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sur son petit poney blanc. TORBEN

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sur son petit poney blanc. TORBEN - Dim 30 Sep - 20:31

La routine est la phobie inconsciente de beaucoup de personnes. On la sent à peine s'installer, pourtant les répercussions que sa présence impose sont énormes, cataclysmiques à une échelle personnelle. La lassitude, l'ennui, les habitudes engluées par un cercle vicieux difficile à briser. On attend le weekend pour s'enfuir et pour mieux être happé le lundi matin, au réveil. La dure réalité de la vie pesant sur les paupières, l'envie de se recoucher. De ne plus bouger.
Et alors, ce projet de formation pour devenir ambulancière, où est-il passé ? Qu'en est-il ? Tellement prise au piège des dates qui défilent, tu ne te sens même plus l'envie d'y réfléchir. Le service avait à peine commencé que l'atmosphère pesante d'une soirée sans lune avait pris place sur tes épaules. Ta tenue moutarde informe et pas assez cintrée pour le peu de forme que tu portais sur le dos, tu avais poussé la porte sans grand enthousiasme. La réjouissance de découvrir un nouveau monde, celui dont tu faisais partie bien malgré toi, avait disparu. Se renseigner, lire des bouquins et puiser dans les informations farfelues qu'offrait internet t'avait passionnée durant quelques semaines. Mais rien ne valait mieux que d'aller apprendre ça en pratiquant, 'sur le terrain' comme l'auraient dit certains autres. Sauf que toi, le terrain, tu n'en avais aucune connaissance. C'était peut-être ça, justement, être formé sur le tas ? Toute seule, ayant pour seul appuis un Italien bien pris par ses propres problèmes - quels qu'ils soient - et un chat attachant mais qui se faisait la malle dès que tu avais le malheur de tourner le dos. Des journées bien remplies, trop pour récupérer de tes nuits de travail au Kahuna.

" Bonjour Monsieur, une tasse de café ? ", glisses-tu d'un sourire aimable mais éteint, fatigué, au client qui vient de s'asseoir après avoir fait tinter la cloche de la porte d'entrée du restaurant. Son approbation silencieuse te convient, tu n'as pas la force d'entretenir une conversation ce soir, et tu verses le contenu de la carafe de café qui te suit inlassablement dans une tasse. Il te remercie d'un grommellement, tu ne relèves pas : à quoi ça sert, des pauvres types bourrus il y en a à tous les coins de rue. Repartant à la chasse au boulot, tu t'en retournes derrière le comptoir et t'affaires à essuyer la vaisselle encore chaude de son cycle dans la machine. La vapeur te détend, la récurrence de la tâche t'empêche de réfléchir de quoi sera fait demain. Nourrir le chat, ouvrir un énième putain de livre, le parcourir en diagonale pour soupirer et trouver refuge sur le canapé. Penser à Alejandro, sans doute un peu trop. Toutes ces étapes qui ne font que se répéter jour après jour, depuis ce qui te semble une éternité alors que c'est comme si tu avais débarqué à Arcadia hier.

Le Kahuna est bien silencieux, dénué d'une présence familière, ta collègue étant malade, toi assurant seule le service. Quelques autres personnes vont et viennent, seul le mec aussi radin en paroles que ton patron en supplément de guac' reste avec son journal. Il ne t'inspire rien, ni peur ni amabilité. Dans un mauvais jour, la serveuse du resto mexicain d'habitude souriante. L'horloge au-dessus de la porte d'entrée indique minuit trente lorsque tu finis tes nettoyages usuels. Il te faudrait trouver quelque chose à faire pour passer le temps. Ah, voilà le client qui lève le bras, toujours muet. Tu t'approches d'un pas régulier, comme tu le fais toujours entre ces murs. Certains clients n'hésitent pas à vous bouffer si vous leur montrer la moindre once d'incertitude. Les épaules droites, le regard pénétrant. Un rôle que tu tiens à merveille, même ce soir. Un autre sourire, qui trouve le regard de l'homme presque avachi sur le banc rouge. " Oui, vous aimeriez commander ? " Le type t'observe. Tellement de travers que ta gorge se noue. Dos droit, posture assurée, faire semblant que rien ne peut t'ébranler. Sa langue semble se dénouer. Vous êtes seuls, mais tu ne te rends pas encore compte à quel point cette information est importante. " Peut-être tu peux m'aider, toi. Je sais que ton patron est généreux en fond de caisse. " L'information prend son temps à percuter, résonner dans ton cerveau endormi. Les membres tétanisés, la menace a bien été comprise. Tu ouvres la bouche, aucun son n'en sort. L'adrénaline peine à faire son chemin, à réveiller quelques instincts émoussés. Une vraie biche devant des feux de voiture. Cette sale impression de vouloir déguerpir sans en avoir la force. Une peur qui commence à faire perler ton dos, tes tempes. Tu babilles quelques mots en espérant avoir de la cohérence, tu sais que le menacer ne sert à rien mais le dissuader peut-être. " Je. Je. Je ne sais.. pas qui vous a dit ça. On ne doit pas être le restaurant que vous espérez. ", tu oses en rigoler. Le rire est jaune, faux, placé là pour tenter d'échapper aux mauvaises intentions de l'homme qui a décidé de lentement se lever. Pas très grand, plutôt large d'épaules et une flamme malsaine brille dans son regard foncé. D'un bond désespéré, tu tentes une échappatoire derrière le bar, sachant qu'une batte de baseball s'y trouve en cas de problème, avait dit le patron. Et il semblait que c'était la bonne occasion, même si tu n'as jamais du empoigner ce genre d'objet pour en faire une défense. Le mec rigole grassement, en te voyant, la frêle serveuse du Kahuna, te dresser entre lui et la recette du restaurant. Il te somme de te pousser, qu'il n'hésiterait pas à te péter les doigts si tu n'obéis pas. " Je. Je. Je refuse. " Ce sont les aventures vécues depuis le début de ton séjour qui t'ont rendu inconsciente ou moins poltronne. Pas intelligent, pourtant.

Le dos trempé, les jambes tremblantes, le regard écarquillé de peur. La frousse coulant dans les veines, se mêlant difficilement avec l’adrénaline. Un appel au secours viendrait à t'envoyer à l'hôpital illico, te menace encore le quidam. Tu ne bouges pas, il fait un pas, tu oses lui hurler de rester où il est, sachant très bien que s'il avance encore tu ne saurais même pas où frapper. La clochette de la porte d'entrée tinte, signalant l'entrée d'un nouveau client. Tu es pourtant sûre de ne pas avoir appelé au secours.
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sur son petit poney blanc. TORBEN - Dim 30 Sep - 22:22

Je reviens avec des cotons dans le nez. Pas la foi de rentrer tard et de me faire à bouffer chez Nail’. Tout le monde doit déjà être ou au lit, ou devant la télé. Et puis j’avais encore un bon moment avant d’être rentré. J’avais la dalle. Et j’avais froid. Arcadia en automne, c’est gris et frais. Et la nuit il peut même cailler grave. Je ressors le col de ma veste de cuir noir, autour de mon cou. Je suis fatigué et l’eau mal essuyée sur mon corps après ma douche me fait parfois frissonner quand le vent glacial venu du port me transperce. J’ai pris ma douche en me pressant, avant extinction des feux de la salle de boxe. Je m’y étais noyé plus de vingt minutes, sous l’eau bouillante. De quoi endormir la douleur des nouveaux bleus marquant mon torse, le côté de mes côtes, la contusion sur ma pommette droite et le fin demi-arc de cercle violacé sous mon œil gauche. J’avais pris cher, aujourd’hui. Le mec avait été beaucoup plus jeune, rapide et agile que moi. J’étais encore lent sur mes mouvements du haut, à côte de ces côtes qui se ressoudaient en prenant leur temps, de ce poumon qui me lançait encore. Je me battais avec un point de côté presque constant et cela nuisait à mes contre-attaques. J’avais fait bonne figure. Je sentais pourtant que je dominais le gamin en expérience, en ruse, en endurance. Mais j’avais eu du mal à porter mes coups. Mon corps, devenu lent par trois semaines d’hospitalisation et de manque d’entraînement, me poussait à moins d’agressivité.


Je reniflais une fois les cotons tirés de mon nez. Le gamin avait profité d’une superbe diversion pour m’envoyer un direct qui m’avait sonné, percutant mes deux narines avec toute la subtilité d’un véritable fer à repasser. Je penchais la tête en arrière deux secondes… Non, ça ne saignait plus. Je me frottais le nez pour en chasser les dernières traces de sang et je me massais la joue, là où son coup suivant m’avait atteint. Lui repartirait avec une arcade ouverte. De dépit par manque d’ouverture, j’avais envoyé tout mon punch en un vicieux coup par travers du gauche pour le faire chuter. L’entraîneur nous avait séparés avant que les choses ne dégénèrent en bagarre mais j’avais salué mon adversaire ; je sentais que le gosse boxait surtout pour le respect des gens, et le respect envers lui-même. Secouer la tête avait fait éclater des fleurs de sang dans mon champ de vision et je sentais qu’il fallait que je mange et que je boive. Je me rapprochais donc d’une enseigne que je connaissais peu ; le Kahuna Burger. L’odeur m’alléchait et à cette heure il ne devait plus y avoir grand monde, ce qui serait doublement reposant pour moi !


Je ralentissais en arrivant tout près. Quelque chose clochait. Je sentais des émotions diffuses. Une peur béante, crispante, qui me mit sur les dents. Quelqu’un avait peur pour sa vie, là-dedans. Et un autre était motivé par le désir de violence et l’appât du gain. Oh, putain de merde c’était bien ma veine.



| Allez mon Torben, c’est les affaires qui reprennent ! |


Et bien sûr, pas d’arme. Je l’avais laissée dans ma voiture, chez Nailea. Inutile de ramener un peu plus de violence dans une salle de boxe, où j’allais m’entraîner et laisser exprimer cette fureur et ce besoin de dépassement de soi qui m’avait toujours habité. J’hésite mais seulement un instant. J’allais entrer, mais comment ? Je n’avais pas d’arme. Lui, peut être. Ce cri résonnait à mes oreilles, à l’intérieur. J’entrais, obéissant à mon instant. Une cloche teinte et je ressens de l’agacement. Putain, j’aurais pu entrer discret et me la jouer Chat Noir, ancien de la reco, et faire les choses en toute discrétion. Mais non. Un type a l’air revêche se retourne et la surprise se lit sur ses traits et dans son âme. Le doute. Je sens un caractère envieux et violent, mais le mec est en même temps en train de se rendre compte qu’il joue de malchance, et que la situation se corse.


| Qu’est-ce que tu veux toi, dégage ! |


Je l’ignore une seconde, alors qu’il tire une lame à cran d’arrêt. Clac. Vingt centimètres d’acier. Mon crève-cœur était plus long, mais lui aussi, je ne l’avais pas. Mon regard se porte sur sa victime. Une nana. Grande. Brune. Hispano ? Belle. Déterminée, mais apeurée. Elle ne sait pas si elle doit nourrir de l’espoir, ou se mettre à hurler. Je lui lance un regard accentué. Léger clin d’œil. Reste calme, madame.


| T’es sourd, casses-toi ! |


J’inspire profondément. Me place sous les lampes au niveau de l’espace de commandes.


| Tu vas vraiment essayer de dépouiller cette fille ? Et cet endroit ? Tu sais où tu te trouves ? |


J’en avais aucune idée en vrai, mais ça faisait diversion. J’étais assez proche. Le mec le sent. Il part, et je le sens au moment où il décide de me faire du mal. Les réflexes prennent le dessus, et pour le coup, c’est moi qui suis plus jeune, plus agile, plus rapide. Je bloque sa main. Ma main gauche sur le haut de sa garde, son pouce. La droite par-dessous. Je pivote les deux d’un geste brutal. Mon instructeur serait fier de moi, une vie plus tôt. Le craquement qu’on n’entend n’est pas propre. Il est lent. Forcé. Le mec gémit. Le réflexe, regard de brute, me pousse à remonter son poignet brisé –avec le couteau- contre sa gorge. Mais elle est là. Je la ressens. Et me fige. Je lui arrache le couteau des mains.


| T’as eu de la chance. Tire-toi. |


Mes mains tremblent. L’adrénaline reflue. Je regarde mes mains. Serre les poings pour réprimer leurs tressaillements involontaires. Je me retourne vers la brune après une grande inspiration.


| Je venais… Juste pour un burger. Je… Vous allez bien ? |


Du mal à la regarder dans les yeux. J’ai complétement déraillé. Sur une situation facile. Un mec entraîné et au combat pendant quinze ans, contre un désespéré des bas-fonds. Je n’étais pas en danger. Pas comme au manoir. Et j’avais failli le punir à l’extrême. J’avais honte, mais j’avais espoir. J’avais su m’arrêter.


| Je ne vais pas vous faire de mal… Vous êtes… Vous êtes encore ouverts ? |
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sur son petit poney blanc. TORBEN - Lun 1 Oct - 16:33

Et quand un élément vient la troubler, la routine, ça peut nous précipiter vers du bon. Comme vers du mauvais. Cela peut être un événement quelconque entraînant un changement de situation. Mais le plus souvent, c'est quelqu'un et non quelque chose. Les gens peuvent nous prendre, mais ils peuvent également beaucoup apporter.
La batte de baseball levée en l'air, tes bras figé dans une posture pseudo-menaçante, tu assistes au spectacle que tu trouves horrifiant. La violence, d'ordinaire, tu la fuis. Persuadée qu'elle ne résout rien, jamais tu n'as levé la main sur quelqu'un en vue de faire du mal. Seulement le bien, toujours le bien. Cette raison inébranlable que chacun a un côté bon en soi, suffit juste de le chercher. Lorsque tu perçois un craquement forcé dont tu supposes venir du poignet de celui qui aurait pu être ton agresseur, tu serres les dents si fort que tu pourrais les broyer les unes contre les autres. Le tintement familier de la porte d'entrée avait résonné comme une délivrance et un soulagement. Aucune idée si cela avait été volontaire de la part du deuxième inconnu de se placer comme chevalier servant, tu l'avais observé les yeux grands comme des soucoupes en espérant qu'il ne se prenne aucune lacération de la part de votre adversaire commun. La crispation t'avait suivie jusqu'à ce que le voleur quitte les lieux, comme quand on prend partie dans un film d'horreur et on attend de notre héros du petit écran qu'il passe les épreuves des scenarii sans y perdre la vie. Les doigts fixés sur ton arme de fortune, tu peines à la poser sur le comptoir tellement la situation t'a secoué. Nullement habituée à ce genre de contexte, tu n'as jamais eut à te défendre face à un tel agresseur seule. Heureusement, ce soir là n'est pas différent et tu peux souffler, la main sur le cœur et les yeux fermés. Le restaurant est silencieux, tu n'oses pas encore regarder ton sauveur dans les yeux tellement tu menaces de verser une larme de peur. Un peu plus et tu aurais pu lâcher un hurlement strident typiquement féminin avec lequel, ô espoir, l'agresseur aurait pu avoir les tympans perforés. Reprenant le souffle resté trop longtemps figé dans la gorge, tu poses tes deux mains contre le bar et réussis enfin à faire face au blond. Il échappe à ton regard, y revient quelques fois. Il semble aussi secoué que toi, malgré son ascendant évident sur le fuyard. Aucune idée du genre de contre-coup que l'on pouvait avoir après une bagarre puisque tu n'avais jamais levé la main sur quiconque.

Sa question a le don d'animer ta bouche d'un rictus. Au vu de ses bleus et écorchures, ce serait plutôt à toi de lui demander ça. " Ça va mieux depuis que vous êtes entré. " Si tu avais vu son expression résolue juste avant l'éclair de lucidité qui l'avait repris, peut-être te sentirait moins à l'aise avec ce qui semblait être ton nouveau client. Mais cela t'avait échappé et tu ne ressentais plus qu'un grand soulagement ainsi qu'un besoin de poser tes mains sur sa peau pour effacer ce qui semblaient être des coups moins récents que l'altercation du Kahuna. Tu te demandes d'où ils viennent, avant de secouer la tête et te souvenir que ce ne sont pas tes affaires. " Oh je ne me fais pas de soucis, vous n'avez pas l'air méchant. Oui nous sommes ouverts, grâce à vous. Qu'est-ce que je peux vous offrir ? " Le balai passe entre les chaises après le bordel que le braquage raté a créé. Une sucrière par terre, des chaises tombées, l'ordre revient en quelques minutes alors que ton client s'installe sur une des chaises du bar. " Merci beaucoup.. Café ? " Les réactions refroidies, l'adrénaline dissolue, les tensions apaisées, tu peux enfin lui offrir un sourire reconnaissant. C'est vrai, sans son intervention ni la caisse ni toi ne seriez indemne.
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sur son petit poney blanc. TORBEN - Lun 1 Oct - 20:40

Je respire à fond. Mes poumons se gonflent d’air et de temps gagné, même si la pointe de douleur sur le côté gauche me fait mal. Il me contraint. Je coupe l’inspiration. J’expire doucement. Boum-boum-boum-boum-boum-boum. Le sang pulse violemment dans mes tempes. La respiration se bloque à nouveau. Le cœur bat à la vitesse du pas cadencé. Comme jadis, quand j’avais le nez dans la boue et que je devais alterner les pompes, les tractions, les courses et les sprints. Souffrance de chaque seconde, poumons brûlés et dégoulinant des trombes d’eau qui nous coulaient dessus. Frappé dans les côtes par l’instructeur. J’ai la même envie qui se fige, là. Dans un recoin sombre de ma tête. Tuer. Le mec, je sens que j’aurais pu le tuer sur le coup. Par le tranchant comme un demeuré qui a vu trop de films au cinéma, ou à la pro. Pointe en avant, pile contre la pomme d’Adam. Impossible d’y survivre. Facile. Je le voyais dans ses yeux. Il avait trop mal et il se barrait aussi sec. Et je savais que je pourrais facilement le rattraper, même avec ce poumon en vrac. Plus jeune, plus rapide, plus entraîné. Mais je me retiens. Je sens la peur panique chez la brunette qui s’est tenue avec la batte, prête à se défendre bec et ongle.


Je ne peux pas nier que le bruit du poignet qui se brise et des deux os principaux qui se broient m’a procuré un sentiment d’intense satisfaction. La joie sauvage d’avoir été le meilleur. Le plus rapide. Et de l’avoir pris par surprise. Une seconde, une seconde seulement, je me sens comme dans la KZ 7. Je ressens ce qui fait bander tous les salauds de cette terre.


Le pouvoir.


Et presque aussitôt, je me sens nauséeux. Malade. Il faut que je garde le contrôle. Ca a duré une poignée de secondes, mais j’ai failli. Je réussis à me calmer. La peur derrière moi me fait me tourner, et je contemple avec difficulté l’humaine qui a manqué de peu de me voir tuer quelqu’un. Ce ne serait pas mon premier meurtre à Arcadia. Ni le dernier. Mais c’était sans doute celui à ne pas commettre. Je l’avais lu en lui juste au moment de frapper. Le regret. Sa vie lui échappait. Certains salauds méritaient que je les pèle tout entier, et vivant pendant tout le processus. Pas lui. Pas comme ça. Un bras cassé au niveau du poignet suffisait amplement. Je me calmais, seconde après seconde. Déglutissais pour chasser la désagréable sensation d’avoir du sang dans la bouche, son goût métallique sur la langue.


Elle est bouleversée. Mais reconnaissante. Et l’envie de m’aider. De voir si j’allais bien. Je sentais ça en elle. Et je sentais que ce serait ça, ma récompense de la soirée. Ce sentiment discret mais bien réel, ces bons sentiments à l’endroit d’une prise de risques qui l’avait tirée d’un fichu guêpier. J’ai un mince sourire, peu convaincu. J’avais manqué de tuer quelqu’un devant elle putain, et ça me rendait malade. Doublement parce que je sentais bien qu’au fond, ce qui me déplaisait le plus n’était pas tant d’avoir exposé ma cruauté latente… Mais d’avoir manqué de me faire prendre.


| Bon. C’est bien. Sûre qu’il ne vous a pas touchée ? Parfois, on ressent pas directement les coups qu’on a pris. |


Je me rappelais encore de McHall qui court vers le marché avec deux éclats d’obus dans le flanc, comme si de rien n’était. L’adrénaline, la peur, tout aidait à tenir bon coûte que coûte. Je souris plus franchement quand elle dit que je n’ai pas l’air méchant. En voilà une bonne personne, bien prompte à ne voir que le bon côté des choses quand le plus mauvais paraissait si évident. Elle est encore plus reconnaissante, je le sens. Et elle remet l’endroit en place. Je tire mon porte-feuille.


| Inutile de m’offrir quoi que ce soit, j’ai de quoi payer. Vous avez déjà eu des frayeurs ce soir. Inutile de rajouter un trou dans la caisse. |


Je réfléchissais à ce que je pourrais choisir en matant l’enseigne lumineuse, me palpant toujours la marque sur ma joue, et cherchant à frôler du bout des doigts le léger gonflement violacé sous l’œil. Incroyable, quand même. Le danger venait de refluer que déjà il me manquait. Je savais le nom que ça portait, cette attitude. Cette addiction. Je hoche la tête quand elle me propose un café, me lissant la moustache en regardant toujours ce qu’ils proposaient, ici.


| Volontiers, je vais m’endormir avant d’être rentré chez moi, sinon. De la glace si vous avez, ça serait parfait pour éviter que je me retrouve avec la gueule de travers, demain. Mais j’ai les crocs. Tout ce qui peut être servi chaud, j’en veux bien. Un menu si vous faites. Merci… Carmen. | concluais-je en lisant son badge.


Je désignais l’entrée d’un signe de tête.


| Vous avez du cran. Avec cette batte. Vous l’auriez vraiment cogné je crois, non ? | Je crois le voir dans son âme. | Ca arrive souvent, dans le coin ? |
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sur son petit poney blanc. TORBEN - Mar 2 Oct - 10:33

Il faut juste savoir sauter le pas, se décider à plonger dans une eau qu'on redoute glacée mais qui pourrait tout aussi bien être bouillante. C'est l'inconnu, une peur risible face aux dégâts que pourrait causer la routine. Mais certains restent sur la rive, n'osant quitter leur train-train, tandis que d'autres tentent le tout pour le tout.
La carafe de café verse son contenu dans la tasse, tu te concentres pour ne pas en verser à côté. Ton prénom dans sa bouche résonne agréablement, tu ne sais pas si c'est le syndrome de la femme pour son sauveur ou simplement que tu lui trouves quelque chose de sympathique, à lisser sa moustache. " Il nous reste les menus du jour, burger et frites. Je suis seule donc ça prendra son temps mais je vous le fais. " Il ajoute quelque chose, à quoi tu ne réponds pas directement. Du cran, c’est justement tout ce qu’il te manque. Tu t'en retournes vers la cuisine, allumes les lumières et lance les fours ainsi que les plaques avant de te servir dans les frigos pour sortir ce dont tu as besoin. A double, parce que tu commences aussi à avoir faim. Tu réfléchis à ce qu'il t'a dit à propos des coups, contrôles rapidement tes bras et te remémores la scène. Non, il n'a même pas eu le temps de poser les mains sur ta peau. Tout va bien. Tu reviens derrière le comptoir, retrouvant la présence rassurante de ton ‘héros’.

Ne pouvoir sauver ses propres fesses, c'est humiliant. Surtout que depuis ton arrivée, ce n'était pas la première fois que ton cœur s'était emballé et tes muscles tétanisés devant une situation que tu jugeais facilement dangereuse. La pesanteur de ton inefficacité croule si lourdement sur les épaules que tu serres les dents tout en agrippant un torchon pour essuyer le bout du comptoir où s'est placé le blond. Un regard céruléen te percute, une couleur qui n'est pas sans te rappeler l'océan. Tu n'as rien d'une combattante, ni-même d'une battante. Ton sport favori c'est la fuite, comme le disait ton futur ex-mari. Les conflits, d'ordinaire, tu les évites comme la peste tout en te maudissant pour le faire. Trop bonne trop conne, c'est sur tes pieds que tes proches marchaient avant que tu ne débarques à Arcadia. L'occasion de recommencer, tu avais pensé. Sauf que chaque semaine, quelqu'un ou quelque chose ne cessait de te rappeler ton impuissance de façon cruelle. Un goût métallique explose dans ta bouche : serrer les dents c'est bien, éviter d'attraper un morceau de joue avec c'est mieux. Un rictus de douleur, tu pivotes un instant pour t'éviter à le faire juste devant ton client qui a été trop serviable pour lui faire payer son plat de ce soir. Deux doigts sur la joue droite, un poil de concentration, une chaleur qui picote, le saignement est stoppé et la désagréable sensation envolée. Même pas un étourdissement après avoir usé de ton don, la pratique forme ton endurance. La satisfaction vient apaiser tes tourments que tu penses être dus à ton impotence. Après tout, un thaumaturge n'est pas concrètement fait pour se battre, mais plutôt pour soigner, adoucir et réparer ce qui peut l'être. Non pas pour briser des poignets mais pour les régénérer.

Une nouvelle inspiration, tu es prête à poursuivre ton boulot. Tout en te retournant face à lui, tu t'exclames d'un enthousiasme feint : " Évidemment que la maison offre! Si le patron apprend que je vous ai laissé partir en ayant payé il me tuera. Il voudra d'ailleurs sûrement connaître votre nom. " Invitation à peine dissimulée, toujours utile de savoir à qui tu t'adresses à presque une heure du matin. Tu aimes les visages, mais les noms sont plus faciles à transmettre et rappellent parfois plus certaines anecdotes que tu aurais pu entendre. Les gens parlent beaucoup au Kahuna, tu penses sincèrement avoir fait en tous cas trois fois le tour des amourettes de Delray Hollow avec ces pipelettes de clientes. Occupée à essuyer de la vaisselle, tu observes ton client amoché à la dérobée. Il contemple discrètement les lieux, le regard passant encore une fois sur la carte. Ta fâcheuse tendance à ne pouvoir tenir des conversations parfaitement illustrées par le silence régnant dans la salle. Tes yeux reviennent sur tes mains et ta tâche avant que tu ne te décides d’ouvrir la bouche. " Il n’a pas eu le temps de me toucher parce que vous êtes arrivé pile au bon moment. Et non. Non je n’aurais pas pu le cogner. " La vérité t’afflige et rallume ta rancœur que tu croyais avoir pu canaliser, cinq minutes avant. " Une fois c’est arrivé qu’un jeune me braque une arme à feu dessus. Mais un .. ami était là. Il a dégainé son insigne de flic et a fait fuir l’adolescent. " Un furtif sourire à l’évocation de Dan, que tu n’avais pas vu depuis longtemps. " Je ne vous remercierai jamais assez je crois. Alors vous offrir quelques boissons et un repas c’est la moindre des choses. " Tes yeux s’accrochent à ses blessures, un impact sous l’œil tirant sur le violet ainsi qu’un gonflement sur la joue. Tu pourrais presque les toucher, rien qu’en tendant le bras, pour y passer doucement ta main et apaiser le sang que tu peux remarquer pulser dans ses ecchymoses. C’est ce genre de besoin irrépressible que tu ne peux retenir dans la rue, quand tu remarques un enfant aux genoux écorchés et reniflant de tout son soûl. Cette exigence réveillée par ton don qui te pousse toujours à braver les regards curieux des badauds et porter secours à un chat de gouttière qui a une patte pliée. La même envie de soulager qui te fait lever la main, écarter les doigts et menace d’entrer en contact avec cet inconnu aux pulsions chevaleresques. Mais les avertissements de Vito sonnent à tes oreilles : faire attention, s’exposer le moins possible. Tu stoppes ton geste, sachant pertinemment que le quidam a dû le remarquer. Une moue désolée, tentant vainement de cacher le rouge qui te monte aux joues. " Désolée, j’ai complétement oublié de vous ramener de la glace. Je vais en chercher. " Demi-tour, s’enfuir dans la cuisine et y rester plus que nécessaire pour reprendre ses esprits. Lui n’était pas un enfant, il poserait forcément des questions si tu venais à le soigner miraculeusement d’un toucher. Il serait curieux ou effrayé, te traiterait en bête de foire, chercherait à contacter la police ou la presse. N’importe quoi. Tu reviens en salle, cinq cent grammes de petits pois congelés en main pour le donner à l’homme dont tu ne connais toujours pas le nom avec un sourire qui se veut léger.
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sur son petit poney blanc. TORBEN - Mar 2 Oct - 21:05

On me verse du café. L’adrénaline reflue. Ca ne va pas fort. J’ai le palpitant qui s’emballe. Et je pense que mes yeux doivent donner une drôle d’impression. L’espace d’un instant, le temps de quelques secondes peut-être… Je me revois au poste 133. Septembre 2007. Le Moudj’ a réussi à s’infiltrer par la rocaille sur le flanc presque abrupt de la ravine. Il y a tout un groupe derrière lui. Il a juste eu le temps de crier avant de prendre mon crève-cœur en pleine poitrine. Yeux exorbités sous le bonnet. Un cri. Et c’est toute la montagne qui s’illumine dans un fracas de fin du monde. Boum-boum-boum-boum. Pupilles dilatées, mon corps revit cette nuit et toutes les autres à chaque fois que je tiens une putain de lame. Surtout quand elle s’approche d’un peu trop de chair et de sang. Ils avaient tous raison. A m’éviter. Et moi de les fuir. Tout ça n’était bon pour personne.


Mais j’avais encore assez de force pour accomplir ma mission.


Le café coule en même temps que le poids d’une vie de errance et de meurtre. Menus du jour. Burger. Frites. Je n’y réussirais pas en une fois. Un pas après l’autre. Je devais d’abord accepter ce que j’avais fait avant d’épouser vraiment, de façon pleine et entière, ce que je devenais. Le vouloir ne suffisait pas. Je redresse un regard morne, perdu, vers la brune que je venais de tirer de là en manquant une fois de plus de me perdre. J’avais réussi, j’avais contrôlé. Mais j’avais encore manqué de peu de faire péter ma conscience avec empressement.



| Ce que vous avez avec du bacon et du fromage. Peu importe. |


Signe de tête pour le merci de rigueur. Je me sentais étrangement abattu. L’adrénaline avait reflué trop vite. Déjà, le temps de combat me manquait. Impardonnable. Vile habitude dont je devais me défaire. Ou l’accepter. Choisir. C’est ça que je devais faire. Je puise de la force chez cette femme qui ressent de la honte et de la faiblesse. Elle avait conscience du danger qu’elle avait évité de peu. Mais de ses propres manquements. Elle ne sentait pas que c’était ce qui faisait la force de son Humanité, ce refus et son incompréhension de la violence. Pas besoin de se sentir dégoûté de soi ; cette posture m’affligeait constamment. Ne pas se battre n’était pas de la faiblesse. Pas forcément. Tout dépendait de la situation. La vengeance –raisonnée- était légitime, tout comme la défense. Mais ce qui comptait par-dessus tout c’était l’intime motivation à faire ce qu’on faisait. Agir en fonction de qui on était. S’assumer. Se battre, avec ses armes, même si ce n’était pas des poings. Se battre toujours. J’hésite à donner mon nom, ayant envie de renouer avec un meilleur moral compte tenu du résultat de la journée en l’aidant comme je le pouvais, cette victime évitée.


| Torben. Torben Rawne. Enchanté, Carmen. Je tiens à payer, vraiment. |

Je ne voulais pas que des gens me doivent quelque chose. Ce n’était pas ma conception de la justice. Brutale et violente, sans détour, oui. Mais juste en toute chose. Elle travaillait. Elle méritait salaire. Je n’aurais pas pu me regarder dans une glace si je l’avais laissée se faire malmener, mais je ne pourrais pas plus en regardant son regard plein de remerciements et son âme portée à l’obligation du retour d’ascenceur, ce qui pondérerait ses prochaines actions en contraignant son âme. Elle me détrompe. Dit qu’elle n’aurait pu le frapper. Et je sens tout l’abattement que lui procure cette sensation. J’ai un sourire un rien ironique.


| C’est mon principal talent ça. D’arriver au bon moment. Je tombe souvent comme un cheveu dans la soupe. Et je me fais souvent cogner avec un grand sens de l’à-propos. Ce mec vous aurait bousculée, je crois. Ou repoussée. Mais je ne pense pas qu’il allait vous faire vraiment du mal. Ce n’était pas dans ses yeux. J’ai sur-réagi. Je suis désolé si je vous ai fait peur. Sale année, je vais la finir sur les rotules. |


Son anecdote éveille chez moi un intérêt, qui peine à supplanter ma culpabilité, mais qui est néanmoins bien réel. Mon sourire se fait plus franc, plus compatissant aussi. J’allais répondre mais avant cela, je ressens un puissant désir chez elle. Physique, mais pas sensuel. Elle n’a pas envie de moi. Elle a envie de m’aider. De combler un peu cette douleur que j’affiche par les marques reçues en pleine gueule. Mon sourire se fige. J’arque un sourcil. Je ne comprends pas son élan, pourquoi il vient maintenant et entre inconnus, mais elle le stoppe. Je n’ai senti aucun désir de me faire du mal, loin de là. Le même élan qu’une femme d’une grande douceur. Que certaines infirmières nourrissaient parfois. Certaines mères. Pas tant de gens, pas dans tant de moments de mon existence. Elle rougit et s’éloigne, avant de s’éloigner. Je reste stupéfait. Me toucher comme ça, en quoi ça aurait pu m’aider ? Je savais que certaines personnes étaient carrément plus tactiles que d’autres mais ce n’était pas le cas de tout le monde. Elle revient avec un produit congelé et un sourire. Elle veut oublier ce qu’il vient de se passer. Mais je suis trop curieux, et je ne comprends pas encore son âme.


| Merci. Des petits pois dans un fast food ? Vous en faites quoi ? | taquinais-je, un rien amusé.


Je m’écrase le sac glacial contre la gueule, contre mon œil et ma pommette.


| Ne vous en voulez pas trop, pour tout à l’heure. Mieux vaut que vous n’ayez rien fait. Soit vous cognez en étant sûre de vous, soit vous laissez le mec prendre ce qu’il veut. C’était courageux de vous interposer. Encore plus si vous ne vouliez pas lui faire de mal. Vous vous seriez forcé qu’il aurait pu prendre un mauvais coup, et faire un trauma crânien ou je ne sais pas quoi, ce qui vous aurait travaillé toute votre vie. |


Mon regard se fit plus intense. Plus précis. Pénétrant. Je voulais sentir comment elle réagissait à mes maux, réduisant le mystère de son âme.

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sur son petit poney blanc. TORBEN - Mar 2 Oct - 21:56

Le sourire aux lèvres, qui flotte innocemment. Vrai, pas contrefait, simple reflet de ce que vos échanges font ressortir en toi. Il ne t'est pas si aisé de discuter avec tout le monde, il y en a avec qui ça ne passe pas. Apparemment, le dénommé Torben n'en fait pas partie et tu en es soulagée. Se faire sauver les miches par un type et ne pas pouvoir échanger quelques mots après serait malvenu de ta part. Aucune dette de sang ne vous lie, pourtant ta reconnaissance pointe le bout de son nez. Il semble si humble, pour lui il parait normal de faire fuir les méchants et rassurer les serveuses a l'air d'être une seconde nature chez lui. Il a les mots, à n'en pas douter. L'air presque patibulaire qui semble se détendre comme ton pouls s'apaise. Le choc est passé, s'est écoulé plutôt rapidement. Le souvenir de cette soirée te resterait très longtemps en mémoire, mais les tremblements ont au moins disparus. Il doit certainement avoir un joli visage sous ses contusions. Et dire que d'un frôlement tu pourrais les lui ôter, il n'aurait probablement même pas le temps de réaliser et ne s’en rendrait compte que lorsqu'il s'observerait face à un miroir, se disant qu'effectivement, la douleur avait disparu. Mais le risque est trop grand, la peur de se faire questionner finalement sur ce que tu es plus forte que le besoin impérieux de régénérer les cellules. Il s'en remettrait, ce n'est pas comme s'il allait en mourir. Quelques jours et ce serait parti. Ses yeux semblent te dire qu'il a vu pire et tu les crois, sans chercher à savoir quoi exactement. Il refuse poliment ton offre, ne se doutant pas qu'il n'a pas d'autre choix que de manger et boire aux frais de la maison ce soir. Tu balaies sa contestation d'un mouvement de la main, mettant un terme silencieux au débat. Tu l'emportes toujours sur ce point-là. Il te confie ne pas être doué pour les entrées, tu rigoles un peu et songes que tu l'as trouvé parfait ce soir. Un peu plus et il serait arrivé peut-être trop tard. " J'en sais rien s'il voulait vraiment me faire du mal. Je sais juste que j'allais pas pouvoir me regarder dans la glace si je le laissais faire. Et si je l'avais frappé, j'aurais sûrement plus pu me regarder en face non plus. J'ai.. de la peine avec la violence. " Sourire plus ténu cette fois, ne voulant pas l'accabler pour ce qu'l avait fait. Sa démonstration de technique t'avait choqué, impressionné aussi, un peu. Il n'en restait pas moins que les quelques secondes d'après tu avais crains pour la vie du voleur. Effrayée d'un rien, le retour au calme avait été rapide lorsque Torben s'était retourné pour s’enquérir de ton état. " Bon, je dois avouer que je n'ai pas totalement été honnête. Vous m'avez fait peur, au début. Mais ça va maintenant, je crois que si vous vouliez me faire du mal vous l'auriez déjà fait. " Œillade confiante, tu hoches la tête pour faire passer le message. Traiter comme un pestiféré celui qui t'avait évité le moindre mal serait déplacé. Tu ricanes à sa remarque. " On garde les petits-pois pour les types qui se pointent avec des hématomes. " Tu l'observes se coller le sac gelé contre la face, grimaçant à sa place : la plupart des gens auraient frémit face au choc thermique. Lui non. Décidément quelqu'un de peu commun. Tu l'écoutes d'une oreille attentive, te repassant le fil des événements tout en y apposant ses réflexions. " Je suis pas vraiment courageuse. Je l'ai fait pour m'éviter de me prendre la tête avec le patron demain et la police.. C'était stupide. " Tu te grattes la nuque, gênée de ton aveu. Tu te dis qu'il a raison sans pour autant y croire totalement. " C'est facile de dire ça pour vous. Moi, seule, j'aurais rien pu faire.. Enfin c'est un débat sans fin je crois. Sûrement que demain j'y repenserai et je vous donnerai raison. Je vais mettre les trucs sur le feu, je reviens. "

L'odeur de steak grillé envahit lentement la cuisine, se rependant sans doute également dans le restaurant. Tout est presque prêt. Tu places les morceaux de viande dans leur bun respectif et, la garniture en place dans les assiettes, te diriges en salle pour apporter ça sur le comptoir. Un bocal de guacamole maison sorti pour l'occasion, tu ne peux résister d'en mettre dans chacun de tes burgers, tu lâches joyeusement. " J'espère que ça vous dérange pas si je mange aussi. Je crève de faim. Ah, j'ai ajouté du bacon et du fromage dans le vôtre. Guacamole ? " Tu pousses le récipient vers son assiette avant d'entamer tes frites. Une chance qu'aucun autre client ne soit là, tu croises les doigts pour que les vingt prochaines minutes soient tout aussi calme : histoire de pouvoir terminer ton plat tranquillement. Entre deux bouchées, tu as l'audace de demander sur le ton de la conversation : " Alors, Torben, vous faites quoi dans la vie ? "
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sur son petit poney blanc. TORBEN - Mar 2 Oct - 22:36

Je me sens fatigué. Je devrais retrouver mon lit, dans cette belle maison de banlieue qu’occupe Naelia et sa famille. J’avais envie d’une discussion avec son père, avec qui je bois un verre de temps en temps, même si l’alcool ne me fait plus le moindre effet depuis ma blessure au début de l’été, et le renforcement de mes pouvoirs. Je pourrais embrasser sa gamine et lui raconter une vieille aventure, pour lui faire oublier la mort de son propre père, l’ex de ma cousine. Essayer de la faire rire un peu. Cette petite était géniale. Ou je pourrais discuter avec Nailea dans la cuisine. Essayer de mettre un peu de baume au cœur de ce roc qui se battait pour tout le monde sans jamais prendre trop de temps pour elle. Je suis fatigué, mais content. J’aurais pu faire toutes ces choses, au calme, dans ce « chez moi » temporaire. Comme tous les précédents. Ou je pouvais être ici et essayer de changer les choses pour une inconnue. Ce à quoi j’étais voué par ma nature même, par l’essence de ce que j’étais. De ce que j’incarnais. La jeune brunette est catégorique. Pas de paiement. D’une manière ou d’une autre, elle aurait ma thune dans sa caisse. Elle ne semble pas s’attarder sur le pourquoi du comment, quand je lui parlais des intentions du type. Ouf, elle me faisait simplement confiance. Je l’avais protégée, ça lui suffisait.


Cette simple sensation me réchauffait enfin. Mettait un rien de poudre sur mon vague à l’âme, sur le jugement introspectif que je produisais. Je lui offrais un sourire sincère. Essayant de lui donner un peu de cette confiance qu’elle semblait ressentir pour moi.



| S’opposer est l’essentiel. C’est ça qui est courageux. La violence n’est pas une gloire en soi, vous pouvez me croire. Quand on s’y adonne, on finit par avoir ma tronche. |


Et ce n’était pas enviable. Certains jeunes gens, impétueux et pleins de fougue, aimaient l’idée d’être des bagarreurs. Plus je vieillissais, moins je pouvais m’empêcher de me battre, et moins j’appréciais les conséquences de mon implication dans l’échange de coups. J’essaie de détendre l’atmosphère d’un regard plissé, en coin, et d’un sourire plus large tout en lui lançant une petite boutade.


| Qui sait ? C’est peut être mon truc de mettre en confiance mes victimes… |


Ton de la dérision qu’elle ne pourrait sûrement pas louper ; et je riais doucement en écho de son propre rire quand elle me sort que les petits pois sont pour les blessés.


| Ce n’est donc pas votre première fois. J’en suis un peu jaloux. | Mais mon visage s’assombrit. Je me revois ramper dans la fange d’un jardin dévasté, du sang qui coule du nez et de la bouche, et qui m’étouffe de l’intérieur. Je me noyais de la balle qui me perçait le poumon, et suffoquais en cherchant de l’aide ou un relais pour accomplir ma mission. | Mais dans cette ville, ça ne m’étonne pas. |


Je hoche la tête quand elle me dit qu’elle nest pas courageuse et qu’elle avait voulu s’éviter une engueulade. Et haussais les épaules. Pas d’importance. Le geste comptait, et elle l’avait assuré. Elle avait raison Carmen, quand elle disait que c’était un débat sans fin. Avec des si on refait le monde et en attendant, elle va me faire cuire ce qui me servira de repas ce soir. Je me frotte les yeux, qui me grattent tant ils tendent à vouloir se fermer. Je souris à nouveau quand la serveuse/cuistot me dit qu’elle va manger avec moi. Et qu’elle a tenu compte de ma commande. Je hoche la tête pour le guacamole, et la regarde manger ses frites.


Etrangement, même si le plat a l’air appétissant et que l’odeur me donne rudement faim, je sens mon appétit fondre. Je fronce les sourcils. Je sens quelque chose. Ca se rapproche. Un peu absent, j’essaie de comprendre quoi. Et elle me demande ce que je fais dans la vie. Je le sens dans mes tripes. Ils sont plusieurs. Et ils veulent se venger.



| Je passe mon temps à sauter à pied joint dans la merde et ça éclabousse tout le monde au passage, visiblement. |


Les types entrent dans l’échoppe. Je me redresse d’un bond, me place entre eux et Carmen. Le type de tout à l’heure me pointe de sa main valide, garde la blessée contre son torse. Deux autres mecs. L’un d’eux a un Glock en main. L’autre a un vieil Uzi. Celui-là a l’intention de s’en servir. L’autre est plus hésitant. Ils me crient de leur donner mon nom, la caisse, mon porte-feuille, tout. Le petit excité demande même la fille. Ah. Là, il y avait motif à quelque justice divine. Mais je n’avais pas d’arme. Con de Torben. T’apprends jamais. Ces gens-là ne méritent pas toute la sécurité dont tu fais preuve, la prochaine fois sort avec ton arme et sois prêt à t’en servir, bordel de merde. Je rentre le couteau à steak de ma main droite dans ma manche. Et lève les mains. Ils se rapprochent. Je tourne la tête sous les invectives.


| Quand je bondis en avant, vous sortez par l’autre porte et vous appelez à l’aide, Carmen. D’accord ? |


« Qu’est ce que tu dis fils de pute ? » me dit l’un « Ta gueule et file ton fric » dit l’autre. Clin d’œil pour Carmen, « faites-moi confiance et soyez au rendez-vous ou on va tous les deux passer un sale quart d’heure. Je ricane. Dis que ces cons n’ont aucune idée de qui ils sont en train de braquer, ce qui est probablement vrai vu que presque tout à Arcadia est possédé par des mafieux de tous bois. Ils me braquent. L’un d’eux s’approchent pour me fouiller alors que je suis toujours bras en l’air. Paumes posées, tapées, contre mes aisselles, mon bassin, mes cuisses. Mes mains vissées derrière ma tête cherchent le couteau dans ma manche, retenu par le tissu et mon poignet. C’est à ce moment-là que je frappe, pointe vers le bas, quand le type est accroupi. Hurlement. Sang. Coups de feu.


Tiens, ça sent le sapin.

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sur son petit poney blanc. TORBEN - Mer 3 Oct - 18:39

" Ça n'a pas l'air d'être votre première fois non plus. Comment vous vous êtes fait ça, au visage. " Une main occupée à acheminer les frites, trempées dans le guacamole, jusqu'à ta bouche, l'autre qui illustre tes paroles en montrant ta propre face. Ces hématomes, d'où viennent-ils ? L'atmosphère est détendue, les minutes se déroulent calmement, juste après la tempête. Il t'inspire confiance, même si tu ne le connais pas assez encore pour lui palper la pommette amochée et l’œil boursouflé. Tout pourrait être si simple, mais l'appréhension de devoir expliquer le miracle de guérison que tu portes à bout de bras bloque toute opportunité. La bouche pleine, tu manques de t'étouffer suite à la réponse de Torben. " Ça c'est de l'occupa- " Timing parfait, à croire que quelqu'un avait calculé l'entrée que feraient les trois protagonistes dans le Kahuna Burger. Le blond a déjà lâché sa nourriture, faisant barrage de son corps entre eux et toi. La température de la pièce chute alors que tu sens ton coeur battre à nouveau à plein régime. Ça c'est mal, très mal. La batte n'est pas loin, mais que pourrait faire un morceau de bois face à trois types voulant en découdre, armes à feu au poing. Les frites presque mâchées filent tout droit dans ta gorge, manquant à nouveau de te faire tousser. Les tremblements te reprennent, la brebis se sentant entourée de trois loups, n'ayant que le chien de berger pour la défendre. Elle aura beau bêler, la brebis, personne va se soucier de son sort et elle n'a pas les mêmes armes que les prédateurs pour se défendre. Le gouffre béant que représente son inégalité réveille une profonde injustice, lui piquant les yeux. On est à l'abri de rien à Arcadia, Torben semblait avoir vu juste, finalement cela ne t'étonnait pas non plus dans cette ville. Manger en paix était trop demandé ? Tu reconnais seulement maintenant le type qui garde un bras en arrière : le voleur d'avant, celui qui a le poignet en miette et probablement sa fierté aussi. Là est la raison de sa présence, il veut se venger et finir ce qu'il a commencé. A lui seul, il avait cru pouvoir se servir sans autre mesure, une serveuse ne pouvait certainement pas le stopper. La rage se mêle à la peur, l'idée d'être blessée rendant tes mouvements approximatifs et ta respiration saccadée. Cette rancœur que tu gardes pour toi gonflant à ton raisonnement : le premier agresseur avait cru pouvoir mener son raid seul. Et la vérité c'est qu'il y serait probablement arrivé si Torben n'avait pas été là. Ton inutilité t'afflige, te vrille les entrailles pour mieux y mettre le feu. Tu tires sur ta robe moutarde, sommant silencieusement tes mains d'arrêter leurs tremblements. S'adonner à la violence, comme il l'avait mentionné, ne semblait pas être une si mauvaise option que ça. Autant fallait-il savoir par où commencer. Et là était le problème.

Tu tends ta main lentement en direction de la batte qui est restée sous le comptoir quand le blond à la moustache t'arrête à temps dans tes raisonnements irréalistes. Son plan parait bien plus sensé que l'idée qui germait dans ton esprit. Protégée par le bar épais du Kahuna, tu te saisis tout de même de l'arme improvisée alors que les hommes armés aboient des ordres et semblent t'oublier. Plante verte sur un décor sombre, elle rejoint l'utilité de la brebis. Et, tout comme il l'avait naturellement fait lorsqu'il était entré, Torben prend les choses en main, te dit de t'enfuir et appeler au secours. Ça paraît naturel chez lui, de gérer ce genre de situations. Tu tentes de t'y opposer, que tu ne veux absolument pas le laisser seul. Dans toute ton aversion pour la violence, il t'es impossible de déserter ce qui s'apprête être un champ de bataille. Tu sens la tension dans l'air, si dense qu'on pourrait la couper au couteau. Un couteau, bien sûr. Mieux : le maillet pour attendrir la viande. Un des hommes s'approche du blond, ta main se crispe sur la batte, te demandant quand agir et bondir. Le cœur battant jusque dans tes tempes, jusque derrière tes yeux, tu le sens partout. La grippe sur le bois de ton arme canalise tes hoquets de frayeur. Tout se passe si vite que ce n'est qu'après le premier coup de feu que tu arrives à t'élancer vers la cuisine. Vite, vite, vite. Tu aurais beau appeler des secours, ils ne pourraient venir avant que Torben y laisse au moins la vie. Le vacarme et les hurlements qui emplit la salle se répercute dans la cuisine, t'angoissant tellement que tu hésites à te ronger les ongles. En plein rush. Dans ton empressement à chercher couteaux ou ustensiles pour te défendre - mettant un bordel innomable dont le chef se souviendrait - tu te cognes le genoux contre l'énorme friteuse encore chaude. " Puta! " Les larmes emplissent tes yeux, tu grognes en te frottant frénétiquement la jambe pour faire passer la douleur. Avant d'immobiliser tout mouvement. Bien sûr, pas besoin de devoir trancher. Prise d'une vague d'espoir, ou d'un vague espoir, tu te saisis d'une casserole creuse et ouvre le compartiment qui contient encore l’huile bouillante. Dans ton ardeur tu te brûles quelques fois, arrivant à ne pas y prêter attention. Les combats font toujours rage, peut-être que le moustachu est presque mort ? Cette pensée te pressant davantage, tu finis de remplir la casserole de l'huile, le récipient qui pèse déjà sur tes bras.

" He toi ! " A peine l'abruti relève les yeux du bar qu'il se ramasse un jet visqueux et très, très chaud à entendre ses plaintes lorsque cela atteint son visage. Il te cherchait apparemment dans tous les recoins, sauf dans la cuisine. Tu laisses retomber la casserole qui émet un fracas lorsqu'elle touche le sol, de quoi divertir les adversaires du blond qui se débrouille pourtant bien, à ce que tu peux en juger. La batte prise à deux mains, le souvenir de quelques cours de baseball à l'école à La Havane, tu ne laisses pas le temps au voleur de se remettre de ton attaque à l'huile de friture. Tu frappes de toutes tes forces, qui sont peut-être maigres, mais suffisantes pour l'assommer. Tu te saisis de son arme tombée en même temps que sa tête sur le sol. Un pistolet sombre, trop lourd et trop froid pour ta propre conscience (c'est le glock). Une pensée va à l'homme que tu viens de brutaliser et une pour l'adrénaline qui pulse en même temps que ton pouls rapide, indiquant ta terreur, sans qui tu n'aurais rien pu faire. Les plaintes en bruit de fond te ramènent à la réalité. Tu oses jeter un regard pour voir ce qu'il se passe devant le comptoir, pas très loin de la porte d'entrée, et le regrettes instantanément : du sang, des éclats de bois et Torben enfonçant ce qui ressemble à un des pieds d'une des chaises dans l'orbite de celui qui a le poignet brisé. Tu réprimes une envie de vomir, l'estomac secoué par le spectacle et ton courage nouveau chassé comme une brindille face à un ouragan. Murmure inaudible, crispation violente et un non arraché de tes lèvres. Tu veux bien croire qu'ils ne lui laissaient pas le choix, mais la brutalité crue et le morbide n'étaient pas - pour toi - une solution en soi. Te campant avec plus de ferveur sur tes deux jambes flageolantes, toujours protégée par le comptoir, tu pousses d'une petite voix un stop qui doit être tout sauf intimidant. Tentant de ne pas te concentrer sur le sang et les quelques gémissements, tu reprends ta respiration et hurles en braquant de ton pistolet, comme tu l'avais vu dans quelques séries, les voleurs mais aussi celui qui était venu à ton secours. " Arrêtez ! Stop. Ou je tire. Torben, arrête je t'en prie ! " Il te semble encore plus mal en point qu'avant, mais la lueur dans son regard te fige et te rend hésitante. Si l'un des deux autres a toujours son arme, il ne peut plus s'en servir sinon il l'aurait déjà fait. " Laisse-le tranquille, ne lui fais plus de mal. S'il te plaît. " Sur le point de craquer, les yeux embués face à tant de souffrance et de malheur. Tout ça pour une malheureuse caisse enregistreuse. La supplique dans ta voix est réelle, sincère, sonnant comme un appel à une trêve.
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sur son petit poney blanc. TORBEN - Mer 3 Oct - 20:46

Je sens le cœur de Carmen. Gentille personne. Serveuse impliquée. Elle est au service des autres. Je l’ai encore plus senti quand elle avait voulu me toucher le visage. Elle ne mérite pas ce qui va nous tomber dessus. Je le sens comme un météorologue devant son écran, qui constate le déplacement de masses nuageuses instables dans sa direction. C’était pareil pour moi. Je les « entendais » arriver avant qu’il ne se pointe. Ma « victime » avait été prise en défaut dehors, je sentais de la peur et de la résignation. Il avait adhérer au plan de vengeance des deux autres petites frappes que je sentais bien plus confiantes, bien plus en forme. Ils assumaient ce qu’ils venaient faire. L’un voulait la caisse, et casser quelques dents au passage. Exprimer à la face du monde toute cette haine flamboyante qu’il nourrissait pour son prochain autant que pour lui-même. Le second butor, lui, avait tiqué à propos de la fille, de la serveuse. Je ne vous retranscrirais pas ces émotions mais j’avais déjà ressenti ça il y a quelques mois à mon arrivée à Arcadia. Soirée qui s’était conclue par un meurtre. Mon instinct me crie que la mort tape à ma porte, sauf si je les laisse me battre sans résister, et si j’accepte que Carmen se fasse violer dans un coin du fast-food. Autant dire que j’étais déjà résigné à en prendre plein la gueule.


J’y suis, j’y reste.


Carmen a peur. Carmen panique. Mais elle a envie de se battre, dans un sursaut de résistance face à la constante fatalité du destin de cette soirée. Je la sens déterminée. Ma présence lui donne de la force, semble-t-il. De la détermination. Elle a peur à tel point que si j’avais eu la vessie pleine, j’aurais dû me contenir par effet de contamination. Mais elle se contrôle, et moi aussi. Je suis bien plus inquiet de ce que je ressens en face. Et concentré sur ce qui émane de ces types. Je ressens l’instant fatidique, au moment où les émotions du vengeur se font un rien moins furibondes, mais qu’il est agacé alors qu’il est en train de me fouiller. La lame tombe en direction de son visage. La lame se plante dans la chair molle derrière sa clavicule. Je regrette le crève-cœur dont la longueur de l’âme m’aurait permis de le tuer en un coup. Là, je ne provoque que saignement et affaiblissement. Le type hurle, se débat, tire par réflexe et la balle s’écrase au sol, comme la suivante. L’autre type course Carmen et le dernier rejoint la mêlée avec moi et le premier que j’ai blessé. Je laisse la jeune femme faire tout ce qu’elle peut pour se tirer de là mais j’étouffe un juron quand je la sens partir vers la cuisine, et non vers l’issue de secours. Pas le temps, faut y aller. Maintenant, il n’y a plus que l’instinct de mort chez ces trois mecs. Eux ou nous. La survie réduite à sa plus simple expression.


Je pare un coup de crosse du blessé, et cogne celui au poignet brisé en pleine mâchoire. Je prends un coup de poing au plexus et recule, la respiration coupée. J’attrape ce qui me vient sous la main et je l’expédie en plein visage de mon adversaire le plus proche ; le porte-serviette en inox rempli de feuillets s’écrase sur sa joue et je le bats ainsi une fois, deux fois, trois fois. Coups de poing. Œil. Bas-ventre. Je distribue et reçois, mes coups sont plus précis et plus puissants mais ils sont deux, et je recule sous la violence et la vitesse de leurs attaques. Je repousse l’un d’eux par-dessus la table la plus proche. L’autre me percute et nous roulons au sol. Je me prends une chaise sur le dos par l’autre. Le bois se brise et je pousse un cri de douleur alors que le coup a été porté contre mes côtes, les mêmes qui avaient été fracassées par une balle au début de l’été dernier. Partout, des hurlements.


Carmen panique mais je sens les émotions liées à une puissante réaction de son instinct de survie. Je tire le type par la cheville, il s’éclate par terre, et je ramasse encore une fois d’instinct ce qu’il y a de plus près. Un bout de bois, relique de la chaise. Et l’abat en plein front. La joue se perce et le carrelage baigne de sang. Des dents s’arrachent sous les coups, en même temps que la gencive et la mâchoire. Le bout de bois se fiche dans le crâne du mec. Mon visage goutte de sang. Je relève les yeux alors que je sens une conscience écrasée par la culpabilité, la terreur et l’instinct de survie, se rapprocher de moi et du mec horrifié du destin de son camarade. Plus loin, un type inanimé. Qui fume. L’odeur est celle de la chair brûlée et de l’huile. L’odeur caractéristique de la chair brûlée et fondue, comme après un tir au Phosphore, l’odeur rance de la chimie en moins. Je reprends mon souffle. Haletant. Un râle quasi-continu s’échappe de ma bouche ouverte. Je n’en peux plus de ces quelques instants de lutte à mort. Je me rappelais des paroles de mon instructeur sur le choc, le fatidique moment où il faut tuer de près et parfois pendant de longues minutes indécises, l’épuisement nerveux et physique.


Carmen m’implore d’arrêter. Je me redresse. Referme la bouche. Déglutis. Le jeunot a tiré le couteau de son épaule et le tient en main en face de moi. Je reprends ma respiration. La domine. Je sais ce que je dois faire. Elle a dit mon nom. A haute voix. Un homme normal aurait regretté toutes les emmerdes nées de sa présence ici, ce soir. Pas moi. Si je n’avais pas été là, elle se serait fait dépouiller. Ou pire encore. Peut être que ces mecs auraient quand même voulu entrer dans le commerce une fois que leur complice leur aurait dit qu’elle était seule. On ne pourra jamais savoir, c’était trop tard pour faire machine arrière. Je n’ai pas le temps pour les remords pour le type au sol, et j’ai parfaitement contrôlé cette fois mes gestes envers ma nouvelle victime. Il avait fallu protéger Carmen et me protéger moi. Je ne sens plus que la terreur des deux survivants, chacune imprimée d’une variation de nuances infinies. Je ramasse le flingue qui est par terre, sous la table d’à côté. Je braque le dernier et tourne la tête vers Carmen. Capte son regard.



| Fermez les yeux, Carmen. |


La détonation claque en même temps que le torse du dernier mec debout, qui arrose le mur derrière de sang. Je me rapproche. Renifle. Ravale le goût du sang qui me coule du nez et de la bouche, meurtris par les coups. Je ne fais pas de sentiments et presse à nouveau la détente. Bang. Son visage démolit rebondit sur le sol qu’il inonde de sang. Je me rapproche du dernier blessé, laissé inconscient par Carmen. Et l’achève lui aussi. Pas de témoins. Elle avait dit mon nom. Les survivants auraient déduit qu’elle me connaissait vraiment. Soit ils m’auraient traqué moi, soit ils seraient revenus s’en prendre à elle, par vengeance ou pour m’atteindre. Eux plutôt que nous.


Le sang peut aussi être l’économie du risque, à la guerre. Trois meurtres, Torben. Trois. Cette fois, tu es foutu. Même si ça pourrait passer en légitime défense. Je déglutis. Bien conscient de ce que j’ai fait. Je me rapproche de la jeune femme. Elle se débat, démolie par ce à quoi elle vient de participer et d’assister. Je la force à me regarder, les yeux dans les yeux.



| Carmen. Ecoutez-moi. ECOUTEZ. Racontez tout aux flics. Sauf mon nom. D’accord ? Dites-leur que ces mecs sont venus vous braquer. Que l’un d’eux a voulu vous violer. Que votre dernier client en a désarmé un et les a tous tués. Ils vont vous cuisiner, à cause des morts. Ils vont pas vous lâcher, ce soir. Je ne vous demande que ça. Ne leur donnez pas mon nom. Pas de vidéo. Ils n’auraient rien. Ils ne sauraient même pas que j’existe. |


Je me mords la lèvre. J’ai saigné du nez et des lèvres. Mon sang est peut être là, quelque part sur le sol ou une table, une chaise, ou sur leurs poings. Je suis dans la merde comme jamais je ne l’ai été. J’avais déjà fait pire, niveau meurtres. Ceux-là étaient même sans doute parmi les plus légitimes. Mais trois, putain, et au moment où je les tue ils sont peut être armés, mais pas en mesure de se défendre pour autant. J’ai envie de vomir face à l’abime devant lequel je me suis placé. On entendait les sirènes de police au loin, quelqu’un avait dû entendre les coups de feu.


| Vous avez de l’eau de javel, pour l’entretien ? C’est ça ou foutre le feu, pour faire disparaître mes traces ! |
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sur son petit poney blanc. TORBEN - Jeu 4 Oct - 17:30

Les mains sur les oreilles, l'envie de crier sans pouvoir y arriver, impuissante face au massacre. Du sang, des détonations trop forte pour tes tympans, une odeur viciée, une odeur de mort. La Mort. Tu repenses à ce que t'avais laissé entendre Alejandro, qu'il y avait plusieurs divinités personnifiant la mort en ville. Torben en était-il une ? Ou un simple mortel en quête de brutalité, d'os brisés et de souffrance ? La nature humaine est une plaie, les hommes ne sont bons qu'à finir sous terre après avoir combattu pour une cause dont ils se considèrent peut-être comme messies. Les tremblements sont si forts que tu menaces sérieusement de t'évanouir. Certainement que la seule chose qui te fait tenir debout est l'instinct de survie. Mais quel est l'instinct qui habite le blond à la gâchette trop facile ? Qu'est-ce qui le pousse à faire ce qu'il fait ? Son regard céruléen dans le tien, le sérum de vie qui macule son visage lui donnant l'air d'un guerrier, il tressaille à peine lorsque le coup part. Le mur du restaurant repeint rouge sang, d'un art macabre. Un corps s'effondre. Tu gardes les yeux ouverts, si grands que tu imagines déjà les voir sortir de tes orbites. Toi si décidée il y a quelques secondes, braquant approximativement les trois hommes restant - dont Torben -, tu avais laissé choir le pistolet à terre. Le glock avait percuté le carrelage, avait glissé pas très loin du visage de l'homme que tu avais sûrement défiguré à vie. Tu n'avais même pas tenté de surmonter cette vision, tu avais juste évité la scène de près, sachant pertinemment qu'elle te poursuivrait jusqu’à ta tombe.

L'horreur fige ton visage, les sueurs froides inondant le dos de ta robe. Tu peines à croire que ton chevalier servant se retrouve avec le rôle de la faucheuse. Une mélodie macabre semble l'englober, alors qu'il exécute froidement les trois protagonistes qui ont perturbé votre souper. Ils ne le referont plus, c'en est certain. Les joues humides, des sillons d'eau salée ravagent ton maquillage discret, te traçant une mine affreuse, à l'image du Kahuna et de ses morts. Une déflagration de plus, si proche cette fois. Hébétée, toujours les mains sur les oreilles comme une gamine apeurée, tu te retournes pour voir que tu as reçu un peu de sang sur ta robe moutarde. Tu détaches une main de ta chevelure ébouriffée pour essayer d'enlever les gouttes trop nombreuses. Tu as beau frotter, lécher un bout de doigt pour gratter frénétiquement le tissu, rien ne part. Tu étales le tout encore plus, lâchant quelques hoquets de désespoir. L'hémoglobine provient de l'homme au poignet brisé et à la gueule brûlée. Tu étais pourtant sûre de l'avoir immobilisé pour un petit moment encore. Pourquoi l'avoir achevé ? " Pourquoi faites-vous ça.. ? " Sanglot étranglé, murmure teinté de douleur et d'incompréhension. Les trois corps sans vie gisent au sol, sur le carrelage du Kahuna Burger, petit restaurant de Delray réputé pour son accueil chaleureux et sa cuisine épicée. Tu n'as pas le ventre assez solide pour pouvoir t'arrêter sur les cadavres, mais tu peux imaginer qu'ils aient une famille. Des enfants, une femme ou un amant qui les attend. Quelque chose à faire demain, des projets à réaliser dans six mois. Un chat à nourrir ou un chien à sortir. Des rêves inachevés et des excuses non prononcées. Tout ça s'était arrêté ici, en passant le seuil du fast-food dans lequel tu travaillais. La culpabilité innommable te broie les tripes, te faucherait les jambes si tu n'étais pas si résolument campée dessus. L'ardeur qui t'avait permis de mettre KO ton agresseur t'avait désertée. Seules restaient l'horreur et la tristesse d'un tel massacre. Complice, tu n'étais rien d'autre qu'une complice. La fatalité te broie la nuque, te fiche un couteau entre les omoplates, te monte les larmes aux yeux encore une fois. Tu sanglotes silencieusement, essayant de canaliser les soubresauts de ta poitrine. Debout derrière le comptoir, près d'un macchabée inanimé, les pieds dans une marre de sang qui se répand et apparemment aussi dans un sacré merdier.

Il s'approche, il veut te dire quelque chose. Tu refuses, trop choquée et terrifiée par sa démonstration de cruauté. Tu tentes de le repousser, il te saisit les deux bras en forçant le regard. " Lâche-moi, me touche pas ! Je ne veux plus jamais te voir. " Mais son ton impérieux te fige, te force à te taire et écouter. Tes oreilles bourdonnent terriblement, dans les séries policières ils ne précisent pas qu'être proche de coups de feu peut vous rendre bouché. Pourtant, tu perçois ses paroles comme si elles résonnaient dans ton crâne. Il résume tout ce qu'il vient de se passer avec un timbre clair, il ne dégage aucune honte, ni remords apparemment. Sa demande ne te surprend que moyennement, les yeux embués tu ne discernes pas tellement son expression. Mais tu sens qu'il a mal, et le sang maculant son visage peut ne pas être le sien, il n'est pas totalement sorti indemne de son affrontement. Il aurait pu s'en aller, il aurait pu te laisser seule avec eux. Il n'en avait rien fait, il était resté et toi également. Il t'avait même dit de prendre la fuite, il avait été prêt à encaisser pour toi. Tout n'est pas noir ou blanc finalement. Tu n'en sais trop rien s'il est bon ou mauvais, s'il mérite ou non ce que tu t'apprêtes à faire. Tu te défaits de la poigne de Torben, essuyant tes larmes de la manche. Lui et toi vous savez ce qu'il s'est passé. Ces fous furieux sont venus avec des armes pour voler un fast-food et taper sur le mec qui avait mis au tapis leur ami. Un hoquet de tristesse te saisit : mais ils ne méritaient pas ce sort-là. Les sirènes que tu distingues également ne sont plus très loin, te sortent de la léthargie. " J'y crois pas de ce que je vais faire. " Les alcools les plus forts sont gardés dans un placard en cuisine, tu t'y diriges sans jeter un regard aux alentours. Tel un cheval à qui ont aurait mis des œillères, une démarche droite et mécanique, tu ouvres une des étagères pour te retrouver face au stock conséquent de Kahuna. Tu n'as pas une seule égratignure et tu le dois à Torben. Tu y farfouilles aussi rapidement que possible, te fixant un seuil de sélection : si la bouteille n'a pas un pourcentage d'alcool en-dessus de 30% il est inutile de la sortir. Au nombre de quatre récipients et les bras pleins, tu te dis qu'il est temps. Une inspiration et tu repars voir le blond dont tu ne sais plus trop quoi penser. Il t'a sauvé les miches, voilà la seule raison pour laquelle tu arroses un à un les corps ainsi que les quelques endroits où le sang est le plus concentré. " Meurtre pour toi, incendie volontaire pour moi. " Tu crois démarrer le feu alors qu'une pensée te traverse l'esprit. Tes larmes essuyées, les yeux secs et le regard résolu, le dernier homme debout de la pièce t'apparaît mieux que jamais. Amoché, affaibli et hésitant, il ne paie pas de mine. Il ne te fait pas moins peur, mais tu te sens redevable. Au-delà de participer à ces dissimulations de preuves, au-delà de couvrir ses horreurs. C'est ton besoin de sentir sous tes doigts les hématomes et les écorchures désenfler, se ressouder et ôter la douleur, aussi minime soit-elle.

Délaissant ta profanation de cadavre, tu approches le blond d'un pas hésitant. Tes paumes te démangent, venant presque à gratter. Il n'y a plus personne à soigner à part lui, puisqu'il les a tous achevé. Mais, tu ne guides pas ton cœur et lorsque tu es assez proche pour le toucher, tu apposes tes doigts sur ses joues et ouvre les vannes qui maintiennent ton énergie salvatrice. Elle le percute, quitte lentement ton propre flux au profit de celui de Torben. Sa lèvre qui suintait déjà se referme, proprement et sans attendre. Tu sens les quelques perforations à l'intérieur de sa bouche, tu t'y concentres pour les ôter également. Une douce chaleur, comme un rayon de soleil au printemps, émane de tes mains, seule témoin du pouvoir. Une plaie sur le front, tu y diriges une paume pour la panser. Rien que par la pensée et la volonté. Sa poche sous l’œil, celle qui s'est aggravée depuis qu'il est arrivé, dégonfle et se décolore, reprenant la teinte de sa peau. Une main sur sa joue, là où sa barbe te chatouille, et l’estafilade disparaît. Tes forces convergent vers un même point, plus bas cependant. Une goutte perle sur ton front, puis une autre. Les blessures visibles sont supportables à traiter. C'est quand elles sont internes qu'il est plus difficile de régler le problème. Ce sont les côtes qui font souffrir celui qui est devenu ton acolyte, du côté gauche. Sans demander la permission, tu passes les mains sous le tissu qui se posait en barrière, remontant jusqu'au point douloureux. La respiration difficile, le front humide et la proximité avec Torben qui ne te rassure toujours pas mais qui n'est en rien un frein à ce que tu fais le mieux : soigner. Et tu le sens, ça fonctionne. Les os reprennent lentement leur place, dans un glissement quelque peu douloureux. Tu peux sentir une micro fissure sur l'une des côtes, que tu t'appliques à combler en un froncement de sourcil concentré. Et quand tu sens que tu as fait le tour, tu pousses un soupir fatigué. L'effort est dur, mais pas insurmontable.

Comme si rien n'était arrivé de tout ça, tu recules, dégage ton emprise et reprends où tu t'étais arrêté. Tu attends pourtant ses questions, s'il en a. A l'aide d'un briquet pris lui aussi en cuisine, tu t'approches du corps le plus proche. Les flammes prennent moins facilement que tu ne le pensais, mais elles finissent par se manifester. L'odeur de brûlé se répand, tout comme ton assurance se dégonfle. Mais qu'est-ce qu'elle fait la serveuse du Kahuna ? Tu espères qu'aucun passant ne te verra, ni Torben. Les sirènes se rapprochent, tu lances le briquet au blond qui te faisait tant flipper avant. " Je.. Je sais pas ce que je fais. C'est juste.. tu crois ? " Quelle idée de demander son avis à un assassin.
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sur son petit poney blanc. TORBEN - Ven 5 Oct - 0:26

C’est le moment rêvé, idéal, pour mettre à l’épreuve mes toutes nouvelles résolutions. Cette décision que j’avais prise suite au manoir, d’assumer vraiment qui j’étais, et la mission qui m’était dévolue par nature. Je savais que je venais sans doute de réagir avec une cruauté extrême, mettant un application une sanction exemplaire par la seule légitimité de ma propre conviction. Et pourtant… Pourtant, je savais au fond de moi que j’avais bien fait. La première raison et la plus évidente, était que j’avais protégé cette femme. Je n’avais eu que quelques instants pour m’en rendre compte mais si le premier criminel s’était plutôt désintéressé d’elle, il n’aurait pas hésité une seule seconde à la malmener pour avoir son fric. Et sur les deux copains appelés à la rescousse, il y avait le salaud qui s’était enflammé à la vue de Carmen. L’autre était venu dans le but de me descendre moi, pour venger son pote et pour faire un nom à sa petite bande. Crétins dégénérés. Dans une ville aussi pourrie qu’Arcadia, tout appartenait aux fortunes discrètes de la ville et il y avait des chances pour que la fille, l’endroit ou les deux, soient possession d’un des groupes de grand banditisme que contenait la ville. J’avais donc dû la défendre elle de ce qui aurait pu s’annoncer comme une soirée encore plus traumatisante, et j’avais dû défendre ma propre vie. Ma conception de la justice, celle de Teutatès en tout cas, était la plus ancienne qui soit, que mes contemporains de cette ère pourraient bêtement résumer en « vivre et laisser vivre ». On s’en prenait à moi, avec le but de me démolir ? Alors, j’étais tout à fait en droit de buter ces gens. Et plus encore que la capacité, c’était même un devoir. Autrement ces cancrelats auraient passé


C’était finalement mon nom lancé à voix haute qui avait scellé le sort de tous ces mecs. Je ne pouvais dès lors plus me contenter d’une simple leçon. Le plus virulent des deux survivants reviendrait. Pour moi, pour Carmen, ou pour les deux. Et ça n’en finirait jamais. J’avais rayé au pistolet toute mention d’une menace future, éclaboussant d’hémoglobine les dalles, les fauteuils et les tables. Il y en avait partout. Et Carmen était démolie. Démolie mais en vie. Compte tenu de ce qu’il venait de se passer, c’était tout ce qui importait, même si ce n’était sans doute pas si évident que ça à ses yeux à elle ; je sentais bien sa détresse, son incompréhension terrible et douloureuse d’une situation qui venait de renverser sa vision du monde. L’ancien Torben aurait regretté des morts aussi vaines. Il se serait lui-même fustigé d’un trop large et trop facile recours à la violence. Maintenant, j’assumais. Je savais que ce n’était qu’un moindre mal. Que la justice expéditive était la seule qui valait, en fin de compte. Ma compréhension de l’âme humaine me suffisait à protéger et à défendre, mais aussi à condamner. J’avais l’intime conviction qu’ils n’en seraient pas resté là. J’avais senti la lueur d’espoir dans leur cœur ; un espoir corrompu, avili, par le désir de vengeance.


Je sens toute la force et la puissance du doute qui habite la jeune femme. La culpabilité et l’horreur creusent son âme à coups de pelle, enterrant la raison et l’instinct de survie sous des pelletées de mauvaise conscience. Ca me touche, ça me ravage autant qu’elle, par extension. Pourquoi je fais ça. J’aurais pu lui répondre que je n’avais pas eu le choix. C’était vrai, en partie. Mais ce serait trop facile.



| Eux ou nous. C’était allé trop loin pour que ça s’arrêter simplement par la fuite. Ils voulaient nous buter, et je ne les ai pas laissés faire. Définitivement. |


Je dodeline de la tête d’impatience envers moi-même ; pourquoi je continuais à parler ? Carmen était à l’abri. Elle était sauve. Choquée, bouleversée, mais en vie. En sécurité. Les flics arrivaient. Et moi je continuais à parler, comme si ça pouvait servir à la rassurer. En fait, je n’avais tout simplement pas l’habitude d’occuper le terrain après un bain de sang pareil. D’ordinaire, où je me tirais la mission accomplie, ou je me barrais à toutes jambes en évitant l’arrivée de la maréchaussée. Mais là, j’attendais. Comme si j’avais peur encore pour Carmen. Je ne sentais pas de pulsions suicidaires en elle. Un traumatisme profond, qui faisait vaciller son âme. Mais elle tiendrait bon. Elle pleure, bouleversée. Et elle me lance qu’elle ne veut plus jamais me voir. J’arquais un sourcil.


Pour le meilleur et pour le pire, je marquais au fer rouge quantité de gens que je rencontrais, semblait-il.


L’ancien sergent-chef d’un groupe de reconnaissance reprend le dessus et l’instinct du soldat domine. Le ton se fait impérieux, expéditif. Il faut agir vite et bien. Je sens que mes paroles produisent un coup de fouet chez la serveuse, toute couverte de sang. Je commence à me sentir fatigué, éreinté, et la douleur explose dans ma poitrine. J’ai encore dû trop présumer de mes forces. Je fronce les sourcils en observant le manège de Carmen avec des bouteilles, comprenant bientôt où elle voulait en venir. Dans le même temps, la certitude de la nécessité s’était renforcée en elle, et elle était presque prête à assumer ce qu’on avait dû faire ici, ce soir. J’hésite, alors qu’elle parle d’incendie. Je devrais y aller. Je la regarde faire. Et je me retourne au moment où elle se rapproche. Je n’aime pas les contacts physiques. Ces sales manies de caliner tout le monde m’avaient toujours insupporté quand j’étais jeune, sans doute parce que je ressentais bien plus intensément ce que les gens éprouvaient eux-mêmes, à ces instants précis. Pourtant, je la regarde. Démolie, les yeux gonflés de larmes et rougis, le visage constellé de maquillage, sueur et sang, la tenue malmenée. Elle a l’air de rien, comme ça, mais une certaine beauté se dégage d’elle ; la beauté de la résistance, celle de la volonté brute qui se fait personne, et qui ici se fait femme.


Pleine de bonté, et pleine de bonnes intentions. Ca me rappelle ma mère, un court instant. Je n’avais jamais su comment mais ma génitrice avait réussi à apprendre à se cacher de mon pouvoir, mais ce souci de l’autre, je le ressentais chez Carmen comme chez elle jadis. Ses doigts se posent sur ma joue et je frémis, comme électrisé par un contact ésotérique, doux, chaud. Je sens une forme de pouvoir affluer de sa chair à la mienne. Je reste bouche bée en la regardant de si près, regard écarquillé, alors qu’elle pose ses mains sur moi et me soigne. Joue. Œil. Front. Je me crispe et me dérobe quand sa main se faufile sous mes vêtements mais je comprends son intention et tente de me forcer à m’apaiser, alors que sa main glisse sur ma peau, sur mes côtes. Et la douleur lancinante, comme un coup de couteau, s’estompe à son tour avant de disparaître. Ca a l’air de la peser. Elle a peur de moi. Je pense qu’elle ne sait pas très bien si je la rassure ou si je la dégoûte. Sans doute un peu des deux à la fois. Carmen semble épuisée, quand elle termine. Et moi, je me sens comme neuf.


Prêt à attaquer tout l’Empire à moi tout seul, aurait répondu Dak à Luke Skywalker dans Star Wars.


Je secoue la tête. Me remets les idées en place. Je ne sais pas ce qu’elle est. Mais ce n’est ni une déesse, ni une humaine. Un être vivant lambda aurait eu peur, mais j’ai le pouvoir de lire en elle et ce n’est pas un monstre, loin de là. Si on devait comparer nos âmes… Ca sent le crâmé. Les flammes dansent devant mes yeux. Je me rapproche d’elle alors que la police n’est plus très loin. Je la sens en demande. Elle a besoin de réconfort. D’être rassurée. Elle a besoin de repères dans un monde sens dessus, sens dessous. Je tire de ma bouche un stylo. Je prends son poignet, tire sa manche et écrit un numéro dessus, bouchon entre les dents. Le feu se répand autour. Il me rappelle d’autres souvenirs, qui réveillent à nouveau mon corps à la bataille. Je prends le visage de la jeune femme entre mes deux paluches, dures et calleuses, ensanglantées.



| C’est juste, oui. C’est pas de chance, c’est dur et c’est horrible, mais c’était la seule chose à faire. Je vous ai aidée, ce soir. Vous m’aidez en retour. Vous êtes une bonne personne, Carmen. Je ne sais pas ce que vous êtes vraiment, mais vous êtes quelqu’un de foncièrement bon, je le sens en vous. Je vais devoir y aller. Si on me trouve ici, j’irais en taule. Pour longtemps. J’ai plus important à faire. Cachez ce numéro sous votre manche tant que vous serez interrogée. |


Je reprends mes distances. Glisse le flingue que j’ai utilisé sous ma ceinture, soulevant mon t-shirt, refermant ma veste de cuir noir. Je range aussi le briquet qu’elle m’a donné. J’esquisse un fantôme de sourire, par-delà ma gueule d’assassin. Le feu ravage les corps, mon repas à peine entamé et le mobilier. Il va falloir qu’on sorte. Je répète mes directives, le dernier service que je lui demande.


| Répondez la vérité aux flics. Dites-leur presque tout. Un mec a empêché votre braquage. Il vous a aidée à vous en sortir en un seul morceau, mais il ne s’est pas contenté de vous défendre, il a tué vos agresseurs. Ne donnez pas mon nom. Si vous devez me décrire, dites que je suis de taille moyenne, brun, super musclé, barbu, ce que vous voulez. Mais ne me donnez pas moi. Et si quelqu’un vous cherche des noises, si vous avez des soucis pour ce qu’il s’est passé ici avec vos employeurs ou quiconque d’autre, appelez-moi. D’accord, Carmen ? Vous devez vivre. Et vous devez relever la tête. La parenthèse de ce soir était violente, traumatisante pour vous, mais brève. Vous êtes en vie et c’est tout ce qui compte. Concentrez-vous sur vous. Vous n’avez rien à vous reprocher, pour ce soir. C’est la faute de ces mecs, et de moi. Pas la vôtre. Appelez-moi demain ou après-demain, quand la police vous laissera tranquille. Je vous aiderais comme je le pourrais à réparer les pots cassés. |


J’hésite, mais les sirènes sont proches. On entend les portières. Advienne que pourra. Je recule en regardant la serveuse, les yeux dans les yeux. Je finis par pivoter, dernier regard en arrière. Et prends mes jambes à mon cou. Je dois me jeter devant le camion de pompier qui remonte le boulevard pour échapper aux flics qui ont vu une silhouette s’enfuir au loin, au pas de course. Les éclats de voix se rapprochent et s’éloignent. Mes poumons me brûlent, pas tant que le désir de vivre. Et de vivre libre.


Pour voir un autre jour où il y aura peut être un peu moins d’aléas atroces, d’horreur et de chaos.
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sur son petit poney blanc. TORBEN - Dim 7 Oct - 18:37

Les larmes sont convaincantes, à peine forcées. Les agents de police avaient directement reconnu l'uniforme moutarde typique du Kahuna Burger quand tu en étais sortie en toussant, avaient ordonné qu'une ambulance vienne de toute urgence. Les lances des camions de pompiers arrosaient abondamment ton lieu de travail depuis déjà une vingtaine de minutes. Les ambulanciers t'avaient placé sous assistance respiratoire pour purger tes poumons de la fumée meurtrière. Tu craignais que les gens sentent autre chose que l'odeur de brûlé : la culpabilité suintait par chaque pore de ta peau. Tu la dissimulais pour pouvoir sauver ta peau, pour retrouver au plus vite ton chez toi et prendre six douches, pensant que cela t'enlèverait le sang que Torben avait répandu sans le vouloir sur tes mains. Il avait pressé sur la détente mais tu n'avais rien empêché. Incapable de bouger face à ce déchaînement de violence froide, même pas un poil colérique. Tu n'avais rien su faire, même par la suite, tu n'avais pas osé le balancer aux agents de la police qui étaient venus t'interroger brièvement, assise sur le bord de l’ambulance. Les sirènes éteintes, les gyrophares pourtant bien allumés qui donnent un aspect étrange à la fumée noire qui s'échappe du fast-food. Ta gorge serrée et ton regard vide témoignaient de ton état : tu savais que le lendemain tu ne verrais plus le monde pareil. Et pourtant, même s'il t'avait fait peur et ne t'avait pas inspiré pleine confiance, tu ne pouvais t'empêcher de sentir les quelques numéros écrits sur ta peau comme une nouvelle opportunité. Avoir eut ses paumes écorchées sur le visage n'étaient pas si désagréable que tu l'avais pensé. Son contact restait chaud même si son regard t'avait glacé, quelques minutes auparavant. On se serait cru dans un mauvais film, les flammes grandissant et vous deux postés comme deux inconscients au milieu d'une pièce recouverte de sang et le sol de cervelle. Torben laisserait une empreinte indélébile, que tu ne savais trop pour l'instant si tu t'efforcerais de tenter à l'effacer ou de simplement la laisser subsister. Il avait montré plus d'une fois qu'il ne te voulait pas de mal, mais nul doute que si un jour tu t'opposais à ce que lui croyait être juste, il te le ferait payer du prix fort. Sort qu'avaient reçu les malheureux terminés en brochettes à présent.

Tu prends avec un sourire timide le verre d'eau proposé par un des officiers. Tu leur as dit mot pour mot ce que le blond t'avait demandé - autorisé à dire. Les agents n'avaient pas cillé, ne se doutant pas un instant que tu puisses être complice d'une telle horreur. Aucune idée cependant si, dès le feu éteint, ils trouveraient une trace de tes actes. Tout reposait sur le dos d'un individu aux origines mexicaines, une barbe prononcée, un accent prononcé, une odeur prononcée, un penchant pour le sang prononcé. " J'aimerais passer un appel, s'il vous-plaît. " L'officier, professionnel, hoche la tête et s'éloigne. Trop risqué et absolument incongru de demander des nouvelles de ton chevalier servant - ou l'auteur de ton pire cauchemar pour quelques mois -, tu saisis ton portable pour composer un numéro que tu connais par cœur, bien malgré toi. Le spectacle du Kahuna que tu espères pas totalement ravagé par les flammes te tort les tripes. Comment ton patron le prendrait, quel avenir était réservé aux employés ? Nul doute que le fast-food renaîtrait tel un phœnix, mais la question était : dans combien de temps ? Heureusement que tu avais été seule, ce soir.

Le visage crasseux, les cheveux sentant la fumée et peut-être aussi les corps brûlés, tu frissonnes sous la couverture thermique des secours. Le téléphone collé à l'oreille, espérant qu'il décroche, une brève pensée s'échappe encore pour Torben. L'assurance et la confiance qu'il te réserve t'étonne. Il n'avait pas laissé une seule chance à ces malfrats de réparer leur torts, mais il te laissait la vie sauve alors que le dénoncer pouvait t'être facile. D'autant plus si le numéro sur ton poignet était bien le sien. Tu l'avais gardé couvert, aucune chance que quelqu'un n'ait pu l'apercevoir. Aucun soupçon dirigé vers toi, ton air choqué et tes yeux gonflés étaient suffisants pour convaincre les policiers que tu n'avais rien d'une femme qui pactisait avec les criminels. Et pourtant, à croire que les apparences étaient trompeuses. Le regard céruléen du blond qui avait partagé le début d'un repas avec toi te revient en mémoire. Tu l'avais trouvé si posé, calme et malgré ses hématomes un visage très doux. Avenant. Oui, les apparences étaient bien trompeuses. Le destinataire de ton appel décroche enfin, ta gorge se dénoue un peu mais tu es incapable de sortir la moindre phrase, tu te contentes d'écouter ses 'allô?' qui ne trouvent aucun écho. " C'est moi Alejandro, c'est Carmen. " Tu te doutes qu'il n'a pas encore effacé ton numéro, mais il n'est pas impossible qu'il l'ait supprimé de son répertoire. Un coup d'oeil de plus à ton poignet pour t'assurer que tout ce qu'il s'est passé ce soir est bien réel. Comme si le brasier pas encore éteint qui se consume dans ton dos n'est pas un indice assez parlant.
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