In the mood for thieves | Yseult & Drustan - Lun 30 Juil - 12:32
In the mood for thieves
Yseult & Drustan
Saloperie de sécurité de merde.
Je jette un œil dans la pièce. Rien à faire. Le système de sécurité employé par cet humain est particulièrement efficace. Les rayons laser en mouvement brassent les pourtours de la vitrine contenant le fragment du calice ne laissant aucune faiblesse à exploiter. Je rage intérieurement. Toutes ses recherches, tout ce temps perdu pour quoi ? Simplement un humain trop intelligent. Mes mâchoires se crispent alors que mon cerveau fonctionne à présent à plein régime pour déceler une solution à notre problème.
Yseult et moi travaillons parfois ensemble sur les affaires complexes, notamment celles qui impliquent un vol puisqu’il s’agit de sa spécialité. D’habitude, nous arrivons à nos fins. Mais aujourd’hui, j’avais largement sous-estimé cette virée en plein quartier historique. J’aurais dû voir plus grand pour l’équipe, après tout, Mairead est assez douée dans son genre (ok, je refuse d’admettre qu’elle l’est plus que moi, contents ?!)
Lorsque j’ai été engagé pour cette mission, jamais je n’aurais cru que je tomberais sur l’existence d’un fragment. Le Graal. Ben voyons. Déjà, j’étais persuadé qu’il n’avait toujours été qu’une légende. Un artefact (ou plutôt une relique) chrétienne, les faussetés pullulaient à travers lieux de cultes et multi-milliardaires privés complètement accros à n’importe quoi valant des containers d’argent. Mais j’avais bien dû l’admettre à un moment critique. Le Graal avait bel et bien existé et même s’il était particulièrement endommagé avec des fragments pas si énormes que cela, le doute n’était plus permis.
Les indices pour retrouver les fragments n'étaient pas nombreux. Les mains dans les cheveux, attablé au fin fond d’une cave d’archives inconnue du Vatican, je parcourais le manuscrit des yeux. Dix fragments avaient survécu. Six d’entre eux avaient probablement coulé dans les fonds abyssaux des océans. Trois avaient disparu de la circulation, sans doute cachés dans des collections privées. Le dernier reposait dans un coffre solidement gardé près du Pape en personne. Le plus raisonnable était de dénicher l’un des collectionneurs privés. Et j’avais mis un temps fou à trouver ce que je voulais pour m’apercevoir que l’un d’entre eux se trouvait à Arcadia même. Quelle ironie. J’avais visité le Vatican, Gênes, Milan, Frankfurt, Nüremberg, Moscou pour revenir à Porto, Barcelone, Cambridge et atterrir à Arcadia. Bon, je ne m’en plains pas, c’est ce qui me plaît le plus dans ces missions. Clairement plus que me retrouver face à l’objet sans rien pouvoir y faire.
Est-ce que je peux abandonner, là, comme ça ? Retourner chez moi, offrir un verre à Yseult avant que l’on se prépare pour le bal de la semaine suivante ? Vraiment ? Non. Ça ne me ressemble pas. Je suis un teigneux. Et surtout, je veux paraître à mon avantage aux côtés de celle qui observe les rayons balayer l’espace après que je les ai aspergés, les rendant visibles durant plusieurs secondes.
J’inspire à pleins poumons.
— Je vais aller voir si je trouve le panneau d’électricité. Si nous la coupons, ça devrait éliminer les lasers.
In the mood for thieves | Yseult & Drustan - Lun 6 Aoû - 22:07
In the mood for thieves
Yseult & Drustan
Alors que j’amorce un mouvement périlleux pour chercher l’électricité, Yseult m’arrête. Elle me demande d’attendre et comme chaque fois qu’elle me demande quelque chose, je m’exécute. Je ne suis pas de nature docile, je suis parfois même un peu contrariant, par pur plaisir. Mais avec elle, c’est différent. Chacune de ses paroles, chacun de ses gestes sont pour moi une sommation divine. En théorie, c’est exactement ce que c’est. Yseult me demanderais de sauter d’un immeuble, je le ferais. J’en suis certain. Car si elle me le demande, c’est qu’elle a une bonne raison. Toujours. Elle me rend aveugle. Je sais pourtant bien qu’elle n’est ni ma soeur, ni ma mère, ni même ma reine, que je possède toujours mon libre-arbitre. C’est ainsi. Je crois que je m’y suis moi-même fait. Je n’ai pas non plus vraiment lutter contre ce comportement instinctif qui s’empare de moi dès que je suis avec elle.
Sa main sur mon épaule m’oblige à me retourner pour plonger dans son regard immense et houleux. Mais elle a toujours la tête froide et raisonnable. Elle n’a pas tort. Vu la baraque et l’importance de l’objet, il y a forcément un générateur de secours. Alors, elle se met en quête de ce deuxième apport d’énergie, celui qui nous mettrait en prison s’il se déclenchait. Elle frôle les murs de ses doigts agiles, son abondante chevelure de feu canalisé dans un chignon serré. Seules quelques boucles rebelles s’en sont échappées. Je n’aime pas lorsqu’elle se coiffe ainsi, c’est du gâchis mais je le comprends aussi. Pour le travail, il est évident qu’elle ne peut pas se permettre un naturel aussi libre.
Je reste immobile près de l’entrée de la pièce. Derrière moi, tout est obscure. Le propriétaire n’est pas là, en voyage d’affaire pour une raison qui ne m’intéresse pas le moins du monde. La seule chose qui m’intéresse c’est qu’il ne soit pas là, et pour plusieurs jours. Oh bien sûr, il y a le chien qui dort au rez-de-chaussée après avoir lapés un peu trop de lait au xanax. Une dose juste suffisante pour l’endormir, j’ai horreur de m’en prendre aux animaux qui n’ont absolument rien demandé au malheureux sort que leur impose l’humanité misérable.
Elle m’appelle. Elle continue de tâtonner, ne me regarde pas. Pourtant sa requête devient une supplique. Et je suis incapable de lui refuser quelque chose même si cela m’embête fortement. Après tout, la récompense pour cet artefact n’a rien d’anodin et m’arrangerait bien pour quelques mois. Seulement ces mots ne sortent pas de n’importe quelle bouche. Les lèvres sensuelles, invisibles à mes yeux m’implorent. Je sens comme un crépitement au fond des yeux, celui qui se produit lorsque j’ai une vision involontaire. Ce n’est vraiment pas le moment ! Je ferme les yeux, serre les paupières bien fort. La gêne disparaît. Qu’est-ce que les Dieux voulaient me dire cette fois ? Je soupire, peut-être un peu trop fort. Peut-être qu’elle pense que je vais dire non.
— Tu sais que ce n’est pas bien de conserver les artefacts... Celui-ci vaut vraiment très cher. Tu pourrais t’acheter la voiture de tes rêves avec !
Mais je n’ai aucune conviction dans la voie et elle sait déjà ce que je vais dire ensuite.
Le crépitement refait alors surface et m’oblige à me détourner, me masser les tempes, les yeux. Je n’en veux pas, pas maintenant ! Je savais que je n’aurais pas dû prendre le breuvage ce matin. Parfois, il arrive qu’il y ait d’autres vagues de visions.
— Ys... Tu....
Une douleur m’électrifie le cerveau. Je ne dis rien, j’ai l’habitude. Mais je suis incapable de faire autre chose qu’attendre qu’elle s’estompe sans que la vision ne survienne. — O... Okay, garde-le...
Je sors de la poche de mon jean noir un pilulier métallique. Il est cabossé tant il a été utilisé cette dernière décennie mais fait toujours son job. Je les fabrique moi-même, une recette artisanale à base de graines de pavot qui m’anesthésie un moment et empêche les visions irrégulières de survenir. J’en avale deux.
— Garde-le, repris-je dans un souffle rauque. Je sais que... je sais... le symbole...