing avec drame. « Ça te rendrait bien service, pas vrai ? » Un clin d’oeil complice, déplacé, dommage pour lui que la soirée soit si officielle, il risquait pas de te coller un pain dans le pif, avec tout ce beau monde.

Tandis que je finissais ma première coupe de champagne, je ne pouvais m’empêcher de questionner la foule du regard. Qui, de tous les invités réunis, pouvait se targuer d’être réellement venu rendre hommage à la victime ? La présence des membres de la Nuova Camorra était logique. Celle du maire et de la police pouvait s’expliquer. Il devait également y avoir des proches de la défunte. Mais à travers mes yeux célestes, je voyais apparaitre éventail trop large de couleur et trop peu de visage prompt au deuil.

Au-delà de cette réunion trop hétéroclite et mensongère, la tension était palpable. Entre chasse aux mafias, présence de la Bratva et des Italiens, sans compter les autres invités, il y avait de quoi faire un cocktail détonnant. Explosif, certes, mais possiblement bavard et révélateur aussi. Avec l’alcool mis à la libre disposition de tous, j’avais de quoi délier les langues. Un renfort allié ne serait pas de trop pour atteindre mon objectif. Scrutant la salle, je reconnu Hadrien en pleine discussion au centre de la pièce. Le Scandinave croisa mon regard. Je lui retournais son signe de la tête. Se joindre à lui pourrait être une bonne façon d’en apprendre plus. Ses idéaux forçaient ses auditoires à argumenter et dévoiler leur pensée.

Une voix féminine retint cependant mon attention (@Alexa Moreno). Je ne l’avais pas vu s’approcher de moi, trop absorbé par mes réflexions. Au milieu des convives, dans son élégante robe noire, elle était idéalement vêtue pour l’occasion. Je ne pus retenir un sourire à la vue des converses qu’elle portait. Je ne la connaissais pas, et je ne savais pas si elle connaissait la défunte mais malgré sa robe d’apparat, elle ne semblait pas être touchée par cette disparition.

« Je connaissais la victime, en effet. J’ai été son avocat, et maintenant je suis celui de sa famille. » Faux, ou presque. J’avais bel et bien aidé Danai en tant qu’avocat. Mais je ne la représentais pas juste pour elle, mais pour la Camorra. Et aujourd’hui je défendais bel et bien sa famille en un sens : la Camorra. « Je ne la connaissais certes pas très bien, mais c’était une belle personne. » Ici je prenais un risque. Peut-être pensait-elle l’exact opposé. Cela aurait au moins le mérite de la faire réagir si elle ne pouvait entendre dire du bien de Danai. « Je m’appelle Isaac Meridian. Vous connaissiez Danai ? » En écoutant sa réponse, je me faisais la réflexion qu’elle ne dégageait pas d’aura Divine. Peut-être était-elle simplement humaine…  Discuter avec mes semblables pouvait être tellement compliqué. « Champagne ? » J’avais saisi une coupe pour moi et au passage, une pour elle. Avec ma chance habituelle, elle aurait peut être des informations interessantes.

Bain de foule.
Le péché mignon de ma misanthropie crasse.

Pourquoi s'infliger une telle corvée ? Pas par plaisir, loin s'en faut. J'ai un mot d'ordre double - triple même  : surveiller si l'info qu'on a eu est avérée,  calmer les velléités héroïques d' @Aurelio Nava ( Ce mec me fout des suées tenaces avec son besoin de sauver la veuve et l'orphelin... Je me demande toujours s'il se rappelle ce qu'implique d'être Sicario.) et vérifier que le Commandante garde ses miches à l'abri. J'observe d'ailleurs @Alejandro Flores arriver au bras de @Gabriela Jimenez. Vague hochement de tête si nos regards se croisent. Rien de plus.

Je promène mes yeux et ma cervelle partout, jouant nerveusement de l'épingle à nourrice dans ma seule main libre. L'autre est occupée par une flûte de champagne pleine. Chaque morsure de l’aiguille dans la paume de ma main, affûte ma concentration et échafaude mon flegme de façade.

J'écoute les conversations : Là un idéaliste, ici une désabusée des politiques... J'attrape les mots "victime" et "avocat" au vol et me glisse silencieusement non loin d'un jeune premier en pleine conversation avec una hermana. Vue ses questions très orientées, je me demande si elle n'est pas flic...

Traidora.

Résumé des actions de Tadeo:

C’était son rôle dans la société qui l’avait poussée à venir ce soir. L’avocate se devait de rester droite, de se présenter à la Mairie, toute vêtue de son tailleur habituel. De même, il s’agissait de ne pas laisser une longueur d’avance aux Russes, aux autres mafias qui n’attendaient qu’un geste de travers pour prendre le dessus. Une chose qu’Aura n’accepterait pas. C’était aussi ce que le vieux lui avait appris. Toujours être présente, toujours laisser traîner ses oreilles et ses yeux. Si l’italienne pouvait faire croire à sa transparence, elle y gagnerait tout. C’était son instinct qui parlait. Après tout, le lieu et le moment étaient parfaits pour qu’une mafia tente un mouvement, non ? La Camorra, elle, avait perdu un de ses membres, peut-être que les autres pensaient qu’ils resteront discrets… Sourire léger sur le bout des lèvres, elle tourna les iris vers @Sybille M. Dousmanis. « Moi non plus, mais il faut se rendre compte de leur importance. » Les pupilles trouvèrent la silhouette de @Celo Adimari, son supérieur, celui qui ne devait plus mourir maintenant. Super soirée.

Car d’autres attiraient son attention. Notamment la Calavera, en la personne d’@Alejandro Flores. Ca ne l’étonnerait pas que cette soirée se finisse en bain de sang… Surtout vu le mouvement qui se préparait.