Le dégoût au bord des lèvres, Rafael réprime un haut-le-coeur. Ces femmes qui se font entreprendre au bord de la route, trop dénudées, trop farouches. Ouais, ça le dégoute, ça le dégoute. Il ne sait pas ce qu’est le pire. Ces porcs qui viennent trop de fois fourrer leurs groins immondes entre les cuisses de ces douces créatures, ou bien ces-dites douces créatures vouées à une existence de vices et sévices par absence de choix. Ces mots résonnent en lui ; we always have a choice. Ceci est bien l’une des leçons à tirer à cause de ce don maudit : même celle extirpant la vie de ce mari trop violent, a eu le temps de contempler l’idée de saisir ce couteau ou non, de le planter une seule ou plusieurs fois, de s’enfuir au lieu de rester, de s’enfuir au lieu de tuer. Un frisson lui parcourt l’échine ; cette rue qui respire le péché lui donne la nausée. Ses sens sont en éveil, il a l’impression d’être celui qui pourrait se faire prendre par surprise par ce don excité face à cette atmosphère de débauche et de turpitude. Il regarde, observe. Et puis il l’entend encore, ce murmure, toujours le même, incandescent dans son esprit tourmenté : unleash it, your wrath, against all those rotten sinners. Alors d’un coup, c’est lui-même qui se donne la gerbe, rongé par ces pensées à damner. What a wretched mind that is mine.
Il appuie son index contre le pont de ses lunettes, les enfonce un peu plus contre ses petites orbites qui s’efforcent d’éviter tous les regards. Mais aujourd’hui est un bon jour, ce soir une belle soirée. Alors ses petits verres ronds sont bleu clair, lui donnent des airs de Tony Stark ou d’enfant sorti tout droit des nineties. Drôle de se dire que quelques années en arrière il aurait été complètement has-been, alors que maintenant le voilà à la pointe d’une mode vintage qu’il ne cherche même pas à suivre. Rafael, c’est un peu un mec qui a son propre sens de l’esthétisme de toute façon. Critiquer sa façon de s’habiller est un choix qu’il laisse libre à chacun, il est suffisamment mature pour réussir à ne pas céder à ses envies de cogner tous les rageux qu’il croise… Enfin, ça encore, ça dépend des jours.
« $150, please. » Damn, didn’t realize fucken love hotels were so expensive. Un soupir plus tard, le voilà qui déballe son cash devant le quadragénaire. Un bel homme, à vrai dire, à l’image de cet endroit à l’ambiance feutrée, aux murs noirs et aux lumières rougeâtres. Bel homme qui doit se demander ce qu’un si jeune garçon vient foutre là, au milieu d’un quartier rempli de prostituées et de vieux en manque de ce que leur femmes ne peuvent leur donner. Mais bon, ce n’est pas son problème dans le fond.
« It’s room 313. Third floor on your right. » Rafael acquiesce d’un simple hochement de tête, avant de disparaître dans les escaliers en ignorant l’ascenseur. L’effort le recentre, canalise son énergie et l’aide à oublier l’infamie débordante dans ce quartier corrompu. L’hôtel en lui-même fait presque office de bulle, sérénité au milieu de toute cette débandade. Il voit un couple roucouler dans le couloir, en entend un autre se crier son plaisir derrière la porte fermée de leur chambre. Rafael rougit, claque la langue, accélère ; il n’est pas venu ici pour jouer les pervers.
More likely for this, pense-t-il en découvrant la pièce pour laquelle il vient de claquer son argent. Murs aussi sombres que le reste de la bâtisse, de minuscules diodes électroluminescentes parsèment le plafond et lui donne des allures de ciel discrètement étoilé, habillé d’une charmante voie lactée. Il se revoie encore taper, gêné, les petits mots clés dans sa barre de recherche Google.
arcadia nice places to stay with boyfriend
En même temps, c’était pas ça, un peu ? Il avait cherché longtemps, un endroit bien, qui pourrait plaire à syn. Un truc différent de l’endroit miteux où ils s’étaient retrouvés pour la première fois. C’était bien, puisqu’ils étaient ensemble, mais Rafael voulait rendre l’expérience la plus agréable possible pour l’objet de son amour. Après tout, il lui retirait déjà tellement. Et puis il est tombé là-dessus, sur ce love hotel. C’est sûr que lui dire de venir dans ce quartier pourri de la Bratva n’était peut-être pas la plus brillante de ses idées, autant pour syn que pour lui-même, mais c’n’est pas sa faute d’avoir flashé sur ce ciel étoilé, non ? Il s’en souvient encore, de la touchante tirade de syn au sujet de ces douces nuits parées d’une belle lune argentée. Ces LEDs ne sont que des détails, mais les détails, Rafael les affectionne. Après tout, ce sont eux qui font toute la différence, pas vrai ?
Il roule sur le lit pour atteindre la table de chevet, attrape la télécommande qui y siège. How does this damn thing work? Il clique un peu sur n’importe quoi, histoire de voir ce que ça fait. Pendant un instant, il plonge la chambre dans une ambiance de discothèque à cause de putain de lumières style boule à facettes, avant de se retrouver dans un noir bien trop profond. Et puis, voilà il trouve ce qu’il veut. Un lueur bleutée sort du bas des murs pour se refléter sur le sol, et admire avec fascination l’imitation réussie du mouvement de l’eau lorsque son pied touche le sol. Au moins, maintenant, ils ne seront pas complètement aveugles et ne risqueront pas de se casser la gueule.
On toque à la porte. Son coeur s’emballe ! Il déglutit, se passe une main dans les cheveux. Dumbass, who cares about your fucking haircut, he’s not going to see it anyway. Il souffle contre sa main, vérifie qu’il a bonne haleine. Le garçon se précipite alors derrière la porte, silencieux. Without answer, he’ll come in. La poignée qui se tourne vient confirmer ses pensées, il s’en félicite. Il se ratatine entre la porte et le mur, soupire de soulagement en constatant qu’elle n’est pas ouverte en grand avant de se refermer. Le prophète sourit, laisse son index glacé glisser le long de la nuque de l’arrivant avant de s’arrêter à la base de ses cheveux. « Hello, newcomer. » Un murmure glissé à l’oreille, discret et à sa place au milieu de ces lumières trop tamisées pour éclairer plus que leurs chevilles. Son sourire se perd dans l’obscur, mais qu’importe. fr0st retrouve son syn, la Terre peut s’ouvrir en deux qu’il n’essaierait pas de la secourir.
fr0st: ima take out dat boss then i think i’ll log off but, we can keep on talkin on discord afterwrds, ‘k?
"I thought about how there are two types of secrets: the kind you want to keep in, and the kind you don't dare to let out. (@ally carter // beerus)
C’est la porte de la frustration et du doute qui se tient devant lui. Cette porte qui aurait tout aussi bien pu être ornée du numéro 666, car elle mène à l’Enfer même. Souffrir du bonheur que l’on reçoit, n’est-ce pas là la plus belle et délectable des tortures ? Oh, il est si pressé. Si pressé de le voir et si mortellement furieux, aussi, de se dire que la seule chose qu’il verra sera le noir sans faille d’une pièce qu’il n’aura pourtant pas envie de quitter. Encore. Et il commence à se dire que ce “encore” deviendra “toujours”. Parce qu’il n’a pas voulu lâcher la laisse de ses sentiments naissants pour celui qu’il pensait fait pour lui, le voilà pris au piège d’une situation incontrôlable. Il se retrouve dans le quartiers des bonnes putes où nichent tous ces queutards de la Bratva, dans un love hotel de grande classe choisi par les soins d’un certain Fr0st. Haku lâche un petit rire nerveux qui secoue ses épaules. Il ne connaît même pas son pauvre prénom, après trois ans de conversation, et il est encore là, à l’appeler Frosty de temps à temps parce que c’est le seul surnom qu’il ait pu trouver, comme ça, de but en blanc. Le seul surnom qui ne fasse pas trop pseudo de tueur pro du headshot sur Counter Strike, et qui se rapproche plus du nom d’un chien. Parce qu’au moins un chien c’est réel et c’est mignon. C’est mieux. C’est un pas de plus vers l’humanité faite de chair et de sang, et non pas de pixels. Putain, ça lui fait mal au coeur, de l’aimer si fort qu’il ne peut même pas voir là dedans une bonne raison de mettre un terme à toute cette mascarade.
Mais il reste devant cette porte, tout seul à ne rien faire, et ce même s’il sait pertinemment qu’on l’attend impatiemment. Il est venu à reculons. Il est venu en courant. Haku ne sait plus, était-ce à reculon ou en courant ? Le mystère ne sera jamais résolu. Parce qu’il sait que, bientôt, il devra se fondre dans la masse de néant que même lui, dieu, ne pourra pas vaincre. De cinq sens, il passe à quatre. Oui, il peut l’entendre, il peut le sentir, le toucher, le goûter. Surtout le goûter. C’est pas ridicule ça, putain, de baiser un mec dont il n’a jamais vu les yeux ? Il ne pourrait pas être plus pansexuel qu’il ne l’est maintenant parce qu’il sort avec une fucking ombre. Ah mais putain de merde ! Il l’aime et ça le fait chier ! Le demi-dieu ferme les yeux aussi fort que possible pour stopper la progression de quelques larmes tout droit venues de ses glandes lacrymales de faiblard émotif. Il devrait être content, ils ne peuvent pas se rencontrer si souvent que ça. Un gros soupir quittent ses poumons avant qu’il ne se torde le cou pour l’entendre craquer. Qu’il se remette un peu les neurones en place. Au moins, Fr0st ne verra pas les cernes qui lui font presque des coquards sur chaque oeil, preuves de ses nuits passées toujours un peu plus au bord de la mort. Ouais, voilà. Au moins, ce beau gosse ne verra pas ça. C’est un canon, non ? Il a une voix de mec magnifique, et les mains d’Haku se souviennent bien du corps d’Apollon qu’il peut pénétrer à défaut d’admirer. Argh mais fuck, si, c’est totalement ridicule de se taper un mec qu’il a pas vu. Quelques clignements de paupières se chargent de faire disparaître les dernières traces d’une faiblesse éclair.
Il veut le voir, son mec. Le sien. Alors son poing cogne enfin contre la porte de l’Enfer, trois fois, et son attente reprend pour quelques secondes. Pas de réponse ? Bon ok, who gives a shit. Il en a marre de ce couloir et des gémissements de plaisir qui percent les murs. Vive le love hotel qui ne connaît pas l’insonorisation. Vu le prix des chambres, ça serait la base, quand même. Décidément, il n’y a vraiment que des ploucs dans ce monde merdique. La poignée se tourne et il s’enfonce dans ce gouffre qui semble sans fin, dans l’abysse la plus profonde de l’océan le plus hostile. Y a pas un bruit, pas un chat, mais au moins il peut voir les jolies vagues bleutées qui illuminent les semelles de ses chaussures. Comme par magie, l’animosité fait ses valises pour laisser place à un sourire attendri. Damn, I’m so weak, what the hell. C’est bien à cause de ça qu’il est encore là, de toute façon. C’est bien parce qu’à chaque fois qu’il le est avec lui, ne serait-ce qu’une foutue seconde, il en oublie comme c’est foireux de sortir avec lui. Foireux mais merveilleux. Mais au secours, bordel de merde ! La porte claque derrière lui, il est désormais cet unique atome perdu dans l’univers noir et glacé. « Ah-! » Glacé parce que le doigt qu’il sent dans sa nuque est si froid qu’il doit peut-être appartenir à un mort. Ca serait pas ça, la feinte par hasard ? Dites-lui qu’il ne sort pas avec un fantôme, car s’il a appris quelque chose, c’est que tout est possible en ce monde. Le mignon petit chuchotement qui rentre par son oreille lui tire un rire de presque surprise. « Damn, your hands are cold! » Et il n’en faut pas plus pour qu’il se retourne vers l’objet de tous ses désirs et bien plus encore. L’ambiance n’est plus aux grossièretés et aux plaintes, plus du tout. Par habitude et de mémoire, ses mains trouvent sans problème les joues si fucking smooth de son petit-ami, parce qu’il a même une peau de beau gosse. Et Haku le tire bien vite vers lui, car il sait que quelques minuscules centimètres les séparent, c’est ainsi chaque fois qu’il veut goûter à ces lèvres de malheur. Ah, finally. C’était quand la dernière fois ? C’était y a deux semaines ? Trois ? Trop longtemps, en tout cas. Le baiser se multiplie par deux, par trois, par quatre, et se multiplierait par mille s’il en était capable. Haku ne fait déjà plus attention au sac qui glisse de son épaule pour se ramasser contre la moquette animée de ses vaguelettes. Le sac peut bien se noyer, maintenant. Haku se détache finalement de son ombre préférée pour lever un sourcil qui ne sera pas remarqué. « You really didn’t choose the wrong hotel. All this romantic setup, I’m impressed. »
syn: yeah no problem. i'll back you up on this one :))
Boum, boum, boum, lui tambourine son coeur contre ses tympans. Un coeur enivré, exalté, ébloui. Ebloui… Comment est-ce possible, alors que la seule réponse à son regard se trouve être un noir parfait ? La réponse se trouve avec une facilité si déconcertante que Rafael lui, ne pense même plus à la question. Une odeur, un toucher, une voix. Voilà tout ce qu’il lui faut pour atteindre le Valhalla. Les ténèbres ne lui ont jamais semblé plus réconfortantes que lorsqu’il est dans la pièce, à partager le même air que le sien. Son rire s’évanouit dans l’obscurité, rattrapé par les lèvres de sa belle nébuleuse. Oui, il ne l’a jamais vu, mais voilà une autre cadence que son coeur lui impose : il beau, merveilleux, fantastique. Rafael n’a pas besoin de le voir pour le savoir, pas lorsque cet amour qui le transit lui hurle que c’est lui, lui, lui. Lui, le péché de sa vie, son syn, son tout. Retournez quelques années en arrière pour lui rapporter son état, il vous rirait au nez, sans l’ombre d’un doute. Only a dumbass would find love online. Faut croire que lui, c’est le gros lot qu’il a tiré, à le trouver sur un jeu vidéo. How on earth is that even possible? A quel moment s’est-il rapproché de lui au point de le considérer comme un ami ? A quel moment s’est-il rapproché de lui au point de le considérer comme un love interest ? Tout cela n’a aucun sens, et pourtant le voilà, sous le charme d’une ombre charmante et envoûtante. Mais ça ne peut pas être que ça. Pas lorsqu’un petit nez se heurte contre le sien, pas lorsque des lèvres attentionnées se perdent contre les siennes, pas lorsque des fesses claquent contre ses hanches dans la moiteur d’ébats trop passionnés. Non, rien n’a de sens, mais Rafael s’en fout.
fr0st: heey! been a while since last time. sflr, i had some troubles w/ my desktop so i had to find someone to fix it 4 me. r u available 2nte?
fr0st: 4 a game i mean
fr0st: but ofc ur not obliged to accept i kno i dumped u alrdy
fr0st: just send me a txt if u wanna anyway :)) c ya
« Where do you think that nickname comes from? » Phénomène étrange. Lui qui a toujours eu le corps bouillant, voilà qu’il se retrouve à avoir le bout des doigts froid. Comme si la fraîcheur des lames qui se sont plantées au creux de ses mains ce jour-là ne l’avait jamais quitté. Comme si son sang lui-même avait peur de s’y aventurer depuis. Une autre vérité, c’est celle d’un petit garçon obsédé par le givre recouvrant la fenêtre de sa chambre, dont les souvenirs remontant à la surface lui ont inspiré ce pseudonyme : fr0st. Rien de bien particulier, mais c’est resté, malgré le temps qui s’est écoulé depuis. « Don’t complain about my hands anyway, you like them. » Le geste se joint à la parole, tandis que ses doigts taquins et aveugles viennent caresser cette fine parcelle de peau à la bordure de son pantalon. Voilà qu’un autre de ses sourires se perd dans l’obscur, juste avant que ses lèvres ne rencontrent à nouveau celles tant aimées. Des baisers, des papillons, des langoureux, des doux, des fiévreux. Il avance un peu malgré lui, trébuche sur le sac tombé par terre, remercie le mur de les rattraper. Il retourne bien vite à son petit manège, comme habité par la nécessité de rattraper tous les baisers qu’ils n’ont pas pu partager le temps de la séparation ; temps toujours, toujours trop long. Rafael coince son bien-aimé contre le mur, caresse son nez avec le sien. « Yeah well, the one I chose before was kinda creepy so, I wanted to up my game a little bit. I have to keep seeming interested by you and so on, y’know. » Il rit, tandis que son front malicieux vient frotter celui de son petit chéri. Décidément, ce jeune homme le met de bien bonne humeur. A croire que tous ses problèmes se sont envolés l’espace d’un instant.
"I thought about how there are two types of secrets: the kind you want to keep in, and the kind you don't dare to let out. (@ally carter // beerus)
Tout va mieux maintenant, tout va bien. Sous des baisers aussi passionnés et doux que ceux-ci, qu’est-ce qui pourrait aller mal ? Qu’est-ce qui pourrait clocher dans cette envie irrépressible de se coller tout contre le corps d’un autre ? Qu’est-ce qui pourrait sonner faux dans les soupirs de plaisir aux retrouvailles de deux cœurs condamnés ? Haku laisse sa langue provoquer les lèvres closes de Fr0st, pour peu de temps car il n’en faut pas plus pour que leurs petits échanges deviennent grande envolée. Ils manquent tous les deux de tomber au sol encore mouvant de vaguelettes, l’un les pieds pris dans un sac, l’autre suivant la chute car trop réticent à se détacher du premier. Ils font la paire, à se couvrir de baisers pour rattraper les trois semaines qui les en ont privé. Mais se manquer, ce n’est pas que ça. Ce n’est pas que le goût de ses lèvres qu’Haku pense être rosées. Il imagine. Mais surtout et plus que tout, il s’en fout. Car tout ce qui compte, c’est que ces lèvres-là trouvent leur place contre les siennes comme un bijou dans son écrin sur-mesure. Il est son écrin à lui, à cet inconnu qu’il connaît par cœur, qu’il aime par cœur. Ça fait rire le jeune dieu, le fait sourire de penser que le monde peut donner l’amour à un homme via un ordinateur, via une identité virtuelle, via une partie de jeu vidéo à se tirer dessus. C’est sa connexion internet qui lui a donné, il y a trois ans, cette chance de goûter aux vertiges de sensations jamais connues auparavant, de découvrir que le noir ce n’est pas si mal, de sentir les doigts froids de la perfection même. Il les aime, ses mains, oui. Elles sont grandes et fraîches. Lui, il préfère ça à des mains qui bouillonnent, car c’est ainsi lui qui décide quand elles peuvent brûler son corps. Alors les baisers continuent, car il n’y en a jamais assez. Syn a le dos contre le mur et ne s’est jamais senti aussi heureux d’être pris au piège. Le nez qui caresse le sien, et le front qui se repose contre son reflet, ils ont l’air parfaits. La main du garçon de lune se balade finalement avec une lenteur folle le long de la joue de son aimé.
syn: yo! it’s good to hear about you again. games arent the same without you man syn: im up for it :) syn: i’ll be there by 10pm
« Ouh, that’s tough. How do you manage to still fake interest? » Sans le voir, il le dévore tout de même des yeux. Ses doigts remontent vers la chevelure de Fr0st pour jouer avec quelques mèches ci et là, un sourire sur les lèvres. La porte de l’Enfer mène au paradis neuf fois sur dix… « Hey, I missed you. Life isnt the same without you, love. » C’est bien, les conversations sms à longueur de temps, mais voilà, après avoir goûté à l’héroïne, il ne peut pas se contenter de farine. Il a besoin de lui. Haku dépose un dernier baiser sur la bouche tentatrice de son Ombre et fait glisser ses mains le long du torse ô si délicieux du jeune homme. Bien foutu, ce con, ça n’arrange pas ses affaires. Il se souvient de la première fois où sa langue est descendue jusque là… Divine.
Les lumières au sol lui permettent de distinguer le lit, la pièce maîtresse de cette chambre d’hôtel. C’est parfait, tout ce dont il a besoin. Entrelaçant ses doigts aux siens, il tire son petit-ami vers lui tout en reculant, chaque pas menant tout droit vers les draps un peu froissés déjà, mais ça il ne le sait pas. Et il tombe dessus. Et Fr0st tombe sur lui. Ce n’est pas un baiser qu’il réclame, ni le toucher provocateur d’une envie adulte. Non, Haku, tout ce qu’il veut, ce sont ses bras autour de la taille d’un homme qui est le sien. Tout ce que Syn veut, c’est un câlin. Une grande inspiration remplit ses poumons de l’odeur si particulière de Fr0st quand son nez vient se blottir au creux de son cou. « Time’s gettin’ slower and slower these days, when I don’t see you. »
Cette main qui glisse sur la joue, Rafael s’en délecte plus qu’il ne se l’avouerait à lui-même. La Nuova Camorra est l’objet d’une infinie reconnaissance, mais il faut dire ce qui est ; avec ça, sa vie n’est que peine et châtiment. Avec syn, tout est différent, plus doux, plus coloré. Sa vie au goût de ténèbres prend des nuances pastels et presque horriblement niaises. Mais c’est comme ça, plus fort que lui. On peut commander sa raison, mais le coeur, lui, est indomptable. Quoique. Il semblerait que syn ait dompté le sien, que son poing soit refermé sur cette pompe de chair et de sang et qu’il soit le seul à décider de son droit de vie ou de mort. Oui… C’est fou, de se dire que l’invisible puisse avoir autant de pouvoir sur soi. Mais Rafael n’y voit plus rien d’incroyable, pas lorsque son enfance a été rythmé par une foi aveugle en Celui qu’on ne peut pas voir.
fr0st: hey, u ok? fr0st: it’s been a few days since the last time i got any news so i’m kinda worried fr0st: lemme know if ur fine fr0st: i miss u a lot deleted message fr0st: i miss u dude
Son toucher l’apaise tant qu’il aimerait ne jamais le voir s’arrêter. Parfois Rafael essaie de se rassurer en se disant que c’est uniquement parce qu’ils ne peuvent pas se voir qu’il est aussi gnangnan, à se raccrocher à n’importe quelle marque d’affection et l’amplifier comme s’il s’agissait de quelque chose de surréaliste. S’il savait, peut-être que syn se moquerait de lui ? Après tout, ils restent deux mecs. Il n’est même pas sûre qu’une fille puisse être aussi chèvre de son copain. Rien que l’idée que syn puisse être son petit ami fait battre son coeur plus vite. Quel ado, franchement.
« Well.. That’s easy. I give you some gifts here and there, bring you in some nice hotel room. So you keep thinking that I have a lot of interest, when in truth I have a bunch of hoes waiting for me out there. I’m kind of a pimp you know. Ruling the streets ’n shit. » Un rire léger lui échappe, très vite interrompu par les mots de son petit amoureux. Oh. Oui, bien sûr. Lui aussi lui a beaucoup manqué. Ses mains qui glissent sur son torse lui arrachent un frisson, il aimerait bien lui rendre la pareille, mais comme dans leurs jeux vidéos, le voilà qui tire plus vite que son ombre à l’attirer vers le lit. Son bras se contracte pour se rattraper et ne pas laisser leurs deux visages s’entrechoquer lorsqu’ils tombent, mais le voilà très vite blottit entre les bras de son aimé. Ou peut-être est-ce l’aimé qui est blotti entre les siens ? Rafael glisse sa main sous son tee-shirt, dessine de petites arabesques glacées dans son dos tandis que son autre main masse l’arrière de son crâne. Un petit sourire plane sur les lèvres du plus jeune, exalté par la situation. « If only you’d let me speak before dragging me down, you’d know that I missed you too. » Rafael abandonne un bisou au sommet de son crâne, laisse sa joue reposer contre ces cheveux si soyeux. « It got pretty hectic at work lately, I couldn’t make myself available sooner, I’m sorry. » Il penche la tête, cherche le visage d’un syn caché au creux de son cou. Ils ne se voient pas et pourtant, il l’imagine comme un petit chat tout mignon, prêt à se blottir dans les bras de son maître à la moindre occasion. « But know that I think about you everyday. However, I hope time isn’t getting slower because you spend it staring at the ceiling waiting for me to pop up into your room. You should keep yourself busy, and then you wouldn’t miss me as much. »
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Impossible de savoir comment il en est arrivé à être aussi whipped. Whipped d’un garçon qu’il n’a jamais vu, qu’il désespère même de voir un jour, qu’il peut toucher mais c’est tout. Alors Haku lâche un petit soupir, de fatigue ou de contentement, qui peut savoir. Pas lui. Cela fait cinq minutes à peine qu’ils sont l’un contre l’autre et déjà le petit dieu se sent attendri, aimé, cajolé. C’est son côté soft, le côté lune qui ne laisse pas imaginer le côté nuit. Haku dépose ci et là quelques baisers contre la jugulaire de son amant quand lui vient la drôle d’idée d’y planter ses dents, doucement. Fr0st a bon goût. Fr0st sent bon. Y a-t-il seulement quelque chose qui ne lui fera pas perdre la tête, chez ce mec ? Il aimerait avoir la réponse tout de suite, tant qu’à faire. Prisonnier de ses sentiments pour le moins absurdes, pense-t-il, Haku relève les yeux vers un regard qu’il sent sur lui. Pourquoi ne peut-il pas le voir ? Pourquoi n’a-t-il pas le droit de voir la perfection ? S’il en croit toutes ces fois déjà où ses doigts ont eu la chance de caresser sa peau, de son front à son menton, rien n’indique une laideur dont pourrait rougir le gamer. Il en est persuadé, il est divin. Inutile de préciser que lui, dans le pire des cas, n’est pas tellement un Apollon, dans son genre. Alors pourquoi ? La question reste, s’en va puis revient, encore et encore.
syn: hey syn: was just busy with work yknow syn: but eh. cute that you actually worry about me?? syn: is that you falling for my charms? syn: i miss you too tho, hit me up when you’re ready for a game
Haku préfère faire abstraction de la situation, encore une fois, juste cette fois. Il en a assez mais il ne veut pas le perdre. Car ce qu’il ressent là, dans ses bras, est la chose la plus inespérée pour lui. Pendant si longtemps, il a été ce côté de la lune que personne ne remarque, que personne n’apprécie, alors il n’aurait jamais cru trouver l’amour un jour. Ses deux mains remontent le long du corps de Fr0st pour trouver leurs places sur des joues toute douces. « Yeah, i guess a pimp is really busy, huh? All these hoes to handle and stuff. » Il ne peut pas lui en vouloir, lui qui passe son temps devant son ordinateur à trafiquer le monde virtuel toute la journée ou qui reste planté derrière son bar à servir des cocktails que même lui considère dégueulasses la plus grosse partie de la nuit. Et pourtant, il trouve du temps pour penser à lui, toujours plus, car sa frustration vire à l’obsession. Mais il feint l’agacement par un roulement d’yeux. « I’ll let you know that I’m very active. That’s just how it is. It’s slower because I miss you terribly no matter what. » Un petit haussement d’épaule ponctue ses dires avant qu’il ne caresse lentement les traits ô si définis de son visage qu’il sait déjà merveilleux. Haku a conscience qu'il s'aventure sur un terrain miné, sait comme le sujet est sensible, alors avant de se lancer - car il doit se lancer - il dépose un énième baiser sur les lèvres chaudes de son petit-ami. « I want to see you, just so I can stop missing you for a little second. » Il faut le dire d’une traite, sans réelle émotion dans la voix, sans y mettre trop d’importance. C’est le mieux, non ? « Don’t you want to see me, now? »
C’est après qu’un élan de surprise se soit emparé de lui suite à la petite morsure administrée par ce charmant petit chat, que Rafael se laisse aller à rire, légèrement. Il ne sait pas trop d’où vient cette nouvelle lubie, mais soit. syn est si attendrissant et Rafael si amoureux que dans le fond, il aurait pu décider de lui arracher la peau avec ses dents que Rafael n’aurait rien dit. Tout pour faire plaisir à son amant. C’est qu’il a peur de le perdre, il faut dire. C’est délicat, de l’aimer dans le noir. Il ne sait pas trop si cette situation lui donne plus confiance, après tout. Plus confiance que cette époque où l’écran était la seule chose qui les liait. Ecran où son seul ambassadeur était son écriture, lui qui a toujours été si gêné d’écrire si mal. Rafael n’est pas un érudit, il le sait. Alors souvent il avait honte d’écrire, il s’en souvient.
fr0st : oh work ‘k np fr0st: wtf r u sayin man as if i would worry for you lmaoerased fr0st: don’t call me cute either it doesnt make sense all we do is killin zombies erased fr0st: after a short while what if i do? fr0st: wait ofc i mean that im ready now fr0st: lol fr0st: i have to get my headphones
syn a toujours été si intelligent, lui. Si intéressant. Lui était juste idiot et maladroit, rien ne bien charmant. Il ne savait même pas draguer, et il se demandait même comment est-ce qu’il avait pu finir par avoir un être si extraordinaire entre les bras. Si on lui avait dit un jour que ça lui arriverait, sans doute qu’il aurait rigolé. Rien de bien ne lui arrive jamais, alors… syn, c’est plus que tout ce dont il a pu un jour rêver. Et c’est pour cette même raison qu’il a peur que le rêve lui échappe et s’évanouisse avant même qu’il n’ait eu le temps de s’en délecter. Rafael veut le serrer fort dans ses bras, ne jamais le lâcher. Ou peut-être le tenir si fort que même une fois parti, le sentiment de l’avoir contre lui, lui, restera. Car si tout ce qu’il doit avoir de syn n’est qu’un souvenir, il s’en contentera aussi. Car même ce souvenir-là restera mieux que toutes les réalités dans lesquelles il se retrouve toujours coincé.
« Yeah, that’s exactly it. My girls are known in the street, it’s hard to find a free spot when someone wants to meet up with me. You’re lucky to be you, not everyone has this priviledge. » Ses lèvres se tordent en une moue faussement désolée que syn ne saurait voir, celle-ci toujours cachée par ce même noir profond qui les sépare. Pourtant, Rafael décide de sourire et de caresser les joues de son aimé du bout des doigts, comme s’il s’agissait là de la plus pure et précieuse des perles. Mais peut-être est-ce en fait l’une de ces entourloupes de la nature ? Car Rafael se raidit, comme si la perle s’était soudainement fait pousser des épines. « How can you miss me when I’m right here ? I’m disappointed, I thought my hugs were better than that. » Il s’échappe par la blague, comme si cela pouvait décidément entourlouper ce garçon si intelligent et obstiné. « You know I want to see you. But it’s complicated. »
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