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An american pastorale ¤ Ganya

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An american pastorale ¤ Ganya - Dim 15 Juil - 15:25




― An American Pastorale ―
Here I go out to sea again, the sunshine fills my hair
Gulls in the sky and in my blue eyes, you know it feels unfair

Ganya Rohais & Mal Jones

Un vent de changement. Quelque chose dans l'air, dans l'espace de flottement entre ce qui est et qui pourrait être. Cette zone en quarantaine de ma conscience, celle qui contient tous les espoirs un peu trop envahissants, l'optimisme dangereusement prégnant. Le désir destructeur d'écouter mon cœur et d'ignorer tous ces gémissements inquiets, cette petite voix rationnelle qui me murmure sans cesse à l'oreille. Un garde fou qui ne fait que me pousser doucement vers la folie. L'éternel paradoxe des sentiments et de la raison, cette harmonie que je n'arrive pas à forcer. Mon esprit dissocié qui n'a presque plus besoin de drogue pour quitter mon corps et rejoindre cette masse informe, ce nuage noir qui a élu domicile au dessus de ma tête. Je suis un orage de contradictions, la rencontre entre la chaleur des autres et ma solitude glaciale, météo imprévisible. Prêt à exploser, laver mes incertitudes aux pluies de ce déluge qui me gronde dans les entrailles. Faire rouiller l'acier des chaînes du contrôle pour enfin sentir l'électricité vibrer librement le long de mes nerfs. Un éclair de rébellion, une impulsion que j'ai envie de ressentir à m'y perdre. Putain, je crois que c'est ma définition du bonheur, ce déséquilibre maîtrisé entre dépression et joie. Cette capacité à être une épave malgré tout fonctionnelle, une démence en pente douce. Je suis épanoui, je crois. Malgré tout. Il est facile de glisser mes démons sous le tapis quand autant de personnes le piétinent à l'oubli. Et si cela ne les fait pas disparaître pour autant, cette ronde de visages familiers qui se resserre autour de moi me rend violemment heureux. Ces vents qui agitent encore la voile et m’entraînent dans mes retranchements, des mains qui se tendent sans me laisser d'autre choix que de les suivre. Tous ces noms qui commencent à s'accumuler dans mon répertoire sans que je ne fasse rien pour les en empêcher. Un vent de changement. Ou le calme avant la tempête. Je crois que pour une fois cela ne me fais plus peur.

Je peux sentir les embruns marins, la houle qui agite doucement les pins sur la colline. La fraîcheur de la nuit est une brume chaleureuse aux rayons du soleil. Il est encore trop tôt pour discerner l'effervescence du jour, les bateaux de pêche sur le chemin du retour ne percent pas encore l'horizon. C'est une heure des possibles, un temps qui n'appartient à personne. Je sais que c'est ce qui l'attire, le sort de son lit avant même que les oiseaux ne chantent son réveil. Mon bien étrange ami, celui qui a la nonchalance indigente d'un Van Gogh et la vie nocturne exacerbée d'un Warhol. Une peinture bien abstraite qui se laisse interpréter sans concessions une fois un peu de poudre magique dans le système. De l'art ambulant, un type qui se suffit à lui même pour exister. Ce camaïeu de teintes indescriptibles qu'est Ganya Rohais. Je suis sûr qu'il saurait nommer toutes les couleurs du ciel matinal si je lui demandais, mais je n'ai pas envie de démystifier le spectacle par des mots savants. Je respire à plein poumons. Cela fait un moment que je ne suis pas sortit de la ville, suffisamment levé le nez de mes emmerdes et mes livres pour apprécier quelque chose d'aussi simple qu'un paysage tranquille. La terre est encore un peu humide, meuble sous mes pas hésitants. Les galets sur la plage délivrent le message cristallin de l'écume salée, le seul élément perturbateur dans cette harmonie naturelle. Si je lève suffisamment le visage vers la cime des arbres je peux presque saisir cet instant de grâce si particulier, celui qui rends la mesure du temps obsolète. Mon cœur est irrémédiablement transporté par les possibilités du jour encore jeune. Est-ce que cet endroit plairait à Lise ? Il n'y a pas de livres ici mais le calme y est aussi qualitatif qu'à la bibliothèque. Peut-être que je devrais appeler Delilah et tout lui expliquer, prendre mon courage à deux mains. Est-ce que ça nous sauverait ? Un chemin presque effacé s'enfonce dans un bosquet, la pente est légèrement escarpée mais je suis certain de le trouver en haut de cette corniche. Prendre de la hauteur pour savoir mieux garder les pieds sur terre.

L'étendue de l'océan et la courbe de la baie d'Arcadia se dévoilent devant moi, la silhouette de Ganya à l'ombre d'un grand pin blanc. La vue est magnifique et je le remercie intérieurement de m'avoir fait découvrir un tel endroit. Réajustant la bride de mon sac sur mon épaule, un sourire incontrôlable sur les lèvres, je parcours les quelques mètres qui nous séparent. Il est concentré sur un croquis et n'a pas encore levé la tête pour m’accueillir. Je laisse tomber ma cargaison lourdement contre lui, suivant le mouvement pour m'asseoir sur une grosse racine à ses côtés. « Alors Van Gogh, pas encore sauté de la falaise ? » Je le taquine de mon épaule cognant à peine la sienne, me penchant légèrement pour observer son croquis. Je plisse doucement les yeux, relevant la tête pour tenter de localiser le cadrage choisit pour son dessin. Le point de vue devant nous se jette dans le vide, le rebord déchiqueté de la roche couvert de fleurs sauvages. J'admire son travail car je suis bien incapable d'en faire autant. Trop perdu dans les mots cérébraux, la théorisation et les discours contrôlés. L'art est un lâché prise, une créativité toute autre. J'aimerai être capable de savoir dessiner la forme d'un nuage autant que d'être capable de la décrire avec des mots. « Quand tu as proposé de prendre l'air si j'avais su que ça finirait en rando, j'aurais amené mon grappin et mes rations de survie. » J'échappe un rire légèrement moqueur. J'exagère volontairement, au contraire ravi des faits. Mon dos se colle contre l'énorme tronc d'arbre, contemplant la vue dans un bref moment de silence. Si j'avais su que je me retrouverai ici avec lui le jour où je l'ai rencontré, je n'y aurais pas cru. Une silhouette élancée, une tête qui dépasse légèrement de la foule, longiligne dans son costume. Un peu maladroit, pourtant à l'aise parmi tous ces requins en costumes. Je l'ai pris pour un prédateur parmi tant d'autres, un critique d'art ou un mondain un peu farfelu. Il arrivait à se fondre si bien dans la masse que cela en devenait admirable. Des échanges polis, des mots étriqués et snobs. Rien qui aurait pu nous rapprocher. Puis j'ai compris, j'ai découvert que s'il arrivait si bien à jouer le jeu, c'est parce qu'il était comme moi. Juste un type qui gère ses problèmes de la plus mauvaise manière qui soit. J'échappe un souffle, me redressant de ma méditation pour agripper mon sac. Je fouille à l'intérieur un instant, en sortant une boite rectangulaire emballée dans du papier kraft. « Tiens. » Je lui fourre sur les genoux sans plus de cérémonie, me passant une main sur la nuque. « Tu vas pas aller loin avec ta gomme dégueulasse et ta pointe graphite. » Je me racle la gorge, tournant la tête pour perdre mon regard sur les arbres. « J'savais pas trop quoi prendre alors j'ai suivit les conseils du vendeur. » J'ai supposé que plus c'était cher, plus c'était bien. Quand on voit le prix des œuvres dans les galeries, je suppose que ma logique est la bonne. « C'est des pastels. » Je gâche la surprise, un peu nerveux. « J'trouvais les couleurs jolies. » Je me racle de nouveau la gorge, mon regard allant de Ganya à l'horizon. J'ai eu envie d'exprimer, d'explorer cette amitié. Merde, je sais pas ce qui m'arrive en ce moment. Peut-être que je ne devrais pas m'ouvrir autant. « Bon. Alors on se défonce tout de suite ou on attend au moins un peu ? » Changement de sujet, humeur taquin, je me redresse pour m'étirer les épaules. Et ce vent de changement qui me souffle dans les oreilles, cette bourrasque qui me pousse vers l'avant. J'espère juste ne pas sentir le sol se dérober sous mes pas.
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An american pastorale ¤ Ganya - Jeu 19 Juil - 15:59



― an american pastorale. ―
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gulls in the sky and in my blue eyes, you know it feels unfair

(act. i., scene. ii.)

je pensais qu'il n'y aurait que l'ambiance d'une réception ou d'une fête qui me ferait grandement du bien. parce que je suis le genre de type qui vit sa vie à fond, qui ne prend pas la peine de prendre son temps. qui se tue à petit feu en se noyant dans la poudre blanche et qui se voit crever même s'il ne fait rien pour changer. s'arrêter, c'est justement perdre du temps. changer de direction quand on est si prêt du but... mais prêt de quoi, au juste ? non, il y a bien longtemps que j'ai déraillé, que je n'arrive pas à me ressaisir pour espérer à vivre plutôt qu'à survivre. je ne suis qu'une carcasse se traînant du mieux qu'il peut. une carcasse qui finira tôt ou tard par devenir poussière. et pourtant, je suis si tenace. pire qu'un cafard. je bois et je me pique toujours trop. on se demande comment cela est-il possible qu'un gars aussi paumé que moi peut-il être aussi résistant. qu'à force d'enchaîner les nuits de réjouissances, cela ne me monte pas à la tête. j'en suis dépendant, un vrai oiseau de nuit qui se déhanche au rythme des platines. une salomé qui ne désire seulement que danser, exister, chanter. chanter. au final, je crois que c'est vraiment ça qui me manque à la vie. mon job. je crois que je pourrais redevenir chanteur. je crois, je ne suis pas sûr. oh mais parce qu'il se suffit de se voir dans une glace pour l'affirmer, se douter de ces capacités. j'ai bien changé malgré tout. si je me défoule en pleine nuit, j'ai perdu de ma jeunesse ; de ma superbe. il y a un temps pour tout et surtout pour les artistes. aussi ais-je trouvé la pire occupation pour remplacer mon ancien métier. une sorte de pseudo-suicide qui me tue à petit feu. parce que nous sommes bien trop assez lâche pour le commettre maintenant. oh oui, je pourrais sauter là. l'endroit est si beau pour s'éteindre.

j'admire la vue que je compte prochainement immortaliser sur un morceau de papier à l'aide de mes crayons. voilà un nouveau domaine dans lequel je compte aujourd'hui m'expérimenter. un passe-temps bien moins destructeur que ceux que j'ai connu précédemment. si cela m'ennuie pourtant ? pas du tout. cela a le don de me calmer. un semblant d'opiacé. j'observe attentivement pendant quelques secondes avant de m'engager dans quelques traits composant un futur et prochain croquis. qu'il est bon de s'arrêter pour seulement contempler le paysage. j'aurais dû m'y attarder jadis. avant que je ne devienne ça ; ce que je suis devenu aujourd'hui. enfin, j'aperçois la vie, la vraie. celle qui se profile sur un long et doux fleuve tranquille. celle qui ne se condamnera jamais à l'illégalité ou à une existence de débauché. une semi-vie. une survie. la mer, le ciel, jusqu'à la moindre partielle de poussière composant le sable est d'une naturelle beauté qu'on ne peut nier. et même à cette heure où l'aurore dorée vient pointer subtilement le bout de son nez. mon corps tout entier semble apaisé par un tel spectacle aussi génial que le déroulement d'un début de journée. ici, il n'y a nul homme pour venir gâcher cette féerie. nulle créature qui viendra troubler le tableau par l'horreur de ces actions. oh, que la ville semblait si misérable face à cette magnifique nature. j'avais le sentiment d'être habité par une sensation de béatitude et d'une certaine sécurité qui ne pouvait être troublé. ici, personne n'oserait commettre l'irréparable. chaque être pouvait circuler sans avoir à craindre pour sa vie. la mafia n'avait sûrement que faire de dominer de pareils terrains vierges où l'humanité ne prospérait pas.

aussi, quand des pas avancent, je sais que je n'ai pas à fuir ou à réagir. c'est seulement un ami à qui j'ai tout simplement proposé de me suivre. un ami, voilà l'une des raisons qui faisaient à ce que je tenais encore la pente. que je n'étais pas complètement détruit par la came, à me morfondre dans un trou à rat. d'ailleurs, les conditions dans lesquelles nous nous étions rencontrés sont assez étonnantes. deux types qui cherchent à se fondre dans un univers qui ne les correspond pas, rempli de riches types et de faux semblants. des gars stupides et hypocrites. à croire que c'est le destin qui a voulu nous rassembler. deux pauvres mortels qui se ressemblent et qui s'assemblent. voilà où est-ce que cela nous avait mené aujourd'hui. prêt d'une falaise. non pas à sauter le pas mais à dessiner, tout simplement. l'art nous avait uni une première fois et nous avions donc pris la décision de continuer en ce sens une nouvelle fois. alors van Gogh, pas encore sauté de la falaise ? j'entends sa voix et je sens son sac tomber à côté de moi. je lève alors la tête, affichant un sourire goguenard. ≪ - non, pas encore... salut ! ≫ fis-je alors afin de l'accueillir. c'est ensuite son épaule que je ressens contre la mienne, ce qui me pousse à sourire d'avantage. il me titille mais cela ne me gêne pas pour autant. j'aime sa présence. cela a peut-être le don de me consoler en quelque sorte car peut-être me serais-je probablement laissé tomber s'il ne serait pas venu tôt ou tard, qui sait. maldwyn reprend la parole. conte qu'il aurait pris bien plus de bien s'il savait où est-ce que son périple l'aurait mené. je ne peux m'empêcher de lâcher un petit rire face à sa réflexion. ≪ - ce n'est pas si loin de la ville. ≫. c'est vrai que l'on ne dirait pas. le contexte semble totalement différent. on a le sentiment d'être en plein rêve. ça nous fait du bien, toute cette bouffée d'air frais. et pourtant. pourtant la ville pourrait nous rattraper. un instant, mald semble ailleurs, regardant tantôt ma création puis l'horizon avant de se saisir de son sac pour me donner une boîte qu'il révélera par la suite comme étant des pastels. je m'arrête en plein dessin avant de déballer le cadeau, les yeux pétillants. ≪ - oh ! merci ! mais il ne fallait pas ! tu vas en avoir besoin, toi aussi. ≫.

évidemment. je ne comptais pas dessiner tandis que lui passerait son temps à me regarder. cela n'allait pas être le but. qu'importe ce qu'il pouvait penser de ses propres capacités, sans doute peu sûr de lui-même. même si cela ne devait probablement pas se voir, j'avouais me sentir pas particulièrement bon en la matière de représentation. tout ce que je faisais, c'était de seulement faire mon maximum sans réellement me prendre la tête. à vrai dire, je savais que je ne me retrouvais pas en présence d'un critique d'art. mald n'allait pas me juger sévèrement comme tout ces types que l'on avait pu observer durant la soirée où l'on s'était rencontré. moi aussi je n'allais pas mal le juger, d'ailleurs. on était là pour se détendre, pas pour jouer les cons. et en parlant de détente, mald ne perdit pas son temps pour parler de défonce. je m'arrêtais soudainement dans la finition de mon dessin, affichant un petit sourire narquois. ≪ - on conserve toujours les bonnes habitudes. ≫. oh, je me disais que j'allais essayer d'oublier ça pendant quelques temps. au moins pendant une journée aux côtés de mon ami. mais si cela est proposé si gentiment, comment je pouvais me permettre de le refuser ? c'était trop dur pour résister à la tentation. ≪ - pourvu que l'on ne se prenne pas pour des oiseaux. ≫ rajoutais-je avant de lâcher un petit rire. oh non, pas maintenant. pas aussi prêt du bord. mais j'avais pas peur. je voulais goûter à cette nouvelle forme de risque. frôler la mort. croire que l'on peut voler, s'envoler vers un pays imaginaire, alors que l'on ne peut que chuter. tomber, tomber, tomber, mourir. pire que des petits volatiles qui apprennent à virevolter. qu'est-ce que l'on dirait dans la presse, de nous ?
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An american pastorale ¤ Ganya - Ven 3 Aoû - 19:49




― An American Pastorale ―
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Ganya Rohais & Mal Jones

Il y a de la boue sur mes chaussures et des brins d'herbe coincés dans l'ourlet de mon pantalon. Des éclaboussure de terre dans la fibre qui dessinent des motifs incertains, un test de Rorschach champêtre. Combien de jours cela fait-il ? Depuis combien de temps n'ai-je pas laissé de côté l'horloge, arrêté de suivre au pas la marche des minutes et l'angoisse dictatrice du tic tac ? Incapable d'oublier l'heure, de prendre un moment égoïste pour moi. Un moment pour rien d'autre que lâcher prise et faire quelque chose qui n'implique pas nécessairement de finalité. Abandonner le contrôle, devenir un électron libre, agent des possibles. J'ai du mal à laisser échapper un peu de pression, je crois que je peux pointer du doigt mon addiction à la cocaïne pour justifier de mon hyperactivité pathologique. Il me faut toujours remplir mes journées jusqu'à l'épuisement, un bourreau de travail qui tente de se tuer à la tâche. Peut-être que j'espère naïvement que ça m'aidera à dormir, que je n'aurais plus qu'à fermer les yeux pour que le reste suive naturellement. Au lieu de ça je passe autant de temps à bronzer à la lumière de la lune que celle du soleil. Pourtant être ici, loin de mes livres et de l'écran de mon ordinateur, je me sens étrangement apaisé. Être détaché de mes responsabilité les feraient presque disparaître. Peut être suis-je trop dur avec moi-même, mais bien incapable d’agir autrement. Et pourtant me voilà ici aujourd'hui, la houle somnolant dans les branches et ses embruns plein les poumons pour seule motivation. Je mentirai si j'occultais avoir glissé quelques notes en douce pour mon prochain cours au fond de mon sac, c'était plus fort que moi.

Mais Ganya a cette faculté étrange de me faire oublier mes défauts. J'ai cherché pendant longtemps le bouton « off » de mes pensées sans jamais imaginer une seule seconde que cela pouvait être une personne. Peut-être que c'est sa manière de voir le monde différemment du mien. Même quand nous sommes défoncés à la même drogue il arrive toujours à me faire remarquer quelque chose que je n'aurais jamais repéré seul. Les contraires s'attirent, c'est ce qu'on dit. Pourtant à première vue je nous aurait définit identiques, cette même manière de sortir du lot parce que malgré tous nos efforts nous n'arrivons pas à rentrer dans le moule. Mais il est capable d'une ouverture d'esprit remarquable, une créativité dont je suis bien incapable. Peut-être que c'est ça ouais, ce qu'on appelle un artiste. J'admire qui il est, les rôles s'inversent, je deviens l'élève de sa philosophie de vie. Je sais bien qu'il est loin d'être un vieux sage et j'ai assez vu sa face cachée pour ne pas en douter ; mais si je peux apprendre un peu de sa faculté à lâcher prise, j'en sortirais grandit. Alors si je mimique son air détendu et concentré, en vrai je suis particulièrement fébrile. « C'est rien, ça me fait plaisir. » Que je marmonne timidement en réponse à ses remerciements. Je n'ai pas l'habitude de faire des cadeaux, ne sachant jamais quoi choisir et par peur du ridicule. Mais je me sens soulagé de son appréciation. J'aurais réussis à faire plaisir à quelqu'un aujourd'hui. Je lève la main en signe de négation pour son offre. « Nan t'inquiète, si j'essaie de dessiner quoi que ce soit je risque de donner envie à tous les anges du ciel de se crever les yeux et mon œuvre va finir dans les archives démoniaques du Vatican. » Ouais, à ce point. Peut-être que si je m'essayais à la peinture avec les doigts j'aurais plus de chance d'établir un chef d’œuvre digne d'être exposé sur les murs d'une école maternelle. J'apprécie l'art mais lui ne m'apprécie pas. J'aimerai être un minimum doué, être au moins capable d'atteindre un point de maîtrise où les geste deviendraient des automatismes. Mais tout ce que j'arrive à faire avec mon niveau, c'est m'énerver sur le carnet à dessin comme un artiste contemporain en pleine performance. Je me plante devant lui et me penche de nouveau dessus son dessin, même à l'envers j'admire avec envie ses traits. J'échappe un rire à ses mots. « Les habitudes discutables oui. Pas sûr que si on se jette de la falaise ça sera une idée qu'elle est bonne. Quoique vu ma dégaine, aucune chance que je me prenne pour un oiseau. Un dodo tout au mieux, la grâce incarnée n'est-ce pas. » Je plie les bras pour mimer les courtes ailes d'une volaille avant de relâcher ma tête en arrière dans un sourire. Je m'élance de quelques pas en avant vers le bord de la falaise, faisant semblant de perdre l'équilibre avant de me planter face à l'horizon. Une bourrasque me fouette le visage, un appel d'air venu d'en bas. Mon cou s'étire pour tenter d'apercevoir la base rocheuse si mortelle mais je n'ose pas plus m'avancer. Je n'ai pas envie de faire un geste brusque et de gagner le titre de la mort stupide de l'année. J'échappe un soupire, reculant légèrement. Les fleurs sauvages poussent à foison à mes pieds et je repense à cette jeune femme et ses affirmations grandiloquentes sur l'existence d'esprits de la nature. Célestine Beauchamp. Des nymphes qu'elle disait. N'importe quoi. Je fronce les sourcils et me baisse pour cueillir quelques fleurs. Peut-être que Lise aime les fleurs. Mon visage s'empourpre légèrement et je me racle la gorge avant de me retourner vers mon ami. « T'as déjà dessiné à partir de modèles vivants ? » Je ne sais pas à quel moment mon cerveau a trouvé judicieux de faire une connexion pareille avec Lise, mais l'idée de devoir rester de marbre et concentré à dessiner des corps nus m'arrache un rictus gêné. Jamais je ne serais un artiste, pour sûr. Je regarde les fleurs au creux de ma main. Peut-être que si je les coince entre les pages d'un livre elle les trouvera. « Enfin j'veux dire... » Un sourire de manigances point sur mes lèvres alors que je me retourne soudainement pour prendre une pause ridicule. « Paint me like one of your french girls Ganya. » J'éclate de rire à ma propre blague, c'est dire si ça vole haut. Je devrais peut-être me jeter volontairement de la falaise. Revenant sur mes pas, je glisse délicatement les fleurs dans mon sac avant de sortir une boite en fer. Il sait ce que ça signifie. Le nez bien vite enfariné, je lui tends ce poison que nous partageons à deux. Un jour oui, je saurais lâcher prise sans tout de suite passer par les extrêmes. Mais ce jour n'est pas encore arrivé.
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