| ídolos ocultos ‟ @AURELIO NAVA „
— À Delray Hollow, en bordure du quartier, là où l'agitation se fait moindre, il y avait une petite maisonnée de tuiles vertes, toute recouverte de trompes-l’œils. Des visions d'escaliers menant aux portes d'Eden lointains, de visage recouverts de flores exotiques, aux bourgeons éclatants, de rubans polychromes recouvrant le corps de créatures légendaires. Éclatante de couleur, elle était repérable, dans sa marginalité artistique.
Et par delà ces fenêtres couvertes du gel du crépuscule, une silhouette active, souple, dont les lourdes boucles sauvages, qu'il n'aurait jamais de cesse à tenter de dompter, venait à encadrer ses traits fins. Des prunelles enchevêtrées de troncs boueux et de plaines d'émeraudes, jonglant entre des pots dégoulinants de peinture fraîche, dont toutes ces couleurs, sur lesquelles il n'arrivait à poser un choix. Sous ses yeux, la toile était la personnification d'une femme qui prenait vie au cœur de la flamme d'une bougie.
Mais ses pensées étaient envahies par le chaos de souvenirs éphémères, qu'il avait cru pouvoir réanimer dans les cendres, de sa naïveté candide. Il avait cru apercevoir un Phénix là où il n'y en avait pas et il en avait payé le prix. Celui de son insouciance, si vite partie, aussitôt revenue. Là, alors que les clefs étaient restées sur la porte qui d'apparence fermée avait en réalité son verrou encore ouvert. Un oubli quotidien. Debout, pieds nus, sa salopette en jean tavelée des traces huileuses de pigments secs, ses doigts fourrageant nerveusement ses cheveux à la recherche d'une idée, d'une soudaine révélation, mais rien.
Seulement le bruit de cette musique latine, qui en fond, venait à envahir ses pensées, faire se fermer ses prunelles sur le vide échaudé de sa psyché dédaléenne. Et là, alors que sa tête se secouait instinctivement de gauche à droite, c'est l'harmonie de la mélopée qui pris le dessus sur le reste. Incapable de recentrer ces envies sur cette toile maudite, il viens soudainement à trouver son exutoire dans la mélodie entraînante que crachait les basses.
Boom. Boom. Boom.
Un pas. Puis un autre. Et le reste suivais innocemment. Le rythme endiablé qui enflammait ses pas, le faisant tournoyer gracieusement sur le plancher boisé. La démence musicale qui envahissait son corps comme une seconde peau, encore et encore. Mais il n'avait certainement pas remarqué que dès à présent le froid de dehors venait de s'insinuer jusque dans la maisonnette, que la porte du salon venait d'être poussée par l'invité qu'il attendais patiemment. Jusqu'à ce que dans une ronde, son visage frappa ses prunelles de plein fouet. Sa bouche s'ouvris sur un "O" désemparé, tandis que ses gestes lestes vinrent à se faire robotiques, statiques.
« Puta de... Aurelio ! Je pensais pas que tu viendrais si tôt. »
Bien vite, il réalisa avec embarra que la porte était restée ouverte et que le salon jonché de bâches et de pots de peintures liquides n'était pas apte à recevoir qui que ce sois. L'esquisse d'un sourire gêné vint à naître sur ses lippes, honte dont il se repris très vite afin de l'accueillir d'une accolade chaleureuse.
« Lo siento, c'est un peu... le chaos. Mais vas-y, met toi à l'aise. »
Tandis que le brun pénétrait dans l'antre de ses merveilles, il alla se rassurer en fermant la porte derrière lui. Jurant mentalement quand à ses étourdissements et ses oublis. De mauvaises habitudes. Un jour il finirait par les avoirs, ces pires ennemis du quotidien.
« Tu veux boire quelque chose ? Je crois qu'il me reste quelques bières. »
Il le dépassa de quelques pas souples afin d'aller se poster devant le frigo du vaste salon, là, près du bar où se trouvait les seules places disponibles désormais. Ça et... un canapé multicolore. Ses prunelles claires se posant en direction des siennes, à la recherche d'une bénédiction.
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