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Comfortably numb ¤ Hadrian

 :: abandonnés
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Comfortably numb ¤ Hadrian - Lun 7 Mai - 2:29

Comfortably numb

There is no pain you are receding a distant ship smoke on the horizon you are only coming through in waves your lips move but I can't hear what you're saying



Si dieu existait vraiment, ma religion serait celle des habitudes. La récurrence du jour et de la nuit, un cercle noir sans fin autour de mes yeux. Une offrande à Morphée sous forme de mon majeur levé dans le reflet du miroir. Je suis pratiquant aveugle de la banalité, je vais à l'église des petits soucis et j'en ressors béni à l'eau de connerie. Je prêche mon propre destin misérable et tous les sermons du monde n'arrivent pas à me remettre dans le droit chemin. J'invoque mes problèmes comme autant de mers à écarter de la main, bien que je m'agite en essayant malgré tout de nager vers la surface. Je me noie dans un océan d'excuses et j'ai conscience d'être un radeau de la méduse. Des fois j'abandonne, je laisse le vide entrer et je me laisse flotter dans le néant. Tout serait plus simple ainsi : plus de cauchemars, plus besoin de rester sous une patte graisseuse et baladeuse pour garder mon job. Et plus de syndrome du zombie, cet état second constant que le manque de sommeil alimente. A défaut de me nourrir de cerveaux il semblerait en ce matin d'après midi que le mien tienne encore suffisamment par deux neurones. C'est déjà un début.

***

Je suis une rock star sans le talent, mains dans les poches d'une dégaine de cuir tordue et des lunettes de soleil protège pluie. Je me traîne au milieu de la foule du samedi que je perdrais à compter comme les heures sur le cadrant digital. Mon visage est blafard sur les vitres des voitures, je suis le fantôme du sommeil passé. Le revenant des rails de coke empaffés pour donner des vraies raisons à mon esprit d'halluciné. Quitte à mourir du manque de repos je préfère voir des éléphants roses plutôt que des femmes décharnées. Je préfère manquer d'air à force de rire au lieu de perdre mon souffle de terreur. Je ne conduis plus, je suis un danger pour les autres autant que pour moi-même. Voir la route défiler m'endors, et si conduire au volant est paradoxalement le seul moment où ma paralysie nocturne me laisse tranquille, j'y passerais pour une mort plus expéditive. Alors je sors mon vélo, au moins quand je rentre dans un arbre je m'en tire pas trop mal. Des bleus par-ci par-là, un pour chaque jour de la semaine. Ainsi vendredi est marqué de teintes violettes à la commissure de mes lèvres pour avoir plongé en avant et embrassé le bitume sur la bouche. Tu parles d'une gueule d'amour, pas étonnant que les passantes font changer leurs poussettes de trottoir sur mon chemin. C'est marqué en gros sur mon front : attention danger. Mais j'assume mon rôle de type louche jusqu'au bout et j'attends mon oscar pour mon interprétation fidèle du mec alarmant qui achète une pile de livres ésotériques tous plus obscurs les uns que les autres. La vendeuse m'a regardé avec le même mépris qu'on donne à un éboueur qui ramasse ses poubelles. Je n'ai pas le temps de lui expliquer que chacun son job et que non, je ne prévois pas de sacrifier le chat des voisins dans un rituel satanique. Je dois simplement préparer un cours sur les enfers pour la semaine prochaine, je suis professeur d'histoire des idées, vous savez l'étude des religions ? De toute manière avec ma tronche, elle ne me croirait jamais.

***

L'herbe du parc est humide, la terre s'enfonce légèrement sous mes pas. Je pourrais rentrer me plonger le nez dans ces nouveaux livres mais la perspective de retrouver cette bulle encore emplie de sueur et des peurs de la nuit passée ne m'enchante pas. J'ai besoin de m'aérer l'esprit. Peut-être que si je marche suffisamment je finirais par me fatiguer et m'endormir comme un sans abri sur un banc. Je veux être ce clodo des bancs publics au sommeil imperturbable. Un soupire perce mes lèvres. Le ciel est menaçant et mes chaussettes sont déjà trempées dans mes baskets. Le vent qui vient du port promet de me geler les os si je ne rentre pas bientôt me mettre à l’abri. Je retire ce que j'ai dit, je n'envie pas ceux qui dorment, même dehors. Je me mets en marche pendant plusieurs minutes, suivant au hasard un ponton de bois sinueux. La pile de livres dans mon sac pèse lourd sur mon épaule, mon corps endolori faiblit de plus en plus vite ces temps-ci. Cela peut sembler tout l'opposé mais je ne cherche pas à me détruire, j'utilise juste ce que j'appelle des solutions radicales. Et peu importe ce qu'en disent les psys qu'on me force à voir. Je tiens à rester en vie et en bonne santé, je résiste autant que j'abandonne. J'ai finit par jeter mon dévolu sur un kiosque en métal perdu dans un bosquet d'arbres isolés. La plate forme surélevée y est au sec et l'on n'entends presque plus le brouhaha de la rue et les ambulances. Un presque silence parfait pour réfléchir en toute tranquillité. Allongé sur le dos, les jambes pendantes dans le vide, le nez dans un énorme volume illustré comme une charpente de savoir au dessus de ma tête. J'ai retiré mes chaussures et mes chaussettes trempées, les pieds glacés par la morsure de l'air. Le texte m'a déjà aspiré, j'ignore combien de pages j'ai lu jusque là. Je n'ai rien pour prendre des notes mais j’échafaude la structure précieuse des informations dans un coin de ma tête. Je le mettrais à l'écrit plus tard.

***

Le sommeil m'a prit sans crier gare, cette narcolepsie intempestive, résultat de ma privation quotidienne. Et tout aussi vite c'est un sursaut qui me réveille. Tout mon corps est glacé, le livre a glissé sur le côté et pendant un instant j'ai oublié où je me trouve. J'échappe un halètement incontrôlable, encore prit dans cet entre-deux que je redoute tellement. Mais la paralysie ne vient pas, je suis bien éveillé et à en juger par la lumière plus faible que mon souvenir, j'ai dormis un temps remarquable. Je me redresse avec peine, quelque chose m'a réveillé et pour le coup j'aurais bien dormis encore un peu. Un nouveau sursaut me prend lorsque je réalise qu'il y a quelqu'un à mes côtés. Merde, putain. Ça va pas de me faire des frayeurs comme ça ? « Qui... ? » Je cligne des yeux un bon coup. Je connais ce visage. Dans un effort surhumain un prénom me revient. « Hadrian...c'est ça ? La thérapie de groupe ? » Je me passe une main sur le visage. Il est bien la dernière personne que je m'attendais à voir, mais je peux difficilement prétendre attendre beaucoup de monde au fin fond d'un parc humide. « Ça fait quelques temps. » Deux mois pour être précis, depuis que j'ai officiellement pu arrêter d'aller voir un psy. Plus besoin d'être forcé d'aller à ces conneries de thérapies de groupe. Je me décale pour lui faire un peu de place, poussant délicatement le livre sur le côté. Je ne sais pas si je peux dire que je l'apprécie, il était pour sûr la seule personne qui rendait les séances de groupes moins terribles. Mais là tout de suite je me sens comme une biche prise dans les phares d'une voiture et on va pas se le cacher, si moi j'ai une tête de mec chelou, lui il a une tête de serial killer.



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Comfortably numb ¤ Hadrian - Dim 13 Mai - 23:23

Il ne le sait pas encore, mais il est déjà mort.

Entre ses doigts, Hadrian serrait La chambre claire. Il avait lu l'ouvrage, un nombre incalculable de fois mais les mots lui parlaient d'autant plus depuis quelques temps. Son regard ne fixait plus les pages et se perdait sur l'horizon, ailleurs. Loin. Les éclats de rire d'une jeune femme le sortirent de ses rêveries dans un sursaut. Il tourna plusieurs fois la tête, regardant tout autour de lui pour voir si quelqu'un l'avait vu. Invisible, il déglutit avant de refermer son livre. Pourquoi s'obstiner à venir ici sachant pertinemment que les lieux publics le mettaient mal à l'aise ? Travailler dans un cinéma, c'était différent. Caché de tous, dans sa petite boîte noire, à observer les autres de son trou de souris. Il était spectateur de leur vie, n'en faisait jamais parti. Mais regarder les autres vivre n'était plus suffisant. Il brûlait d'envie de se mêler à eux. Il brûlait d'envie d'être enfin vu. L'angoisse et la peur ne faisaient pourtant pas partis de ses plans. Sur sa chaise, son livre entre les mains, il pensait que ce serait plus simple d'entrer dans le monde et de s'y faire une place. Personne ne le voyait. Personne ne faisait attention à lui. Il n'était finalement qu'un parmi les autres. Et ce sera toujours le cas. Son chocolat chaud avait fini par refroidir ; il n'y avait même pas touché. Regardez-moi. J'existe. Sa respiration se bloqua, son corps se contracta. Il voulait crier, hurler jusqu'à ce que l'air lui manque. Pourtant, il ne le ferait pas. Ce n'était pas convenable, ce n'était pas ce qu'il était. Il expira longuement. Peut-être avait-il enfin accepté le fait que jamais il ne ferait parti de leur monde. Et tout d'un coup, il respirait mieux.

Tout ce dont il avait besoin, c'était de se souvenir. Souvenir ce que c'était, que d'être vivant. Il avait quitté le café dans lequel il avait tenté une dernière expérience. L'expérience de vivre en communauté. Ce n'était pas pour lui. A l'aube de ses trente cinq ans, il était temps pour lui de se rendre à l'évidence : il était différent des autres et jamais il ne serait accepté. Même dans son groupe, lors des thérapies, ils se sentait seul, étranger. Pourtant, il s'était pris à espérer.

" Vous aussi, vous faites de la paralysie du sommeil ? ".

Dans sa voix, dans son vouvoiement, une certaine distance. Mais dans son regard... Hadrian avait penché la tête sur le côté, l'observant brièvement, juste assez pour comprendre, pour s'identifier et même compatir. Il avait acquiescé en baissant les yeux, se mordant la lèvre un moment, comme pour réfléchir, avant de répondre qu'effectivement, cela lui arrivait souvent. Il n'avait pas ajouté qu'il cauchemardait depuis son adolescence. Ce n'était pas une information pertinente. Mais l'homme était venu vers lui, lui avait parlé de lui-même. Juste un pas en avant. Hadrian avait appris plus tard qu'il s'appelait Maldwyn Jones. Et chaque semaine, il le voyait. Chaque semaine, ils échangeaient quelques mots rapides, un bref sourire compréhensif l'un envers l'autre. Puis, un jour, cet homme arrêta de venir. La première fois, assis sur sa chaise, droit comme un piquet, les mains posées sur les genoux, Hadrian fixa la porte d'entrée durant toute la séance en attendant, patiemment, que Maldwyn Jones vienne. La seconde fois, il fît semblant d'écouter les autres parler, le regard perdu dans le vague, à l'écoute d'un simple bruit qui lui signifierait l'arrivée de cet homme. La troisième fois, il avait participé au minimum à la séance avant de se lever pour aller voir le psychologue chargé de la session.

" Il a fini ses séances. ".


Sous-entendu : il ne viendra plus. A partir de ce moment, Hadrian avait abandonné la thérapie. De toute façon, elle ne lui avait rien apporté, sinon un peu plus de tristesse. Il avait hésité à retrouver l'endroit où Maldwyn Jones habitait. Juste pour voir. Il s'était abstenu. C'était un peu comme si, depuis ce jour, il n'avait cessé de pleuvoir.

Le hic et le nunc. Ici et maintenant. Hadrian refusait de croire au destin mais cela pouvait être plausible, après tout. Il ne le sait pas encore mais il est déjà mort. La pluie s'abattait de plus en plus fort sur la ville. Il avait sorti son appareil photo : si le temps ne s'y prêtait pas, la lumière était parfaite. Il avait caché l'objectif tout contre son pull pour le protéger et s'était finalement abrité sous un kiosque pour attendre que le temps, que la pluie passe. C'est impossible. En marchant, il avait pensé à lui. Où est-il en ce moment ? Que fait-il ? C'était impossible qu'il soit là. Endormi. Il n'avait pu résister : il leva son appareil et appuyer sur le cran avec son pouce pour faire avance la pellicule. Le cliquetis était si faible, même Hadrian ne l'entendit pas avec le vacarme que causait la pluie. Il appuya sur le détonateur et pris la photo. Le moment où les rêves devenaient réalité. Il n'avait pas besoin de gaspiller toute sa pellicule ; le portrait de Maldwyn Jones était capturé à tout jamais. Il laissa l'appareil retomber contre son torse, observant de ses yeux l'homme endormi. Peut-être lui avait-il vraiment volé son âme en le photographiant. Peut-être était-il vraiment mort.

Sa main hésita longuement avant de se poser sur son épaule. Une simple pression, une simple vérification. Un long frisson lui parcourut le corps et il recula, le souffle court. Quelque chose lui murmura que Maldwyn Jones n'aimait pas ça, qu'on lui touche l'épaule. Un brin de dégout, un relant dans le fond de sa gorge et cette sensation de se sentir sali. Hadrian cligna des yeux avant de les baisser, déglutit. Les mots sortaient de sa bouche sans aucun filtre.

" Pardon. Je pensais que tu étais mort. "


Son menton se releva faiblement. Il se souvenait de son prénom ? Hadrian ne put réprimer un petit sourire satisfait. Quelqu'un s'était souvenu de lui. J'existe vraiment, alors. Et toi aussi, tu existes.

" Oui. C'est ça, Maldwyn Jones. Tu as arrêté de venir, d'ailleurs. C'est dommage. ".


La tête penchée sur le côté, il haussa les épaules. C'était réellement dommage, vu la tête qu'il avait avec ses cernes de trois kilomètres de long, ses yeux injectés de sang et le bleu au coin des lèvres. Il frémit. Le froid ou l'excitation de développer sa pellicule, de s'apercevoir que l'hématome serait visible même sur la photo ? De son index, il pointa le livre que Maldwyn avait entre les mains.

" Il a pris l'eau. ".

Petite constatation. Il aurait pu ajouter qu'il était pieds nus aussi, que ses cheveux et sa barbe étaient humides, que ses vêtements lui collaient à la peau et qu'il avait toute la place du monde alors pourquoi se décaler ? C'est pour moi ? Il lui fallut un petit moment avait de véritablement réaliser qu'il lui offrait une place à ses côtés. Un peu perturbé, gêné, il s'assit maladroitement sur le banc, rabattant son sac à bandoulière sur ses genoux, droit. Le silence ne le pesait pas. Il était bien trop heureux pour se rendre compte que la situation pouvait être gênante. Il souriait faiblement. Il était bien trop heureux de partager un moment avec un autre être humain.
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Comfortably numb ¤ Hadrian - Dim 13 Mai - 23:27


Il y a toujours quelque chose qui nous dérange. D'abord chez les autres : une manie, un opinion, un nez pas tout à fait au milieu du visage. Puis par un jeu de miroir inversé notre peau devient bien trop grande pour nos petit drames, nos bras pas assez long pour attraper les ambitions à bras le corps de cet épiderme hérissé d'aiguilles. On se hait plus facilement que l'on s'aime, on frappe plus fort qu'on enlace. Il y a une dissonance entre ce que l'on est et ce que l'on aimerait être. Je me contente d'exister. Je suis perdu dans le temps, il n'y a que les sons et les odeurs pour me maintenir dans l'instant présent. Je sais que j'ai un problème, que mon horloge à plus l'air d'un coucou suisse passé sous les rails d'un train. Enfin, les rails de coke. Mais autant que cette conscience m'éclaire, ce constat handicape ma prétention à une vie heureuse. Je suis maudit par cette remise en question trop humaine. Trop honnête. Je regarde sans réagir ces modèles de normalité autour de moi. Je n'envie pas, je me demande à juste titre ce que cela ferait de ne pas être à ma place. Être autre ; qu'un tas chaotique de non-sens tel que moi attire plus que de la pitié ou des sourcils froncés. Ou des types bizarres dans le cas présent. J'aurais pu avoir les responsabilités de mon âge, mon essence miniaturisée dans une autre existence qui elle aussi en créera. Et encore, et encore. Une immortalité scientifique, métaphysique. Je pourrais être à l'origine de millions de possibilités parmi lesquelles, peut-être, une valable. Une vie réussie. Je peine déjà à évaluer la mienne. Je pourrais rentrer chez nous au lieu de rentrer chez moi. Ce chemin n'est simplement pas le mien. De home sweet home à American dream, ma devise est plutôt everything goes. Je ne suis ni condamné à toucher le fond, ni à m'élever au plus haut. Je suis l’insolente moyenne, l'équilibriste qui menace toujours de perdre pied mais qui sourit en se relevant d'une chute. Toutes ces vies que je ne mènerai pas, il ne sert à rien de les pleurer. La normalité ne se définit que par son contraire. Le bonheur ne se trouve que dans sa recherche. Rectification, le bonheur se trouve dans un plancher vermoulus et une philosophie introspective à deux balles pour oreiller. Je l'aurais eue finalement, ma sieste de clodo.

A ses yeux j'étais mort. Si les mots me fond d'abord sourire de la blague, j'entraperçois un semblant de rudesse qui me rends confus. C'est donc à cela que je ressemble lorsque je ferme les yeux ? Un cadavre abandonné, seul. Pas étonnant que je n'ai pas attrapé une nana depuis longtemps. Sa manière de me regarder me mets mal à l'aise. C'était la même chose pendant les thérapies de groupe. Même depuis l'autre côté du cercle je pouvais sentir sa manière... particulière de me scruter. J'ai cette sale manie de fixer un élève en particulier quand je fais cours, alors je peux difficilement parler. Mais ce type avait quelque chose qui m'empêchait de le regarder en face. Peut-être parce qu'on aime jamais trop regarder son reflet quand on a quelque chose à se reprocher. Je ne sais même pas pourquoi je lui ai adressé la parole au final, peut-être parce qu'aucun autre membre du groupe ne le faisait. Peut-être parce que personne ne me parlait à moi aussi. « Vous aussi vous faites de la paralysie du sommeil ? » Une évidence de situation ridicule qu'il m'avait néanmoins fait du bien de formuler. J'étais en face de quelqu'un qui était capable de comprendre au moins un minimum ce que je ressentais. Alors j'ai flippé, et dès que les séances forcées furent finies j'ai décampé.

Je ne peux pas prétendre connaître plus que son prénom, je suis déjà étonné de m'en souvenir. Quoique, cette manière de m'observer, à la fois ahurie et contrôlée est tout aussi étrange et mémorable. Il me fait penser à ces élèves qui restent toujours au fond de l'amphithéâtre, ceux qui ne lèvent jamais la main pour poser de questions et qui ont cette capacité surnaturelle à s'effacer lorsque l'attention se porte sur eux. Je le dévisage sans le vouloir. Sa grande silhouette dégingandée qui projette son volume maladroit sur moi. Le feu de ses cheveux et de sa barbe, l'unique couleur éclaboussée sur son visage. «  Il a prit l'eau. » Sa manière de parler est particulière, il compte chaque syllabe comme si cela avait son importance. Ses mains tiennent fermement l'appareil photo autour de son cou lorsqu'il parle. Est-il photographe ? Plutôt mauvais temps pour prendre des clichés, pas que je sois un expert.  Quelque chose d'incompréhensible a déformé ses traits lorsque je l'ai invité à me joindre. Merde, j'espère que c'était bien le geste à faire. Est-ce que c'est suffisamment poli ? Aurais-je dû m'abstenir ? Je retiens ma respiration un instant avant de détourner la tête. Au final il n'a pas l'air si bizarre, juste tout aussi dépité que moi de se retrouver coincé au milieu d'un parc avec les chaussures pleines d'eau.  

Le silence est retombé, il n'y a plus que la constante de la pluie sur la toiture du kiosque pour murmurer à nos oreilles. Nous évitons de nous regarder. Après tout nous sommes deux étrangers que des circonstances aléatoires ont rassemblés. Il s'est assit dans le malaise le plus complet, le plancher de la structure a à peine craqué sous son poids. J'esquisse un geste pour me saisir de nouveau de mon livre avant de comprendre la situation. Il ne faisait pas référence à son bien, mais à mes affaires qui ont souffert de ma sieste impromptue en plein orage. Je soulève le pauvre volume encore ouvert pour le poser sur mes genoux, d'énorme traces humides ont déjà commencé à brouiller l'encre de couleur sur les illustrations. Même dans toute ma virilité affirmée cela me brise le cœur de voir l'objet à ce triste sort et je n'arrive pas à retenir un soupir peiné. Je lève le visage vers le toit au dessus de ma tête, aussitôt attaqué par une énorme goutte en plein front qui me fait fermer violemment les yeux de surprise. Headshot. Dieu vient de me cracher à la figure et bénir ma tronche de con, amen. L'eau coule sur mon visage et je m'ébroue maladroitement, essuyant ma face d'un revers de manche assez brusque. Je lâche un juron. C'est bien ma veine, de tous les endroits que j'aurais pu choisir je me suis décidé sur celui qui tombe en ruine. Je me tourne vers mon compagnon d'infortune pour lui adresser un sourire un peu gêné. Je ne sais pas trop comment aborder la conversation, ou si même les mots sont nécessaires dans ce genre de situation incongrue. Je reporte mon attention sur le livre endommagé sur mes genoux, passant mes doigts sur l'illustration de la page de droite qui représente un énorme monstre infernal. Le dessin est déformé, encore plus hideux ainsi. Grattant du doigt le papier mou, je fais un trou dans la tête de la bête avant de refermer le volume et de le lâcher sur mon sac d'un geste nonchalant. Je souhaiterai être remboursé pour cette journée tout entière, merci. Le froid et l'humidité me font frissonner, je ne suis pas exactement sec non plus. « Quel temps affreux. » Une constatation inutile, la banalité d'introduction d'une conversation. Je me masse la nuque pour tenter d'apaiser l'inconfort, faisant un signe de tête à mon comparse. « Tu as réussis à prendre des jolies photos malgré la pluie ? T'es photographe c'est ça ? » Il est temps de briser l'iceberg d'embarras entre nous. « T'as quelques clichés à me montrer ? » Je réalise que j'ai parlé trop vite, en observant de plus près l'appareil qu'il tient. « Ah un argentique. Ça fait longtemps que j'en ai pas vu. Je pensais que ça s'utilisait plus. J'ai jamais trop compris comment ça fonctionne pour être honnête. » Je reporte mon attention sur la pluie, frottant les phalanges de mes doigts pour les réchauffer. Même si j'ai dormis un peu, je me sens encore plus en vrac qu'avant. J'aimerai m'échapper de ma carcasse, juste une fois.
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Comfortably numb ¤ Hadrian - Ven 18 Mai - 19:40


    Pour la première fois de sa vie, un murmure doux à son oreille : tu n'es pas seul. La voix qui hurlait contre ses tempes s'était tue. Hadrian savait que cela ne durerait pas, qu'il y aurait toujours ce petit monstre en lui pour lui dire que sa vie ne sera jamais aussi belle qu'il le voudrait, qu'il aimerait. Mais dans sa solitude constante, il avait enfin le droit à un peu de repos, à un peu de chaleur humaine. Dans sa joie, il n'arrivait même pas à ôter ce petit sourire de ses lèvres et ne sentait même plus ses vêtements humides lui coller à la peau. Il devait très certainement ressembler à un chien mouillé, voire peut-être même à un itinérant avec sa barbe qu'il n'avait pas rasé depuis plusieurs jours et ses habits trop amples pour sa morphologie. Oui, il devait avoir l'air bien minable et son sourire retomba alors qu'il essayait d'arranger un peu ses cheveux en bataille, le plus discrètement possible. S'il avait su qu'il se retrouverait en présence d'une autre personne, une personne avec qui il pourrait discuter, il aurait fait un effort. La joie avait fait place à l'inconfort. L'inconfort au malaise le plus total. Le silence ne le dérangeait pas, c'était tout son être qui le dérangeait. Stupide. Imbécile. Sa mère avait raison : il finirait seul. Personne ne voudrait s'approcher de lui. Il était bizarre, ses vêtements étaient bizarres, tout ce qui se dégageait de lui était bizarre. Sa tête se pencha faiblement sur le côté alors qu'il tentait de lisser une mèche de cheveux contre son oreille.

    Sans tourner la tête, il observa du coin de l’œil l'homme assis à ses côtés. Malgré sa fatigue et ses vêtements trempés, de cette allure nonchalante se dégageait un certain charisme. Lèvres pincées, Hadrian pensa qu'il devait avoir beaucoup d'amis. Oui, Maldwyn Jones avait l'air d'être le genre d'homme inaccessible et mystérieux qui donnait envie de s'approcher de lui, de le connaître. Quelles étaient les chances pour qu'il s'intéresse à quelqu'un comme Hadrian ? Ses doigts serrèrent davantage son appareil photo, rentrant ses ongles dans la sangle. La pluie continuait à s'abattre au-dessus d'eux. Faites que la pluie ne s'arrête jamais. C'était peut-être le seul moyen de retenir l'homme à ses côtés, le seul moyen d'avoir un semblant de vie sociale, le seul moyen d'espérer un peu.

    Cette fois, il tourna complètement la tête vers Maldwyn, scrutant chacun de ses gestes comme s'ils étaient la chose la plus précieuse au monde. En enregistrant ses moindres faits et gestes, il arriverait sûrement à les reproduire et, par mimétisme, devenir quelqu'un d'à peu près normal. La façon dont cet homme tenait le livre mouillé lui arracha une petite moue. Il y avait de forte chance pour que le livre soit foutu. Puis il leva le menton pour fixer la toiture avant de baisser les yeux sur les lèvres de Maldwyn. Il ne jurait ni ne sacrait. C'était peut-être la clé pour être comme tout le monde. Ses sourcils se froncèrent légèrement, acquiesçant du bout du nez comme s'il venait d'apprendre une formule essentielle pour réussir sa vie. Il s'humecta les lèvres tout en regardant l'homme droit dans les yeux :

    " Il faut mettre du papier journal entre chaque page. ".

    De son index, sans le quitter à un seul moment des yeux, il désigna le livre amoché. Dans son esprit, il avait mimé le geste mais seuls les mots avaient réussi à sortir de sa bouche, de son corps. Il était resté planté, droit, tenant son appareil photo tout contre lui, sans rien pouvoir ajouter de plus. Le temps était dégueulasse, c'était certain, mais Hadrian était bien content. Le soleil pouvait bien rester caché. De toute façon, il ne cessait jamais de pleuvoir au-dessus de sa tête, pour une fois que cela l'arrangeait.

    Sa familiarité lui redonna le sourire et ses yeux s'ouvrirent en grand. Il connaissait un peu la photographie pour pouvoir différencier un appareil photo argentique et numérique. Une chaleur incroyable envahissait son corps et le réchauffa d'un coup. Cette fois-ci, Hadrian acquiesça plus vivement, soulevant un peu l'appareil pour le lui montrer, se rapprochant beaucoup plus de Maldwyn, sans se rendre compte qu'il était entré dans son espace personnel :

    " Oui oui, c'est bien un argentique, tu as l’œil. C'est très simple d'utilisation et la qualité des photographies sera toujours supérieure à celui d'un numérique ! Ça ne s'utilisait plus trop mais les gens ont bien compris que les photos sont plus belles en argentique. ".


    Hadrian ne savait pas trop quel pronom utiliser et emmêlait parfois mais il s'en fichait : Maldwyn Jones s'intéressait à son appareil photo et à ce qu'il faisait. Tout en faisant attention à ne pas cogner l'homme ou mouiller son appareil, il le retira de son cou pour se pencher sur lui et lui montrer le fonctionnement de l'objet :

    " Regardez, regardez : là, avec cette molette, tu peux régler toi-même le temps de pose et l'ISO. Mais j'ai déjà fait les réglages. ".

    Sans se soucier de la proximité ou même de son consentement, Hadrian glissa l'appareil autour du cou de l'homme avant de continuer son cours sans reprendre son souffle une seconde :

    " Et puis là, avec l'objectif, vous allez pouvoir régler le champ de profondeur, la netteté, quoi. Allez-y, regarde dans l'objectif pour essayer ! Et si tu veux prendre une photo, tu n'as qu'à armer la pellicule là et appuyer sur le bouton ici pour déclencher ! ".


    C'était clairement le plus beau jour de toute sa vie.
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Comfortably numb ¤ Hadrian - Sam 19 Mai - 2:23




Mon esprit est un bruit de fond incessant, une fréquence personnelle que je peine pourtant à comprendre. Mes pensées s’entrechoquent entre sentiments contradictoires et anxiétés volatiles. Malgré la pluie, malgré cette torpeur qui m’invite à rendre les armes et me détendre pour de bon, je n’y arrive pas. Il y a quelque chose en lui qui n’arrive pas à m’apaiser, un je ne sais quoi qui me laisse sur le qui-vive. Je ne suis pas en confiance. Peut-être suis-je juste un peu trop sur mes gardes constantes, ou simplement un handicapé social. Je ne sais pas lâcher prise. Merde, même ma prise de drogue est plus un besoin de contrôle qu’une échappatoire récréative. Entrave inébriante, euthanasie auto-administrée de ce moi que je traîne comme un boulet au bout d’une chaîne. J’ai le numéro de dizaines de personnes que je n’appelle pas. Je suis un étranger au sein de ma propre famille. Je n’ai jamais réussis à m’intégrer avec mes collègues. Simplement parce que j’ai creusé ce gouffre solitaire avant de m’y jeter. Je ne sais plus gérer l’intimité, j’ai l’impression que ma vie s’est rétrogradée avec le temps. J’ai besoin d’une mise à jour, de réapprendre le contact, laisser une porte ouverte sans ressentir le besoin de la refermer aussitôt. Après tout si j’ai les noms de toutes ces personnes fantômes, ces photos de visages dont je n’arrive pas complètement à me souvenir, c’est bien qu’un jour j’ai su comment être normal.

Pourtant je doute de ma capacité à m’ouvrir. Surtout quand j’échappe un frisson incontrôlable lorsqu’il s’approche plus près de moi. Non, respire, tout va bien. C’était juste le coup de la surprise. Est-ce que je l’ai tutoyé ? Je ne m’en suis même pas rendu compte. Mon propre paradoxe me rends fou. Je répugne le contact et pourtant mes lapsus révèlent une recherche de proximité. Il ne s’en est pas offusqué, bien que nous soyons deux étrangers. Ses mots sont dissonants, fébriles et oscillant nerveusement entre distance et proximité. On dirait qu’il hésite autant que moi sur la marche à suivre. Il se penche pour me montrer son appareil photo plus en détails. Je peux voir ses tempes, là où les racines de ses cheveux sont d’un roux plus sombre. Il est passionné par le sujet, j’ai touché la corde sensible de sa personne. Et cela me mets encore plus mal à l'aise. C’est hypocrite de ma part je le sais, moi que l’on ne peut arrêter lorsque l’on me lance aussi sur mon domaine de prédilection. Mais ce qu'il fait ensuite m’arrache un sursaut violent, au point que ma main a attrapé son poignet avec force. Geste défensif, réflexe idiot. Je regarde hébété l’appareil photo autour de mon cou comme si je m’attendais à trouver un anaconda. C’est une sensation étrange, triviale. Je lâche rapidement son bras, il ne semble pas avoir remarqué ma réaction disproportionnée. Enfin difficile à dire, mon regard s’étant obstinément détaché de son visage. Mes mains se posent sur l’objectif. L’objet est étonnamment chaud, comme si la chaleur de son propriétaire s’y était logée. J’ai la nausée.

J’essaie de suivre ses instructions, mon cerveau nageant complètement dans l'océan d’informations. Donc si je mets mon doigt ici je prend une photo. Et ici, je règle le zoom. Cela peut paraître idiot, mais je n’ai jamais été très familier avec la technologie. Même si la technologie en question date un peu. La chose la plus évoluée dont je dispose malgré moi est un ordinateur portable. Et encore, la plupart des fonctions me sont inconnues. Je prépare mes cours sur le papier la plupart du temps. Je préfère le contact, la couleur de l’encre et les arabesques de ma propre calligraphie au ronron d’un système. Je suppose qu’il dise aimer la photographie argentique plutôt que la numérique pour les même raisons. J’ose déjà à peine toucher l’appareil photo alors qu’il m’invite avec passion de l’essayer. Je ne suis pas du tout sûr de moi. Après une longue hésitation je finis par m’exécuter, osant enfin coller mon œil contre l’objectif. Je ne vois rien d’autre qu’une tache floue, un mélange de gris et de vert. Je peux sentir son regard sur moi, celui du maître à son élève. Étrangement, je ne veux pas le décevoir. Prenant une inspiration, je passe rapidement en revue les quelques bribes de mots qui me sont parvenus. Ah oui, régler l’objectif. Mes doigts encerclent l’objectif et tout à coup l’image se fait claire : je peux voir nettement l’arbre de l’autre côté du ponton. Une vague excitation m’anime. Je me demande jusqu’où je peux voir ainsi, mon cou s’allongeant inutilement alors que j’amplifie le champ de… profondeur c’est ça ? J’arrive maintenant à voir la rue de l’autre côté du parc, bien qu’un peu floue. Un large sourire se forme sur mes lèvres alors que j’éloigne mon visage de l’appareil. Je tourne mon visage vers Hadrian. Il ne me semble pas si inquiétant tout à coup. C’est de ma faute, depuis le début je n’ai fait que le juger sans même le connaître. J’ai prétendu tout savoir alors que je ne faisais que projeter mes démons sur lui. Je mérite mieux que ce rejet constant d’autrui. Il mérite mieux.   « Si tu veux, mais ne viens pas te plaindre si ça sera la photo la plus hideuse que tu as jamais vu.  » Mes mots m’étonnent, mon tutoiement persistant aussi. « Alors maintenant ne bouge plus, je ne voudrais pas gaspiller ta pellicule.  » Il me faut laisser une porte ouverte. Ce n’est rien d’autre qu’une conversation plaisante. Une entrevue amicale.

Je me redresse non sans une grimace, prenant soin de protéger l’appareil de mes mains alors que je descends du kiosque. Mes pieds nus écrasent la terre gorgée d’eau, je peux sentir les gouttes battre sur ma nuque. Il me faut être rapide, même en étant encore un peu protégé par l’auvent du toit j’ai trop peur d’abîmer l’objet avec la pluie. Mon œil revient se coller contre le viseur. Je peux voir son visage de près, mais ce n’est pas comparable à sa proximité de plus tôt. Il me fixe droit dans l’objectif. Merde, il a l'air sérieux. Je déglutit, mes doigts tremblant un peu. Je tâtonne pour trouver le déclencheur, finissant par trouver le relief d’un bouton.  « Et on dit cheese pour la photo. » Mon ton est enjoué, je crois que je viens enfin de lâcher prise. Je sais que c’est la phrase à dire avant de prendre un cliché. Mon index appuie sur le bouton, puis dérape. Un déclic se produit. Mais ce n’est pas celui attendu. Je fronce les sourcils. Il ne m’a pas expliqué si je devais faire autre chose. J’observe l’appareil photo avant de comprendre : ce n'est pas le déclencheur, mais le cache de la pellicule que mon doigt vient d’ouvrir. Le battant est à jour de quelque centimètres. Même sans être un expert, je ne suis pas assez idiot pour ignorer que je viens probablement de ruiner toute la pellicule. Je manque de faire un pas de recul, avant de me souvenir de la pluie. « Je… Je suis désolé…  » Je ne sais pas quoi dire d’autre devant ma bêtise des plus maladroite et ingrate. Mes doigts se pressent pour refermer le cache, retirant en toute hâte la sangle comme si cette fois j’étais certain que ce fut un serpent venimeux.  « Je suis désolé Hadrian…  » Je le suis vraiment. Putain, je me sens tellement idiot. Je détruit ce que je touche. Je pose l’appareil photo sur ses genoux avec précautions, reculant de nouveau. Hors de la protection du toit, hors de ce semblant d’échange social et amical. Je plonge une nouvelle fois dans mon gouffre. Le bas de mon pantalon est trempé, mes cheveux commencent à me coller au visage. Ma joue tuméfiée, mais c’est mon cœur une fois de plus qui vient de lâcher. Ainsi, je suis plus misérable que la pluie et le ciel gris réunis.

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Comfortably numb ¤ Hadrian -

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