il aura été patient, plus que de raison. dès le premier jour, son cœur a freiné avant l’impact et il conduisait au pas, jusque là. une prudence qu’il ne peut nier avoir été de son côté, même aujourd’hui alors que son cœur tremble, sans défense. il s’attendait à ces discours dénigrants et ces rejets incessants, mais la peur ne l’a jamais tant paralisé qu’en cet instant. ses mots n’y ont rien fait parce qu’il n’avait guère prévu l’existence d’un obstacle plus dense encore, que leur vie chaotique. plus effrayant et qu’il ne saurait combattre, même à main nue. des doutes qu’il aimerait faire taire… s’il vous plait, mais quelque chose en lui connaît déjà la réponse. chaque seconde qui le sépare de sora l’affole et il glisse dans sa voiture avant même de réfléchir à ce qu’il fera. il n’a que la ferme intention de ramener son astre à la raison. il frappe une fois, deux fois contre le volant et le feu passe au rouge ; trop tard. il est forcé de s’arrêter au prochain feu et la force du freinage a renversé un sac posé à ses côtés, oublié dans la tourmente. le cœur pas si cruel qu’on le dit, pas aussi dur qu’on le croit. pas si fourbe malgré les nombreuses entourloupes. c'était un bon soldat, il ne touchait ni aux biens du clan ni à leurs employés. il n'avait cure de leurs vies enchaînées pour la plupart bien récompensées. et maintenant ? les jointures de ses doigts blanchissent autour du cuir et derrière lui, les klaxons lui hurlent d’avancer alors il se reprend et repart. trop vite. trop fort, lorsqu’il claque la portière en arrivant dans la bonne rue. il lève les yeux vers la bonne fenêtre et un soupir lui échappe, soulagé d’y voir de la lumière. soulagé et anxieux quant au dénouement de cette journée qu’il ne pensait pas si terrible. un anniversaire ne devrait pas être si triste. il espérait arranger les choses en ce jour spécial et sûrement y a-t-il contribué, même s’il n’a pas apprécié la tournure de leur conversation. sora ne va pas bien, pas du tout et il ne l’aurait pas su s’il ne l’avait pas poussé un peu. fini les ronds de jambe. l’adrénaline de sa course traverse toujours ses veines et même s’il a récupéré le sac, son cœur est plus lourd que jamais. aucune douceur dans ses yeux ambrés, la créature qui s’impose, glaciale devant la porte souhaitée. bâtiment miteux qu’il déteste et cette porte pourrait si aisément céder face à un forcené… que fait sora encore ici, akio ? il essaie d’ouvrir avant même de s’annoncer, verrouillée. « it’s me. open the door. » il connaît les lieux, sait qu’il l’entendrait même sous la douche. un, deux, trois et le verrou cède sous son pied impatient. lorsqu’il ferme la porte derrière lui, elle vacille. « sora… fuck. » le soleil couchant donne de jolies nuances au ciel derrière sora et il lâche le sac pour le rejoindre en deux enjambées. « you gave me no choice. » il attrape ses mains avec une douceur certaine comparée à son entrée, caresses légères. peut-il les sentir ? « i’m losing you and it’s freaking me out. » il n’hésite qu’un instant avant de lâcher ses mains pour saisir son visage, son regard qu’il cherche à croiser. « don’t push me away like this, just don’t. » la voix plus tranquille aussi, malgré la panique qui enserre son coeur.

Les doigts qui glissent sur les bleus en fleur sur son corps. Laisser-aller pathétique, Sora qui joue les poupées dociles entre leurs mains, se laisse faire sans se battre. Les flammes presque éteintes dans ses yeux depuis la réalisation, depuis la compréhension. Il y a quelque chose d’ignoble dans ses entrailles. Monstre divin dévorant. Divinité de l’est, divinité de l’eau, et ses repères brouillés. Le nom qu’il n’ose dire de peur de le rendre réel. Il y a quelque chose au fond de lui. Qui le ronge. Doucement. Presque tendrement. Trop. Réalisation qu’il ne vaut rien. Qu’il ne peut y faire face. Qu’il n’y survivra pas. Réalisation plus terrible qu’on ne veut l’admettre. Sora qui n’avait rien à perdre avant. Plus rien à perdre. Vendu par son père, enchainé dans un rôle dans lequel il s’était fondu, personne à qui tenir. Personne à qui … Akio. Le nom comme le glas, les sentiments qu’il a piétinés lui-même et les distances qu’il a prises vite. Comme une coupure. Même lacération que celle sur son cœur. Il n’aurait pas dû s’attacher Sora. Il n’aurait pas dû. Et encore maintenant il regrette. D’avoir laissé tomber ses barrières, de l’avoir laissé rentrer dans son univers. Le regard sur son téléphone qui vient de s’illuminer une dernière fois. ‘Enough’. Clairement oui. Assez. Qu’on arrête les frais. Qu’Akio disparaisse de sa vie. Qu’il ne s’attache pas plus, qu’il ne l’enchaine pas plus. Il va mourir Sora. Disparaître. Il va mourir. Que ce soit de sa propre main ou en disparaissant sous le poids d’une conscience ancestrale. Ryûjin. Dragons des mers. Seigneur de l’océan. Et même son berceau aqueux ne peut plus le calmer comme avant. Sora qui dort toujours au fond de sa baignoire, se réfugie encore et toujours sous l’eau. Capacité qui s’éveille au bord de l’asphyxie, l’eau ne pouvant être le bras armé de sa mort. Des heures après les derniers messages il émerge, le corps emmailloté dans son peignoir, le couché de soleil derrière lui. Il travaille ce soir. Des rendez-vous pris à la pelle. Qu’importe s’il fête une nouvelle année, il a l’impression de célébrer un décompte funèbre. Qu’importe si Akio veut le sauver, il ne veut plus le voir. C’est mieux pour lui. Et les gestes qui sont automatiques. Devant la coiffeuse, le miroir est grand, et il maquille la tristesse de son visage de couleurs chatoyantes. Il revêt l’apparence de Blue, le sourire facile, mécanique. Jusqu’à une voix. Mirage. Jusqu’à sa porte, son verrou qui saute, et cogne lourdement contre le mur ; et le rouge à lèvres qui dévie sur sa joue. Pantin grotesque. Le garçon est debout, les yeux vides. Quel idiot. Akio, quel idiot. Mains en captivité d’abord puis le visage. Tendresse à laquelle il voudrait s’abandonner. Appels au secours qui cognent derrière le masque de Blue. Non. Il ne peut rien faire. Non. « You shouldn’t have come. I told you. » Il ne reconnait pas sa voix Sora, derrière le masque de Blue, il ne se reconnait pas. Et lorsqu’il se détache de ces mains chaleureuses, le regard dévie sur le miroir. Ignominie. Rouge à lèvres qui lui offre un sourire défiguré et des yeux vides. « Wanted to see the freak so much? » Sarcasme. « Wanted to see me so pitiful? I will die Akio. I refuse to live like that. What they couldn’t take from me, I can. » Le poing qui se serre. Sourire Amer. Help me. Et sans ciller, Sora qui cogne son miroir. Sans même sursauter à la douleur qu'il ne ressent pas, au rouge qui suinte ses jointures abimées. Rien. Toujours rien. Sensations absentes. Comme s’il avait été anesthésié par l’eau. Foutu dragon. Rien. Même quand il serre un bout de la surface polie, brisée, entre ses doigts. Toujours rien. Aucune sensation. Comme le vide de ses yeux. Rien. Juste rien. Help me ? « Just leave. »

la peau est froide sous ses doigts et dans ces grands yeux, vifs où il aimait tant se perdre, ne se reflètent plus que les siens tel un miroir sans âme. et là où d’autres n’y verraient qu’une coquille vide, lui y voit la souffrance. les mots échangés plus tôt lui laissent un goût amer et les envies de disparaître résonnent en lui comme un déjà-vu. il a mal au coeur. sora lui glisse entre les doigts et il le laisse faire sans ciller. il n’est pas venu ici pour forcer les choses, mais les comprendre avant de vouloir tout arranger, parce qu’il n’y a pas de solution facile en ces heures troublées. rester ou partir ? la réponse est évidente pour akio, mais ce n’est pas lui dont il est question. la situation plus complexe qu’il n’y paraît, plus difficile à contrôler et où d’une seule erreur, tout pourrait basculer. il ne veut pas le perdre, mais rien ce soir ne le rassure. sora lui file entre les doigts et ça lui crève le coeur. « there is no freak here. » la voix qui se fait fragile, plus basse que les autres jours et son regard posé sur le reflet du miroir ne dévie pas. même lorsque l’image est brisée et que les mots désespérés font écho entre eux. ils sont plus difficiles à entendre de vive voix, mais pas moins poignants et il aimerait comprendre akio, pourquoi. pourquoi vouloir abandonner maintenant ? « i hear you. » il entend sa détresse et la voit derrière ses yeux maquillés. l'effort est honorable, mais il ne croit pas en cette image. il entend blue hurler, et il voit sora pleurer. just leave. « no. » aussitôt dit, il arrive à ses côtés et retire doucement sa main du miroir abîmé. il l’oblige ainsi à desserrer le poing et lâcher l’objet tranchant avec la même douceur. ne rien ressentir ne le rend pas invincible et il tente d’apaiser les tremblements de sa main entre les siennes, dans un premier temps. puis il le guide vers la cuisine pour trouver un chiffon propre, le passer sous l’eau et nettoyer délicatement ses plaies avec. « why now? after all these years? » il quitte un instant sa main et lève le tissu vers les lèvres du jeune homme, ou plus exactement vers le trait de rouge sur sa joue, qu’il estompe. une part de lui voudrait effacer tout son maquillage avec rage, mais sa colère ne lui est pas destinée, non. il commence à comprendre jusqu’où les abus ont pu aller et il n’a pas envie de le quitter ce soir, non. pas pour ces salauds non, pas pour eux. il offrirait son âme sans hésiter pour le libérer, s’il pouvait. « what did you mean earlier? why are you gonna die? » il insiste, mais le ton reste le même. empathique. « why? » il se risque à empoigner son bras pour le retenir, mais le murmure tremble. il voulait passer la soirée contre sa chaleur et sous le clair de lune, l’écouter nommer les étoiles. il voulait juste le voir sourire, lui donner un moment de paix, de quoi mieux supporter.. comme un déjà-vu. le rêve qui vire au cauchemar, comme un déjà-vu.

Vide. Le corps engourdi d’indifférence et d’abandon. Vide. Il ne veut plus le revoir, ne veut plus avoir son cœur en souffrance de savoir ses jours comptés à ses côtés. Qu’il ne vienne pas. Qu’il ne voit pas l’horreur. L’hécatombe. La folie d’un corps marionnette. Non. Et pourtant il est là. Son inquiétude blessante et son regard qui semble toujours voir au-delà de tout. Il est là. L’étreinte tendresse, et son amour sans mot, sans borne au bord de ses doigts. Idiot. Idiot d’Akio. Il n’aurait pas dû venir. Il aurait dû s’offusquer de sa froideur, s’énerver, lui dire de faire comme il veut. Se braquer aussi. Mais non. Trop de douceur derrière ces traits parfois durs. Trop de douceur et l’affection qui a guidé ses pas. La réponse à ses propres sarcasmes lui arrache un rire amer comme le bruit du verre écrasé. Jusqu’au bruit du miroir qui s’effondre. Morceaux qui glissent au sol dans une cacophonie lourde sous son poing, et les jointures qui rougissent. Rien. Aucun cri de douleur. Rien. La sensation absente. Et lorsque ses doigts attrapent un morceau de la surface polie pour mieux le serrer, il n’y a toujours rien. Juste le sang qui s’écoule. Juste ça. Le sang qui s’écoule la chaleur du liquide qui refroidit au contact de sa peau trop froide. Et les mots assassins, funèbres. Qu’il parte. Parce qu’il est fatigué Sora. Tellement fatigué. Les yeux fermés, il renie le monde. Renie même cette douceur que lui offre Akio en desserrant ses doigts, et le trainant du côté de la partie cuisine, le chiffon qui passe sur ses plaies, sensation papillon mais vide de tout. « I’m tired … » Ce n’est pas la réponse que doit attendre l’ancien Yakuza, il se doute. Mais comment lui dire que la compréhension récente de ce qu’il est, vaisseau, enveloppe corporelle pour une divinité, l’a détruit. Il n’aurait pas dû vivre. Il aurait dû les supplier de le battre à mort il y a de ça dix ans. Douze ans ? Il ne sait plus. Il n’aurait pas dû tenir ce simulacre. Voir les sensations disparaitre, être incapable de mourir en passant des heures sous l’eau. Ignominie de la nature. « Because I will kill myself … I will kill myself before it does. » Aveu. Suite de ces mots couches sur son téléphone. Il y a en lui un monstre dévorant. Qui jour après jour récupère ses forces, attendant son heure. Attendant de pouvoir garder son corps, de le faire disparaitre sous l’immensité de ce qu’il est. Il y a ce dragon qui est là, en lui … il attend, doucement, sûr, il attend. « 怖いです。 » Murmure. La langue paternelle qui revient, l’impression qu’il pourra se protéger derrière cette barrière. « 死ぬのが怖い… » Aveu encore. La peur qui le dévore tout autant que le monstre. Sora plus accroché à la vie qu’il ne le dit. Et l’effroi dévorant d’embrasser la mort.

Spoiler:

le regarder souffrir est contraire à tout ce qu’il est, mais il s’y oblige pour ne pas l’envahir. l’information récente que ses nerfs ne répondent plus à la douleur devrait l’aider à supporter la scène, mais il n’en est rien. les mots du plus jeune sont chargés de fatalisme et akio retient son souffle lorsqu’il y sent aussi de la colère. c’est comme si quelque chose lui demandait d’abandonner contre son gré, car il n’a jamais dit le vouloir. l’espoir tant désiré s’installe dans un coin de son coeur et il avance, le pas léger, vers cette main blessée pour en prendre soin. il tâtonne, de peur de se voir encore repoussé et il ne les mène pas trop loin, pour ne pas l’agacer. sora ne lui résiste pas et c’est tout ce qu’il lui fallait, parce qu’aucune de ses paroles, peu importe leurs poids, ne saurait le détourner de lui. aucune, pas même les plus blessantes. sora est épuisé et il veut bien le croire tandis qu’il trace sa mâchoire de ses doigts égarés. il veut bien le comprendre et dans ses yeux, la douleur s’éveille après un sommeil qu’il espérait éternel. la mort présentée en libération et lui ferme les yeux trop longtemps, pour ne rien montrer des blessures rouvertes par ces aveux funestes. il relâche son bras et retrouve plutôt la main meurtrie dont le sang s’échappe encore. « what is “it”? let me understand, please. » il aimerait penser à autre chose et croire que les dieux, ou quelconque autre esprit avide l'aient épargné, mais il n'y arrive pas. il ne peut hélas reconnaître ces différences, mais en un sens, sora lui est toujours apparu différent. sa peau est toujours aussi froide et il se fait violence pour ne pas l’attirer contre lui, ses priorités ailleurs. il s’apprête à tirer le jeune homme avec lui lorsque sa voix retentit à nouveau, dans une langue qui ne lui est presque plus familière à l’oreille, mais guère oubliée. il rouvre les yeux sur ces aveux fragiles et l’espoir en son cœur grandit. « live, then. don’t give up now.* » la voix qui se veut sereine malgré l'émoi. il l’entraîne à nouveau dans ses pas et l’oblige à s'asseoir sur le lit, un sourire pour le rassurer, avant d’aller fouiller la salle de bain. lorsqu’il revient, c’est avec de quoi soigner sa main et il s’y affaire en silence, posé à ses côtés. il lève parfois les yeux vers les siens, toujours désireux d’y voir un éclat revenir, en vain. « you don’t have to be alone anymore. » dit-il en fixant le bandage autour de sa peau, délicat. les soins terminés, il hésite quelques instants avant de laisser son cœur agir et entourer les épaules du plus jeune, pour attirer son dos contre lui. l’étreinte aérienne, facile à briser. « hold on to me. » trust me. il est prêt à tout endurer, de l’indifférence à la froideur jusqu’à la colère s’il faut, car rien ne pourrait l’affecter plus en ces heures que de le perdre, peu importe la manière. ne le lui prenez pas, pas lui. pas comme ça, pas maintenant.

Spoiler:

Le bruit du miroir ne lui apporte aucune satisfaction. Ni la chaleur du sang qui glisse le long de ses doigts. Ichor divin qui lui échappe et aucune satisfaction. Lassitude. Et angoisse. Un laisser-aller qui l’enveloppe comme l’étreinte de ce dragon qui le dévore de l’intérieur. Il ne lui survivra pas. La blessure est soignée, les doigts d’Akio sont comme pommade contre sa peau, mais les maux sont dans l’âme, être attaqué à l’essence même de ce qu’il est. Réalité inconcevable de savoir que son corps ne lui appartient pas. Plus. Réceptacle d’une entité à la limite des croyances, religions éteintes et divinité des contes anciens. Sora qui annonce sans délicatesse qu’il mettra fin à ses jours. Refus de perdre contre ce qui l’habite, assurance triste qu’il préfère renoncer à la vie que de lui laisser le contrôle. C’est la peur qui guide ses mots, ses décisions. Angoisse palpable qui pulse dans ses veines, et dans la langue paternelle le véritable aveu. Il a peur. Il crève de peur Sora, différence qu’il a toujours condamnée lui-même, assurance d’être une ignominie, d’être un renégat, d’être … Juste étrange, dérangé, dérangeant. Mais il crève de peur, à l’idée de ce qui l’habite à l’idée de vouloir, devoir, mettre un terme à sa vie, lui qui s’est toujours battu. C’est pour ça qu’il ne voulait pas le voir. Akio. Battement de cœur loupé à l’idée qu’il reste dans sa vie, à l’idée qu’il le voie changer, disparaître, sombrer. Non. Alors il préfère le repousser Sora. Sans égoïsme, il le repousse. L’ancien yakuza qui mérite mieux. Tellement mieux qu’une prostituée criblée de dettes et totalement anormale. Marionnette dans les mains de celui-ci, il se laisse guider, le rouge qui teinte le torchon comme une finalité qu’il ne ressent pas. Mais l’écho du japonais le surprend et son regard vide, vide d’étoiles, vide d’espoir qui se perd dans celui d’Akio tandis qu’ils finissent assis sur son lit défait, vêtements froissés qu’il comptait mettre pour la soirée à venir. Solitude et silence, il le regarde partir et ses doigts jouent sans pudeur avec les coupures qui maculent sa peau. Ce ne sont pas les premières, pas les dernières. Souvenirs fugaces de cette inquiétude rageuse, de cette angoisse sourde quand si jeune il cherchait à ressentir quelque chose. N’importe quoi. Juste … L’impression qu’on l’avait plongé dans l’eau, bulle protectrice et le tout flouté, assagi, enlevé. Sensations nulles. Absentes. On a tué ses signaux vitaux, détresse qui ne s’exprime plus, et la porte ouverte aux abus. Main de nouveau prise en otage, il regarde le bandage se faire et ne grimace même pas quand l’antiseptique est posé sur ses plaies. Il frissonne pourtant à l’étreinte fragile. Miroir de la situation actuelle. « I don’t want you to live that … I know … I know that … I’m … feeling so much for you. And for that, I don’t want you to stay … To see my alienation. Can’t … Can’t you let me … keep my dignity at least? » Il ne veut pas qu’il le voie dépérir. Non. Il ne veut pas qu’il le voit s’abimer sous le poids divin de cette réincarnation poison, parasite. Il ne veut pas. Non. « You can think I’m egoist … But … I don’t want you here. I decided I wouldn’t live to be his receptacle … And I’m not strong enough … » Rire acide. Celui qui secoue son corps, inconscient qu’il s’est recroquevillé. Qu’il s’est fait plus petit dans l’étreinte d’Akio. Comme si son corps exprimait par avance ce besoin de disparaître. « I’m sure you think I’m crazy … Maybe am I. It should be that. Crazy … A freak thinking there is something inside his body … » Mais il y a quelque chose. Quelque chose qui le ronge, le détruit au point d’atteindre même son cœur pourtant si bien gardé, et de le faire flancher. Encore … Encore … Encore. Sauve-moi.  

Il ne saurait définir les émotions qui en son cœur lui sont étrangères, n’ayant jamais eu à s’inquiéter de perdre quel que soit l’enjeu. Il avait toujours les coups d’avances, les mots justes ou les gestes bruts. Il avait confiance en lui et en ce monde, en son coeur bon et son corps robuste pour affronter le pire. Il y est préparé depuis la naissance, au pire et il souhaitait le meilleur à chaque prière. Faiblesse reconnue envers l’amour et envers lui désormais, les murs abattus sans pitié et c’est trop tard… trop tard pour lui demander de reculer. Il était serein et aujourd’hui, il est désemparé. Les mots lui manquent et les réponses plus encore, mais le cœur saigne de l’entendre renoncer à la vie ainsi. Ce n’est pas juste, après tout ce qu’il a enduré.. et Akio refuse de croire en cette fausse détermination, mais il ne le brusque en rien. Il a reconnu la peur dans ses iris et la détresse dans ses mots froids, et la seule chose qu’il peut faire sans erreur, est de rester à ses côtés. Sora fragile entre ses bras, timide dans son étreinte et ô combien si doux dans ses déclarations qui agitent les sens d’une créature en émoi. L’ancien yakuza a le sourire triste face à l’énième demande du plus jeune ; qu’il s’en aille, qu’il disparaisse. « shut up, right now. » le cœur bat si fort dans ses oreilles qu’il ne s’entend pas, Akio mais les mots ont été murmuré. Il n’y a aucune colère, aucun ordre réel alors qu’il relâche son souffle trop longtemps gardé, et il se rend compte qu’il tremble. « you don’t realize how strong you are… and if you really wanted me gone, you would’ve stayed quiet about it all. » Il profite d’un instant pour resserrer ses bras autour de l’homme et y trouver autant de confort qu’il espère en donner, même si la situation ne le permet pas. « you’re asking me to listen, to care and i do, even though your mouth tells otherwise. » Sur ces mots, il se détache du jeune homme pour se lever et se diriger vers la penderie. Il y prend un pantalon confortable qu’il pose à côté de Sora et s’en va ensuite ramasser le sac qu’il avait lâché en arrivant. Une attention qu’il voulait lui offrir dans un cadre différent, mais il sait s’adapter et il retourne sur le lit face au plus jeune. « You’ll catch a cold… here, take this. » Il lui tend un pull de la couleur du ciel, un cadeau qui pourrait lui tenir chaud tout l’hiver si toutefois il l’accepte. « There’s a divine soul sharing your body… isn’t it? » Lâche-t-il soudain, le pull déposé sur les genoux du garçon et le sourire trop doux au vu de sa question. Le regard amoureux malgré cette réalité frappante, la douleur lisible derrière ses yeux sombres. « You’re not crazy, but I wouldn’t care anyway… It’s okay to be scared, love. » Il caresse une joue sans réaliser le poids de ses mots, sincère envers son cœur et sincère envers lui, sans demi-mesure. « I cherish you so much… give me a chance to be there and help you through this, please. » Il reste pourtant muet sur son savoir, son seul but étant pour l’heure de rassurer le plus jeune. Et puis, l’incertitude le retient aussi. Il le relâche une seconde fois et tendrement, insiste sur les vêtements apportés plus tôt. « don't make me do it for you.. eh. » Son rire est discret, mais lourd en émotions et il lui tourne le dos pour lui laisser son intimité. Son attention est tournée vers la fenêtre, mais ses pensées sont ailleurs et même si le chagrin le secoue, son optimisme demeure.