Ses patrons l'autorisaient à avoir de plus en plus de clients. C'était un triste constat que de voir que l'amour ne tenait qu'à un fil dans la plupart des couples et que Delilah était là pour ramasser les morceaux mais c'était ainsi. Elle-même avait vécu cela et était la preuve vivante qu'on pouvait sortir d'une séparation brutale la tête haute, renouer avec la vie et ses bienfaits. Plusieurs cas de divorce sur les bras elle ne chômait pas. Son travail c'était sa vie, elle n'avait que ça. Être avocate demandait un certain contact avec les gens, de l'empathie, de l'altruisme. Personne ne semblait comprendre cela, ses patrons les premiers d'ailleurs qui avaient choisi cette voie par facilité et par appât du gain. Lyla non, elle voulait défendre, être écouter, parler pour ceux qui ne le peuvent pas.

Cela avait été un long chemin pour en arriver là mais elle y était parvenue la galloise. Peu importait son âge, elle faisait à présent ce pourquoi elle avait étudié et surtout tant donner de sa personne. Elle venait justement de boucler un divorce, le premier qu'elle put prendre de son propre chef sans avoir derrière son dos les deux associés la jugeant. Le tribunal avait statué, il ne restait plus qu'à terminer les papiers et les deux âmes retrouveraient leur liberté, ailes déployées, un peu abîmées certes mais le temps ferait son office. La matinée passée derrière son bureau et au téléphone Delilah était sortie déjeuner à la terrasse d'un café non loin, toute seule, profitant de la tranquillité qu'offrait la saison un poil fraîche. Elle ne se permit pas de sortir avec des documents, elle était miraculeusement parvenue à tout boucler avant de devoir aller déjeuner. Cette après-midi donc commençait une nouvelle affaire. Son agenda indiquait qu'elle avait rendez-vous avec une nouvelle cliente à quatorze heure. Revenue dans les locaux du cabinet Lewis & Dunn où elle travaillait Lyla s'installa donc à son bureau une heure avant ce dit rendez-vous. Elle prit le temps de parcourir le mince dossier que lui avait fait parvenir le collègue à qui elle avait reprit l'affaire. Le dossier était tout nouveau et avait été commencé par un autre avocat. En survolant les lignes de ses yeux bleus la médiatrice pouvait se rendre compte que c'était sans doute une bonne chose que ce dossier se retrouve à présent entre ses mains. Un vrai incapable cet avocat ! Il semblait faire traîner les procédures pour aucune raison ou bien par simple fainéantise ou amateurisme, Delilah n'aurait su dire. Au moins tout ce qu'elle avait besoin de savoir été là, les bases semblaient correctes. Il faudrait alors convaincre la cliente, une certaine madame Benítez, d'accorder l'affaire de son divorce à la Sulwyn.

L'heure passa et Lyla ne cessa de potasser ce cas, pour être certaine de ne pas dire de bêtises devant sa possible future cliente. Aux vues du dossier et de la lenteur que ça a pris à l'ancien avocat de faire tout ce travail pour si peu de résultats, se retrouver avec la poupée blonde à ses côtés allait lui changer la vie. Elle espérait pouvoir aider au mieux en tout cas et était certaine d'être plus efficace que ce charlatant. Victime d'infidélité ça allait être délicat mais maintenant que les poursuites étaient engagées et que le temps était passé, peut-être sa cliente serait moins sensible à ce sujet … Elle ne savait pas à quoi s'attendre Delilah. Le téléphone sonna et fit immédiatement sortir la galloise de ses songes. Elle décrocha, la secrétaire de l'accueil lui annonça que son rendez-vous de quatorze heure était alors arrivé. Elle demanda donc à ce qu'on la fasse entrer dans son bureau. Lyla ferma la chemise colorée contenant les papiers concernant le divorce et s’apprêta à entendre frapper à la porte d'une minute à l'autre.

Des petites annotations dans les marges, des ratures, des infos soulignées au stylo rouge. Tout cela fait sur les originaux qu'elle avait reçu, Delilah était prête à ouvrir une nouvelle instance pour cette cliente. Il lui faudrait refaire ces papiers mais au point où elle en était vu l'avancée du dossier, cela ne lui prendrait pas plus de deux heures. Elle était encore assez abasourdie par ce qu'elle avait pu lire là-dedans. Surtout lorsqu'elle avait le malheur de s'attarder sur les dates à laquelle avait été rédigé les documents. Elle espérait vraiment pouvoir aider cette demoiselle à retrouver sa liberté. Après que la secrétaire l'ait prévenue de l'arrivée de la jeune femme, en attendant leurs arrivée à toutes les deux, Delilah se leva de sa chaise pour ouvrir les stores et laisser le soleil baigner de sa lumière pâle la pièce. L'avocate remercia la secrétaire du cabinet qui laissa les deux nouvelles associées se présenter en bonne et due forme. Elles se serrèrent alors la main, très professionnelle et formelle, cela faisait un peu partie de son protocole. Arborant un air impassible Delilah écouta alors mademoiselle Benítez qui ponctua sa phrase par un sourire. À cela la galloise ne put s'empêcher de faire de même, cassant la sévérité qu'elle affichait lorsque aucun rictus n'ornait ses lèvres. « Installez-vous. » Proposa-t-elle alors gentiment avant de prendre place elle-même de l'autre côté du meuble en bois.

Les choses sérieuses pouvaient enfin commencer. Elle adorait se moment Lyla. Pouvoir écouter les attentes de ses clients, nouer le premier lien grâce à cette écoute, comprendre leur motivations, tout cela était enrichissant et indispensable au bon déroulement de l'affaire. « Je dois tout de suite vous dire que je suis pressée d'en terminer avec ce.. avec mon ex-mari. » L'avocate esquissa alors un sourire franc avant de ranger une mèche de ses cheveux blonds derrière son oreille. Elle pouvait comprendre sa rage et cette envie de se séparer pour toujours de ce nom qui l'avait trahi. « C'est un ancien client à moi qui m'a transmis vos coordonnées. Il n'a dit que du bien de vous, ce qui est rare pour un avocat spécialisé en divorces. » Agréablement surprise par cette révélation, le peu d'ego que la jeune femme pouvait avoir en fut rassasier pour l'année. Lyla s'installa plus confortablement dans son fauteuil et se rapprocha au plus près de son bureau, ses jambes croisées au dessous. « Contente de voir que le bouche à oreille trouve encore des adeptes de nos jours. » Affirma-t-elle ravie. Avec tout ces réseaux sociaux et ces systèmes de notations, c'était très facile de se perdre et surtout de se retrouver avec une mauvaise réputation étiquetée sur le front pour le reste de sa carrière. « Je mettrais un point d'honneur à faire de vous la future ex-Madame Ross. » Déclara-t-elle confiante, sans sourciller et avec un peu d'entrain, motivée par cette nouvelle perspective. Elle reprit alors le dossier en main, il ne présentait aucun problème particulier qui mériterait de faire traîner cela plus que nécessaire. Voilà pourquoi elle ne comprenait pas que son collègue prédécesseur se soit permit de ramer de la sorte. En parcourant ses notes elle ne put s'empêcher alors de mentionner les différences majeures qu'il risquait d'y avoir entre l'ancien et le nouveau Maître de l'instance : « Votre ancien avocat était … Un peu ralenti en tout cas. » Pour ne pas dire incompétent. Fit-elle en cherchant ses mots pour ne pas paraître trop insultante. Ses yeux bleus se lèvent de sa paperasse pour les poser sur la jolie brune qui lui faisait face. « J'espère vous soulager en passant la seconde. Je me suis permise de déjà prendre contact avec celui qui défend Monsieur Ross. » Rassura-t-elle, elle avait préféré prendre les devants en voyant l'avancement léthargique qu'avait l'affaire avant qu'on ne fasse appel à ses services. « Je vais vous embêtez malgré que je connaisse déjà les détails mais il faut que je revois avec vous les faits si vous le voulez bien. » Cette partie était totalement rédhibitoire mais mieux valait s'assurer que rien n'est changé entre temps. Delilah se doutait que cette femme souhaitait mettre un terme à son mariage et qu'elle n'avait visiblement pas changé d'avis mais soit, c'était la procédure. La galloise se mit alors à lire à haute voix l'intitulé exacte qui était inscrit sur la déclaration faire par l'ancien avocat. « Carmen Tatiana Benítez : procédure de divorce pour cause d'adultère et donc faute. » Lyla tourne la feuille et en soulève d'autres. « J'ai été incapable de savoir si vous aviez pu présenter des preuves ou pas à l'époque. » Fit-elle en continuant de fouiller, les sourcils froncés. Un vrai branquignol qui fait à moitié son travail cet avocat. « Si votre ex-mari a avoué et n'a pas cherché à se défendre plus que ça, ça fera l'affaire bien sûr. » Delilah référa volontairement Monsieur Ross comme déjà ex-mari. Cela allait arriver de toutes façons, autant s'y faire tout de suite. Les preuves étaient un petit plus qui leur permettrait de demander d'avantages de compensation. Simple entourloupe législative.