Hurlements qui résonnent dans l'immeuble désaffecté. Ça crie à tout va, ordres aboyés, menaces dégueulées. Branle-bas de combat dans ce repaire de camés miteux. L'opération de police a été lancée il y a à peine quelques minutes. Toxicomanes trop défoncés, réduit à l'état larvaire, qui se laissent cueillir comme des fleurs par les forces de l'ordre. D'autres, au contraire, s'activent, boostés par l'adrénaline et les merdes qui inondent leur système sanguin, leurs muscles et ce qu'il reste de leur cervelle. Ils courent, tentent d'échapper à ces gens en uniforme qui veulent les embarque, et lorsqu'ils n'y arrivent pas, ils attaquent, chiens galeux, sauvages qui refusent de se laisser mettre en cage.
Et au milieu de tout ce fatras, il y a lui. Le seul lucide parmi cette espèce viciée. Le roi borgne venu vendre sa came à un prix d'or à toutes ces âmes en manque de défonce. Sa Majesté déchue, tête à la couronne rouillée qui cherche à s'enfuir. Les premiers étages ont été nettoyés, seul reste le sommet. Drôle de réflexe que voilà, d'aller chercher le salut en hauteur quand bien même le seul moyen de ne pas être pris ne sera plus que celui de faire le grand plongeon. La solution viendra plus tard, tout ce qui importe maintenant est de gagner du temps. Alors il court, bouscule les zombies sur son chemin pour mieux grimper les escaliers, trouver refuge au dernier étage. Et se retrouver bloqué. Connerie, donc.
Il tourne en rond, cherche ce qui pourrait être une sortie secondaire, un vestige d'escalier de secours. Mais il n'y a rien. Juste lui, dans cette pièce vide. Et le brouhaha des hommes en uniforme qui se fait déjà entendre dans les escaliers. Pris au piège, Odin. Il peut déjà entendre les barreaux de la cellule se refermer sur sa carcasse. Quelques pas en arrière et la charogne finit par buter contre un mur, face à l'encadrement de la porte. Demi-tour, le front qui s'accole contre le mur, à croire qu'il se résigne. Non, non. Le Roi ne se laissera pas prendre aussi facilement.
Le crâne qu'il vient alors écraser contre le béton du mur, une première fois. Puis une deuxième fois, plus fort. Suivi d'une autre fois. La douleur comme stimulus, pour le réveiller. Dernier recours d'un Dieu en détresse. La douleur pour réveiller la rage.
Tu vas être attraper, Odin. Pourtant il sent le brasier se réveiller, au fond de sa poitrine. Flamme timide qui ne s'attise que lentement. Pas assez vite. Le front qui se fracasse plus rapidement, plus fortement.
Tu es fini, Odin. Car déjà, ils sont là, à lui gueuler de se mettre à genoux, les mains sur la tête. Qu'ils aillent crever. Odin continue son manège, silhouette dérangée à leurs yeux. Si seulement ils savaient que le tonnerre commençait à gronder pour eux. Mais ils sont ignorants. Alors l'un d'eux s'approche, pose sa main sur le corps du Dieu, le force à se mettre à terre. Comme si ce serait suffisant. Non, il n'obéira pas. Les tympans sont vrillés par ses cris, la gueule salie par le carmin dégoulinant. Et l'incendie qui se déclare dans ses veines avec le premier coup que l'officier lui porte, pour le mettre à terre. Il cogne, s'acharne sur le borgne qui pose un genou à terre, en pensant le soumettre, inconscient de ce qu'il éveillait. La flamme qui devient feu, le feu qui devient brasier puis incendie, attisé par les impacts.
Ça se répand dans son sang, ça submerge ses neurones. Bête relâchée, grondante, renforcée par ses ennemis. Le Berserk qui attrape le bras prêt à frapper. La prise qui se fait étau. La dextre qui broie les os, pousse l'autre à gueuler sa douleur. C'est trop tard. Le crâne du policier d'attrapé et Odin qui vient le fracasser contre le mur, brutalement. Craquement sinistre qui se fait entendre avant que le flic ne s'écroule comme une pantin désarticulé. Grognement de la part du Roi, alors que les deux yeux sont désormais ouverts.
Un de moins, beaucoup restant.
