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Placebo (ALCIDE)

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Placebo (ALCIDE) - Sam 24 Mar - 21:26

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Alcide Bellandi ∞ Echo Nightingale

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Il existait un problème certain lorsqu’on tentait d’échapper à son propre corps ; en effet, on ne pouvait réussir que par la mort.

Ça, Echo l’avait compris depuis longtemps, trop longtemps, depuis que Shea avait décidé de foutre leur vie en l’air en se tranchant une poignée de veines bien juteuses. Et pourtant, malgré le poids des années et celui encore plus important de cette culpabilité déplacée, elle peinait toujours à accepter l’odieuse vérité.

Echo n’avait rien d’une suicidaire ; elle goûtait aux plaisirs de la vie comme une gosse se serait jetée sur des sucettes dans un magasin de bonbons acidulés. Elle gardait bien quelques rancœurs, posées tout au chaud contre son cœur, mais elle s’était habituée à leur odeur rance et à leur parfum d’inachevé. Pourtant, depuis ses seize ans, son corps craquait, étouffait, suppliait. Il réclamait sang et douleur pour parvenir à un soulagement éphémère insensé. Alors elle coupait la chair, comme elle aurait soulevé une soupape de sécurité, histoire de faire dégager un peu de fumée pour que le tout n’explose pas.

Ironie suprême. Elle qui avait toujours été guidée par la passion et les pulsions de son âme volatile, voilà qu’elle ne devenait plus que machine. Son corps changé en automate, sa peau faisant office de couvercle de sécurité et son sang de cette fumée indésirable dont elle souhaitait se débarrasser. V’là, ma p’tite dame, la vidange a été effectuée, la vapeur évacuée, vous êtes comme neuve. Enfin, ça va durer qu’un temps mais eh ! gardez le sourire !

Echo luttait contre ce besoin morbide. Elle luttait, parce que si elle ne l’avait pas fait, elle se serait détestée de tant ressembler à sa sœur, à cette suppliciée des temps modernes qui l’avait lâchement abandonnée. Ainsi, les bouteilles d’alcool se multipliaient comme des lapins en chaleur dans son loft et les migraines dues aux drogues devenaient une routine équilibrée, à laquelle elle s’était habituée. Sans grand effet ; elle retardait, tout au plus, l’échéance jusqu’à la prochaine valse sanglante.

Le sport, à sa grande surprise, l’aidait également. La boxe, notamment. Deux ans plus tôt, saisie par une impulsion violente, elle s’était inscrite à un club plutôt que de se laisser aller à fracasser la tête d’un client dans la fenêtre teintée de la porte de son cabinet. Elle avait été plutôt fière de sa maîtrise d’elle-même et depuis, c’est par les coups qu’elle occupait ses soirées du lundi, du mercredi et du jeudi. Elle parlait peu, ne se liait pas et montait rarement sur le ring. En réalité, la plupart du temps, elle se posait dans un coin devant un de ces sacs de frappe fourré de sable et cognait. Elle cognait jusqu’à l’épuisement, jusqu’à ce que le sang brûle dans ses veines, jusqu’à ce que de la sueur glacée coule au creux de ses reins, jusqu’à ce que la fatigue court-circuite chaque neurone révolté qui lui pourrissait la vie. Une addiction d’un genre plus sain, en soi.

Sauf qu’elle le savait. Elle savait que le seul moyen d’échapper à l’étroitesse imposée de son corps, c’était la mort. C’est ce pour quoi elle n’aurait pas dû être surprise quand la pulsion déposa un voile sombre, étouffant, sur sa peau, alors même qu’elle était en train de battre la mesure sur ce punching-ball suspendu.

Ça bourdonne, ça tempête. Ça hurle dans son crâne. Ça gratte sous sa peau. L’électricité y répand ses dommages, ses peurs, ses besoins.

Echo perdit l’équilibre, recula de plusieurs pas et heurta un autre membre du club, dont elle repoussa aussitôt les mains tendues. Elle n’avait besoin de l’aide de personne. Dents serrées, elle siffla de douleur quand une nouvelle vague de besoin pur l’assaillit. Se refuser à l’appel apportait son lot de symptômes mais elle avait mis le bourdonnement à ses oreilles sur le compte de la fatigue – deux heures qu’elle se démenait comme une furie et elle n’avait rien mangé la veille : elle avait tenté d’échapper à l’évidence en émettant une autre conclusion. Maintenant, elle en payait le prix.

Profonde inspiration, chorégraphie de pas tremblants ; elle réussit à trouver la porte du vestiaire mis à leur disposition. Elle poussa le battant, se jeta vers le casier sur lequel elle avait jeté son dévolu et se mit à fouiller dans ses affaires, le regard trouble, poumons embrasés et la respiration hachée. Où est-il ? Où est-il ? Où est…

Là.

Dépassant de la poche arrière de son jean, sous un fatras de tissus épais, la lame étincela, impatiente, avide. Elle s’en saisit, instrument du bien, outil malfaisant, la déplia et la posa sans plus attendre au creux de son bras. Une, deux, trois… Elle grinça des dents pour retenir un cri et laissa son dos retomber contre la série de casiers métalliques. Boum. La fraîcheur de l’acier contre sa peau réveilla ses pensées. La douleur éclipsa le vertige. La brume se leva et ses lèvres esquissèrent un sourire, puis un soupir. La pression sur sa poitrine s’envola et les choses, tout autour d’elle, reprirent leurs contours, leurs couleurs et leur clarté bienfaisante.

Tête baissée, elle observa le sang imprégner la délicatesse ivoirienne de son poignet. Et le dégoût revint. Shea revint. Elle laissa lui échapper un rire grinçant. C’est ça que t’as ressenti, grande sœur ? Le soulagement ? Elle essuya la lame sur son legging de sport, puis la replia dans un petit claquement sec. Le spectacle est fini. J’irai jamais plus loin, moi. Désolée de te décevoir mais j’abandonne pas.

Echo se redressa, gagnée par deux impressions distinctes. Bien-être et impatience. Elle ne voulait pas s’attarder sur les lieux du crime. Elle se secoua – elle devait prendre les bandages dans son sac, jouer à la momie puis s’tirer – et releva les yeux. Merde. Triple merde.

Planté dans l’embrasure de la porte comme une jolie statue grecque, un témoin et pas des moindres. Le propriétaire du club. Alcide Bellandi. Elle connaissait une bonne partie de sa vie, notamment parce qu’elle ne se présentait jamais à un endroit sans connaître quel marionnettiste tirait les ficelles. Et comme capter des infos lui permettait de gagner sa vie, ces enquêtes préalables n’étaient qu’une formalité pour elle.

Lèvres entrouvertes, elle manqua de balbutier une connerie du genre « je sais de quoi ça a l’air, mais c’est pas ça ». Toutefois, c’était exactement ce dont ça avait l’air et Echo n’était pas du genre à s’expliquer. La colère pétilla sur sa langue, une colère essentiellement dirigée vers elle, parce qu’elle avait été assez idiote pour se faire prendre. « Vous allez me virer ? », demanda-t-elle brusquement. Elle détourna les yeux, la gorge saisie par la honte et la rage. Elle s’humidifia les lèvres, discrètement, seul écho de son malaise, puis haussa les épaules en se retournant vers son casier. Elle fourra sous son bras valide ses affaires, puis claqua le battant en acier pour le refermer. « C’est bon, je crois que je trouverai la sortie toute seule. Merci pour votre accueil. ». Toujours aussi cinglante. Toujours aussi vulnérable.

Elle s’approcha de la porte devant laquelle il se dressait. Elle se moquait pas mal de sortir en brassière dans la rue, poings bandés et bras ensanglanté ; tout ce qu’elle voulait, c’était que le colosse se pousse pour qu’elle puisse dégager et ne jamais se retourner.

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Placebo (ALCIDE) - Dim 25 Mar - 1:19


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Bientôt vingt ans qu'Alcide avait monté cette salle de boxe. De base, c'était du pur amusement, la cuillère en argent enfoncée dans son gosier lui permettait ce genre de folie. C'était une initiative qui, selon lui, ne pouvait faire faillite. Qui, dans tout Arcadia, n'avait jamais été tenté de cogner quelqu'un ? Alcide Bellandi offrait la possibilité aux gens de se rosser mutuellement et légalement dans un cadre agréable. Certains pans de murs étaient tapissés d'afiches en tout genre, souvents vétustes, ce qui conférait une atmosphère étouffante. Ces archives délavées assistaient quotidiennement aux va-et-vient des adhérents. Et elles en avaient vu défiler ! Des jeunes enragés, des moins jeunes avec une frappe d'acier. Hommes, femmes, de tous les horizons.

Puis le nom de l'établissement lui plaisait énormément, c'était plutôt catchy. Son seul défaut, c'était qu'il n'y avait aucune touche italienne, ce qui était le comble pour cette baraque engloutie dans les méandres de Little Italy. Même en n'ayant jamais frôlé la Botte, il éprouvait un simulacre de sentiment national à son égard. C'était une grande dame, aussi fière que lointaine, et qui à trop entendre son père jurer, s'était logée dans un creux de son coeur.

Et peu de gens pouvaient se targuer d'occuper une parcelle de son palpitant capricieux. Quelques bons amis et un oncle ou deux. Son ex l'avait habité pendant une vingtaine d'années. Erreur de parcours. Résultat des courses, elle en avait été jetée comme une malpropre – ce qu'elle était, tout compte  fait – et leur fils n'avait pas cherché à y bâtir son nid. Il composait sa vie sans accorder le moindre intérêt à l'activité familiale. Ou du moins, il feignait son indifférence avec un brio peu commun. Cela devait faire dix  ans qu'il ne s'était pas pointé au Thunder Fist.

Son père ne pouvait pas réellement blâmer pour ça – lui-même n'y passait pas le plus clair de son temps. Il avait mieux à faire et à penser. Mais parfois, des fois comme aujourd'hui, il se complaisait à arpenter les salles, un grand air plaqué à la face. Il était fier de cette bâtisse, contrairement à d'autres qui l'avaient en horreur. Le reproche récurrent, c'était le manque de luminosité naturelle. Tout était illuminé de néons tantôt jaunes tantôt blancs, mais jamais grésillants. Alcide mettait un point d'honneur à ce que l'éclairage ne faillisse jamais à la tâche. Ç'aurait été le comble.

On l'aurait pris pour un vigile, à tourner en rond sans relâche. La vérité, c'était qu'il aimait se promener et observer les gens. Certains se débrouillaient fichtrement bien et valaient la peine de s'arrêter. La boxe était, selon lui, une danse bestiale au charme terrible. Il allait regagner l'accueil lorsqu'il aperçut un éclair blond se ruer aux vestiaires des dames. Si la destination avait été les toilettes, il ne l'aurait pas suivie. Il ne s'y serait même pas intéressé.

Il lui emboîta donc le pas et pris soin de demeurer invisible. Malgré la lumière jaunâtre et la distance, il devina qu'elle n'avait pas un teint désagréable. Seulement, le spectacle se corsa lorsqu'elle attrapa son couteau et s'employa à se saigner la chair. Il grimaça en silence. Selon lui, il fallait être sacrément chtarbé pour librement s'infliger ça. Et lorsqu'elle releva la tête et croisa son regard, il esquissa une petite moue, celle du constat. Ses lèvres formèrent un arc de cercle négatif. Il occulta son « Vous allez me virer ? » et ne retint que les accents de sa voix. Et le fait qu'en continuant ainsi, son sang allait perler à travers tout le vestiaire.

Il se demanda d'abord s'il était judicieux d'enfiler sa casquette de don et de lui aboyer dessus. On ne s'octrayait pas le droit de le héler sur ce ton. Et si on osait, on n'en sortait généralement pas indemne. Puis, après une courte réflexion de l'ordre de 450 millisecondes, il se rappela qu'il n'était pas spécialement armé pour lui éclater la cervelle. Son silencieux roupillait sur sa table de chevet. Et puis ç'aurait été bien dommage de l'abîmer. Faute de mieux, il la flingua du regard.

Son second instinct lui chuchota qu'après tout, si elle voulait se barrer, c'était son choix. Le client est roi, pousse-toi. L'inventeur de cette maxime méritait une paire de claques. Alcide appliquait le bête motto « my land my rules » et ne cédait de terrain à personne, encore moins à une femme qui courait s'entailler.

Les bras croisés sur son torse comme il savait si bien le faire, il écarta les pieds de sorte à occuper tout le seuil de la porte. Au dernier instant, il pris le parti de « réagir à la légère pour que rien ne dégénère ». C'était sa troisième solution et elle semblait la plus sage, la plus appropriée, la plus... normale.

«  Vous virer ? Il rigola, du rire dont on gratifie un enfant. Et il continua, l'étonnement vibrant dans sa voix. – Je ne vois pas pourquoi, vous n'avez rien fait de mal. Seulement à vous-même. Au Thunder Fist, on ne dégage personne sans bonne raison. C'est pas notre politique. » Et on ne bute personne, j'vous l'assure, s'empressa de préciser une petite voix, nichée au creux de sa caboche. Il décida qu'il ne se détendrait que si elle faisait de même. C'est-à-dire une fois qu'elle aurait arraché cet air revêche de son visage et qu'elle aurait ri avec lui. Un truc dans ce goût-là. « Au contraire, on aime bien discuter, prendre notre temps. Mais pas comme des psy ou des philosophes, parce que les psy sont vraiment des enfoirés. Il le pensait. Et les philosophes l'ennuyaient. Puis il observa, plus sérieux et factuel. – Vous, on ne vous a jamais croisée ni sur le ring, ni après une séance. Vous avez peur qu'on vous morde ? »





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Placebo (ALCIDE) - Dim 25 Mar - 17:27

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Alcide Bellandi ∞ Echo Nightingale


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Alcide Bellandi, propriétaire de l’exigu Thunder Fist, don de la Nuova Camorra – pas moins que ça ! – ne répondit pas. Pas tout de suite. Et pour être honnête, Echo n’était pas sûre que ce soit une bonne chose. En réalité, elle se méfiait de ce silence figé, de cette silhouette glacée qui se contentait de planter son regard pâle dans le sien. Ça n’avait rien à voir avec le sixième sens qui s’éveillait depuis quelques temps au sein de sa caboche, cela relevait davantage de l’évidence : on ne s’adressait pas au membre d’un gang d’une telle façon, encore moins lorsque le dit membre s’avérait être un don, pas si on souhaitait rester en vie et en pleine possession de ses dix doigts.

Dommage pour elle que sa langue ne soit qu’un serpent indépendant, sur lequel elle n’avait aucun contrôle, et qui sifflait, crachait et houspillait du venin, dès lors qu’elle se sentait en position de vulnérabilité. Pourtant, surprise surprise, le don semblait agréablement disposé en cette fin de soirée animée. Et par bien disposé, elle entendait, pas prêt à la buter pour avoir sali ses jolis tapis. Néanmoins, sans la moindre subtilité, il disposa ses jambes de façon à occuper tout l’espace disponible qu’elle aurait volontiers usé pour s’échapper et croisa les bras sur sa poitrine, muscles bandés, torse gonflé ; véritable croisement entre un coq de basse-cour robuste et un videur à deux doigts de vous flanquer la dérouillée de votre vie.

«  Vous virer ? », répéta l’homme. Le rire fugace qui suivit cette rhétorique titilla sa susceptibilité et Echo lui retourna un sourire aussi figé qu’agacé. Le fait d’être coincée dans cette antichambre de la sueur et des douches n’aidait pas à améliorer son humeur. « Je ne vois pas pourquoi, vous n'avez rien fait de mal. Seulement à vous-même. Au Thunder Fist, on ne dégage personne sans bonne raison. C'est pas notre politique. ». Rien fait de mal ? Les mots pulsèrent dans son crâne, l’étreinte sur sa gorge se resserra, chaude, vive. Sûr que pour ce bon vieux Bellandi, se taillader ne devait pas être grand-chose, il devait voir pire, constamment. Avoir perdu le sens des moralités, de ce qui était acceptable ou non, mais Echo s’en souvenait, elle. Tout est mal dans ce que je fais. Souiller votre tapis. Imposer ma faiblesse aux autres. Me rapprocher de la mort. Sans compter qu’il devait bien exister une loi oubliée qui mentionnait que se couper dans un lieu public n’était pas tout à fait réglo. Ouais, rien de mal, bien sûr.

« Au contraire, on aime bien discuter, prendre notre temps. Mais pas comme des psy ou des philosophes, parce que les psy sont vraiment des enfoirés. ». Un point pour lui. Après la mort de son frère, sa mère, l’irréprochable, la salope, l’avait forcée à voir un de ces règle-tout en costume sur mesure et elle avait exécré chaque instant passé dans son bureau ovale trop bien ordonné. C’était un vieux crouton qui pensait pouvoir lui dire ce qu’elle ressentait et qui n’arrêtait pas d’insister sur le fait que c’était normal. Verdict : elle avait songé à lui faire avaler sa cravate trois-cent-quarante-cinq fois, pas une de moins.

« Vous, on ne vous a jamais croisée ni sur le ring, ni après une séance. Vous avez peur qu'on vous morde ? ». Ses paupières papillonnèrent ; Echo releva des yeux qu’elle n’avait même pas eu conscience d’avoir baissé. Elle observa les traits de cet inconnu dont elle ne connaissait que trop bien le CV. Il avait l’air sérieux, le bougre ! Il voulait la faire parler. Le truc, c’est que parler, elle pouvait le faire. Elle pouvait débiter un nombre important de mensonges à la minute, elle pouvait dire un tas de sottises sous le coup de l’anxiété et pouvait même parler pendant des heures des passions qui l’animaient. Mais raconter son histoire, partager ses pensées ? Pas pour elle, pas sobre, et pas avec un inconnu. Encore moins avec un proche.

Echo leva un sourcil dubitatif puis d’une main vague, désigna la carcasse qui lui bloquait le passage. « Peut-être que c’est vous qui devriez craindre mes morsures. Encore plus si vous ne bougez pas votre impressionnant tas de muscles de mon chemin. ». Pause. Elle leva les yeux vers le plafond pour marquer sa réflexion, puis après une poignée de secondes, soupira. « Ça sonnait beaucoup mieux dans ma tête. Moins… ». Très bien, elle n’allait pas finir cette phrase. Jamais. Nouveau soupir ; elle porta une nouvelle fois son attention vers lui, sourcils froncés, puis demanda soudain : « Qu’est-ce que vous voulez entendre pour me laisser passer ? Une histoire tragique qui donnerait envie de pleurer à toutes les ménagères de plus de cinquante ans ? Je peux vous donner ça, je suis généralement une bonne conteuse. ». Qu’il lui laisse deux minutes et elle mijoterait le meilleur récit qu’elle ait jamais créé. « Mais si vous voulez jouer les psys de comptoirs, alors vous n’êtes en rien différent des enfoirés que vous me décrivez. ». Elle venait pour le sport, pour l’épuisement, pour la sueur, pas pour lier des amitiés, partager des anecdotes ou se jeter sous le feu des projecteurs en montant sur le ring.

Mais… elle pouvait lui faire comprendre tout cela. L’idée naquit au creux de ses pensées les plus traîtresses : elle pourrait lever un bras délicat – celui qui ne saignait pas – puis faire chahuter quelques doigts le long d’un muscle noué, inspirer à cette chair, à cette âme, de la croire, la persuader que la meilleure solution serait de lui céder le passage pour mieux l’oublier. Quelle délicieuse tentation… Ouais, non, mauvaise idée, Echo. La dernière chose qu’elle désirait, c’était se faire repérer. Les membres de la Calavera l’avaient déjà dans leur viseur ; elle n’avait pas besoin d’une montagne de soucis supplémentaire.

Paupières closes, elle soupira une énième fois. « Très bien, puisque vous n’avez pas l’air décidé à vous décaler comme un gentleman le ferait, je vous prie un instant. Je dois m’occuper de… ». Coup d’œil aux trois marques profondément inscrites dans sa peau ; nouvelle vague de répugnance. Elle ne pouvait même pas donner un nom correct à ce qu’elle s’infligeait, elle ne trouvait aucun mot pour le décrire, l’expliquer ou l’excuser. Et à présent, aux yeux d’Alcide Bellandi, elle resterait la tarée explosive, à la fois suicidaire dans ses actes et dans ses paroles. Elle ravala sa salive, puis précisa vaguement en désignant ses plaies ; « … de ça, ou je vais finir par tâcher tous les tapis de votre charmant vestiaire. ».

Elle se détourna de lui, de sa sortie, de son espoir de fuite, puis se dirigea vers la rangée de robinets encastrés dans le fond de la pièce. De la main d’où ne gouttait aucun liquide vermeil, elle fit jaillir de l’eau glacée du tuyau. Elle passa les coupures sous le mince filet, sifflant et grinçant des dents sous la douleur, avant de s’agenouiller pour sortir une bande de gaz. Elle épongea l’eau avec son legging, puis se mit à enrouler la bande blanche autour des lignes sanguinolentes. Elle empestait la mauvaise habitude.

Elle jeta un regard par-dessus son épaule, lèvre mordue, puis esquissa un sourire moqueur. « Et vous alors, c’est quoi votre histoire ? Visiblement, vous aimez jouer les voyeurs dans les vestiaires de votre propre club. Vous voulez en parler ? ». Contre-attaque irréfléchie, non-désirée, qui signait peut-être finalement le début des véritables hostilités.


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Placebo (ALCIDE) - Lun 26 Mar - 2:12


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Lorsqu'Alcide parlait, c'était presque toujours en connaissance de cause. Cette fois-ci, ce n'était que du bluff. La savante comédie ne reposait pas sur son talent d'acteur. Il misait sur d'autres atouts plus radicaux. Sa carrure, sa voix ma foi grave et son expression faciale qui intimait un « pas d'ça avec moi ». Pour signifier qu'il était déconseillé de se foutre de lui. Il l'avait fait comprendre à sa femme qui se croyait maligne à le traiter d'électricien. C'était comme assimiler Poséidon à un plombier ou Déméter au pop corn du cinéma. Du beau n'importe quoi. Bref, après trois quatre soirées (mois) à se défouler sur sa dulcinée, cette dernière lui avait suggéré (ou imploré) de consulter. C'était la dernière chance qu'il n'avait pas saisie.

« Pourquoi pas un curé ? Tu sais, même si tu n'es pas croyant, il t'aidera. » Lorsqu'il était calme, elle lui parlait sur ce ton (ce qui avait tendance à réveiller le démon). Comme s'il avait un problème moisissant en lui. Comme si fomenter une confession sauverait leur couple du naufrage. Trop tard chérie, on a percuté l'iceberg. Elle avait aussi suggéré une thérapie de couple, une ânerie de ce goût. « On peut aussi commencer par des rendez-vous individuels », avait-elle précisé, parce qu'elle croyait encore à un rebondissement, une amélioration, tout en sachant que son mari était défectueux. Se vautrer dans les abysses d'un divan, parler dans le vide à un plafond trop blanc, très peu pour lui. Elle qui prétendait le connaître se trompait sur toute cette ligne. De toute façon, les raisons du divorce avaient été soigneusement étouffées. N'en restaient que des relents fétides, aka les rumeurs. Et les rumeurs ont la peau dure.

« Peut-être que c’est vous qui devriez craindre mes morsures. » La belle lui rappelait ces satanés bestioles d'été. Celles qui, en deux ou trois secondes, vous pompent gaiement un atome de sang. Puis un second pour la route. C'était ce qu'elle faisait, non ? Elle jouait au moustique. Alcide éclatait ces insectes audacieux à force d'applaudissements. « Craindre une piqûre ? Offusqué ou amusé, il oscillait entre ces deux attitudes. Et tandis qu'elle levait les yeux à l'Olympe, il lui présenta son avant-bras gauche en gage de bonne volonté. Mordez ! Piquez ! Faîtes-y ce que vous voulez. Je guérirai. A moins que la micro plaie ne s'infecte, que les crochets soient empoisonnés, il ne craignait que dalle. Puis il se souvint qu'elle avait qualifié sa masse d'un « impressionnant tas de muscles », à cela, le Dom Juan ne lâcha qu'un petit ; – Me flattez pas. »

« Qu’est-ce que vous voulez entendre pour me laisser passer ? Une histoire tragique qui donnerait envie de pleurer à toutes les ménagères de plus de cinquante ans ? » Entre nous, s'il voulait chialer, c'était en pensant à feu Julius Calabrò ou à des copains de l'armée (morts et enterrés). Pas en arrachant un récit larmoyant à une femme aux yeux clairs. « Pas d'humeur à pleurnicher, non, répondit-il sérieusement. » Cependant, Blondie marquait un point. Alcide était un bel enfoiré, comme les psys du dimanche. A la différence que lui ne laissait pas les gens mijoter dans leurs soucis. Il les achevait ou les ralliait à sa cause, d'une manière ou d'une autre. Enfoiré malin.

« Je dois m’occuper de… Oui, comment nommer cet acte ? Mutilation ? Petite saignée ? En tout cas, ça n'avait pas l'air douillet. Quelle siphonée.  …de ça. » Ce serait Ça. Tandis qu'elle s'occupait de Ça, il en profita pour abandonner son poste et venir se planter non loin d'elle, un bras appuyé contre un casier glacé, la paluche droite sur le coeur. Il l'observa panser  sagement ses plaies. C'était prémédité. « Considérez-moi comme un enfoiré de qualité, proposa-t-il, le ton gentleman à défaut de se comporter comme tel. Il lui aurait presque tendu la main droite pour se relever si elle n'avait pas ajouté ; – Et vous alors, c’est quoi votre histoire ? Visiblement, vous aimez jouer les voyeurs dans les vestiaires de votre propre club. Vous voulez en parler ? »

Il voulut répliquer une phrase cinglante mais n'en trouva aucune. D'un côté, elle avait raison. Sauf qu'Alcide se considérait chez lui : ce que les gens trafiquaient dans ses vestiaires, ça le regardait. Et il n'était pas question que demain, le personnel d'entretien ait à savonner le sang d'une suicidaire effrontée. Une rumeur pareille ferait couler de l'encre. Malgré sa présence anecdotique, le gérant du Thunder Fist ne plaisantait pas avec deux choses : l'hygiène et l'image de sa boîte. Mine de rien, la blonde risquait de compromettre les deux d'un coup. Mais le gros du problème, c'était qu'elle lui tenait tête.

En jetant un coup d'oeil à l'embrasure de la porte béante, Alcide décida de ne pas laisser la belle filer. Il s'approcha, fit pivoter son buste face la rangée de battants gris et l'empoigna fermement par le bras. Précisément là où la peau avait été fendue puis entourée de gaz fine. Il ne prêta pas l'oreille à un potentiel aïe et appliqua sur la zone captive une pression à blanchir ses phalanges. « Mauvaise réponse. Allez Blondie, faites un effort ! Soyez sympa. Puis regardez, vous m'obligez à vous faire du mal. Légère pause, le temps de raffermir sa prise. Il en oublia le couteau, le tintamarre des casiers et l'expression « rendre coup pour coup ». Que la jeune femme venait pour cogner et rien d'autre, qu'il ne l'avait jamais vue à l'oeuvre. Non, Bellandi se concentrait sur ses bonnes intentions. – Qu'est-ce qui vous a pris ? J'aurais appelé les secours si ça avait mal tourné. Pas d'hémorragie au Thunder Fist, expliqua-t-il presque doucement. »

« Mon histoire, on la connaît et on la déforme, se contenta-t-il d'indiquer à son sujet. Il poursuivit dans un grondement effréné, rythmé par le vacillement des néons. – Déclinez votre identité, pour commencer. Et pas d'entourloupe. N'avez pas envie de sortir d'ici les pieds devant, j'me trompe ? ». Bluff. Bluff. Bluff. Si Alcide n'éprouvait aucun scrupule à malmener les gens, il les finissait rarement à mains nues.





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Placebo (ALCIDE) - Lun 26 Mar - 22:22

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Alcide Bellandi ∞ Echo Nightingale


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L'iris sombre, la pupille dilatée ; Alcide Bellandi la toisait de toute sa hauteur, imposait sa présence magnétique sans difficulté et avec une espèce de fierté sous-jacente qui lui donnait envie de gerber. « Craindre une piqûre ? ». Moquerie en demi-teinte ; les joues d'Echo flambèrent. Elle ne possédait peut-être pas la carrure de titan du charmant propriétaire mais elle savait encaisser les coups, mieux ; elle savait les rendre et de son expérience, elle pouvait piquer fort.

Et pendant une microseconde, lorsqu'il lui tendit ce bras tentateur, le désir de planter sa blanche dentition dans l'amas de chair et de veines de cet enfoiré la tenta plus que n'importe quelle poudre blanche à sniffer, mais... Du calme, Médor. Elle repoussa cette provocation d'un geste leste de la main, agacée. « Ne tendez pas de nourriture à un meurt-de-faim, si vous comptez le frapper à la première bouchée. ». Autrement dit, ne tentez pas le diable.

Mais comme il était étrange d'observer ce don des bas-fonds vaciller d'une émotion à une autre – moqueur, puis sérieux, puis léger à nouveau. Cela lui donnait l'impression d'observer les ruées implacables de montagnes russes dangereusement hautes et si elle n'avait pas été tant habituée à fréquenter des lunatiques, elle n'aurait probablement pas tenu le rythme. Et voilà que ses traits se paraient à nouveau d'ombres sombres alors qu'il répondait « Pas d'humeur à pleurnicher, non », et Echo put discerner dans tout ce qu'il taisait les histoires pleines de gravité que son dossier sur lui ne contait pas. Peu importe. Curieuse mais pas invasive. Du moins, pas quand elle ne se trouvait pas en mission. Son quotidien était une chasse à l'intimité permanente ; elle n'avait pas besoin que cela soit également le cas pendant ses temps morts.

« Considérez-moi comme un enfoiré de qualité ». Enfoiré ? Fait avéré. La qualité, quant à elle, restait à prouver. Certes, les yeux d'Echo fonctionnaient, et plutôt bien ; belle gueule, charme arrogant, charisme agaçant. Mais un emballage en soie ne dissimulait pas toujours de dorés joyaux. Bellandi lui faisait davantage penser à du charbon brut, râpeux, qui vous laissait de la cendre sur les paumes et les joues plutôt que des paillettes d'or dans le creux des mains.

Preuve ou résultat de son incessant badinage cynique, la violence sous l'apparente bonne foi pointa enfin le bout de son nez. Toute concentrée qu'elle était sur le bandeau de fortune qu'elle tissait à son poignet, elle ne l'avait pas entendu approcher, encore moins se plaquer contre un casier pour guetter son sanglant ouvrage. Ainsi, elle coupa la gaze avec ses dents, se redressa et devint proie en un instant.

Vif, rapace affamé, il fondit sur elle. Ses mains la saisirent et l'immobilisèrent, liens de chair impitoyables. Un tel déferlement de violence n'aurait pas dû la surprendre ; elle jouait avec le feu depuis si longtemps qu'il aurait été étonnant qu'elle ne finisse pas par se brûler les doigts.

Sa joue s'écrasa sur l'acier froid du casier ; elle remua quelques seconde, tentant vainement de se débattre dans l'étreinte brutale mais voilà que sa force se réduisait à celle d'un papillon cloué sous verre.

Des doigts pressèrent, s'enfoncèrent ; les coupures fraîches s'écartèrent à nouveau et la brûlure coula sur sa peau, la faisant frémir et grincer des dents pour étouffer un cri. Réflexe salvateur ou non, sa main agrippa à l'aveugle le bras qui, dans son dos, se faisait geôlier et ses ongles se plantèrent dans les muscles à disposition.

« Mauvaise réponse. Allez Blondie, faites un effort ! Soyez sympa. Puis regardez, vous m'obligez à vous faire du mal. ». La voix devenue grondement ; l'humain cédait sa place à la bête. Nous y voilà. Rien de mieux que la colère pour révéler la vraie nature d'une âme. Et celui qui la maintenait en place possédait de bien sombres relents au creux de sa poitrine. « Oups », murmura-t-elle, mâchoires serrées, « on dirait que j'ai touché un point sensible. ». Évidemment, tu n'apprends jamais de tes erreurs, idiote. Ferme. La.

« Qu'est-ce qui vous a pris ? J'aurais appelé les secours si ça avait mal tourné. Pas d'hémorragie au Thunder Fist ». De sa gorge monta un rire sinistre, que sa langue et ses dents étouffèrent avant qu'il ait réellement pu naître. Elle baissa les yeux, pinça les lèvres, saisie d'un étrange sentiment de mélancolie. « Ouvrez les yeux. Ça n'arrive jamais. », dit-elle simplement. Elle voulut rajouter croyez-moi, mais qui irait croire la parole d'une inconnu tout simplement parce qu'elle le lui demandait ? Les mots glissaient aisément d'entre les lèvres, se perdaient dans les silences prolongés, dans les actes inachevés et dans tous ces creux laissés par les promesses trahies. Elle ne voulait pas de mots. Ce qu'elle pouvait apporter cependant, c'était une preuve visuelle, physique, tangible, qui le convaincrait peut-être que l'hémorragie n'était pas au programme et qu'à défaut de contrôler ses pulsions, elle contrôlait les coupures – plus ou moins.

Il lui fallut toute la volonté du monde pour défaire ses ongles de la chair qui la retenait prisonnière et plus encore pour ensuite tendre son bras – celui qu'elle avait épargné pour cette fois, celui qu'il ne retenait pas en otage. Pas besoin de remonter sa manche, pas besoin d'ajouter quoi que ce soit ; les cicatrices se faisaient bouches malignes, elles expliquaient, montraient mieux que quiconque, témoins de l'affreux besoin. Des dizaines et des dizaines de stries recouvraient la peau, certaines blanchâtres, là où la chair s'était refermée puis recouverte de tissu cicatriciel, d'autres légèrement rosées, fraîches, cruelles. Assez profondes pour qu'une trace demeure, mais pas assez pour lui coûter la vie. Jamais assez.

« Mon histoire, on la connaît et on la déforme ». Chaque histoire se décline en une infinité de versions, voulut-elle renchérir, au lieu de quoi, elle proposa, la respiration sifflante ; « Jouons à un jeu, voulez-vous ? Je vous dis ce que je sais de vous et vous rétablissez la vérité. ». Un mince filet de sueur glacé coula le long de sa tempe. Tout soulagement du aux coupures avait disparu, ne restait plus que la douleur brute, et sa respiration inégale. Elle garda pour elle l'opinion qu'elle lui portait déjà ; elle savait par sa simple réaction quel genre d'homme il était et elle doutait que son histoire soit si déformée qu'il le prétende.

« Déclinez votre identité, pour commencer. Et pas d'entourloupe. N'avez pas envie de sortir d'ici les pieds devant, j'me trompe ?  ». Un sourire roublard retroussa les lèvres d'Echo sans qu'elle ne puisse le refréner, puis elle haussa maladroitement une épaule. « Si vous insistez ! Je m'appelle Candy, enchantée. ». Ses lèvres s'entrouvrirent sur un hoquet faussement surpris, sourcils froncés, puis elle rectifia rapidement ; « Non, attendez, c'est Julia. ». Nouvelle pause de réflexion. « Ou serait-ce Emily ? ». Elle soupira, détourna les yeux, et tenta de ne pas se laisser emporter par une nouvelle vague de colère. « Qu'importe mon nom, vous l'aurez oublié avant même que j'ai passé cette porte. ». Dans le milieu Bellandi, seuls les gros poissons importaient ; Echo, elle n'était qu'un minuscule poisson-clown aux écailles usés.

« Vous souhaitez faire connaissance ? Très bien, commencez par me relâcher. S'il vous plaît. », rajouta-t-elle in extremis. Elle ne voulait pas froisser le mâle ego du grand gaillard en lui donnant l'impression de distribuer des ordres à tour de bras. Et elle espérait qu'en ajoutant une demande, l'injonction paraisse moins autoritaire pour sa propre psyché ; quoi que soit son don, cette capacité inquiétante de persuasion, elle ne voulait pas le dévoiler à un don. « J'ai mal, c'est bien ce que vous vouliez, non ? Bravo, objectif atteint, vous êtes un homme, un vrai. Plus besoin de faire valoir votre force à présent. ». Toujours aussi cinglante, la demoiselle, toujours aussi imprudente, mais les démonstrations de force avait tendance à l'agacer plus que de raison. Ça et la douleur.

Alcide était du genre colosse, plus grand, plus imposant, animé d'une voix d'orage grondant et tonnant et doté de poignes solides ; il n'avait pas besoin de meurtrir pour impressionner. Mais pourquoi se gêner, hein ? Quand on pouvait blesser, autant en profiter. Elle serra les dents, ravala une nouvelle attaque verbale pour laisser rouler sur sa langue une provocation mielleuse, davantage versée dans l'humour noir que l'accusation. « C'est donc à cela que vous passez vos soirées, Mr Bellandi ? », grinça-t-elle, « Tourmenter quelque jeune femme égarée entre deux rangées de casiers ? Vous me trouverez peut-être présomptueuse mais je m'attendais à mieux d'un homme tel que vous. Du moins, je vous pensais assez occupé pour ne pas vous embarrasser de futilités telles que moi. ».

Elle laissa son front reposer contre l'acier, ferma les yeux, laissa la fraîcheur grimper sur sa peau fiévreuse. « Echo Nightingale. », murmura-t-elle doucement, avant de reprendre, un fantôme de sourire aux lèvres ; « C'est le nom que vous pourrez inscrire sur l'étiquette de mon sac mortuaire. Vous êtes bien en train de songer à m'envoyer dans un de ces trucs, pas vrai ? ». La jolie peste se savait insupportable, incontrôlable, ne cherchait pas la mort mais aimait visiblement côtoyer le danger. Et ding ding, niveau dangerosité, elle venait de décrocher le pactole.


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Placebo (ALCIDE) - Mar 27 Mar - 2:28


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Des serres se plantèrent dans son bras, provoquant une vive décharge. Il se força à ne pas relever la douleur. Douleur tu n'es rien. Peut-être pensait-elle de même, ainsi piégée, l'aile froissée. « Oups.

– On dirait que j'ai touché un point sensible. » Ce n'était pas un point sensible dans le sens qu'elle semblait entendre. Bien sûr, il y réagissait. Il n'était qu'un homme, qu'un réincarné, une pâle copie du divin originel - ce qu'il avait tendance à négliger, par pure commodité. C'était plus confortable de jouer au dieu que considérer son corps comme un vulgaire étui. Alcide était bien de ces mecs qui se marrent du malheur, des gaffes et des affres des autres. Il ne riait même pas aux éclats. Ça, c'était le job de ceux qui l'entouraient. Quand Bellandi s'y mettait, il devenait condescend et vicieux à en crever. Par contre, fallait pas trop ironiser à son sujet, sous peine de se voir fusillé (du regard).

Les exécutions militaires, il connaissait. Bien sûr que c'était toujours un jour marquant, irréversible et sacrément morbide. Il n'y avait jamais pris part mais il avait tenu à y assister. Comme animé du sens du devoir, de camaraderie. Quoi qu'il en soit, la sentence était trop irrévocable à son goût. Le fautif était rarement âgé, les facteurs étaient toujours différents et la rédemption existait. Oui, Alcide était un optimiste. La nature humaine avait conscience de ne pas être parfaite mais tendait à l'être. Elle se démenait comme la blonde Jane Doe le faisait. Fort de cette expérience, il avait sagement décrété qu'une offense trop enjouée ne valait pas un crâne percé.

Conclusion.

Il n'allait pas tirer une balle entre les deux globes oculaires de la demoiselle. D'une part parce que son revolver était hors de portée, de l'autre parce que ce n'était pas si mérité. Le vase n'était pas encore rempli à ras bord.

« Ouvrez les yeux. Ça n'arrive jamais. » Nulle hargne dans ces six mots. Un zeste de tristesse, peut-être. Alcide n'en pensa rien. Il avait déjà les yeux ouverts et ne croyait que ce qu'il voyait. Difficilement, à la vitesse d'une tortue terreste, elle dégagea ses ongles de son bras, ce qui arracha au don une expiration prolongée. Puis la peau zébrée apparut nettement à la lueur artificielle. En se fiant à la couleur et au léger gonflement, on pouvait s'amuser à retracer l'historique sanglant. Ces stries étaient trop nombreuses pour les compter. Elles se propageaient comme un petit feu, mordaient la chair blanche comme les doigts d'Alcide écrasait les plus fraîches d'entre elles. « Jamais, confirma-t-il. » Ce n'était pas réjouissant à observer : il était opposé (ou simplement trop étranger) à ce genre de pratique pour y trouver un quelconque intérêt. Par contre, il comprenait les appelés qui s'arra—hachaient leurs doigts pour ne pas pouvoir appuyer sur la gâchette.

Néanmoins, ce spectacle le chiffonnait ; tout cela la vieillissait. Et ces rides délicates, graves et implacables, le dérangeaient. Il ne comprenait pas. Ce n'était pas son registre (mais il était incollable sur le trafic de nectar, chacun sa spécialité). Selon lui qui n'y connaissait rien, c'était une activité à laquelle on s'adonnait dans le cadre privé. The Thunder Fist n'était pas reconnu pour être un club garantissant confort et intimité. C'était insensé. Pourquoi n'avait-elle pas attendu de quitter le club pour se...

Et déjà, elle l'interrompait. « Jouons à un jeu, voulez-vous ? Je vous dis ce que je sais de vous et vous rétablissez la vérité. » Ce qu'il venait de découvrir lui avait congelé toute envie de jeu. Mais en l'introduisant dans le challenge, il sentit un semblant de curiosité énervée gronder en lui. La souris se riait du chat. « Vous ne savez que ce qu'on a daigné vous souffler. A moins que vous ne soyez une indic ou une enflure de ce genre, se contenta-t-il de murmurer. Mais elle vira de cap trop rapidement. Il fallait suivre ce rythme chaotique ! Candy, Julia, Emily. Trois prénoms vides de sens qu'elle ponctua de silences narquois. – Qu'importe mon nom, vous l'aurez oublié avant même que j'ai passé cette porte. » Ce n'était pas faux. Mais il se souviendrait toujours d'avoir surpris une femme la lame à la main. Non pas pour se défendre d'autrui mais dans l'optique de ne blesser qu'elle. Cette vision, on aurait beau la racler, elle ne se détacherait probablement jamais des tréfonds de sa mémoire. « Vous souhaitez faire connaissance ? Très bien, commencez par me relâcher. S'il vous plaît. Il hésita. Cette condition sentait le piège à plein nez. Le couteau dans le dos. Elle enchaîna plaidant sa douleur et le rassurant sur son degré de virilité. – A trois. Il fit le décompte mentalement, déborda d'une seconde puis obtempéra. – Pas de coup bas, exigea celui qui avait attaqué par derrière. »

Libérée, Candy-Julia-Emily parlait vite. Son récit savamment ficelé dressait le portrait d'un homme qui tourmentait des femmes au détour d'un casier. La présomptueuse s'attendait à mieux de sa part. Il allait lui en servir, à l'affamée. « Heureusement que j'étais dans le coin. Qui sait ce qu'il serait advenu de vous si je n'étais pas intervenu… Un peu de reconnaissance, ça vous brûlerait la langue ? » Cent dollars qu'elle remercierait en toussant.

« Echo Nightingale. C'était chantant et ça tombait bien : le rossignol était un piaf de compet en la matière. – C'est le nom que vous pourrez inscrire sur l'étiquette de mon sac mortuaire. Vous êtes bien en train de songer à m'envoyer dans un de ces trucs, pas vrai ? »

Ce fut au tour du bonhomme de sourire. Une housse mortuaire ? Elle se croyait dans quoi, un téléfilm bouseux du vendredi soir ? « Revoyez vos classiques. Utiliser ces sacs revient à déclarer le décès, y a qu'à la morgue ou à l'armée que vous en trouverez. Il se garda d'ajouter qu'un drap percé suffisait au transport. – Rien à voir avec ma salle de boxe, conclua-t-il paré d'un second sourire, satisfait cette fois-ci. » Ses activité étaient aussi légales que la médecine posthume. Mieux encore, elles étaient solidaires.  

« Enchanté, Echo, reprit-il, reprenant ses termes, s'appropriant ce prénom qu'il irait vérifier dans la base de données du club. Il s'écarta prestement et lui tendit la main, celle du bras qu'elle avait vigoureusement griffé. L'air de dire hé, sans rancune– Alcide Bellandi. Je ne voulais pas vous causer de tort. C'est juste que vous m'avez provoqué avec vos insinuations... Ne recommencez pas. Il n'épiait personne ! Voilà ce qu'il avait envie de crier ! Mais il continua sur sa lancée. – Ecoutez, je veux seulement m'assurer que ça ne se reproduira plus. Ou alors, expliquez-moi. Nous jouerons après. Ça, c'était vraiment une démarche diplomate. Mais il ne put s'empêcher de glisser, ne lui laissant d'ailleurs guère le choix ; – Et au passage, vos techniques défensives laissent à désirer. Cogner des mannequins ne suffit pas. Je me dévoue pour vous donner des cours particuliers... ». Ça ne se refuse pas. Te voilà coincée avec moi.





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Placebo (ALCIDE) - Dim 1 Avr - 22:08

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Alcide Bellandi ∞ Echo Nightingale


(www)

Sa colère ne se soulevait pas par vagues, elle ne la submergeait pas à la manière d'un raz-de-marée, pas plus qu'elle ne tempêtait en brisant cœur et poumons lors de crises impulsives ; sa colère à elle, Echo, elle frémissait, omniprésente, jamais absente, salée, amère. Elle coulait des jours glacés et heureux dans ses tripes, répondait pour elle, voilait ses yeux trop bleus et ses pensées trop pâles. Sa colère crépitait tranquillement en une quasi-permanence étourdissante et la faisait pourrir de l'intérieur comme une charogne à la Baudelaire. Et plus tard, bien plus tard, elle se souviendrait que c'était uniquement cette cohabitation de longue durée qui lui avait permis de garder le contrôle plutôt que de trembler et ruer, serrée dans la poigne de Bellandi comme un poisson piégé dans un filet de marins.

Le front posé contre le métal, Echo étourdissait de mots l’assaillant, se faisait aussi bien bourreau des oreilles que victime. Elle n'écoutait qu'à moitié ce que l'autre lui répondait, se contentait de racler le sol pour continuer à s'enfoncer davantage. Elle aurait aimé distinguer le visage tordu par l'agacement du proprio – était-ce bien de l'agacement ? Elle n'aurait su le dire, elle n'arrivait pas à décrypter ses intonations soufflées et ne parvenait plus qu'à voir la rangée de casiers. Pourtant, quelque chose dans son babillage incessant dut finir par le convaincre qu'elle adopterait peut-être un débit de paroles moins important s'il la relâchait, puisqu'il lui annonça soudain : « A trois. ». Un... deux... trois... quatre. Elle sourit. Prudent, l'enfoiré. « Pas de coup bas .». Mais foutrement hypocrite. Elle préférait ne pas lui rappeler qu'il était celui qui enchaînait les coups bas depuis le début de cette conversation.

L'étreinte imposée se délia et une douleur sourde se mit à pulser, là où les doigts du Bellandi avait creusé la chair. Elle posa une main sur les plaies, puis massa quelques secondes avant d'abandonner l'idée, et de finalement se retourner. L'autre abordait toujours un air de suffisance insupportable et ses doigts fourmillèrent ; elle se retrouva à deux doigts de céder à l'idée d'imposer sa volonté sur la sienne. L'humilier. Le rabaisser. Il n'aurait pas d'autres choix que d'écouter et elle en tirerait une satisfaction intense... dont elle finirait par payer le prix, tôt ou tard.

« Heureusement que j'étais dans le coin. Qui sait ce qu'il serait advenu de vous si je n'étais pas intervenu… Un peu de reconnaissance, ça vous brûlerait la langue ? ». Echo serra les dents si fort qu'elle manqua probablement de s'en péter la mâchoire. De la reconnaissance ? Pourquoi le remercierait-elle ? Son intervention ne changeait rien, ni maintenant, ni pour demain. Le besoin de liberté demeurait, présence acariâtre sous la solide cage d'os ; le sang continuerait de couler, docile chose sans volonté, et la douleur persisterait encore, et encore, et encore. Elle l'éprouverait jusqu'à la moelle, et ce, jusqu'à la fin de sa trop courte éternité. Bellandi n'avait qu'aggravé son état, aussi bien émotionnel que physique. La rougeur à ses joues – honte, rage, malaise – en devenait une preuve. La rougeur qui teintait les doigts de celui qui avait serré si fort son bras couturé en devenait l'évidence.

Je me suis dans le sang
Avancé si loin que, même si je décidais de n'y plus patauger,
Retourner serait aussi pénible que poursuivre.

Quelques mots tracés à l'ombre d'une bougie lui revinrent, comme jetés en pleine gueule par le fantôme vengeur de Shakespeare lui-même, mais elle n'aurait su dire s'ils s'adressaient à elle ou à lui. Les deux, sans aucun doute. À l'exception près qu'elle le voyait mal jouer les Macbeth en crise : le sang incrustait les paumes du patriarche Bellandi depuis si longtemps que celui qui poissait en ce moment même le long de ses doigts ne semblait plus guère le déranger. Le remercier ? Il pouvait toujours crever.

« Revoyez vos classiques. Utiliser ces sacs revient à déclarer le décès, y a qu'à la morgue ou à l'armée que vous en trouverez. Rien à voir avec ma salle de boxe ». Non, bien entendu, il serait vraiment étonnant de trouver pareil outil dans la salle de boxe si classieuse d'un parrain de la mafia. L'homme pouvait bien se moquer ; si elle se taisait, son regard continuait de mépriser. « Enchanté, Echo, Alcide Bellandi. Je ne voulais pas vous causer de tort. C'est juste que vous m'avez provoqué avec vos insinuations... Ne recommencez pas. ». Je sais qui vous êtes. Du moins, elle connaissait les grandes lignes de l'histoire ; il s'avérait bien pire que ce à quoi elle s'était attendue. « Je vous ai provoqué, Mr. Bellandi ? », murmura-t-elle tout bas, les lèvres tordues en un sourire crispé. Exsangue, un vertige qui n'avait aucun lien avec sa perte de sang fit tournoyer le carrelage sous ses pieds. « Est-ce ce que vous diriez à une femme courtement vêtu, après l'avoir violée ? Vous m'avez provoqué. Ne recommencez plus. ». La voix durcie pour imiter l'ignoble personnage, elle lâcha ensuite un rire fourbu de tensions. « Excusez-moi de poser la question, loin de moi l'idée de vous provoquer à nouveau. Je veux simplement savoir à quoi m'en tenir. ».

« Ecoutez, je veux seulement m'assurer que ça ne se reproduira plus. Ou alors, expliquez-moi. Nous jouerons après. Et au passage, vos techniques défensives laissent à désirer. Cogner des mannequins ne suffit pas. Je me dévoue pour vous donner des cours particuliers... ». Oups. Peut-être bien que cela venait de se reproduire. Qu'allait-il faire si elle continuait à l'agacer ? Frapper ? Serrer plus fort ?

Elle haussa une épaule, les traits de nouveau parés d'ombres sérieuses. « Qu'est-ce qui vous fait penser que passer encore plus de temps avec vous me plairait ? Votre charme n'est pas si infaillible qu'il me fasse oublier la violence dont vous venez d'user. Et me défendre ? Je sais faire, merci, je n'ai tout simplement pas à vous le prouver. ».

Et en effet, Echo avait d'autres moyens de défense, des moyens plus doux, plus brutaux. D'une caresse, elle s’infiltrait sous votre peau, se faufilait dans les creux de vos pensées les plus intimes, violait votre inconscience avec ses propres idées, ses propres maux. La fourrure tombait, les crocs fondaient ; les loups devenaient mouton, suivant aveuglément des ordres susurrés dans le silence par la trompeuse étrangère ou la parfois trop familière. Ses poings n'étaient donc plus que secondaires, atouts dispensables dans la tempête d'un combat : pourquoi frapper quand l'autre se trouvait déjà à vos pieds, vomissant tout haut ce que vous lui aviez murmuré si bas ? Echo usait, abusait et recrachait encore et sans cesse cette forme de violence certes changeante, mais tout aussi écœurante.

« Et puis, que compteriez-vous m'apprendre ? À prendre l'avantage sur quelqu'un de plus faible que soi ? Comment frapper un gamin déjà à terre ? De quelle façon s'incruster dans la vie d'un étranger en toute subtilité ? ». Un sourire en coin releva ses lèvres. Acide, le sourire. « Je vais peut-être vous étonner, Mr. Bellandi, mais je me débrouille plutôt bien dans ces domaines. ». Echo cilla ; ses souvenirs suintèrent de sa mémoire, poisseux. Les années qu'on lui avait volées. Le quotidien entouré de poubelles cramées et de mecs mal intentionnés. La misère crasse, la misère froide, et la faim qui lui tordait le ventre. Elle se rappelait très bien avoir abusé de plus faibles. Certains diraient qu'elle avait mal agi, mais si elle n'avait rien fait, elle serait sans doute morte ou retournée chez elle, la queue entre les jambes, un indésiré sous le nombril. Elle n'était pas fière du comportement qu'elle avait adopté après sa fugue. Toutefois, elle ne pouvait nier qu'elle avait puisé une certaine fierté à cette capacité de pouvoir s'en tirer en toutes circonstances. Ça avait été un de ces cris du cœur qui vous vide les poumons, un de ces actes de rébellion passive qui gueulent haut et fort prenez ça, les géniteurs, j'peux survivre sans vous.

« Et vous voulez que je vous explique mais vous ne comprendriez pas. ». De toute façon, pourquoi diable elle lui répondrait à lui, l'étranger dont elle avait le contenu de la vie étalé sur papier glacé, à lui, la brute qui répondait aux offenses par la violence. Parce qu'elle-même voulait savoir une chose... Elle soupira, leva les yeux au ciel puis se résigna. « C'est un sentiment d'urgence... », commença-t-elle à dire, avant de se retrouver happée par cet hybris dont elle ignorait tout de la nature profonde.

C'est comme de traverser une route blindée à Arcadia, Mr. Bellandi, une de celles où les voitures défilent avec une régularité de métronome, une de celles dont le béton s'essoufflent à force du passage des roues, des coups de freins de dernière seconde et de la tôle froissée qui ponce la chaussée. Une de celles où les passages piétons eux-mêmes deviennent une autoroute bondée que personne n'oserait traverser tant que le p'tit bonhomme est rouge tomate. Pourtant, soudain, vous vous élancez. La foule vous oppresse, vous ne pouvez plus rester immobile au milieu de ce nœud humain sans consistance. L'air vous manque, la chaleur se fait étouffante.

« Ça me dépasse... ». Murmure voilé, son regard se perdit vers les contours d'une silhouette indiscernable. Les klaxons dérangent, vous voudriez ne plus entendre toute cette flopée d'injures qui se mêle aux crissements des pneus trop lisses. Alors vous vous échappez. Vous traversez. Rien dans la tête, gorge serrée, tout dans les tripes. C'est pas encore vert mais vous vous en foutez. Et les voitures vous frôlent, vous rasent, manquent de vous bousculer dans une fatalité que vous regretteriez. Mais vous continuez, conscient du danger, de la mort qui rôde ; pourtant incapable de vous arrêter. Une part de vous voudrait y rester. Un peu. L'autre lutte, bataille ferme, vous traite de connard suicidaire. Peu importe, vous n'écoutez pas, tout bourdonne. Puis, vous y arrivez enfin, sain et sauf, et l'adrénaline arrose votre corps, vide son carburant sous votre peau comme un maniaque de la flammèche en phase une de sa pyromanie. Le sentiment d'urgence s'est tu, vous vous sentez affreusement en vie d'avoir ainsi valsé avec la mort. Vous regrettez parce que, cette fois, vous auriez pu y rester, mais merde, qu'est-ce que vous vous sentez soulagé.

Elle secoua la tête, pâle, trop pâle. « Je n'en ai pas envie mais si je ne le fais pas... je sens que je pourrai en crever. ». Une conclusion bien simple pour un problème d'une complexité pareille. Mais elle préféra taire les autres pensées qui l'avaient traversée. Il ne comprendrait pas. Elle-même ne comprenait pas toujours. Si elle n'avait pas été aussi affectée, elle se serait probablement étouffée dans un de ses éclats de rire cynique. Elle ne coupait pas assez, elle clamsait. Elle coupait trop, ciao bella. Quelle foutue ironie ! Elle releva des yeux troubles vers lui, presque en transe, et leva un sourcil. « Curiosité rassasiée ? ».

Maintenant, à son tour de poser une question. « Les rumeurs sur votre femme... ». C'est vrai. « Racontez-moi. », demanda simplement Echo. Elle n'exigeait pas la vérité, simplement sa version de l'histoire. Celle qu'il jugeait assez acceptable pour éviter le poids de la culpabilité. « Vous avez accepté de jouer, non ? Allez, soyez réglo, donnez-moi une réponse. ».


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Placebo (ALCIDE) - Lun 2 Avr - 5:10


placebo
come with me now
I'm gonna show you how


Il l'entendit siffler. Il l'écouta le provoquer, remuer le couteau dans la plaie. Habilement, vicieusement. Mais elle déformait ses propos et les calquait sur une situation toute autre. Certes il avait un tempérament un tantinet impulsif, du genre mâle dominant stupide. Il s'emportait et ouais, ça lui arrivait de cogner ou de réagir à la moindre étincelle. Fallait pas le provoquer. Fallait pas, fallait vraiment pas ! Et il la prévenait, en homme galant qu'il était. Le blâme sera nôtre.

Il n'appréciait pas, mais alors vraiment pas du tout cette tendance à hyperboliser ses dires et ses actes. Etre violent n'induisait pas le viol frénétique de jeunes femmes ou de vieillards. C'était un trait de caractère nécessaire au personnage qu'il s'était sculpté, il le reconnaissait volontiers. Mais il n'abusait de personne : les voyageurs de chaque aventure étaient tous conscients et consentants. Car oui, Alcide était persuadé qu'il leur offrait un véritable voyage, unique et inoubliable. Cinq étoiles. « Echo, je ne vais pas vous violer, annonça-t-il placidement. J'ai des valeurs, figurez-vous. » Voilà à quoi t'en tenir Blondie.

Il l'observa raviver délicieusement la flamme de la provoc. Oui, elle n'avait besoin d'aucun coup de pouce en self-defense. Sa langue lui suffisait. Et si on lui coupait ? Elle le traitait de présomptueux, somme toute. Il sourit lentement. Elle lui reprochait un trop plein d'arrogance et de violence mais qui était-elle pour lui jeter cette pierre ? Elle qui, parée d'un sourire glacé, avouait régner sur le royaume de la saloperie. Alcide l'imaginait sans peine abuser d'un plus petit qu'elle-même. Frapper un gosse, que dalle. Si elle n'avait pas la gueule à se lancer dans l'humanitaire, elle n'avait pas pour autant la dégaine d'une tortionnaire. Echo Nightingale avait-elle l'âme d'une commère ? Probable de la part de celle qui s'auto-proclamait conteuse de qualité. Et Alcide ne doutait pas qu'une fois libérée de ce vestiaire, la belle amplifierait leur échange. Elle l'exploiterait, l'userait jusqu'à la corde, ça se devinait au fond de ses pupilles incertaines. Et lui (dé)mentirait comme il l'a toujours si bien fait.

« Et vous voulez que je vous explique mais vous ne comprendriez pas. » Oui, c'était vrai, il ne la comprendrait pas parce qu'il ne le pouvait pas. Y a des choses dans la vie qui nous sont incompréhensibles car pas vécues, pas subies. Elles nous survolent patiemment sans jamais se ficher dans notre coeur ou notre boîte crânienne. On avait beau désirer comprendre, saisir le concept du bout des doigts, l'adopter plutôt que de vomir de la compassion bon marché. Mais on n'y arrivait pas. Alors ça faisait soupirer la demoiselle courtement vêtue, ça faisait braquer les yeux bleus sur les néons mielleux.

« C'est un sentiment d'urgence... Il connaissait l'urgence de trouver des toilettes, l'urgence qu'il faisait planer au-dessus d'un mec en retard d'une poignée de billets. L'urgence de se tailler les veines ? Pour sûr qu'il ne l'avait jamais expérimentée et encore moins envisagée. Il ne parvint pas à régurgiter une once de compassion pré-mâchée. C'était son problème, fichtre ! Mais l'accent pompeux s'évanouit, dompté par des sursauts d'ailleurs. – Ça me dépasse... Son teint concurrençait sérieusement la robe d'un paon albinos. Toujours digne mais d'une pâleur extrême. Coup de mou après des heures à se défouler ? Peut-être que cela allait au-delà de cela. Peut-être qu'elle ne plaisantait pas et qu'elle confiait la stricte vérité. C'était cette possibilité qui, au fond du fond du fond, faisait mal au coeur du truand. – Je n'en ai pas envie mais si je ne le fais pas... je sens que je pourrai en crever. » C'était difficile à avaler et à projeter mais il accepta la réponse de la blonde. Il ressentait cela lorsqu'une pulsion résistait, quand une personne l'obsédait. C'était pas fameux, ça allait dans le sens de ses précédents accusations. Ce symptôme le privait souvent de toute morale mais le guidait paré d'une raison froide. Puis les gens finissaient toujours dans son lit, persuadés d'un désir aussi éphémère qu'illusoire. C'était pas des viols. Tandis que Zeus se régalait, Alcide s'apaisait.

Il hocha la tête. Appétit satisfait. « Besoin vital. Pause. Voix caverneuse, lente, pensive. – Je connais. Il ajouta, plus certain de lui. – Reprenez votre souffle... On s'y fait. Question de contrôle de soi, ça se dompte. Prenez exemple sur moi. » Il n'irait pas plus loin dans les confidences s'il souhaitait rester dans le vrai. S'exposer pour inspirer une confiance momentanée, oui. Mais… Vigilance constante. Qui sait ce qu'elle concocterait, armée de ce témoignage en papier. Elle et son regard embué, sa sueur nouvelle, son sourcil levé. Elle et sa requête embarassante. « Les rumeurs sur votre femme... Alcide se crispa, recula de dix bons centimètres et réarrangea le col de sa chemise impeccable, vierge des plaies de la Nightingale. – Ne vous abaissez pas à ces bruits de couloir. Echo, vous valez trois fois mieux que ça. Enterrez tous vos préjugés. Rappelez-vous que la racine d'un on-dit est souvent pourrie, qu'il soupira, pédagogue. » Ça avait des accents de remontrance. Ça se voulait faussement paternel, sage et narquois à la fois.

« Vous avez accepté de jouer, non ? Allez, soyez réglo, donnez-moi une réponse. Au fond, il n'avait pas envie d'inclure Echo Nightingale dans la moindre confidence de cet acabit. Mais il lui en devait une. Dans la mesure du possible et du raisonnable, Alcide respectait ses promesses. Qu'il s'agisse de refaire le portrait d'un imprudent ou ne pas oublier l'heure du rendez-vous du vendredi soir. Mais les soirées en face à face, c'était du temps de Frances. Ça remontait à l'époque où Vito était encore Julius, où lui, Alcide, maîtrisait ses poings et Frances sa langue de harpie. – Vous êtes comme elle. Comme toutes les femmes, jeta-t-il sans réfléchir tant la comparaison lui sembla évidente. Sexiste, lui ? Il ne le cachait plus. – Parasite, précisa-t-il poliment. Gente féminine de pacotille... tout juste bonne à fouiner et cultiver des rumeurs avariées...! Puis, sur le ton de l'avertissement : – Echo, croyez-moi. A jouer les reporters, vous y laisserez votre peau. Ce jour-là, votre culot ne vous sauvera pas. » Assurément pas. Je vous préserve du carnage. C'était ça qu'Alcide aurait bien craché à son visage au teint indécis. Une mise en garde. Rien d'une menace.

« Difficile de regretter le chef d'orchestre de votre enfer. Affirma-t-il sans gêne. Frances avait été le ciment de leur couple. La naissance de leur gosse était la cerise sur le gâteau, la promesse d'un ménage banal et durable. Mais Frances était au courant de la Nuova Camorra dont elle ne tolérait rien. Elle crachait sur le Thunder Fist. Elle ne croyait en rien. – Frances ne pensait qu'à sa petite personne. Elle critiquait sans agir et a fait de notre garçon un rêveur, grinça Alcide. » Frances avait beau ne plus faire partie du monde mortel, elle hantait passionnément la carcasse de Vito Bellandi. Alcide quant à lui ne pardonnerait jamais à sa femme d'avoir si intensément influencé leur fils. C'était une rancune tenace.

La rage enfouie, Alcide termina, adouci. « Dieu merci, elle n'a pas souffert. C'est le coeur qui a lâché en premier. Vous devez déjà le savoir. Mais hé, ce que la rumeur occulte, c'est que nous nous aimions. Malgré nos difficultés. A la vie à la mort. ...Faudrait être sans coeur pour ne pas croire ma version de l'histoire. » Le don inspira une généreuse bouffée d'air électrique, presque nostalgique. Il questionnait l'humanité de la scarifiée.





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Placebo (ALCIDE) - Sam 7 Avr - 22:41

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Alcide Bellandi ∞ Echo Nightingale


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« Echo, je ne vais pas vous violer. J'ai des valeurs, figurez-vous. ». Le rire fusa, la langue claqua, se fit moqueuse contre le palais. Des valeurs, Mr. Bellandi ? J'imagine, en effet, qu'il faut beaucoup d'entre elles pour s'abaisser à frapper la mère de votre enfant. Cette fois, elle garda cette rhétorique dans un coin poussiéreux de sa boîte à fourberies. De même, elle ne dit pas non plus que non, elle ne l'accusait pas d'être un violeur, mais qu'elle se contentait  simplement de le traiter de sale type avec une mentalité à la con. Pas plus qu'elle ne précisa qu'elle ne craignait pas pour son intimité, mais pour celles de toutes les autres qui le provoqueraient la fois de trop. Des détails. Qu'elle préférait taire avant de se faire coudre les lèvres.

Quoique, elle aurait préféré finir la bouche scellée plutôt que de devoir bredouiller sa maigre justification quant à ses plaies. Ça me dépasse. Sentiment d'urgence. Lâcher ces quelques phrases saccadées équivalait à une éviscération en bonne et due forme. Ligne nette au centre de la poitrine, macchabée vivante sur la table d'autopsie, elle s'arrachait elle-même la peau, écartait de sa propre volonté la cage thoracique qui lui gênait le passage, ça craquait dans son crâne, ça tempêtait. Elle aurait aimé se taire, parce qu'elle se sentait affreusement à nue – dans les plus mauvais sens du terme. Mais raconter pourquoi elle se coupait, même si cette confession lui déchirait le cœur, les tripes et tous les organes miséreux qui osaient se mettre sur son chemin, lui apporterait une réponse du Bellandi. Et la douleur paye. Pas toujours, mais cette fois, elle lui serait bénéfique ; elle lui permettrait de gagner une poignée d'informations qu'elle ne pouvait pas trouver par voie classique. Plus précisément, une confirmation. Que ferait-elle de cette connaissance ensuite ? Aucune idée pour le moment, mais elle aimait être renseignée sur les autres, plus particulièrement ceux qui constituaient une menace à ses yeux.

Pupilles fixées sur l'homme, elle observa, attentivement, consciencieusement. Elle ne savait pas quelle allait être la réaction du bellâtre, et une partie d'elle s'en foutait pas mal. L'autre s'interrogeait ; les gens avaient tendance à réagir avec excès. T'es tombée entre les mains d'un psychopathe ? Femme battue ? Et puis, il y avait ceux qui reconnaissaient immédiatement, qui se voilaient de tristesse, drapés dans une nostalgie qui la répugnait tout autant que la foule de curieux compatissants.

Bellandi, lui, il restait planté là, toujours sur son chemin, ses deux poteaux musclés croisés en travers de sa poitrine. Et quand elle eut fini, le silence dura peu de temps, à peine une poignée de secondes frivoles, qu'il répondait déjà : « Besoin vital. Je connais. ». J'crois pas, non. Elle se mordit la langue pour ravaler la réplique mais ce qu'il ajouta lui donna entière raison. « Reprenez votre souffle... On s'y fait. Question de contrôle de soi, ça se dompte. Prenez exemple sur moi. ». Monsieur se retrouvait peut-être sujet à des impulsions, à des désirs, de temps à autres, le genre de sentiment qui vous saisit aux tripes et qui s'accroche fort, qui vous broie, mais ce ressenti ne tenait pas la comparaison face au besoin qu'elle décrivait. Les pulsions, vives, momentanées, finissaient toujours par disparaître, même s'il était compliqué de leur résister. Le besoin, une fois agrippé à vous, ne vous lâchait plus, il épuisait votre volonté miette par miette, vous saccageait les pensées sans discontinuité, jusqu'à ce que vous cédiez. Et si ce besoin s'avérait vital, vous deviez y céder sous peine de crever. C'était de la même catégorie que manger ou respirer ; sans ces petites actions du quotidien, auxquelles vous ne prêtiez plus guère d'attention, vous cessiez d'exister. Vous ne savez pas de quoi vous parlez. Taisez-vous. Montrez vos muscles rutilants et exposer vos flingues devant votre bande d'incapables, pour ça, vous êtes plutôt doué, mais bon Dieu, fermez-la. Les accusations suintèrent d'entre ses lèvres serrées, presque à portée du don, mais une fois de plus, elle emprunta une nouvelle direction de parole ; celle qu'elle avait toujours visée en se confiant.

« Ne vous abaissez pas à ces bruits de couloir. Echo, vous valez trois fois mieux que ça. Enterrez tous vos préjugés. Rappelez-vous que la racine d'un on-dit est souvent pourrie ». La réponse se révélait délicieusement vide de sens ; Echo lui servit un sourire malicieux. Ce qu'elle savait ne reposait pas sur des théories fumeuses, des rumeurs adolescentes ou sur quelques préjugés miteux, comme il semblait le penser. Echo n'était pas journaliste pour un magazine qu'on lisait dans les chiottes, la demoiselle gagnait sa vie en arrachant les petites horreurs cachées dans celles des autres. Elle s'appuyait sur des faits, des dossiers médicaux, des témoignages crédibles de proches insoupçonnables. On lui confiait la vérité et elle la prenait telle qu'elle. Alors, peu importe ce que dirait le Bellandi, peu importe le nombre d'excuses vaseuses qu'il lui enverrait poliment à la gueule, aucune justification ne trouverait crédit à ses yeux. Parce qu'elle savait déjà et que toute cette mise en scène n'était plus qu'un jeu, un test.

« Vous êtes comme elle. Comme toutes les femmes », finit-il par lâcher, mine de rien. Et elle flâna dans l'air, même avant qu'il ne le dise, ce soupçon de mépris profond, de dégoût sous-jacent. Toutes les mêmes. Même aux yeux d'une supposée misanthrope, cette phrase ne possédait aucune valeur. Si tout le monde ne se différenciait pas des autres, si la plupart des gens restait sur le banc de touche toute leur vie, à se laisser engloutir par la masse, il y en avait une paire qui parvenaient à tirer leur épingle du jeu. Plus chiant. Plus intelligent. Plus créatif. Certains avaient leur truc. Ça variait et si Alcide Bellandi ne pouvait distinguer ces nuances chez les femmes, c'est que le garçon avait un sérieux problème de sexisme. Elle leva un sourcil curieux pour l'inciter à poursuivre et il ajouta finalement, comme pour donner un véritable sens à ses précédentes paroles ; « Parasite ».

Le mot en soi ressemblait à tous les autres mots ; un savant assemblage de lettres futiles, piochées dans un alphabet souvent trop court pour exprimer correctement ses idées ou ses émotions. Pourtant, l'intonation donnée à ce mot, aimable, polie, lui fit l'effet d'une gifle. Parce qu'associée à ce petit assemblage minable, parasite lui devenait familier. Même timbre de voix, clair, efficace, même signification ; parasite avait jailli plus de fois qu'elle ne pouvait le compter, notamment dans la bouche tordue de sa mère. Parasite. Parce qu'elle s'accrochait, tandis que tout le monde partait. Parce que, sangsue avide, elle pompait énergie, temps et argent sans jamais rien donner en retour, gangrène du foyer Nightingale. Quelle âme généreuse d'être partie avant que la nécrose ne se répande à tout le nid ! Elle s'était elle-même amputée de la famille, opération chirurgicale brutale, sans anesthésie. Et si elle l'avait fait avant tout pour se sauver, elle avait ainsi épargné mère et père dans sa grande bonté.

La gorge sèche, paumes moites, Echo rassembla ses pensées, s'humidifia les lèvres, puis finit par avouer, légèrement crispée : « Vous savez, Mr. Bellandi, j'aimerais croire qu'il y a plus chez vous que ce que vous m'avez montré ce soir. Que votre visage n'est pas seulement celui de la violence, du sexisme et de l'arrogance. Malheureusement, vous ne me facilitez pas la tâche. ».

Echo ne voulait pas avoir une vision manichéenne du monde. Les bons et les méchants ; les riches et les pauvres ; la haute et la raclure. Des notions qui, sous le joug d'une telle vision, perdaient en nuances, en saveur et en équilibre. Ainsi, elle ne voulait pas changer le personnage d'Alcide Bellandi – don, proprio, époux, père – en un monstre au crâne surmonté de cornes rouges, le diaboliser ne l'aiderait pas, mais la demoiselle était tenace, rancunière, et elle ne comptait pas oublier de sitôt l'affront qu'il lui avait jeté au visage en rendant un moment douloureux plus honteux encore qu'il ne l'avait vraiment été. Alors autant lui donner le rôle de l'enfoiré, un enfoiré possiblement capable d'honneur, de compassion ou de sagesse, mais un enfoiré tout de même.

« Echo, croyez-moi. A jouer les reporters, vous y laisserez votre peau. Ce jour-là, votre culot ne vous sauvera pas. ». Elle n'était pas reporter et comptait encore moins sur son culot pour lui sauver la peau, mais sur son talent unique, étrange. Une confession qu'elle conserva précieusement pour elle, alors qu'il ajoutait : « Difficile de regretter le chef d'orchestre de votre enfer. Frances ne pensait qu'à sa petite personne. Elle critiquait sans agir et a fait de notre garçon un rêveur ». Cette fois, le rire claqua durement dans l'atmosphère déjà asséchée de toute compassion. Bras croisés, elle lui offrit une moue surjouée, devint cinglante. « Oh, vous étiez donc la victime, c'est bien ça ? ». Et la colère crépita à nouveau jusqu'au bout de ses doigts. « Vous lui en voulez encore, même après sa mort, pour avoir fait de votre garçon un rêveur ? ». Un rêveur, c'était chiant, elle lui accordait ce point, mais un rêveur pouvait changer, évoluer, décider de sa propre destiné. Un rêveur possédait cet avantage inestimable que le Bellandi ne soupçonnait pas ; il restait vivant, ici, avec lui, avec eux. Son frère n'avait pas eu cette chance. Leur mère l'avait conduit à sa perte et voilà un fait irréparable, qui ne pouvait pas mener à un quelconque retour en arrière. « Estimez-vous chanceux qu'elle n'en ait pas fait un homme mort. », grinça-t-elle, mauvaise.

« Dieu merci, elle n'a pas souffert. C'est le coeur qui a lâché en premier. Vous devez déjà le savoir. Mais hé, ce que la rumeur occulte, c'est que nous nous aimions. Malgré nos difficultés. A la vie à la mort. ...Faudrait être sans coeur pour ne pas croire ma version de l'histoire. ». Il arrivait donc enfin à la fin de sa jolie et tourmentée histoire, oh, elle en était toute retournée. Ben voyons. Elle leva les yeux au ciel, haussa une épaule et répondit simplement : « J'ai jamais dis que j'avais du cœur. ». Et heureusement, sinon, ce serait lui qui lâcherait en premier, pas vrai ?

Elle ramassa le sac qu'elle avait laissé à même le sol, près des lavabos, et montra la sortie du menton. « Je dois prendre une carte de sortie quelque part ? ». Ou allait-il enfin se comporter en proprio réglo et la laisser s'échapper ? Elle esquissa quelques pas vers son échappatoire, puis s'arrêta, les lèvres retroussés en un sourire aimable. « En fait, avant, j'ai une dernière question. Comment est-elle morte ? ». Le légiste qu'elle avait rencontré parlait d'un fort courant électrique, mais on l'avait grassement payé pour ne pas qu'il pose davantage de questions. Le Bellandi aurait peut-être plus de précisions. À moins qu'il n'ait pas envie de partager un sombre secret. À nouveau, elle haussa les épaules, comme si cette discussion n'importait pas vraiment. « Vous n'êtes pas obligé de répondre, je comprends que ce soit difficile d'en parler. ». Le ton mielleux, hypocrite. Si tu ne réponds pas, alors j'en serais sûre. Don, proprio, époux, père. Meurtrier.


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Placebo (ALCIDE) - Dim 8 Avr - 21:36


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« Vous savez, Mr. Bellandi, j'aimerais croire qu'il y a plus chez vous que ce que vous m'avez montré ce soir. Il y avait plus. Ce qu'elle oubliait, c'était qu'elle-même était une petite tête brûlée. Elle s'enflammait instantanément et empruntait une direction sans détour ;  pour la suivre, il fallait la stopper. Impossible d'exploiter toutes ses qualités avec une furie empressée.

– Que votre visage n'est pas seulement celui de la violence. S'en étonner relevait de la naïveté. Comment survivre dans une ville corrompue, comment s'élever dans ces rues malfamées si ce n'est par la force de ses poings ? De grands noms ont écrit « La violence est un échec » parce qu'ils n'y connaissaient rien. Alcide avait envie de les corriger et d'énoncer « La violence est un moyen », parfois (souvent) le seul. Pour faire parler, pour faire taire à jamais.

– Du sexisme. Et d'où venait-il ? C'était le résultat d'une déception redondante. D'une frustration intense. Les femmes de la vie d'Alcide avaient toutes failli à leur tâche. Leur unique rôle, elles l'avaient bafoué avec le sourire, toutes fières de semer le chaos. Y avait eu sa mère qui avait préféré un gosse inconnu, repêché d'on ne sait quel bas-fond immonde. Elle avait prodigué son affection à un malpropre. Ce n'était pas comme si elle avait recueilli un chaton égaré qu'elle aurait nourri et peigné pendant trois ans. C'était son amour entier, toute son attention qui avaient été vicieusement détournés. Laissant foyer, mari, et fils négligés. Et ça, c'était dur à avaler, impossible à pardonner. Et Frances. Une mortelle dont la seule pensée faisait amarrer dans son coeur un goût des plus amers. Plus besoin de la présenter.

– De l'arrogance. Sans doute qu'il en suintait par tous les pores. Il lui accordait cette tare sans s'offusquer. Comme la violence, c'était une des cartes nécessaires au succès. L'arrogance était souvent un masque, un coup de bluff dans cette vie pareille à une partie de strip poker. Y avait souvent rien de concret derrière ses grands airs. L'important, c'était de faire triompher l'effet escompté pour ne pas trop se dénuder.

– Malheureusement, vous ne me facilitez pas la tâche. » Y avait des gens qui ne croyaient qu'en ce qu'ils voyaient. Ils ne projettaient rien, n'espéraient rien. Ne consommaient que ce qu'on daignait leur divulguer et puis basta. Ils ne posaient ni question ni problème. Selon Alcide, ceux-là étaient dans le vrai, dans la vie comme elle était. Pourquoi désirer des trucs improbables ? Pourquoi se fatiguer à idéaliser les hommes pour cracher sa rancoeur une fois leur visage révélé ? Il ne faut pas rêver si on craint le réveil.

« Vous êtes de la même espèce que mon fils, Echo. Une rêveuse. » déclara le don. Ça sonnait comme parasite mais c'était dix fois plus hargneux. Sur Terre, personne ne choisissait pas de naître (femme) bactérie et encore moins de propager la gangrène. C'était une question de nature profonde dont on ne se détachait jamais. Les poids morts avaient beau se débattre, ils ne cesseraient de casser les pieds qu'une fois enterrés. En revanche, la rêverie, c'était un mode de vie, une sale habitude qui colle à l'épiderme. Désirer s'en affranchir revenait à faire de sa peau des lambeaux. Et se cribler le corps à coup de couteau, c'est ton domaine, hein Echo ? – Si je vous ai déçue, c'est de votre faute ! Je ne vous ai rien promis ! Gronda-t-il, piqué au vif. » C'était vrai, c'était elle qui s'était emballée. Lui n'avait fait que réagir. Réagir à ses provocations.

« Estimez-vous chanceux qu'elle n'en ait pas fait un homme mort. » Visiblement, la belle n'avait plus envie de plaisanter. Il fut pris d'une sérieuse envie de l'imiter, elle et son rire sardonique. Ç'aurait été une réponse adéquate mais Alcide aimait jouer au plus malin. Ajouter son grain de sel, c'était mille fois plus savoureux que de pouffer sans expliquer. « Elle n'en a pas eu le temps, qu'il répondit avec un sourire carnassier. De ça il en était persuadé. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle jette leur gamin dans la tombe. Un rêveur dans les rues d'Arcadia… avait l'espérance de vie d'un mollusque au soleil de midi. La rêverie, ce n'était que synonyme d'imprudence, d'étourderie : aucune garantie. – C'est l'avantage de la mort. Les problèmes s'évaporent ! » Ça, c'était un slogan pour Thanatos, ou qu'il soit sur cette maudite planète. Il pouvait bien venir rafler la petite blonde explosive, c'était pas Alcide qui l'en empêcherait. « J'ai jamais dit que j'avais du cœur, dit-elle. » Moi non plus, Blondie. Il s'est perdu en chemin. Peut-être qu'il trinque avec le tien ? D'accord. Echo était à classer dans la clique des Sans Coeur et Sans Pitié. Enregistré. Et des Je-vous-extorquerai-tout-coûte-que-coûte-alors-préparez-vous.

« Comment est-elle morte ? Vous n'êtes pas obligé de répondre, je comprends que ce soit difficile d'en parler. » Que dalle. Détrompe-toi et gomme tout ton maquillage. Cette délivrance n'a pas de poids. Echo était doucereuse. Gourmande, elle grignotait les informations et lui, Alcide, se sentait envahi. Il décida de ne plus lui céder le moindre terrain et de ne plus passer par quatre chemins. « J'vous l'ai déjà dit. Ça vous amuse de me faire répéter ? Les néons tremblèrent. – Crise cardiaque. Besoin d'une image ? » Il leva son bras droit, écarta ses doigts, paume adressée au plafond. Une ampoule se brisa. Son verre gicla comme le sang jaillit d'une tempe fracassée. (C'était une première. Il n'avait jamais éclaté de lampe. Mais il en avait assez du bluff. Il avait envie de tout casser. Son joli minois, pour commencer. Sans oublier sa verve de reporter en herbe.)

« Non, tu restes avec moi. La sortie ça se mérite. My land my rules, le retour. – J't'avais prévenue et tu n'écoutes pas. » Voix agacée, animée d'un grain de fureur brute. Il n'était pas question d'établir le moindre deal. Bellandi s'approcha, lui arracha son sac des mains, l'envoya valser contre les battants d'acier. Le contenu se répandit sur le sol froid, roula ici et là. Et lorsqu'elle se penchera pour ramasser ses bandes de gaz et ses babioles de gonzesse, pour sûr qu'il lui assénera un bon coup d'pied aux côtes. Du genre à couper le souffle.

Pour l'heure, il l'empoigna par la brassière et la plaqua de nouveau contre les casiers écarlates. Le rouge lui seyait au teint, autant en profiter. Dans le feu de l'action, ses paluches râpèrent sa chair. Alcide était une boule d'agressivité qu'il ne fallait pas réveiller. Il l'avait avertie ! La seule chose dont elle pouvait s'assurer, c'était qu'il ne la violerait pas. Le reste, lui-même n'y parierait pas.

Les paumes crispées à la rencontre de ses épaules et de sa clavicule, tout contre son oreille : « Tout ça, c'est de l'histoire ancienne. Plus personne ne s'en préoccupe, ni moi ni la loi. Alors toi ? T'as aucune légitimité. Tu vas quand même pas me forcer à t'faire disparaître pour elle ! Sois un parasite pensant, m'oblige pas à ça. » Et le ton dégringola de deux octaves. Il n'en avait pas envie. Mais les imprévus arrivaient.





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Placebo (ALCIDE) - Lun 9 Avr - 16:34

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Alcide Bellandi ∞ Echo Nightingale


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Peut-être qu'elle savait, au fond, que ce serait la question de trop. L'étincelle jetée sur le baril de poudre plein à craquer. Elle gardait les yeux acérés exigés par son métier, même quand elle n'enfilait pas sa tenue de détective privée, et elle avait observé grimper la tension sur le visage du Bellandi, noté les muscles qui se tendaient, les paroles qui se raffermissaient. Elle avait même entendu les avertissements qu'il semait comme un Petit Poucet bodybuildé. Alors, oui, elle savait. Mais elle avait continué à pousser, parce que c'est ce qu'elle faisait de mieux, pousser les autres dans leurs retranchements, dévoiler le vrai de l'âme humaine, le moche, le mauvais, faire émerger tout ce que chacun se plaisait tant à conserver secret.

Et la sentence claqua dans l’atmosphère crépitante comme un coup de feu. « Vous êtes de la même espèce que mon fils, Echo. Une rêveuse. ». Sous le ton grave, sous la teneur inégale des lettres, se dissimulait soudain la folie enragée, une agressivité dont elle n'avait eu qu'un aperçu jusqu'ici et qu'elle se recevait soudain en pleine gueule comme un frisbee. Voilà qui scellait toute potentielle trêve ; la hache de guerre venait d'être déterrée et Alcide Bellandi rêvait de pouvoir lui briser le crâne avec. « Si je vous ai déçue, c'est de votre faute ! Je ne vous ai rien promis ! ». Oh, bien sûr que oui, tu as promis, Bellandi. Quand tu as signé le bail de ton foutu club, c'était une promesse. Le client est roi. Tu te souviens ? Alors, pourquoi tu fous en l'air tes serments en jouant au roi des cons ? Elle serra les lèvres pour ravaler les mots grinçants qui lui brûlaient la langue, serra les mâchoires à s'en péter les dents. Peu importe ce qu'elle dirait, Bellandi se plaçait en éternelle victime. Votre faute. Elle ne pouvait raisonner un homme aveuglé par son propre orgueil. Elle ne pouvait que s'en méfier, car ceux-là se reconnaissaient à leur forte instabilité. Oh non, point de déception pour celle qui envisageait déjà le pire avant même leur rencontre, juste une peur latente, toute nouvelle, toute fraîche, mêlée à une pointe d'adrénaline qui l'avertissait à son tour. Chaque mot qui sortira de ta bouche le mènera plus loin encore. N'essaye pas de gagner ou tu y laisseras des plumes.

« Elle n'en a pas eu le temps. C'est l'avantage de la mort. Les problèmes s'évaporent ! ». Le problème, c'est que, même si elle gardait les lèvres closes, celles du Bellandi s'agitaient, vomissaient conneries et non-sens comme après une cuite à l'absinthe. Et que chacun de ces mots nourrissaient à son tour la colère froide d'Echo, locatrice permanente au creux du myocarde fébrile ; alors, la rage explosa toute bonne volonté qu'elle ait eu. Elle continua, la machine s'emballa, la question tomba. Ainsi, tout dérapa.

« J'vous l'ai déjà dit. Ça vous amuse de me faire répéter ? ». Les lettres roulèrent sur le grondement de sa voix. Clic. Clic. Echo leva les yeux, interpellée par le bourdonnement, par le tournant étrange que venait de prendre cette rencontre. Au-dessus de leurs têtes échauffées, les néons tremblaient, menaçant d'être arrachés de leur gond. Sourcils froncés, ses lèvres balbutièrent. « Qu'est-ce que... ». Mais Bellandi n'écoutait plus, n'entendait plus, avalé, mâché et recraché par cette haine brûlante qui l'animait soudain. « Crise cardiaque. Besoin d'une image ? ». Il dressa le bras, paume tournée vers le plafond, comme s'il devenait brusquement un prophète maudit ou un foutu power ranger, mais la peur étrangla le rire fugace qui lui remonta en gorge. Ce n'est pas normal. Et avant qu'elle n'ait pu dire quoi que ce soit ou agir – fuir, cogner, se recroqueviller – l'ampoule explosa, se déversa tout autour d'eux en un feu d'artifices tranchant. Réflexe, Echo leva un bras protecteur au-dessus de son visage et esquissa quelques pas chancelants vers les casiers, loin du Bellandi, du courant électrique qu'il dégageait, de cette pression ambiante aussi terrifiante qu'étouffante. De temps en temps, une ampoule s'éteignait, se craquelait ou se cassait ; les accidents arrivaient, cycle normal de vie chez les luminaires, mais ça... ça, cela n'avait rien d'un accident.

Qui es-tu, Alcide Bellandi ? Vaine interrogation. Tu sais. Tu le vois, tu le sens, gamine. Sa gorge se serra, ses poumons se vidèrent, la nausée lui saccagea l'estomac. Comme toi. Yeux fissurés, écarlates, elle refoula la panique crevante, les larmes traîtresses. Croyais-tu être la seule ?

« Non, tu restes avec moi. », trancha la voix, imposante, écrasante. « La sortie ça se mérite. J't'avais prévenue et tu n'écoutes pas. ». Sursaut d'instinct de survie, quelque chose en elle tira la sonnette d'alarme et déclencha le stroboscope épileptique ; c'est l'incendie, gamine, ne pense plus, tu trouveras une explication rationnelle plus tard, pour le moment, bouge-toi, ça urge ! Son cerveau se remit en branle, ses pensées hurlant des directives qu'elle ne saisissait qu'à moitié. Elle voulut reculer davantage mais des mains agrippèrent son sac, tirèrent si fort que les sangles lui brûlèrent les paumes. Elle entendit plus qu'elle ne vit l'impact, imagina ses affaires se déverser comme un relent désespéré sur le carrelage vieillot, et décida qu'il lui faudrait partir sans elles. Les babioles, ça se rachetait et partir tout court serait déjà une chance délicieuse... qui se révélait hors d'atteinte pour le moment.

Les doigts trouvèrent une accroche, serrèrent puis poussèrent avec force. Ses poumons crachèrent tout souffle lorsque son dos frappa les casiers, ses paupières papillonnèrent. Elle se sentit étourdie, mais quelque part, la douleur lui permit de s'accrocher à cette réalité tant inconvenante. Ça et le souffle chaud qui lui écorcha les oreilles, les quelques syllabes grognées qui le dépouillèrent de son humanité. « Tout ça, c'est de l'histoire ancienne. Plus personne ne s'en préoccupe, ni moi ni la loi. Alors toi ? T'as aucune légitimité. Tu vas quand même pas me forcer à t'faire disparaître pour elle ! Sois un parasite pensant, m'oblige pas à ça. ».

Ils y arrivaient. À ce point de non-retour affreux, qui n'était ni doux-amer, ni fatal, simplement irréversible. Ce que le Bellandi s'apprêtait à lui faire et la manière dont elle y répondrait déterminerait son avenir, la paix fragile qu'elle avait mit tant d'années à se construire – vacillerait-elle comme un château de cartes branlant ou résisterait-elle au passage du pourri ? Elle aurait dû plier, baisser les yeux, la tête, faire le dos rond comme un chaton en mauvaise posture et attendre que la violence migre vers un autre qu'elle. Echo aurait dû se laisser massacrer. Elle aurait dû attendre que les coups cessent, que le tyran s'épuise, que les phalanges s'écorchent jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de résistance à leur soumettre. Ainsi, elle aurait fait pénitence auprès du don et n'aurait pas eu à craindre de potentielles retombées de la part de la Nuova Camorra. Il gagnait la partie et elle gagnait la vie. Équitable, non ?

Dommage qu'Echo n'appartienne pas à cette espèce faite de pâte malléable que chacun pouvait modeler à sa guise. Elle était peut-être un parasite après tout, y'avait de fortes chances, et qu'il en soit ainsi. Mais elle serait un putain parasite qui se battrait bec et ongles, qui boufferait l'orgueil du mâle, qui dévorerait cette confiance trop facilement acquise. Force aux rêveurs, connard !

« Tu sais quoi ? », murmura-t-elle à son tour, illusion du félin docile, dompté, soupir enjôleur contre la joue mal rasée, « Je la connaissais pas, mais je crois qu'elle valait mieux que ce que tu lui as offert, Bellandi. ». Rush d'adrénaline dans les veines, son cœur s'emballa, et malgré ses mains tremblantes, Echo leva un genou féroce qu'elle planta dans l'entre-jambe du pourri. S'il ressentit l'impact, il ne relâcha pas pour autant son emprise et elle dut planter ses ongles dans le bras au bout duquel il la retenait prisonnière pour établir un contact prononcé. Elle ferma les yeux, laissa le truc faire effet, se déverser dans sa chair, sur sa peau, et empoisonner celle du don. À mon tour de jouer. « Lâche-moi et recule. Doucement, le colosse. », ordonna-t-elle d'une voix fébrile qu'elle reconnut à peine, à la fois grave et vulnérable malgré l'injonction donnée. Et l'autre lui obéit. Parce qu'il n'avait pas le choix, parce que c'était soudain ce qu'il pensait vouloir faire. Echo séduisait, persuadait, et si elle n'avait aucune idée de comment elle faisait, elle était férocement reconnaissante envers son super-métabolisme.

Remise en liberté, Echo se jeta sur ses affaires. Elle se moquait pas mal du tas de fringues mais elle ne voulait pas se séparer de sa lame, celle qui lui apportait soulagement et dégoût. Elle se redressa, couteau en main. Elle déplia la lame et se retourna brusquement vers l'autre. Là où le Bellandi avait plaqué son poing pour la retenir, la peau pulsait, déjà rougie. Peu importe, continue. Il n'a pas bougé, il écoute. Le désir de vengeance éclot sous la cage d'os et elle lutta pour ne pas l'assouvir. COURS. OK, manche remportée par la conscience.

Elle s'élança vers la sortie, si proche... mais une main se referma sur son poignet et elle pivota brusquement. Putain de merde. Pourquoi la suggestion ne marchait déjà plus ? Le Bellandi la tira vers lui mais elle ne résista pas, pas cette fois. Elle fondit sur lui et planta la lame, racla silencieusement une côte, là où le métal ne risquait pas d'apporter la mort, mais de lui offrir un délai pour se tirer. Le sang coula sur ses doigts, se mêla au sien, brillant, poisseux. Elle se plaqua contre lui, absolument terrifiée mais résignée. Elle posa son autre main contre son cou et insuffla davantage de volonté aux paroles soufflées par ses lèvres. « Essaye de me retrouver et t'en payeras le prix. ». Voix tremblante mais assurée, « Si ce n'est d'autre chose, sois persuadé de ma colère. ». Il l'horrifiait, elle s'horrifiait, mais maintenant, au moins, elle pouvait se tirer sans crainte.

Elle retira la lame d'un mouvement brusque et fit volte-face. Elle se mit à courir, marathon de l'extrême – sa vie en dépendait – déboula dans la salle de sport telle la furie ensanglantée en laquelle elle venait de se transformer. La crise lui montait à la gorge, l'hystérie si proche de la conduire à un moment de folie. Elle traversa l'antre du Bellandi, ignorant les paroles inquisitrices et les bras tendus, slalom de l'enfer, jusqu'à se retrouver au grand air. Jusqu'à se perdre dans les ruelles obscures dont elle ne reconnaissait plus les noms. Jetée derrière une poubelle, ramassée en une boule de chair tremblante, les mains saignantes placardées sur le visage. T'es en état de choc, gamine. Et si tu fais rien, il te retrouvera.

Alors, on se relève, et on continue, on continue de courir.


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Placebo (ALCIDE) - Dim 15 Avr - 1:06


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La violence, c'était vraiment une pulsion d'abruti. Mais aussi la solution facile, la suite logique. Fallait exposer les faits : elle s'coupait dans sa salle et lui avait jeté à la face un passé pour le moins... encombrant. Ça suffisait pour vouloir la faire disparaître. Faute de gun, ils devraient se contenter de ses poings râpeux.

« Tu sais quoi ?, qu'elle glissa à son tour comme si la peur éphémère s'était enfuie de son organisme. La réponse était non. Non il ne savait pas. Il n'avait jamais su de quoi retournait le cerveau d'une femme enragée. Il ne s'y était pas préparé, n'en était jamais arrivé là. Malgré son sale caractère, Frances finissait toujours par s'excuser, fallait bien lui reconnaître ça. Echo Nightingale partageait sa verve, une ardeur qui ne laissait pas son hybris indifférent.

– Je la connaissais pas, mais je crois qu'elle valait mieux que ce que tu lui as offert, Bellandi. » Voilà que l'effrontée s'amusait à lui faire la morale. Qu'en savait-elle, de toute cette merde ? Il avait offert des tas de choses à sa femme. De valeur. Souvent de l'argent liquide qu'elle dépensait en shopping excessivement inutile. Ou pour faire sourire leur rêveur, décorer des murs qu'il ne côtoyait que les yeux fermés. Mystère. À la fin, il s'en foutait bien de tout ça. Il ne différenciait plus ses nouvelles tenues des anciennes, ne la complimentait plus. Elle n'était qu'un cintre habillé. Vivant mais plus pour très longtemps !

Un jour, il lui avait offert super bagnole. Comment l'oublier celle-là ! C'était durant leurs premières années. Étrennée lors d'un trajet arrosé, la caisse avait été cabossée en bonne et due forme. Deux mois plus tard, elle était expédiée à la casse. C'était une bonne illustration de leur couple, à la différence que cette sale affaire avait traîné vingt ans. Plus il y repensait et plus il regrettait de ne pas avoir revendu la voiture lorsqu'elle était encore en l'état. C'était ça, son remord de la soirée. Echo, j'sais pas ce que tu veux. Mais écoute-moi. Si on finit par s'accorder, je t'offrirai le même modèle, en rouge cette fois. A condition que t'arrêtes de me casser les –

Le coup fusa sans crier gare. La douleur fut sidérale. Y avait de mot ni de geste pour illustrer l'orage qui se propagea et bourdonna dans son ventre. Avec l'impression qu'en chemin, l'éclair furieux avait déchiré le foie, un bout d'intestin et pété une poignée de vaisseaux sanguins. Ça titillait même le poumon gauche, comme si l'affliction résonnait dans l'organisme tout entier. Et il exagérait à peine. On associait parfois cette horreur à celle l'accouchement. Sauf qu'un gosse, c'était un calvaire mûri et plus ou moins anticipé. Ce soir, Alcide Bellandi n'était pas d'humeur à accoucher pour du beurre. En vérité, il abhorrait tout ce qui avait trait à l'improvisation. Embuscade, anniversaire, tout y passait. S'il assurait les 85% du temps, il lui arrivait de se faire couper l'herbe sous le pied.

C'était exactement ce qui venait de se produire. Là maintenant tout de suite, Alcide ne pensait plus. Il ne le pouvait plus. Il envisagea de respirer mais fichtre, y avait rien à faire. C'était un sacré coup de traître. Finalement, entre deux saccades d'air brûlant, il proféra un râle. « Rrrr...ggllll ! » Il s'appliqua à ne pas la laisser filer en augmentant la pression. C'est à peine s'il sentit la morsure des ongles dans son bras. Le monde pouvait interrompre sa ronde infernale, Alcide s'en battait royalement les... « Lâche-moi et recule. Ces mots dégoulinaient de bon sens. De plus, la procédure se présentait sage et bénéfique aux deux partis. C'était le dénouement idéal. Alors il obtempéra, se concentra pour ne pas la brusquer. Parce qu'elle avait précisé Doucement, le colosse, ce qui était une attention qu'on ne lui accordait plus depuis quinze ans.

Une distance raisonnable s'était ré-instaurée entre eux ; il en profita pour se courber et expirer bruyamment. Ceci fait, il l'observa passivement ramasser son bordel de p'tite femme. Puis il fut pris d'un sursaut de rage. Attends ! Tu te barres déjà ? Il s'empressa de lui remettre le grappin dessus. Sa pince se referma sur le poignet finement mutilé. La belle lui mâcha le travail : elle opéra un volte-face. Plot twist de mauvais goût, elle plongea sur lui dans un mouvement leste, serres proéminentes en la personne de la lame de poche. Les deux compagnes s'échouèrent avec ferveur sur son côté gauche ; naquit alors une déchirure innommable et persistante. Il eut le temps de crachoter, de se sentir liquide et béant. Sa chemise blanche s'empourpra dangereusement. Le cou piégé, Echo lui susurra un avertissement prophétique. « Essaye de me retrouver et t'en payeras le prix. Un sourire se glissa sur le visage crispé de l'enfoiré. Le prix ? J'ai de quoi payer, Echo. Qu'est-ce que tu vaux ? – Si ce n'est d'autre chose, sois persuadé de ma colère. » Ah oui ? Dis-moi, quel poids fait-elle ? Le temps de former ses questions que la belle filait à l'anglaise.




Alcide s'élança instinctivement – bêtement, bestialement – à la suite d'Echo Nightingale et beugla qu'elle avait fait une « putain d'erreur ! » Le pas bringuebalant, un point de côté sanglant et la haine au ventre. C'était inconfortable au possible, la plaie lui cisaillait le souffle comme la vue. Il claudiqua ainsi jusqu'à la sortie du Thunder Fist et hésita même à prendre le volant. Non, c'est ton quartier. Tu te débrouilleras mieux à pied. Et vise-moi tout ce sang, tu vas tout crader ! Il perçut cet élan d'intuition comme un signe : Little Italy le soutenait.

Blague à part, Alcide et sa côte raclée par les p'tits soins de madame n'en menaient pas large. Ils arpentaient vaille que vaille les ruelles drôlement désertiques. La luminosité vespérale était pesante - une enclume pour celui qui plissait les yeux de douleur. Mais il possédait le bénéfice du terrain, et il imaginait sans peine la blonde s'être enfuie en zigzags effrenés, bons pour se paumer. Surtout qu'il y avait des travaux dans le quartier, à croire que c'était comme l'amour ; ça ne fleurissait qu'au printemps. Le don, pressant sa plaie d'une main, chopa de l'autre un objet longiligne adossé à une bétonnière. Une tige d'acier aspergée d'huile sale, vaguement rouillée. Terriblement glissante entre les doigts écarlates, il s'en servit de canne. Clang, fit la barre en s'écrasant sur le bitume. Clang. Et il progressa ainsi, essoufflé et à trois pattes.

Branlant mais déterminé, il tentait de faire fi de la douleur. Pas question de s'abaisser aux mortels et chialer pour si peu ! Alors il serra les dents, se mordit la lèvre, aux aguets. Trois rues plus loin, il aperçut une silhouette. Ou du moins, une forme vaguement humaine. Un énergumène blond plié en deux, agité de soubresauts. La première partie de l'aphorisme avait raison. Rien ne sert de courir, j'arrive pour te cueillir ! « Bouge pas ! J'arrive ! qu'il rugit en doublant la cadence. » Dix mètres les séparaient.

Pour les combler, il gronda sans s'entendre. « Echo ! Clang. Avant que j'te refasse... le portrait ! Il haletait, une part de lui se trouvait misérable. Tempêter et avancer semait la discorde dans son corps. Ça lui enflammait le torse, comme une piqûre d'adrénaline surdosée. Clang. Mais il la dévorait du regard, à cinq mètres et quelques. Il reprit, Dis-moi ! Clang. Dis-moi c'que tu m'as... fait ! » Ouais, pourquoi je t'ai obéie ? Pourquoi je me sens con, humilié, impuissant ? Explique. Qu'est-ce que tu m'as fait ?

À dire vrai, il ne savait plus ce qu'il voulait. La buter ou comprendre. Pire ! La comprendre ? « Et vous voulez que je vous explique mais vous ne comprendriez pas. » C'était la douleur qui le faisait divaguer : ce soir, il n'y avait plus rien à comprendre. Ne restait plus qu'à frapper jusqu'à ce qu'il lui soit impossible de se relever. C'était tout ce qui pouvait encore compter ! Plus que deux pas et il y parvenait. Parce qu'il était Jack. Jack fou. Jack animal. Jack, le couteau fiché dans le dos mais toujours debout pour faire la peau à cette satanée Wendy. Alcide avait lu Shining.

A cette pensée, la barre d'acier racla le sol en un son criard. Bellandi s'était déjà essayé au golf : il était très mauvais. Pas au point de louper la balle blanche mais suffisamment pour enchaîner les splash. Il s'était sérieusement ridiculisé devant les amis de son père, ce jour-là. Cette fois-ci, son swing fut minable. Il afficha une grimace lorsque le geste sollicita son côté meurtri. Il visait la tempe droite, la nuque si on était chanceux.

Tout ce qui importait, c'était que l'acier rapide avait salement tutoyé la délicate mâchoire du parasite. Il n'y avait pas eu de crac sinistre. Seulement de quoi lui filer un hématome grandiose. Une douleur qui la ferait grimacer à chaque fois qu'elle mâcherait. Un souvenir éphémère si elle réchappait à cette soirée. « La… voilà ta… paie ! s'écria-t-il, satisfait. Il conclut. Tu m'auras plus. Tu m'entends ? C'est fini ! » Dans la foulée, il voulut réitérer son geste mais la nouvelle torsion lui arracha un second râle, un gargarisme déchirant. Il abdiqua et recula, haleta, cracha. L'effort le faisait tituber, ses pensées le noyaient. Finalement, il trouva appui contre un grillage. Alcide jeta la barre droit sur Echo et jura d'un « Cazzo ! » écumant. Il leva ses yeux papillonnants. Le mur de ferraille était accompagné d'un modeste panneau DANGER.

Au détour d'un chantier, y avait un homme à la chemise ensanglantée et une femme à la face cabossée. Des deux, qui était le plus grand danger ?




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Placebo (ALCIDE) - Sam 12 Mai - 17:01

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Alcide Bellandi ∞ Echo Nightingale


(www)

La terre tremble et tangue, à ses tempes, le sang bouillonne, la douleur frappe, poignard sous ses côtes, et elle se souvient de cette phrase, de cette rengaine toute simple, et si affreusement vraie.

Karma is a bitch, kiddo.


Alcide Bellandi était une sangsue, du moins, il s'y apparentait. Excepté qu'il ne vous soignait d'aucun mal, quelle que soit l'époque ou le lieu où vous le rencontriez, il se contentait de pomper ses petites doses de sang, encore et encore, et encore, au point qu'il en devienne nocif. Alcide Bellandi se nourrissait de violence, l'engendrait et l'entretenait, sans laisser d'échappatoire. Les bons côtés de l'homme s'éteignaient un à un, et ne restaient que les sentiments les plus crépusculaires dans la boîte de Pandore de sa poitrine – colère, rancœur, avidité.

Où suis-je ? Pourquoi ça tamponne si fort sous ma peau ? Pourquoi mes poumons brûlent la moindre bouffée d'oxygène qui leur parvient ? Trop vite. Tout va trop vite.

Elle secoua sa tête, essaya d'y chasser les nuages opaques qui s'y entassaient et brouillaient ses pensées. Souviens-toi. La diversion avait fonctionné, sous ses paumes, son incroyable capacité s'était manifestée, avait empoisonné l'esprit du don et cerise sur le gâteau à la crème, son genou s'était calé à l'endroit approprié. Autant d'éléments qui auraient pu, qui auraient dû la conduire à la liberté. Et tu es libre, gamine, non ? Ses yeux balayèrent le sol crasseux, trouvèrent le fouillis sanglant étalé sur ses paumes, puis se levèrent pour fouiller la semi-pénombre qui l'enveloppait. Tout autour d'elle, se dressaient des tours de béton, la misère crasse. Dans les coins s'entassaient les poubelles, la puanteur.

Bellandi ne la suivrait pas. Pas ici. Si son instinct continuait de vomir un sentiment d'urgence irritant, c'était pour la seule et bonne raison qu'elle se trouvait en état de choc. Rien d'autre. Echo était une habituée à la violence, personne ne passait deux ans à la rue sans y être régulièrement confronté – encore moins une femme – mais la soudaineté de ce coup d'éclat, additionnée à l'impossible dont elle avait été témoin, pesait sur son corps, sur son esprit. D'autant plus qu'elle n'avait jamais poignardé qui que ce soit auparavant. Frappé, oui, griffé, mordu, double oui, elle s'était battue avec des hommes, des femmes, avec tout ceux qui avaient voulu lui porter préjudice. L'arme, en revanche, était une nouveauté... et le déclencheur de cette angoisse qui refusait de la quitter, qui lui serrait la gorge au point qu'elle en suffoque, qui lui vrillait le ventre si bien qu'elle ne rêvait plus que de dégueuler son dernier repas. Mais cette angoisse n'était en aucun un avertissement concernant un round deux, elle s'y opposait ; il n'était plus en état, elle n'était plus en état.

Tu lui diras, il n'a pas l'air d'avoir reçu le mémo. Si son sens de l'humour n'avait pas été sérieusement émoussé par la soirée, elle aurait probablement éclaté de rire lorsqu'à peine deux secondes plus tard, une voix gronda dans son dos. Elle n'en comprit pas le sens, les mots mangés par le bourdonnement à ses oreilles, mais elle ne perdit pas une miette des inflexions autoritaires et du ton hargneux, deux caractéristiques devenues trop rapidement familières.

« Echo ! ». Cette fois, elle l'entendit nettement, un prénom, son prénom, craché comme une insulte, unique mot, promesse d'une revanche terrible. Suivirent d'autres réclamations grognées mais lui aussi se retrouvait à bout de souffle au cœur de ce dédale infernal, et elle ne saisit pas tout. Elle déplia sa silhouette que le diable lui-même semblait avoir lardé de plomb, puis se retourna lentement, haletante. Combien de temps était-elle restée figée dans cet état béat de semi-inconscience, courbée, repliée sur elle-même, sans savoir quelle réaction adopter ? Longtemps. Il n'aurait jamais pu la rattraper autrement. Tu l'as sous-estimé et ton arrogance, tu vas la payer.

Bellandi se tordait plus qu'il ne marchait, claudiquant d'une façon qu'elle aurait qualifiée de ridicule si son acharnement ne l'avait pas tant impressionnée, son grand corps soutenu par une barre d'acier rongée par la rouille. Trouve le point faible. Frappe en premier. Toute hésitation te sera fatale, ou du moins, douloureuse, lui dicta immédiatement sa sournoise conscience. Elle écouta, élève docile, portée par l'instinct de survie féroce qui l'habitait plutôt que par une réelle motivation. Lame serrée dans son poing ensanglanté, elle repéra aussitôt la faille qu'elle avait créée. Une rose pourpre se dégageait sur son t-shirt, cible immobile qu'elle n'aurait plus qu'à toucher à nouveau pour faire plier le colosse. Un colosse qu'elle n'aurait peut-être pas le temps d'atteindre. Il semblait furieux, pire, enragé, pupilles dilatées à l'extrême comme deux trous noirs avides et magnétiques, tics nerveux marquant ses expressions, démarche motivée ; il ne manquait plus que l'écume mousseuse à ses babines. « Dis-moi ! Dis-moi c'que tu m'as... fait ! ». Et la fureur ne prenait pas seulement naissance dans le coup qu'elle lui avait porté, mais dans ce qu'il ne comprenait pas, dans cet instant simple, bref, pendant lequel il était devenu son pantin, contraint d'agir selon son bon vouloir, privé de son libre arbitre.

Merde. Elle savait qu'elle regretterait ce geste, mais elle ne pensait pas qu'elle le payerait aussi tôt. Manque de chance. Sur le béton, la barre racla ; seul avertissement au swing que lui adressa férocement le Bellandi.

Son réflexe lui épargna probablement un rendez-vous chez le dentiste ; elle se recula, un petit pas ridicule, de rien, mais qui lui permit d'atténuer le coup. Le métal cogna son menton, fort mais pas très bien. Ses dents claquèrent, la douleur fusa, immédiate, inondant sa bouche, et déséquilibrée, Echo bascula en arrière. Le béton érafla ses paumes lorsqu'elle les jeta en arrière pour amortir sa chute mais elle le sentit à peine cette fois ; la turbine à pensées était relancée, toute son attention focalisée sur le combat, comme avant, comme à la rue, quand il n'y avait plus que toi contre le reste du monde. Il s'avança, toujours claudiquant et elle maudit le sourire victorieux qui trancha le bas de son visage comme une fissure affamée. Poussant un cri de colère, elle attendit qu'il soit assez proche pour frapper du talon sa canne, puis de cogner son tibia pour terminer de le déséquilibrer. Prends-ça, grand-père. Lorsqu'il s'effondra comme un gros tas de chiffons, elle se jeta sur lui, sans y réfléchir à deux fois. Elle tenait toujours avec fermeté son couteau dans la main mais malgré le brouillard de colère qui embrumait son crâne, elle savait pertinemment que s'accuser du meurtre d'un don ne l'arrangerait pas. Elle avait juste besoin de le ralentir. Pas comme au club. De manière assez durable pour qu'elle puisse se casser et pour de bon. Mais l'homme résistait à ses capacités, accueillant la soumission mentale avant d'y opposer une vive résistance, comme étanche à la persuasion. Dans ce cas, fais en sorte qu'il ne se relève plus. Attaque le corps plutôt que l'esprit. Ou fais les deux à la fois.

Si tôt pensé, si tôt fait. Elle planta son pouce dans la plaie béante, laissée par sa lame, et tourna le doigt pour presser la chair abîmée. « Ne. Me. Retrouve. Pas. », asséna-t-elle sous le couvert de sa respiration hachée. Et l'adrénaline retomba, la vida de toute énergie. Elle se poussa des mains pour se laisser retomber à côté du grand corps mal en point, puis se redressa en titubant. Elle écarta d'un pied la barre métallique pour ne pas qu'il puisse la prendre à nouveau et celle-ci roula avec quelques clong fatals hors de sa portée. Insuffler l'ordre, non plus à la peau, mais l'imprimer dans la chair, à l'intérieur, devrait lui gagner un peu de temps. Alors, cours. Cours encore et cette fois, ne t'arrête pas.

Brève hésitation, elle l'observa, gisant sur le dos, troué, rougi. Je devrais peut-être appeler les urgences, qu'il ne crève pas là comme un chien. Idée fugace qui s'envola presque aussitôt. Qu'il crève. Maintenant, il sait pour toi, gamine. Il reviendra. Cette fois, ses jambes retrouvèrent quelque brin de force et elle se remit à courir. Mais fuir l'évidence ne lui permettrait pas toujours d'y échapper.

Elle repensa aux néons qui avaient explosé.

Encore moins s'il est comme moi.

Et disparu dans la nuit, le ventre serré par la peur.


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FIN
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