scatola nera #sahessio

Ce jour là, l’égyptienne avait abandonné ses chaînes et ses drapés de couleurs vives. Un épais manteau noir épousait sa silhouette, écho troublant à sa chevelure de jais, coiffée tout aussi simplement : un chignon droit d’où s’échappaient quelques mèches laissées libres, afin de rendre le look moins austère qu’il ne l’était déjà. A ses pieds - laissés nus d’ordinaire, de hauts talons prévenaient sa progression dans le hall de l’immeuble, résonnant sur le marbre à chacun de ses pas.

La mélodie s’arrêta net - et la féline avec elle, devant les portes d’ascenseur. De la poche de sa veste, Sahar extirpa un papier qu’elle déplia pour connaître l’étage où son rendez-vous l’attendait. Il était question d’une affaire impliquant un père de ses fils, et sa libération conditionnelle. Elle ne connaissait pas celui qu’elle devait rencontrer mais on lui avait donné son nom, ainsi qu’une heure et une adresse exacte à laquelle le trouver. Elle pressa donc le bouton du dix-septième, et s’engouffra dans la cabine, au milieu des bourgeois du centre-ville.

Même habillée comme eux, l’air hautain et sophistiqué, elle dénotait dans ce panel de notables fortunés. Pour commencer, son teint était le seul à être coloré ; sans être bons à jeter, les vêtements qu’elle portait n’étaient pas de la même qualité, et son poignet n’arborait qu’un bracelet fantaisie au lieu d’une montre à dix mille dollars. De façon générale, elle dégageait quelque chose de différent. Peut-être était-ce l’effet de sa nature divine au milieu des mortels ? Ou peut-être avait-elle seulement du mal à contenir son aversion pour les personnes de leur statut social. Toujours est-il qu’elle avait hâte d’en finir, au point d’afficher une impatience non maîtrisée à l’idée de quitter l’endroit pour retrouver son île.

Immobile dans l’espace confiné, elle croisa les bras sur sa poitrine et se focalisa sur l’écran digital plutôt que sur les gens qui l’entouraient. Au fur et à mesure que le chiffre augmentait, des silhouettes s’engouffraient dans l’ascenseur et d’autres s’en allaient. Lorsqu’il lui sembla qu’ils n’y étaient plus nombreux, elle se tourna discrètement et ses prunelles ténébreuses captèrent leur exact opposé. Des orbes si claires qu’elle peina à s’en détacher, pour mieux observer l’homme dans sa globalité. Un moment d’égarement qui fut de courte durée.

Les lumières s’éteignirent brusquement, et l’appareil stoppa son avancée sans prévenir ; violent, le soubresaut projeta le corps de la féline sur la paroi vitrée, et cette dernière chercha une main courante à laquelle s’agripper. Le noir total envahit la cabine, laissant les deux protagonistes à leur panique éventuelle et à leur triste sort.

« Qu’est-ce que ça veut dire ? », commenta l’égyptienne machinalement, avant de jurer dans sa langue natale. Elle avait bien compris la situation avant les réflexions sensées de son binôme de panne, mais cette dernière mettait ses nerfs à rude épreuve. « Ca arrive souvent ? », demanda-t-elle en sifflant presque, une question rhétorique pour étaler son agacement et l’ironie des circonstances. Comment un quartier aussi riche pouvait-il laisser ce genre de choses se produire ?

Sans toutefois perdre son sang froid, elle déboutonna son manteau ; fouilla une poche intérieure pour s’emparer du cellulaire et en déverrouilla l’écran. Si ce n’était pas la priorité, les deux acteurs de cette scène incongrue profitèrent aussitôt de l’éclairage minime pour se dévisager ; puis, la féline approcha son téléphone et le brandit au dessus du tableau pour pouvoir lire le numéro d'urgence. « A peine », répondit-elle, « Mais ça devrait suffire ».

Elle le composa sans attendre, mais comme ils le redoutaient tous deux, la ligne sonna occupée… ou dans leur cas, débranchée.

**Alessio Vesari**

scatola nera.

Il avait bien besoin de ça tien, une coupure de courant qui semblait bien plus que généralisée au vu de ce que pouvait constater l'avocat. En tout temps normalement, il y avait une générateur de secoure qui enclenchait les lumières de détresses pour les sorties d'urgences par exemple. Ici dans l’ascenseur, le bouton d'urgence n'était pas fonctionnel et rien ne semblait vouloir fonctionner. Ses oreilles furent surpris d'entendre de l'arabe de la bouche de la jeune femme qui était prise au piège au même titre qu'Alessio. Il y avait pourtant un petit quelque chose de différents, mais il n'était pas assez calé en langue arabique pour trouver le soucis. Du moins, pas pour le moment. « Les pannes sont moins fréquentes que ce que l'on pourrait penser. Mais le problème semble bien plus complexe que ça. » Ce ne ressemblait pas a une panne d’ascenseur, plus a une électrique, mais de façon bien plus inquiétante. Il n'était pas expert en la matière, mais il était le genre de gars a lire les notices d'utilisations et la, ce n'était pas dans les cas de figures.

Lorsqu'elle sortit son téléphone pour appeler le numéro d'urgence, leurs regards se croisèrent et les deux se dévisagèrent. Son regard s'empara de chaque millimètre du visage de l'inconnue. Il mémorisa tout en un instant, après tout, il n'y avait que cette information a prendre, la couleur de ses yeux, son regard dur, sa grain de beauté, ses cheveux, ses pommettes... il pourrait a présent la reconnaître sans soucis et la voila qui appelle sans succès. Comme si tout était coupé. « J’espère que vous n'avez pas peur du noir ou encore des lieux clos. » Plongés de nouveau dans le noir le plus total, il soupira tout en retirant sa veste et la plia. « Parce que si c'est ce que je crains, on va attendre un petit bout de temps dans cet ascenseur. » Il y avait des armes capables de détruire les sources électriques et bien d'autres choses.

Pour lui, ça n'avait rien d'un accident et il ne cessait de chercher ce qui avait pu causer ca. Les conséquences étaient nombreuses. Si tout le réseaux était mort, le principal comme le secondaire, bien des lieux comme les hôpitaux et les prisons allaient en pâtir. Lui était seulement bloqué dans un ascenseur. Même si personne ne venait a leurs secours, il savait que sa soeur trouverait son frere sans soucis. Apres tout, elle savait ou il se trouvait ou tout du moins, pouvait savoir dans quel immeuble il se trouvait actuellement. « Mettez vous a l'aise, il va rapidement faire chaud ici. A qui ai-je affaire ? » Il aimait les silences, mais il était aussi incroyablement curieux.

**Sahar Benhadi**

scatola nera.

« Qu’est-ce que vous voulez dire ? ». Bien loin d’être stupide, l’égyptienne n’avait pas l’habitude des ascenseurs en panne et des coupures brutales. A Wild Island, quand le courant faisait défaut, c’était depuis toujours, et elle ne mesura l’ampleur des dégâts actuels que lorsque l’étranger lui exposa sa théorie. Une coupure de courant générale expliquait l’absence de réponse à l’autre bout du fil et le noir total dans lequel ils se retrouvaient tous les deux plongés.

Soupirant bruyamment, la féline imita l’avocat sans le voir, retirant son manteau qu’elle installa par terre avec moins de manières. En effet, elle avait déjà chaud, et la perspective de rester coincée là plusieurs heures n’aidait pas à maîtriser ses nerfs. Elle se laissa glisser le long de la paroi en verre et s’installa sur le tissu épais, ricanant nerveusement tout en déverrouillant son cellulaire. Sa seule phobie ne concernait ni les lieux clos ni l’absence de lumière ; pour autant, il n’y avait rien de rassurant à se retrouver enfermé dans un endroit aussi étroit en compagnie d’un étranger, qui plus était sans savoir pour combien de temps.

« Nadiyah El-Zahra », répondit la mambo à la question qu’on lui posait. Mensonge qui la suivait, la fausse identité était servie à toutes les sauces quand elle n’était pas sûre de pouvoir s’exposer. Elle n’avait rien contre le fait d’engager la conversation mais la méfiance restait de mise, tout le temps. « Et vous êtes ? » ; à la lueur faiblarde de l’écran, elle le regarda à peine, préférant envoyer des messages avec sa localisation précise à des membres du clan qui la feraient sortir de là très vite. Du moins l’espérait-elle.

« Vous n’avez pas l’air inquiet », lui fit-elle remarquer, alors que son esprit commençait à envisager les pires raisons de leur petit séjour en altitude. « Vous n’avez donc personne à prévenir ? » Elle comprenait qu’on garde son sang-froid dans ce genre de situation mais le flegme de l’homme apprêté ne lui inspirait aucune confiance. Du reste, il avait l’air bien au fait des événements et par les temps qui couraient, était-ce si surprenant ?

**Alessio Vesari**

scatola nera.

Bloqué dans cet ascenseur, il allait pouvoir cogiter un bon petit moment sur le comment du pourquoi de la situation ou encore travailler ses dossiers pour ce client qu'il devait voir un peu plus haut. Pas besoin de lire ses papiers, tous les documents sur son ordinateur ou ceux imprimés. Il lui suffisait de les lires une seule et unique fois pour les imprimer mentalement et pouvoir les lire de nouveau sans soucis. Mais avant cela, il exposa la situation et ce qui semblait être en cours, une coupure plus que générale qui mettait même les moteurs de secours en pls. Aucunes lumières, aucuns réseaux au vu de ce qu'elle avait tentée. Ils étaient bloqués, coupés du monde dans une cage d’ascenseur et il voulait au moins connaître l’identité de cette inconnue qu'il avait détaillé de haut en bas à son entrée dans l'ascenseur. « Alessio Vesari. » Il lui tend la main dans la presque pénombre, alors que la jeune femme semble envoyer un sms.

S'il n'y avait plus de réseau, cela ne servirait à rien et si ce dernier revenait par miracle, son portable devrait sûrement sonner rapidement encore la secrétaire et ses sœurs pour les diverses affaires en court. Elle remarqua qu'il n'avait pas l'air inquiet par la situation, demandant même s'il n'avait pas quelqu'un à prévenir. « Pourquoi être inquiet ? Cela ne rendrait la situation que plus inconfortable. La situation deviendra pour le moins inquiétante lorsque cela fera une journée que nous serons bloqués ici, mais j'espère que les gens de la sécurité feront rapidement le lien entre la pane de courant et le fait que les ascenseurs ne fonctionnent plus. » Il fit une pause. « Quand ils devront aller vérifier les derniers étages, ils appuieront forcément sur le bouton et constateront que des gens son bloqués. » Ce n'était donc qu'une questions d'heures avant qu'ils ne forcent les portes et ne viennent chercher les miséreux comme elle et lui.

« A quoi bon tenter de communiquer avec eux ? Les réseaux sont HS et si c'est généralisé, je pense que la situation à l'extérieur du bâtiment doit être pour le moins chaotique. Plus aucunes lumières, les feux de circulations éteints et j'en passe. » Ils étaient donc pour le moment les plus en sécurité le temps que cette tempête ne passe à l'extérieur et que tout ce remette en marche ou que la situation empire d'une façon ou d'une autre. « Et pourquoi étiez vous ici mademoiselle Nadiyah El-Zahara ? » Ils étaient maintenant dans le noir le plus totale depuis qu'elle avait envoyé son message et éteint son téléphone. « Vous n'avez pas la tenue de ceux qui travaillent dans ce genre de batîment. » Ou il aurait du plutôt dire que ce qu'elle portait sur elle n'était pas assez cher et donc, qu'elle n'était pas forcément de ce monde.

**Sahar Benhadi**

scatola nera.

« Une journée... » La mambo échappa un ricanement nerveux. Dans la pénombre, son corps se laissa doucement aller et l’arrière de son crâne s’appuya bientôt sur la paroi vitrée. Elle ne comptait pas rester enfermée vingt quatre heures et cette éventualité ne la rendait que plus amère. « Vous avez l’art de rassurer, vous... », souffla-t-elle, la voix teintée d’une ironie mordante.

C’était le cas, pourtant. Avec son flegme et ses explications tout à fait rationnelles, l’avocat aurait convaincu n’importe qui. N’importe qui, mais pas la Benhadi, toujours à se méfier, toujours à refuser d’être rassurée par un homme et exécrer leur ton paternaliste. « Espérons que ça ne dure pas... », marmonna-t-elle finalement, les yeux tournés vers un ciel hors d’atteinte.

Autre chose, néanmoins, n’avait pas manqué d’attirer son attention : son nom, aux syllabes européennes, malgré la voix claire et dénuée d’accent. Peut-être un héritier de la mafia napolitaine ? Sans lui être familier, le patronyme lui paraissait commun… mais c’était le cas pour tous les mangeurs de pizza, dont elle vous dirait que les noms sont presque tous les mêmes. « Italien, hein ? » S’il n’avait pas menti sur son identité - comme elle venait de le faire - il n’y avait aucun doute là-dessus. Mais puisqu’ils étaient là, enfermés tous les deux pour un temps indéterminé, autant trouver des sujets de conversation pour s’occuper.

Il semblait lui aussi de cet avis.

La question qu’il posa eut tout d’abord le don de l’agacer. Néanmoins, elle jugea qu’elle était de bonne guerre, chacun exprimant tour à tour sa curiosité à l’égard de l’autre. « Un rendez-vous avec un avocat », avoua-t-elle, ses yeux balayant sa silhouette malgré l’obscurité. Une moue boudeuse se dessina sur son visage tandis qu’il lui donnait confirmation que sa tenue ne trompait pas les riches du quartier des affaires. « Perspicace ». Elle lui concéda ce talent, certaine à présent que lui appartenait aux hautes sphères. Peut-être un banquier ? Un PDG ? Ou tiens, un avocat. « Pas assez raffinée, je présume », murmura-t-elle, le fiel entre les lèvres et les prunelles rivées sur lui. Ou bien, il la prenait pour autre chose qu’une pauvresse ? A cette heure-ci de la journée ?

« Et vous ? C'est votre immeuble, c'est ça ? Vous êtes là pour chasser tous les gens qui ne sont pas assez bien habillés ? » Façon de lui montrer que leur différence de classe ne lui avait pas non plus échappé, elle se moqua doucement, malgré tout convaincue qu'il aurait pu en être le propriétaire. Il n'y avait qu'à voir la montre à son poignet, dont elle discernait la valeur malgré la faible luminosité.

**Alessio Vesari**

scatola nera.

Une journée, deux tout au plus, sinon les deux personnes ici présentes seraient en très mauvaises postures. Le manque de nourriture pouvait passer, le corps pourrait s'en remettre, mais l'eau serait bien plus délicat a son goût. Il préférait expliquer le tout a la jeune femme avec qui il était bloqué pour un temps incertain et ça ne semblait pas lui plaire, tout comme lui. Un sourire étire ses lèvres a ses propos. « Disons que je préfère vous prévenir directement que nous allons possiblement passer un merveilleux moment. C'est toujours mieux qu'une personne hystérique qui va réchauffer l'ascenseur et créer un sentiment de panique non ? » Heureusement, cette femme n'en était pas une, lui encore moins.

Se présentant sans le moindre mal, elle reconnu un nom italien et lui posa la question. « Si, Signora. » Si elle voulait jouer sur les origines, Alessio allait apprécier deviner. « El-Zahra, un nom plutôt équivoque sur vos origines. Je ne suis pas encore un expert en langue et culture arabique, mais je dirais d'apres ce que j'en sais, des origines proches du Nil ? » Quelques livres lu rapidement pour un possible client. Une revue a peine effleuré lorsqu'il était aller voir un expert médicale, une chanson qu'il avait entendu lors d'une réception. Son esprit, son cerveau pouvait piocher dans toutes ses informations la sans soucis. Ce n'était donc qu'une simple supposition, un regroupement de données, ni plus ni moins.

Autre sujet, autre question, il se demandait ce qu'elle faisait la. Apres tout, comme il le disait, elle n'avait pas la tenue de ceux qui travaillaient dans le coin. On lui avait souvent dit que l'habit ne faisait pas le moine, mais pour lui, ca en disait toujours beaucoup sur la personne. Son statut ou encore ses goûts. « Attentif aux détails je dirais. » Perspicace également. Elle n'était assurément pas sa cliente dans tous les cas. « Je n'aurais pas utilisé ce mot. Votre tenue vous va a la perfection, mais elle n'est pas a l'image de ceux qui travaillent ici. » Il rigole a sa remarque, cherchant le contact visuel avec elle, mais dans ce noir, rien n'y faisait. « Je trouve cet immeuble bien trop tape a l’œil. Non, j'étais simplement ici pour rencontrer un client qui avait besoin de mes services. » Et vu ses honnoraires, il pouvait bien montrer sur lui qu'il coutait les yeux de la tête.

En regle générale, lorsqu'il sortait, il portait au moins assez sur lui pour pouvoir s'acheter une voiture de luxe. C'était dire le prix de sa montre, de sa tenue et le contenu de son porte monnaie. « A peine rencontré que vous avez une bien mauvaise image de moi. Vous avez une dent envers les avocats ? »

**Sahar Benhadi**

scatola nera.

Difficile à cacher, ses propres origines furent elles aussi décortiquées par l’oeil expert de l’avocat. En lui donnant un nom aux sonorités maghrébines, elle n’avait pas vraiment cherché à les dissimuler. Sans cesse, on lui disait qu’elles se lisaient sur son visage, ou qu’elles s’entendaient dans sa voix. Celles du Nil et du Liban bien davantage que ses origines d'Amérique centrale. Peut-être avait-ce toujours été dans ses manières d'exhiber cette part d'héritage au détriment de l'autre, ou bien peut-être que la déesse influençait ce choix ?

« Egypte », concéda-t-elle en un murmure, tandis que ses yeux noirs cherchaient la silhouette en face d'elle. Ses qualités d’observatrice manquaient cruellement de matière. Elle aurait voulu voir les lignes à nouveau dans la lumière, graver les traits dans sa mémoire et repérer - qui sait - un ou deux signes distinctifs. Une chose était certaine, elle n’oublierait pas son regard, d’un bleu glacé lui évoquant quelques contrées lointaines, et son total opposé : lui le marbre et la glace, elle le sable et les flammes, contraste qui finit par l'amuser.

Ainsi ils étaient deux à s'étudier, à se jauger dans la pénombre, à converser pour mieux apprendre à se connaître. Puisqu'ils n'avaient rien d'autre à faire, la terrible se prit au jeu, sans se douter que l'inconnu était de ces ennemis qu'elle combattait, soucieuse de protéger son clan et de préserver son statut. L'instinct faisait fi du danger, lui soufflait au contraire de mieux s'en rapprocher, sans pour autant sonner l'alerte. Il devrait lui servir à quelque chose, peut-être, dans un avenir plus ou moins proche, et c'est ainsi qu'elle décida de radoucir sa voix, figeant un sourire à ses lèvres.

« Plus tape-à-l’œil que votre montre ? » Elle baissa les prunelles au compliment, et lui révéla son talent pour identifier les objets de valeur : « Patek ? » L’horlogerie suisse avait la côte en ce moment. Ce n’était pas son rayon, mais le bijou avait cette élégance intemporelle et ce cadran typique ; sa passion pour l’orfèvrerie venait naturellement servir la belle.

Quand il lui avoua son métier, elle laissa échapper un petit rire discret. L’image, en vérité, se dévoilait au fur et à mesure de leur conversation. Comme dans ces jeux télévisés, des zones s’éclairaient petit à petit mais l’interlocuteur demeurait mystérieux quoiqu’il en soit. Une journée dans cet ascenseur ne suffirait peut-être pas à s’en faire une idée précise...

« Avocat, donc ». Elle répéta le mot, laissa le silence envahir la cabine et répondit enfin à sa question. « Seulement contre ceux qui ne sont pas de mon côté ». Une évidence, murmurée sur un ton emmiellé, passablement séducteur. « J’allais justement voir le mien ». Pas tout à fait le sien, mais il n’avait pas besoin de savoir. « Il n’a pas votre classe ». Un ricanement moqueur accompagna ses mots alors qu’elle cherchait le regard de l’italien.

**Alessio Vesari**

scatola nera.

Bloqué dans un ascenseur. Alessio de toutes les situations possibles n'auraient jamais pensé se retrouver dans une telle situation. Bien entendue, les pannes sont monnaies courantes, mais la, il devait avouer que tout ce qui englobait cette panne était plus que louche. Tout semblait en panne, pire, même les générateurs de secours semblaient hors services ce qui faisait penser à une attaque globale. Vous savez, ça commençait toujours comme ça. Néanmoins, ça n'empêchait pas Alessio de voir le problème dans son ensemble, ce que cela représentait pour lui dans un futur plus ou moins proche, vu qu'il était bloqué la dedans pour un certain temps avec une autre personne.

Personne qu'il tentait de deviner, de connaître, son esprit toujours avide d'en apprendre plus. Ses yeux l'ayant détaillés une fraction de seconde, bien assez pour que son cerveau et ses pouvoirs puissent la photographier mentalement. Chaque détails y étaient notés et quand vint le temps de connaître ses origines, il fit pratiquement mouche. Le nom de famille était proche de fleuve de Nill et elle avoua qu'elle était égyptienne. Autant dire qu'il avait eu raison non ? Elle le fit sourire dans la pénombre sur le fait qu'elle pouvait dire que sa montre était tape à l’œil comme le bâtiment. Sa main caressa le cadrant travaillé de l'horloger qui n'offrait que quelques rares éditions pour ce genre de modèle. Malheureusement, il n'avait pas la première sortie, mais on pouvait bel et bien voir le petit numéro 02 gravé à l'arrière. « Vous avez l’œil pour les belles choses. » Les choses qui valent de l'argent.

Il ne devait donc pas trop se fier aux apparences. Elle semblait s'y connaître en marque de luxe et était ici pour faire affaire avec un avocat. Ils n'étaient pas tous mauvais ici même, mais ce n'était pas les meilleurs. La preuve en était qu'ils faisaient appel à Alessio pour se défendre dans une affaire délicate. Les pourris avaient tous besoin d'un pourris bien plus doués qu'eux à un moment donné. « Oh, je comprend votre sentiment. J'ai bien des ennemies. » Sourire sur le bout des lèvres, tous ceux qui ont chuté à cause de lui. Il était plus du genre à défendre les pourritures en fin de compte, histoire de prendre leur argent qui lui irait bien mieux et surtout avoir des retours d’ascenseurs au cas ou. C'était pour ça qu'il avait un œil et des oreilles un peu partout. « Ils n'ont pas le même taux horaires que moi et sont bien incompétents. Mais je suppose que la classe n'a rien à voir la dedans ? »

Bien sur que si, du moins pour lui. Il s'habillait de façon à ce qu'on sache qu'il réussissait. « Vous pouvez me parler de vos problèmes mademoiselle El-Zahra, je vais vous faire un bon prix. Autant utiliser tout ce temps gaspillé pour une bonne cause ? » De toute façon, il était curieux, trop curieux, comme toujours de savoir les problèmes des autres.

**Sahar Benhadi**

scatola nera.

Malgré son arrogance - faussement exagérée selon l’avis de la mambo, l’homme installé à ses côtés était doté d’un certain charme. Il était intriguant, et avait l’art de le rester en dépit d’un ego presque aussi grand que l’espace qu’ils étaient forcés de partager. L’absence de lumière ajoutait à ce mystère qu’il dégageait, rendant presque leur appréhension mutuelle excitante. Elle devait reconnaître qu’à défaut de pouvoir vaquer à ses occupations, coincée entre ces quelques mètres, elle s’était prise au jeu. Une part de danger - mais n’était-elle pas dangereuse elle-même ? - l’attirait inconsciemment et continuait d’attiser sa curiosité. Pas au point néanmoins de se révéler complètement, et de saisir la main tendue soudain par l’italien proposant ses services...

Un rictus amusé ornait toujours ses lippes ; la féline n’avait aucun mal à le croire quand l’avocat se disait entouré d’ennemis. C’était l’apanage de sa profession. Aussi, elle l’imaginait volontiers compétiteur, peut-être même cruel, en tout cas prêt à tout pour réussir. Terrasser ses rivaux avait l’air d’un passe-temps pour lui et elle pouvait comprendre le plaisir qui en découlait ; elle-même avait le goût du pouvoir et de la supériorité, mais ses responsabilités lui imposaient d’avoir des ambitions plus nuancées. Ses décisions n’impactaient pas que sa personne généralement et il n’était pas toujours simple de nourrir sa fierté en prenant garde sans arrêt aux conséquences…

« Je n’ai pas besoin de quelqu’un d’autre », répondit-elle, le ton - un peu trop sec peut-être ? - contrastant avec son sourire affiché. Surtout, elle n’allait pas risquer de révéler des faits compromettants sur sa personne, même si, tout avocat qu’il était, son vis-à-vis était tenu au secret professionnel. Cette affaire concernait le Clan, son ancien compagnon en prison depuis des années, et sa défense trempait dans leurs secrets depuis sa mise aux fers. Corrompu jusqu’à l’os, l’avocat en question était aussi et surtout à leur botte et il n’était pas question d’en changer.

Elle avait peut-être commis une erreur en mettant cette histoire sur le tapis. Si l’italien se montrait curieux encore, elle devrait l’envoyer paître et montrer qu’elle cachait quelque chose. « Donnez-moi votre carte, plutôt ». Autant prendre les devants et se faire la plus avenante possible. « Je ne sais pas si vous êtes dans mes moyens mais je ne manquerais pas de vous appeler si nécessaire ». Elle se traîna par terre alors - avec une élégance toute relative mais toutefois suggestive, et s’approcha de l’italien. Féline, elle lui tendit sa main brûlante et effleura ses doigts des siens.
Ca ne dura qu’une seconde ; le temps pour elle de prendre ses repères dans la pénombre. Ensuite, elle présenta sa paume à plat pour que l’intéressé puisse y poser ce qu’elle lui demandait.

**Alessio Vesari**

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