@Astrid Arsenault

Il y avait quelque chose d'étrange dans l'atmosphère. Toute la journée, l'idée de la soirée qui s'annonçait avait donné une saveur étrange aux sermons qu'il avait donné, aux confessions qu'il avait reçu et, étrangement, il avait du mal à tenir ses pensées éloignées de la jolie mafieuse qui hantait ses rêves. Et l'excitation de recevoir Astrid pour un rendez-vous avait fait place à l'anticipation et la peur de ne pas être à la hauteur. L'église avait fermé ses portes plus tôt, laissant les vieilles morues devant le porche jaser et colporter les rumeurs. Pour une fois, les rumeurs pourraient s'avérer véridiques, puisqu'il allait recevoir la visite d'une femme. Néanmoins, le rendez-vous était prévu dans son petit appartement, et non sur le sol de l'église.

Il avait laissé la tenue d'homme d'église pour un costume bas de gamme, un des seuls qu'il pouvait s'acheter avec sa maigre pension. Néanmoins, il faisait largement illusion. L'appartement, quand à lui, avait été entièrement nettoyé et rangé, plus que d'habitude, et légèrement réaménagé pour donner l'illusion de plus d'espace. Une fois rentré, et les préparatifs terminés, il commença à cuisiner, son téléphone en face de lui, une recette défilant sous ses yeux. Loin de lui l'idée de dire que le Seigneur le guidait, mais le plat semblait divin. Lorsque les fourneaux commencèrent à refroidir, il termina d'installer tout ce qui semblait important et commença à souffler un peu. L'heure du rendez-vous approchait, et le prêtre sentait ses peurs revenir au pas de charge. Raphaël prit un moment pour souffler et tenter de se calmer et commença à regarder par la fenêtre.

Il avait commencé à pleuvoir à l'extérieur, et les quelques personnes qui passaient encore dans la rue se hâtaient pour rentrer chez eux avant que la pluie ne s'intensifie. Récupérant ses clés, le prêtre descendit les trois étages pour aller ouvrir la porte et éviter à Astrid d'attendre sous la pluie. Il croisa le regard de plusieurs passants, leur adressa un léger sourire, puis croisa le regard de la mafieuse qui arrivait vers lui. « Hi. Come on in, it's warmer inside. » Il la guida jusqu'à son appartement. « Can I get your coat ? Get comfy. »

@Raphaël Barnes

Astrid fait rarement dans la demi mesure : si en temps normal elle s’accommode d’une tenue décontractée et de son fidèle cuir, elle était bien consciente que la soirée n’était pas simplement pour discuter. Le prêtre de l’église d’Arcadia lui avait tapé dans l’oeil et au delà de ça, elle savait pertinemment que d’obtenir ses faveurs ferait parler d’elle. Du bon ou du mauvais peu importe, à partir du moment où on l’associerait à l’homme de Dieu, alors qu’elle aurait une toute autre influence sur les civils. On réfléchit comme ça, chez Astrid : les sentiments, ça passe après le business. Et même si elle était consciente qu’elle risquait de le mettre en danger… Elle l’appréciait suffisamment pour qu’elle puisse envisager de le protéger, le cas échéant.

Néanmoins, elle ignorait tout des moeurs de l’homme ; s’il semblait plutôt libre sur ses faits et gestes (elle n’avait pas oublié sa descente de whisky lors de leur première rencontre), elle n’était pas certaine qu’il se laisse aller à la vile tentation de la chair, d’autant plus que selon les rumeurs, il n’avait jamais été vu avec une femme et encore moins accompagné tout court. Cela faisait quelques temps qu’ils se fréquentaient à peine, la brune venant lui rendre visite à la fermeture de l’église et il avait, semble-t-il, prit son courage à deux mains pour l’inviter à dîner. C’était tout à son honneur, quand bien même on aurait dit qu’il était novice en la matière, ce qu’Astrid avait pourtant l’habitude de faire. Dîner, séduire, un peu de vin, un peu moins de vêtements… Et on sait comment ça se finit. Astrid n’avait jamais reculé devant le fait de devoir utiliser son corps pour parvenir à ses fins, l’intimité ne voulait presque rien dire pour elle tant qu’elle restait cette femme énigmatique dont on ne savait pratiquement rien. C’est peut-être d’ailleurs cette aura de femme fatale dangereuse qui attirait tant les hommes et les femmes.

Elle avait accepté l’invitation : de toute évidence, il n’y aurait pas de retour en arrière possible. C’est dans son minuscule appartement qu’elle s’était préparée. Astrid est du genre minimaliste : l’appartement est petit et presque vide mais quand il s’agit de ses vêtements, elle ne recule devant rien. Pour jauger de la fidélité des moeurs de Raphaël, la française avait misé sur du simple et efficace : sous un long manteau de créateur couleur crème, elle portait un haut sombre à bretelles fines et dont les finitions étaient en dentelle et laissait apparaître en transparence la naissance de sa poitrine. Un pantalon ample beige terminait la tenue. On n’en montre pas trop, juste suffisamment. Elle prit le parti de ne rien emmener de compromettant, il serait bien dommage que le prêtre ne tombe sur un revolver planqué dans un sac à mains. Astrid prit également la décision de ne pas venir en moto, habitude qu’elle avait pourtant prit et elle s’offrit le luxe de venir en taxi jusqu’à Historic District qu’elle connaissait par coeur puisqu’elle avait écumé les environs lorsqu’Aura y avait emménagé. A son arrivée, la pluie s’était mise à tomber et elle avait eu la présence d’esprit de porter sa capeline qui protégeait sa chevelure de l’eau. Raphaël vint lui ouvrir et elle lui sourit, pas un grand sourire mais c’était déjà un exploit que ses lippes puissent s’étirer un peu. « Hi. Sorry, I’m early. I hope I’m not interrupting anything. » Elle l’était, c’était quelque chose qu’on ne pouvait pas lui reprocher : Astrid avait toujours quinze minutes d’avance dans tout ce qu’elle faisait, c’était précis et une règle d’or. Lorsqu’elle entre dans l’appartement, la chaleur et le fumet du dîner qui l’attendait lui rappelle avec une pointe douloureuse qu’elle n’avait plus d’appétit mais qu’elle ferait tout de même honneur à la cuisine de son hôte. « Oh, yeah, thank you.  » Elle se déleste de sa veste (si on fait attention, on peut y voir la griffe de la maison Chanel, on ne se refuse rien ici) et entre dans l’appartement, y faisait le tour avec les bras croisés sur sa poitrine : « Thanks again for the invite. It’s lovely but I’m surprised… I’m sure you’re not the type to live alone.  » Même pas un animal de compagnie ? Impossible.

@Astrid Arsenault

« Don't worry about that, i was waiting for you. It would have been a shame if you had to wait under the rain. » Il prit son manteau, avant de le placer sur le porte-manteau, qu'il avait spécialement soulagé de son ancienne cargaison. Il fallait se rendre à l'évidence : la mystérieuse Astrid savait laisser une impression. La tenue qu'elle avait choisi laisser beaucoup de place à l'imagination, tout en aiguillant de manière subtile les pensées de ceux qui caressaient sa silhouette du regard. Et le prêtre n'avait pas pu s'empêcher de remarquer que la tenue de la mafieuse provenait de créateurs, frappait dans le haut de gamme, ce qui contrastait avec les pauvres choix vestimentaires de Raphaël. Pendant qu'elle faisait lentement le tour de l'appartement, les bras croisés soulignant légèrement le galbe de sa poitrine, le prêtre retroussa les manches de sa chemise, avant de se diriger vers la cuisine, là où le plat attendait sagement. Il répondit par-dessus son épaule. « It's not much, but i don't need a lot. » Il retira le couvercle et servit deux assiettes, avant de sortir de la cuisine pour les déposer sur la table. « And i'm actually adopting a dog, so i will not be alone for long. » Il lui fallut un petit moment, durant lequel il s'arrêta de bouger, et on aura presque pu entendre les engrenages de son cerveau tourner. Il releva la tête vers la brune et croisa son regard. « Wait, was it a ... proposition ? No, wait, sorry, nevermind. »

Il chassa sa dernière phrase d'une main et se releva. Il ne voulait pas l'inviter à s'asseoir directement, plutôt qu'elle évolue au sein de l'appartement. Après tout, c'était un rendez-vous, mais il se rendait bien compte de la situation légèrement exceptionnelle. Elle ressemblait à un fauve, pris au piège dans une cage, et qui s’apprêtait à refermer ses griffes sur sa proie du soir. Il se laissa sourire de nouveau. « Do you want something to drink ? We'll be safer from prying eyes here than in the pub.» Il passa à proximité de la jeune femme pour atteindre le placard qui contenait les alcools, l'effleurant à peine. Et il y eut un moment d'arrêt, où il plongea son regard dans le sien, cherchant une étincelle de quelque chose pour tenter de déchiffrer son regard. Il ouvrit le placard, la main légèrement derrière elle. « What will it be ? » Est-ce que la question pouvait être comprise de deux façons différentes ? L'inconscient du prêtre semblait vouloir se rattraper de sa maladresse. Il y avait une certaine tension dans la position qu'ils avaient, entre le canapé et le placard, presque à se toucher, les visages à quelques centimètres l'un de l'autre. Il ne s'était pas retrouvé dans cette situation depuis un long moment, mais il ne pouvait pas empêcher son regard de dévier sur les lèvres de la jeune femme.