Une journée qui devait se dérouler comme les autres, jusqu’à complètement buguer en sortant de la douche. Comme une ampoule lumineuse et imaginaire qui se serait allumée au dessus de sa tête, elle venait de capter. Rien. Pas de règles. Elle aurait dû les avoir. Depuis deux semaines déjà. Comment avait-elle pu oublier. Elle se désespérait parfois elle-même. Etre capable de gérer plusieurs choses en même temps dans sa vie professionnelle et être une catastrophe nationale lorsqu’il s’agissait de gérer ses propres affaires. Le calcul s’est fait rapidement dans sa tête. Et plus encore… Le manque de précaution constant. Jamais, pas une fois, ils n’avaient foutu une satanée capote.

Et si elle le fait flipper pour rien ? Si elle le fait flipper tout court ? Evidemment qu’il va flipper. Elle est déjà en train de flipper. Elle a le cœur qui bat vite, trop vite. Comme si elle avait abusé de caféine et que son corps ne la supportait plus. Allez, respire Lyra. Plus facile à dire qu’à faire. Elle va annoncer à son mec, avec qui elle n’est que depuis quelques mois, qu’elle est possiblement enceinte. Y’avait sans doute mieux comme sujet de conversation. Et bien moins angoissant.  Elle soupire, reste assise dans son siège suspendu un instant, perdue dans ses pensées. Elle a du retard, et pas qu’un peu. Et le mois dernier, pas foutue de se souvenir si elle les a vraiment eu. La tête ailleurs sans doute. Trop de problèmes, trop de choses à gérer et de personnes pour lesquelles s’inquiéter. Sa vie était devenue un bordel sans nom en l’espace de quelques semaines et cette petite rétrospective avait tendance à l’angoisser. Ca n’annonçait qu’un problème en plus. Elle était pas prête. Ils ne l’étaient pas. Sans aucun doute beaucoup trop tôt. Pourtant, elle ne cessait de se répéter que c’était forcément autre chose. Une baisse de fer, le stress… Ce serait pas la première fois que le stress –sans forcément trop le ressentir vu son rythme de vie- lui joue des tours. Oui, ça doit être ça. A moitié convaincue. Un énième soupir qui s’échappe de ses lèvres. Faut qu’elle aille le voir. Elle va pas tenir longtemps comme ça.
Levée d’un seul coup, elle attrape sa veste, ses clés de voiture, et direction l’appartement de Finn.

Nœud au ventre, pour la première fois de sa vie, elle a l’impression d’approcher de la crise de panique. La voiture garée, elle se dirige vers la librairie en se faisant cinquante scénario. La joie totale, l’indifférence, la crise d’angoisse, la colère, l’incompréhension, le déni… Tout y passe, rien ne lui semble réellement juste. Quelle conne, qu’elle se dit, de ne pas avoir sérieusement pris cette hypothèse en compte. Juste s’arrêter une minute, le temps d’enfiler ce foutu bout de plastique. Elle lève les yeux au ciel, elle sait qu’elle se ment à elle-même. Ca a jamais été de s’arrêter le problème, c’est qu’elle a toujours voulu Finn sans. Parce qu’elle ne voulait rien entre eux. Bonjour le résultat. Non. Non. Le stress, la fatigue. Rien de plus.
Un bref signe de tête adressé à Dick, le nez plongé dans sa lecture favorite, entre deux cafés, la jordanienne fonce dans l’arrière boutique, en direction des escaliers. Un soupir échappé malgré elle, elle frappe brièvement avant d’ouvrir la porte. « finn ? c’est moi. » le palpitant qui s’emballe alors qu’elle pénètre dans son appartement. Il est là, dans le salon, le nez plongé dans un bouquin. Pendant un court moment, ça l’apaise. Situation habituelle, rien ne va changer. Mais faut qu’elle y aille directement, sinon elle en sera incapable. Mais le sourire est radieux lorsque son regard rencontre le sien. Elle presse le pas, et sur la pointe des pieds, alors qu’il vient de se lever, elle vient l’embrasser. Un seul geste, un baiser, un seul endroit, ses lèvres, et elle c’est qu’elle est là, à la maison. Pas un lieu, une personne. « Ok panique pas. Vraiment panique pas… » pourtant, c’était bien son cas « Mais j’ai du retard. Genre… du retard… du retard. Enfin… j’sais pas, ça doit être le manque de sommeil, ou ces dernières semaines… Le stress ou … » elle réfléchit un instant, elle est même pas certaine de croire à tout ce qu’elle débite. « Ou le stress. Pas de raison de paniquer. » Alors pourquoi est-ce qu’elle est complètement morte de trouille ?  

Il tourne en rond depuis des semaines. S’efforce de jouer la comédie de la normalité, alors même qu’il est à mille lieues de se sentir normal. Depuis qu’il sait, la culpabilité le ronge. Il devrait lui dire, la prévenir. Elle a le droit de savoir, et surtout, de décider ce qu’il convient de faire. En se taisant, il lui enlève toute possibilité de choisir. Et cette simple idée l’empêche de dormir. Il accuse le coup, ses cernes encore plus sombres gravées sur son visage. En apparence calme devant Lyra, il est agité de tics nerveux. Ses doigts pianotent inlassablement sur l’accoudoir du canapé, jusqu’à sentir les muscles et les tendons le brûler. Même après cela, il continue, ignorant la douleur. C’est sa punition, pour n’avoir rien dit. Pour ne pas avoir trouvé le courage de dire à Lyra qu’elle est enceinte. Car elle l’est, il n’a aucun doute là-dessus. Il le sait, aussi sûr que la Lune tourne autour de la Terre. Et, trop tétanisé par cette perspective, il n’a rien dit. Parce qu’il avait peur qu’elle décide d’y mettre un terme, parce qu’il avait peur qu’elle décide de le garder. La situation lui est étrangère. Il n’y a jamais été confronté avec Eo, qu’il croyait stérile. Jusqu’à ce que Dick lui apprenne la vérité. Eo était enceinte le jour de l’accident, et il ne l’a jamais su. Désormais, elle et leur enfant sont morts. Mais Lyra et le bébé qu’elle porte sont bien vivants, même si elle ignore encore sa condition. Avec un frisson il imagine la fureur qu’elle déchaînera sur lui lorsqu’elle l’apprendra. Lorsqu’elle saura. Il ferme les yeux l’espace d’un instant, submergé par la frayeur. Il sait qu’elle serait capable de le quitter pour cela. Capable de le faire souffrir au moins autant qu’il l’aura fait souffrir. Et c’est cela, plus que de savoir si elle mènera cette grossesse à terme ou non, qui l’effraie véritablement.

Il sursaute lorsqu’il entend un coup à la porte, puis le grincement de celle-ci. Stupidement, il se dit qu’il devrait y mettre du dégrippant, avant de balayer cette pensée. Réparer sa porte grinçante n’améliorera pas sa vie, ni celle de Lyra. « Finn ? C’est moi. » Son cœur se fige un instant dans sa poitrine avant de repartir de plus belle, à un rythme effréné. Il ne peut pourtant pas jouer l’absent. « Je suis au salon. » L’appartement n’est pas immense et il n’a pas besoin de crier pour se faire entendre. Très vite, les pas de Lyra résonnent dans le salon et la brune apparaît. Elle a l’air aussi agitée que lui et il s’empresse de se lever pour la rejoindre. Son bien-être passe avant tout et il ne supporte pas l’idée de la savoir mal à l’aise. Il l’enlace et l’embrasse, respirant le parfum de son savon. « Bonjour, toi. » La voix est tendre, amoureuse. Il aimerait tellement n’être que cela. Un amoureux transi, occupé à vivre la relation idéale qu’il a imaginé toute sa vie. Mais il devra aborder le sujet un jour ou l’autre et si possible, rapidement. Entre ses bras, Lyra est nerveuse. « Ok panique pas. Vraiment panique pas… » Sa respiration s’accélère légèrement. Elle sait. Une forme de soulagement le gagne. Il n’aura pas besoin de le lui annoncer lui-même. Il lui suffira également de cacher son mensonge, et tout ira bien. Mais la perspective de mentir, qui plus est à propos d’un autre mensonge, le rend malade. « Mais j’ai du retard. Genre… du retard… du retard. Enfin… j’sais pas, ça doit être le manque de sommeil, ou ces dernières semaines… Le stress ou… » Du retard. Finn devient blême. En réalité, Lyra ne sait rien. Elle ne fait que spéculer, s’inquiéter. « Ou le stress. Pas de raison de paniquer. » Cette fois, il ne peut plus reculer. Il doit lui dire. Il est inutile et cruel de la laisser se torturer ainsi. « Lyra... » Le ton est chargé de tristesse, de remords. D’un geste, il l’invite à prendre place sur le canapé, avant de s’asseoir à ses côtés. Cela ne changera rien à ses révélations, mais au moins peut-il tout lui dire sans craindre de sentir ses jambes céder sous lui. « Tu es enceinte... » Il accentue bien le verbe, pour ne laisser aucun doute subsister dans l’esprit de la jordanienne. Se faisant, il trahit le secret qu’il protège depuis un mois et demi. Levant un regard plein de culpabilité sur Lyra, il n’ose pas la toucher. De peur qu’elle se brise entre ses bras.

Elle devait se lancer, elle devait lui en parler. Parce qu’elle n’arrivait pas à gérer ce stress seul. Parce que depuis quelques temps, c’était lui la personne de confiance. Et si jamais ses doutes se confirmaient, il serait tout autant concerné qu’elle. Autant le mettre dans le bain maintenant. Si elle y arrive. Et lorsqu’il lui répond, le nez relevé de son bouquin, son palpitant se calme un instant. Juste ce qu’il faut pour lui donner le courage d’avancer. Il se calme tellement, qu’elle a presque envie de reporter le moment, juste se caler là, avec lui, dans le creux de ses bras.
Non, elle doit le faire.
Les mots sortent, s’enchainent, maladroitement. Elle veut pas le faire paniquer, mais elle est complètement flippée. Ca se sent dans chacun de ses mots, dans son empressement à les prononcer. Elle se veut rassurante, loupé.
« Lyra... » Elle aime pas franchement la façon dont sonne son prénom. Rien de bien joyeux. Rien de très rassurant, alors elle s’assoit avec lui, le regard un peu plus angoissé, en attendant la suite « Tu es enceinte... » Insistance toute particulière sur son état, sa condition. Pas une supposition, pas même un doute, il l’affirme. Pourtant, son cerveau à elle refuse de l’assimiler. « quoi ? » la question, ou plutôt surprise formulée à voix haute avant même qu’elle ne s’en rende compte. « enfin… elle secoue légèrement la tête, un rire nerveux qui s’échappe de ses lèvres, comment tu pourrais le savoir ? »  Le regard de Finn ne la rassure pas. Bien au contraire. Il semble… Désolé. Presque coupable. Forcément qu’il est responsable de sa grossesse, mais ce regard, elle ne le comprend pas. Et ça lui sert les tripes, un bref instant. Il savait. Elle sait pas franchement comment. Mais ça ne peut être que là. Son don ? Y’a pas ‘autres explications pour être capable de lui affirmer de la sorte. Elle déglutit difficilement, et elle a l’impression de faire une chute plutôt impressionnante. Pas vertigineuse mais déjà bien assez conséquente. Heureusement pour elle, ses fesses sont bien sécurisées sur le canapé. « Tu le savais. » elle se décompose, tourne la tête pour regarder ailleurs. Elle y croit pas. « Sérieusement ?! Depuis  quand ? » elle se lève, le cœur qui s’emballe, et cette fois, elle a vraiment l’impression de faire une crise de paniquer, d’étouffer, comme si l’appartement, les murs se rapprochaient d’elle d’une manière bien angoissante. « Mais pourquoi t’as rien dit ? » les sourcils froncés, elle a l’impression de ne plus rien comprendre. Cette grossesse inopinée, l’absence de réaction de Finn… Les doigts qui viennent masser ses tempes, comme si ça allait calmer tout son corps, toute cette angoisse qu’elle ressentait. Pourtant, son cœur ne se calme pas. Loin de là. Elle sent son sang pulser contre ses tempes, et l’agacement monter. Il n’avait pas le droit de lui cacher. Elle était la première concernée. « Comment t’as pu me cacher ça ? » La voix est plus désespérée qu’en colère. Pour le moment. Accusatrice et pourtant pleine de détresse. Elle a besoin de lui, qu’il soit pour elle, pas qu’il lui cache des choses aussi énormes. Elle s’en serait forcément rendue compte à un moment. Si c’était pas maintenant, a aurait bien plus tard. Trop tard.
Nouveau coup de flippe. Elle a aucune idée de ce qu’elle veut faire, ou de ce qu’elle peut encore faire. Enceinte de combien ? Aucune idée. Et ça lui donne le tournis. Ça, son rythme cardiaque, l’omission, presque un mensonge, la déception. En lâchant cette bombe, elle ne s’attendait pas à ça. Elle appréhendait sa réaction, tout un tas d’émotions différentes, mais pas une fois ce scénario ne lui était passé par la tête. Elle sait pas bien quelle réaction elle aurait préféré. A, elle est juste paumée. Et absolument pas prête. Certainement pas. Là-dessus, il n’y a aucun doute. Mais avorter ? Ca la fait flipper. Et le garder… Tout autant. L’avortement, une chose qu’elle n’avait jamais considérer sérieusement. Pas franchement contre, chacun fait bien ce qu’il veut… Mais pour elle… Elle n’est pas sure de pouvoir. Ou d’être capable de vivre avec. Mais garder ce bébé ? L’idée l’angoisse. Une môme avec une môme. C’est la façon dont elle le voit, peut-être un peu biaisée.
L’envie d’hurler, d’avoir du réconfort, des bras rassurant. Depuis quelques temps, c’est Finn. Aujourd’hui, elle ne sait pas quoi en attendre.
 

La détresse évidente de Lyra est un crève-cœur pour l’irlandais. Sa trahison lui apparaît dans toute son horreur lorsqu’il voit la surprise se peindre sur le visage de la belle. Elle rit jaune, l’interroge d’une voix brisée. « Enfin… Comment tu pourrais le savoir ? » La réponse reste coincée dans sa gorge. Comment peut-il lui avouer que, bien malgré lui, c’est son don qui lui a appris la vérité ? Lui-même en a été malade pendant des jours. Ce n’était pas la première fois que cela lui arrivait. Souvent, il avait senti la vie dormant dans les entrailles de femmes qui, si elles l’ignoraient encore, ne tarderaient pas à le découvrir. A chaque fois la sensation d’être un intrus indésirable l’a très vite chassé, avec au cœur le sentiment coupable d’avoir observé un pan de vie qui ne lui était pas destiné. Que cela arrive avec Lyra est encore autre chose. Cette fois, aucune possibilité de fuite. Tous les jours, à chaque fois qu’il la touche, il sent palpiter la vie en elle. Et à chaque fois, il est partagé. Peut-il se réjouir, au risque d’être cruellement ramené à la raison par l’interruption, d’une manière ou d’une autre, de cette grossesse ? Il le sait, la paternité fera partie de sa vie. Mais qu’en est-il de Lyra ? Cela fait trop peu de temps qu’ils sont ensemble pour avoir réellement abordé la question. La jordanienne s’envisage-t-elle mère ? La question est fondamentale. Bien plus importante, même, que de savoir comment il a su. C’est une conclusion à laquelle Lyra parvient aussi, puisqu’elle ne l’interroge pas plus sur comment. « Tu le savais. » L’affirmation est brutale, semble tomber du ciel. Comme si, finalement, elle n’avait pas besoin qu’il le lui confirme. Elle réalise qu’il lui a menti. Honteux, Finn détourne la tête. Il n’ose plus la regarder. « Sérieusement ?! Depuis quand ? » Sa gorge se noue encore une fois, avant qu’il ne trouve le courage de lever les yeux sur elle. « Un mois et demi... » Il est misérable, Finn. Il se sent malade, physiquement. Comment a-t-il pu croire que se taire serait la bonne solution ? Paralysé par la peur, il n’a pas su trouver le courage d’avouer plus tôt la vérité à Lyra. Il la regarde se lever et marcher dans le salon d’un pas nerveux, agité. Il se sait impuissant à l’aider. Il doute même qu’elle veuille de son aide. Après tout, il est celui qui la fait souffrir. « Mais pourquoi t’as rien dit ? » Dévasté, il se mord les lèvres. Le ton de Lyra est un coup de poignard. Il se sent pâlir à vue d’œil, incapable de surmonter les émotions qui le traversent. « Je ne savais pas quoi faire. Je ne savais pas comment te le dire. J’avais peur… J’ai peur. » Sa voix tremble, se brise finalement sur les derniers mots. Il comprend avec d’autant plus d’acuité la panique de Lyra, puisqu’elle l’a gagné il y a maintenant six semaines. Et depuis, il n’est plus le même. « Comment t’as pu me cacher ça ? » La question est un nouveau coup de poignard. Peu à peu, il se vide de son sang. Mais il est bien incapable de répondre. Incapable de s’expliquer à lui-même pourquoi il n’a rien dit. Comment pourrait-il, dans ces conditions, espérer expliquer les choses à Lyra ? Misérable, il laisse la jordanienne marcher, darder sur lui un regard chargé d’incompréhension et de désespoir. L’irlandais prend sa tête entre ses mains, complétement abattu. Il sait qu’il a trahi sa confiance, et il ignore comment la récupérer. Plus que tout, il craint qu’elle ne le quitte pour cela. Et il sait déjà qu’il ne le supportera pas. « Je suis désolé, tellement désolé... » Il s’étrangle, incapable d’aller plus loin. Les larmes forment un nœud dans sa gorge et perlent aux coins de ses yeux. La culpabilité le dévore tout entier, telle un monstre implacable. Les remords arrivent dans son sillage, grignotent les restes. Finn n’est plus qu’une boule de désespoir, qui n’ose plus regarder Lyra en face.

Le silence pour réponse et rien d’autre. A part son don, elle ne voit pas. Elle en ignore le véritable fonctionnement. Elle en ignorait même les aboutissants. Elle avait juste de vagues notions. Mais si ce n’était pas ça, comment ? Impossible de le savoir. Il reste muet et ça a crispe. Elle a besoin de savoir.  Savoir comment il pourrait savoir et ne rien avoir dit. Mais rien. Ses mots raisonnent dans sa tête, encore et encore. Aucun doute dans sa voix, il l’affirmait bel et bien. Le choc est d’autant plus grand, plus difficile à encaisser. Elle est blessée, elle avait une confiance aveugle. Confiance qu’elle donne difficilement. C’est pas n’importe quoi. Dans son ventre, y’a un être qui se développe, et elle se devait de le savoir. Elle comprend pas pourquoi. Elle comprend rien, incapable de réfléchir correctement à cause de la panique qui a pris possession de son corps. Ca non plus, elle a pas l’habitude. Elle a toujours réussi à prendre sur elle, à gérer, d’une manière ou d’une autre. Pas toujours de la bonne. Mais la panique, elle la voyait souvent chez les autres, elle la vivait rarement. Pourtant, elle ne fait qu’augmenter. Plus encore lorsque Finn détourne le regard. Après quelques secondes, il finit par de nouveau poser les yeux sur elle, mais ce qu’elle y voit est à mille lieux de la rassurer. « Un mois et demi… » « pardon ? » le mot s’échappe avant qu’elle ne s’en rende compte. La gorge qui se noue, et elle a l’impression que ses jambes vont lacher. Elle ne pouvait que se demander comment il avait été physiquement capable de garder un tel secret ? De ne jamais se trahir ? De continuer à la toucher sans y penser ? Elle a besoin de marcher, de s’occuper ou en tout cas de faire quelque chose qui pourrait calmer ses nerfs et la panique qui l’étreint depuis un moment déjà. La jordanienne ne sait plus comment gérer ce qu’elle ressent. L’angoisse, la colère, la déception, l’incompréhension, la peur. un mois et demi, qu’elle se répète. Ca voulait dire qu’elle était enceinte de combien ? Deux mois ? Plus ? Elle a l’impression de manquer d’air, de suffoquer, d’apprendre une nouvelle et de pas avoir son mot à dire. Non, respire Lyra. « Je ne savais pas quoi faire. Je ne savais pas comment te le dire. J’avais peur… J’ai peur. » Le cœur qui se serre, qui se brise en entant la voix de Finn, en entendant ses mots. Elle le connait joueur, taquin, autoritaire, adorable, compréhensif, sans aucun doute amoché. Mais pas fuyant, et pas aussi abattu. Son premier réflexe aurait été de venir se caler contre lui, le prendre dans ses bras, lui dire que ça va, que c’est pas grave. Mais ça l’est. C’est pas rien. C’est son corps, sa vie. Leur vie. Alors elle retient pas les mots plus longtemps. Comment est-ce qu’il a pu ? Question qui lui brûle les lèvres depuis plusieurs secondes. Question qui étouffe son cœur et qui agace la déesse, qui ne demande qu’à se manifester. Mais pour Lyra, c’est hors de question qu’elle prenne le contrôle. « Je suis désolé, tellement désolé… » La voix qui s’étrange et elle sent son cœur se serrer. Ca lui demande un effort surhumain de rester planter là et de ne pas le rejoindre. Elle ne supporte pas de le voir dans cet état là. Aussi abattu. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que la culpabilité le ronge. Mais elle se demande comme elle, elle n’a rien pu voir. Il était différent, et elle n’a rien vu. Elle a les larmes aux yeux, le palpitant au bord de l’explosion et l’impression que tout s’écroule autour d’elle. La grossesse non prévue, cette annonce pour le moins étrange… La déception de voir qu’il a pu lui cacher un truc pareil, à se demander sur quoi repose leur relation, à remettre en question la solidité de la base, une confiance mise à mal… Non, impossible. Pas avec lui. Une simple erreur. Une foutue erreur. Mais elle panique, Lyra, tellement. Et plus encore en voyant la réaction de l’irlandais. Elle pensait trouver du soutien, une épaule sur laquelle se reposer, des conseils.. quelque chose. Pas quelqu’un dans un état presque aussi pire que le sien. Elle a les nerfs qui lachent, et risque de craquer d’un moment à l’autre. Elle a besoin de lui, maintenant plus que n’importe quand depuis qu’ils sont ensemble. « Finn… » rien. pas de réaction. la tête toujours entre ses mains, en proie à sa propre détresse. « finn ! Merde j’ai besoin de toi ! » un sanglot étouffé, elle soupire, retient le reste de ses larmes, et de ses nerfs qui vont lacher. Il relève la tête, les yeux humides, coupables dirigés vers elle. Cette vision la bouffe, et pendant un instant, c’est elle qui s’en veut. « T’as fait une erreur, une grosse erreur… Mais j’ai besoin de toi ! j’ai vraiment besoin de toi ! j’sais pas si t’as remarqué, mais je panique complètement… Alors s’il te plait, oublie cette foutue culpabilité. » la voix qui porte de plus en plus au fil des mots, et la tête de l’irlandais qui se décomposait tout autant. Merde. Elle fait tout de travers. Alors cette fois, elle en peut plus, elle revient au canapé. Pourtant incapable de rester sans rien faire, elle se rassoit, légèrement tournée face à lui, une jambe complètement repliée, l’autre au sol. Sa main qui glisse sur sa joue, et jusque sur sa nuque, comme elle en a maintenant l’habitude. « J’ai besoin de mon mec. J’ai besoin de ce mec qui a pris soin de moi, qui a tout géré quand j’étais au plus bas. Là, maintenant, j’ai plus besoin de toi encore qu’à ce moment là. » le bout des doigts qui caressent sa nuque, en espérant l’apaiser alors qu’elle a elle-même les yeux encore humides. Son rythme cardiaque n’a pas ralenti, et ça lui demande un effort considérable de rester aussi calme d’apparence. Elle, la tornade qui ne se pose jamais, qui réagit, agit, et réfléchit ensuite. « T’avais peur de quoi ? » qu’elle finit par demander.

Comme il s’y attendait, Lyra tombe de haut. Un mois et demi. Six semaines. Quarante-deux jours, à peu de choses près. Autant de temps pendant lequel il a gardé le silence, volontairement. Il ne peut pas dire qu’il a oublié. Que ça lui ait sorti de la tête. Impossible, dans cette situation, d’être tête en l’air. On n’oublie pas la grossesse accidentelle de sa compagne. Et surtout, on n’oublie pas de la prévenir. Pourtant, Finn s’est caché derrière sa peur et a gardé le silence, jusqu’à maintenant. Et la panique qui les gagnent tous les deux peu à peu est la conséquence directe de ce silence. Sans filtre, il exprime la peur qu’il réprimait depuis trop longtemps et qui, associée à la culpabilité et au poids du mensonge, l’a lentement rongé. La colère de Lyra s’abat sur lui comme une pluie des moussons. Elle l’étouffe, le suffoque. Il ne parvient pas à voir au travers pour atteindre Lyra. Il sait que, tant qu’elle sera en colère, elle n’arrivera pas à éprouver autre chose. Et elle n’arrivera pas à comprendre la peur qui l’a habité depuis l’instant où il a senti la pulsation de vie dans son ventre. Isolé, il se replie sur lui-même, la tête dans les mains. Inconsciemment, il sait que cette attitude ne fera qu’attiser encore plus la fureur de Lyra, mais c’est pour l’instant la seule réponse qu’il puisse apporter à cette conversation tronquée. La voix de la jordanienne l’appelle doucement, mais du fond de son désespoir, il y est insensible. Alors Lyra s’énerve. « Finn ! Merde j’ai besoin de toi ! » Le ton lui fait relever la tête. Il entend dans la voix les sanglots qu’elle retient. Lui-même a les larmes au bord des cils. Il ne dit rien, la gorge trop serrée pour prononcer un mot. Il sait que seul un croassement inintelligible en sortira. « T’as fait une erreur, une grosse erreur… Mais j’ai besoin de toi ! J’ai vraiment besoin de toi ! J’sais pas si t’as remarqué, mais je panique complètement… Alors s’il te plait, oublie cette foutue culpabilité. » Les premiers mots sont une nouvelle blessure, une plaie béante ouverte sur son flanc. Il a fait une erreur, et cela risque de lui coûter cher. Il n’écoute pas réellement le reste et s’il entend bien la détresse et l’appel à l’aide de Lyra, il n’y répond pas tout de suite. Au fond de son esprit, il sait que la situation est totalement inversée. Il devrait être en train de se faire pardonner, en train de soutenir Lyra, de lui assurer son indéfectible loyauté et de son amour. Mais après six semaines passées à garder sous clé le terrible secret qu’il portait, le soulagement d’en être déchargé ne parvient pas à supplanter la culpabilité. A la lisière de son désespoir, il sent Lyra s’asseoir près de lui. Sa main sur sa joue le force à tourner la tête vers elle, avant de glisser sur sa nuque. Ce simple geste suffit à le ramener un peu à la vie. Ses yeux clairs se fixent sur Lyra, sur son visage ravagé par la panique. Il voudrait l’enlacer mais craint qu’elle ne le rejette, malgré son geste d’une tendresse surprenante. « J’ai besoin de mon mec. J’ai besoin de ce mec qui a pris soin de moi, qui a tout géré quand j’étais au plus bas. Là, maintenant, j’ai plus besoin de toi encore qu’à ce moment-là. » Les souvenirs qu’elle évoque remontent à la surface, lui rappellent la peur qu’il a eu de la perdre après l’Eden Manor. Sur sa nuque, les doigts dessinent des motifs abstraits, sans signification, mais qui parviennent néanmoins à l’apaiser un peu. Le nœud dans sa gorge se desserre lentement. Sa main vient saisir celle de Lyra instinctivement, nouant leurs doigts ensemble. Il n’est pas encore revenu à lui, loin de là. Mais il parvient à sortir la tête de l’eau et à s’ouvrir à Lyra. Prudent, il l’enlace et l’attire contre lui, faisant passer ses jambes par-dessus ses cuisses. Leur proximité lui fait du bien. Il laisse sa tête aller contre celle de la jordanienne, leur front se rencontrant délicatement. « T’avais peur de quoi ? » Le ton est mesuré. Bien éloigné de la colère qu’elle exprimer quelques minutes auparavant. Il inspire profondément avant de répondre. Laisser échapper ses sentiments n’a jamais été facile pour Finn. Et aujourd’hui plus qu’à un autre moment, c’est un exercice auquel il se livre avec réticente. Mais il lui doit la vérité. « J’avais peur de ta réaction en l’apprenant. Alors j’ai repoussé le moment de te le dire. Mais après, j’ai eu peur que tu me quittes pour t’avoir menti... » Et le cercle vicieux s’est installé. Il ne le dit pas mais il sait qu’elle le devinera. Cherchant encore son souffle, Finn passe un bras autour de la taille de Lyra. Il ferme les yeux un instant en effleurant par hasard sa peau, dénudée par ses mouvements affolés. Et encore cette sensation, déroutante et agréable. Il sait contre quoi il s’est battu pendant tout ce temps. Et ce contact lui rappelle pour quoi il va se battre à partir de maintenant. Lyra et leur relation seront sa bataille. « Je vais me rattraper, je te le promets. Je suis là. » Le ton s’affirme progressivement. La panique reflue, trop lentement à son goût. Il sait que la culpabilité ne s’effacera pas de sitôt. Mais il peut accélérer la guérison en prenant immédiatement position. « On va surmonter ça. On va en parler et peu importe la décision qu’on prendra, je serais avec toi. » Il sait qu’il ne cherche pas qu’à convaincre la jordanienne. Au fond de lui il sait déjà ce qu’il voudrait pour l’enfant qu’elle porte. Mais il n’est pas seul, et c’est à elle que reviendra la décision finale. Et si elle interrompt finalement la grossesse, il la soutiendra. Peu importe ce que cela lui coûte. Prudemment, il embrasse la joue de la jeune femme, tandis que son étreinte se resserre. Sa respiration se fait profonde, espérant ainsi repousser la panique. Et peut-être parviendra-t-il également à calmer Lyra.

Lyra avait imaginé tout un tas de scénarios, un tas de réaction, mais elle était à mille lieux de cette scène. Elle avait toujours été habituée à être celle qui tenait pour les autres, celle qui ne craquait pas, ou plus tard, loin de tout et de tout le monde. Pas aujourd’hui. Elle le sent. Elle sent qu’aujourd’hui, ses nerfs lachent. Que même pour elle, c’est trop. La panique a pris le dessus. L’angoisse et l’insécurité avec. Malgré sa tendance à toujours faire les choses comme elle le sent, souvent au feeling, à se fier à ses sentiments, paradoxalement Lyra a toujours pris soin de contrôler la situation dans laquelle elle se trouvait. Et aujourd’hui, elle a l’impression de ne plus rien controler. Son corps lui échappe, et il semblerait que sa vie fasse de même. Elle flippe, et n’a aucune idée de ce qu’elle veut faire ou de ce qui l’attend. Elle flippe encore plus face à Finn et son désespoir. Elle pensait pouvoir compter sur lui. Plus que n’importe qui, elle pensait qu’il aurait les épaules pour ce genre de situation. Non pas qu’elle l’ait vu venir, mais elle ne l’imaginait pas s’effondrer, se renfermer ou même lui cacher un truc pareil. La surprise est de taille. Les deux le sont. Et elle ne sait pas ce qui la choque le plus. La grossesse ou l’omission. Elle aurait dû le savoir pourtant, qu’a trop idéalisé quelqu’un, on finit toujours par tomber.
Elle lui en veut. Et à rester là à le regarder, elle ne peut que se sentir mal avec lui. Incapable de réellement s’en prendre à lui. Incapable de lui cracher sa colère et sa déception. Les mots qui sortent sont plus doux, plus mesurés. Rien à voir avec la tornade qu’elle aurait normalement été. Elle vient même à le toucher, délicatement, comme s’il allait se briser sous ses doigts. Ca lui semble pourtant moins naturel, et elle sait exactement pourquoi. La déception au gout amer, encore dans la gorge déjà trop nouée. Ca reviendra, ça aussi elle le sait. Et elle préfère le récupérer, elle préfère mettre ses propres sentiments de côté pour retrouver le mec sur qui elle peut compter. Elle en a besoin, avant de complètement s’effondrer. Alors lorsqu’il vient nouer ses doigts au sien, elle se retient de ne pas se crisper. Elle laisse faire malgré son cœur qui se serre. Elle verra ça plus tard. Ca passera dans une heure ou dans trois jours. Pour le moment, elle veut juste comprendre. Le sentiment est étrange lorsqu’il la tire contre lui, glisse ses jambes par-dessus ses cuisses. Il est plus hésitant, et elle le comprend. Pourtant, chaque nouveau contact semble l’apaiser aussi. Pas franchement sereine, les effets semblent se mélanger, se contredire et s’atténuer. « J’avais peur de ta réaction en l’apprenant. Alors j’ai repoussé le moment de te le dire. Mais après, j’ai eu peur que tu me quittes pour t’avoir menti... » Elle est pas certaine de tout comprendre, mais cette fois, elle garde ses interrogations pour elle, comprenant à quel point il a dû mal à se confier. Seulement elle ne comprenait pas la peur de sa réaction. Forcément, elle aurait été surprise, sans doute choquée. Mais il avait peur de quoi exactement ? Qu’elle veuille avorter ? Qu’elle veuille le garder ? Qu’elle parte en courant. Tellement de questions qui se bousculaient dans sa tête mais qu’elle préférait taire. Ils allaient forcément aborder la question à un moment donné. Mais pour le cercle vicieux, ça elle comprenait. Une fois que l’engrenage était lancé, difficile de trouver une solution pour en sortir. Le bras de l’irlandais qui passe autour de sa taille, elle se rapproche un peu plus, soulagée de le voir revenir. « J’te quitterai pas, Finn. » La déception est là, le cœur douloureux aussi, sans doute accentué par le choc de la nouvelle et l’angoisse, mais elle ne le quittera. Elle ne veut pas le quitter. Ni maintenant ni plus tard. Elle l’aime son grand irlandais, horriblement romantique, diablement séduisant… Et un peu trop amoché par la vie. Affreusement maladroit sur ce coup là, mais elle essaie de se dire que c’est humain, que les erreurs, ça arrive. De toute façon, pas sûr que ça change grand-chose à la situation actuelle. « Je vais me rattraper, je te le promets. Je suis là. » Il s’affirme, la voix reprend un peu de son assurance. Pas complètement, mais elle le retrouve, doucement. C’est son cœur à elle, qui se serre un peu plus. Un peu plus léger, et d’une certaine manière, tout autant paniquée. Cette grossesse lui fait peur. Parce qu’elle n’a aucune idée de ce qu’elle veut. Elle ne se pense pas prête, mais elle ne l’est pas plus pour l’avortement. Elle n’avait pas prévu d’être mère, pas pour le moment. Et pourtant, ça réveille de vieux souvenirs, une vieille cicatrice qu’elle pensait complètement refermée, un peu oubliée. Si lointain que ça aurait pu ne pas être ses souvenirs. Pourtant, ils le sont bien. Et si c’était le même bordel ? La pensée n’est pas agréable. Aucun soulagement à l’idée d’un pseudo accident. C’est le bordel. « On va surmonter ça. On va en parler et peu importe la décision qu’on prendra, je serais avec toi. » Cette fois, elle passe ses bras autour de lui, se serre contre lui. Elle a les larmes aux yeux. Ca revient, encore. Les mots sont rassurants, mais elle n’y voit pas plus clair. Pas vraiment. Un baiser déposé sur sa joue, et elle tourne la tête, pour l’embrasser subitement, au bord des larmes. Le visage enfoui dans son cou, elle craque. Fallait bien que ça arrive. Tellement rare de cette manière là. Affreusement paumée. « J’sais pas quoi faire. » elle recule doucement le visage, essuie les larmes d’un revers de main. Trop d’émotions d’un coup, et elle ne sait pas comment gérer ça. « j’suis pas prête, Finn. Mais… enfin, j’peux pas avorter. Et j’suis pas certaine de le vouloir non plus. » elle arrive à calmer ses larmes, juste un peu, à prendre une respiration plus profonde, plus contrôlée, et elle se laisse aller contre Finn, contre sa chaleur rassurante. Mais elle tremble. Rien à voir avec les vagues de plaisir qui la submerge habituellement. Non. Cette fois, elle a peur, et elle ne sait pas comment gérer la situation. L’aveu sorti, elle ne sait pas ce que ça laisse comme option. Le garder ? L’adoption ? Rien ne lui semble correct ou comme étant la bonne solution. Rien. Elle sait qu’elle ne peut pas décider de ça maintenant, qu’elle doit se reposer, se calmer. Sans doute dormir un peu, aussi. Ou juste restée lovée contre Finn.

« J’te quitterai pas, Finn. » Malgré l’affirmation de Lyra, l’irlandais n’est pas tranquille. Difficile d’oublier la peur qui l’étreint depuis des semaines. Difficile aussi, d’effacer les souvenirs des menteuses ; Ornella d’abord, Eo ensuite. Chacune à leur manière, elles ont finalement trahi la promesse qu’elles lui avaient faite. Et, alors qu’il croyait la peur évanouie, celle-ci est revenue en force avec cette grossesse inattendue. Soudain, toutes ses insécurités ont ressurgi. Tout ce qu’il s’était efforcé d’étouffer en fréquentant Lyra. Sa timidité, son manque d’assurance. Une petite voix s’est mise à souffler dans sa tête, lui rappelant que le temps passé auprès de la jordanienne était infiniment court au regard de la situation. Lui rappelant qu’après tout, il ne la connait pas assez pour pouvoir prédire avec certitude sa réaction. Se taire jusqu’à ce qu’elle le découvre elle-même était préférable. Mais cela le rend malade, tellement malade… il ne supporte pas de mentir. Comme il ne supporte pas qu’on lui mente. L’honnêteté a toujours été primordiale pour lui, et déroger à ses propres règles est une torture. Alors il formule une promesse. Le genre qu’il se sait en mesure de tenir. Parce qu’une fois ses esprits repris, il sera de nouveau l’homme sur qui Lyra pourra compter en toute situation. Il a juste besoin d’un peu de temps, pour apaiser ses démons. Entre ses bras, la brune se laisse bercer, l’enlaçant à son tour. Puis, alors qu’il embrasse sa joue, elle tourne la tête et capture ses lèvres. Le baiser leur fait du bien à tous les deux. Pas vraiment une réconciliation ; plutôt un drapeau blanc hissé au milieu du champ de bataille. Et, enfin, les digues cèdent. Les larmes roulent sur le visage de Lyra, caché dans son cou. Rassurant, il pose une main sur son crâne et caresse ses cheveux bruns. « J’sais pas quoi faire. » Un soupir. Comme il la comprend. Il la laisse reculer, détourne pudiquement les yeux lorsqu’elle efface ses larmes. Il sait qu’elle n’aime pas qu’on la voit pleurer. « J’suis pas prête, Finn. Mais… enfin, j’peux pas avorter. Et je suis pas certaine de le vouloir non plus. » Ces derniers mots l’atteignent en plein cœur, mais il n’en montre rien. Depuis longtemps, il sait qu’il veut être père. Et il sait aussi que si cela n’arrive pas cette fois, cela sera pour plus tard. Une boule se forme dans son ventre, qu’il s’efforce d’ignorer. Il enlace Lyra sans rien dire, l’enveloppant de ses bras. Il médite ses paroles, cherchant une solution satisfaisante au problème qui leur est posé. Il peut comprendre le refus d’avorter. Lui-même ne pourrait envisager cet acte, sauf cas particulier. Et, elle l’a dit, elle n’est pas prête à être mère. La situation est inextricable. L’adoption semble la seule issue possible, mais il ne sait pas s’il sera en mesure de supporter la grossesse si aucun enfant ne rentre avec eux de la maternité. Cette simple pensée le rend déjà fou. Mais il sait que c’est la seule chose que Lyra pourra accepter. Et même si elle en est probablement venue à la même conclusion que lui, il énonce à haute voix cette idée. « Il y a toujours l’adoption… Ce n’est pas idéal, mais c’est la seule façon. » Les mots lui coûtent bien plus qu’il ne l’aurait imaginé, mais il les prononce avec une voix d’autant plus ferme qu’il sait que c’est ce que Lyra attend de lui. Qu’il prenne la situation en main. Qu’elle puisse compter sur lui pour la mener sur la bonne voie. Mais lui-même n’est pas sûr de ses sentiments quant à cette solution. Ou plutôt, si. Il sait déjà qu’elle ne lui convient pas, mais c’est la seule qui paraîtra acceptable aux yeux de la jordanienne. Alors il étouffe ses émotions. Pour être l’homme dont elle a besoin.

Son affirmation ne semble pas le rassurer, et elle ne sait pas comment le lui faire comprendre. Malgré son caractère posé, Lyra ne doute pas un seul instant qu’ils auront des disputes, elle ne sera ni la première, ni la dernière, et ce n’est pas pour autant qu’elle voudra le quitter. Ils en auront, et ils apprendront de leurs erreurs. Ils disputeront, et ils travailleront dessus. Mais pour le moment, après quelques gestes qui se veulent réconfortants et apaisants malgré les mots et les déceptions, Lyra craque. Les barrières cèdent, les nerfs à vif, les larmes coulent le long de ses joues. Elle ne sait même pas à quand remonte la dernière fois. Peut-être à il y a dix ans. Elle sait plus vraiment. Peu importe. Elle est incapable de s’arrêter, et au fond, elle avait peut-être besoin que ça lache. Tout ça… C’était peut-être trop d’un coup. Même pour elle.
La main sur sa crinière brune, il la caresse doucement, calme les sanglots, au moins pendant un temps. Quelques mots de doute, une horrible vérité constatée. Le néant total. Aucune idée de ce qu’elle doit faire, de ce qu’elle veut faire. « Il y a toujours l’adoption… Ce n’est pas idéal, mais c’est la seule façon. » la seule façon. Elle n'a jamais aimé qu'on lui dise que c'était la seule manière de faire. Elle aime avoir le choix. Elle veut avoir le choix. C'est pas une décision à prendre à la légère, mais elle sait qu'elle ne pourra pas se terrer dans un coin en attendant que ça passe. Elle devra prendre une décision, qu'elle soit prête ou non. Pourtant, aucune des possibilités ne lui semblent juste. Aucune ne la satisfait vraiment. Elle ne veut pas avorter. Mais elle ne se sent pas non plus prête à être mère, à s'occuper d'un bébé et de tout ce que ça implique. Seulement l'adoption ? L'idée ne la séduit pas. C'est vrai que ça lui évite le passage de l'avortement... Mais porter un bébé pendant neuf mois, le sentir grandir, bouger... Et l'abandonner ? L'idée lui sert le cœur. Et il n'y a rien là dedans qui lui semble bien ou juste. La main qui passe sur ses yeux pour essuyer les larmes, malgré les autres qui menacent de couler à leur tour. Elle se recule encore, pour s’allonger, ou plutôt se recroqueviller, sa tête posée sur les cuisses de l’irlandais. Malgré les instants précédents, la colère et la déception, la jordanienne se rend compte qu’elle a besoin de contact, de son contact. Elle a besoin de le sentir contre elle, comme si ça le rendait encore plus présent, plus rassurant, comme un pilier sur lequel elle pouvait s’appuyer. « Je sais pas. Peut-être. » qu’elle lache dans un soupir. Ca l’emballe pas. Y’a rien qui la satisfait vraiment, rien qui ne lui convienne. « Y’a rien qui me semble être…. La solution. » Pourtant, elle devra prendre une décision. Ils prendront une décision. L’avortement déjà éliminé de la liste, il leur reste sans doute un peu plus de temps pour y réfléchir. Ca la rassure autant que ça continue de contribuer à sa panique. Elle va se voir enceinte, elle va en ressentir chaque effet. « Tu veux quoi, toi ? » la voix est faible, par peur de pleurer à nouveau, mais l’intérêt est sincère. Leur relation est encore récente, et jamais le sujet n’a été abordé. Pas le mariage, pas les enfants, pas une hypothétique future famille. Ne rien précipiter. Ils s’étaient laissés bercer –parfois bousculer- par les joies et les tensions des débuts. Rien n’est jamais calme à Arcadia. Et avec les mafias autour d’eux, les tensions sont monnaies courantes. Ca serait sans doute venu, un peu plus tard, au détour d’une conversation innocente, ou d’une scène attendrissante. Peut-être même au cours d’un film à l’eau de rose. Mais pas maintenant. Pas au bout de si peu de temps. « On n’en a jamais parlé… » Et c’est pas aujourd’hui qu’ils prendront une décision. Ils sont encore trop chamboulés, pour des raisons différentes sans doute. Elle a besoin de se reposer, d’y voir plus clair, autant qu’elle le pourra, dans une situation comme celle là.

Il la sent se raidir à sa proposition, qui n'en est pas vraiment une. Plutôt une solution jetée à la va-vite, surtout amenée pour écarter l'avortement. Un acte vers lequel, l'un comme l'autre, ils refusent de se tourner. Jamais Finn ne pourra l'envisager ou contraindre une femme à s'y soumettre. L'idée même le rend dingue, lui donne envie de se jeter contre un mur. Il faut être barbare pour accepter de pousser sa compagne sous le bistouri d'un chirurgien. Il frissonne à cette pensée et resserre encore son étreinte. Il voudrait l’entourer tout entière, la couper du monde et la préserver de cette décision terrible. Lui accorder tout le temps nécessaire pour parvenir à un accord satisfaisant avec elle-même. Avec ses principes. Car comme lui, Lyra en a et elle s’y accroche fermement. Femme de conviction, femme de tête, c’est en partie ce qui l’a attiré chez elle. Mais face à l’échéance qui leur est imposée, il la sait susceptible de ployer. L’effrayant tic-tac du délai légal éloigné, reste tout de même une décision importante à prendre. Garder, aimer, élever cet enfant, ou l’abandonner à d’autres. La pensée le fait frémir. Pour lui, l’évidence s’impose. Mais il n’est pas en position de décider. Entre ses bras, Lyra se tortille et se laisse glisser sur le canapé. Le poids rassurant de sa tête sur ses genoux ne suffit pas, néanmoins, à contenir l’émotion de l’irlandais. Il voudrait la tenir dans ses bras encore une éternité, enfouir son visage dans ses cheveux, pouvoir goûter à ses lèvres pour éloigner les larmes. Instinctivement, sa main vient chercher celle de Lyra, tandis que l’autre retrouve sa place dans ses cheveux bruns. Le contact est trop faible à son goût mais il ne dit rien. « Je sais pas. Peut-être. » Elle a l’air aussi peu convaincue que lui. Et il la comprend. « Y’a rien qui me semble être… La solution. » Tristement, il hoche la tête. La seule solution, bien sûr, aurait été de ne pas concevoir cet enfant. Mais ils n’ont jamais pris le temps de s’inquiéter de contraception. Peu habitué à prendre ses précautions avec Eo, qu’il croyait stérile, Finn a reproduit naturellement le même mécanisme avec Lyra. A l’évidence, il n’aurait pas dû. Depuis le début, il se flagelle de n’avoir pas insisté pour utiliser des préservatifs. Mais le mal est fait… Aussitôt énoncée, l’idée le rend malade. Le mal. Comme si ce bébé pouvait être quelque chose de mauvais. La question de Lyra le détourne de ses pensées. « Tu veux quoi, toi ? » Il se crispe, ne se sentant pas légitime. Elle l’a dit, la jordanienne ne se sent pas prête à être mère. Lui, au contraire, aspire à la paternité. Contradictoires, leurs souhaits vont néanmoins devoir trouver un moyen de s’entendre. Il n’y a pas d’autre choix. Sa main quitte les cheveux bruns et vient pincer l’arête de son nez. « Oh, bon sang, Lyra… Mon avis ne compte pas. » Immédiatement, il se rend compte de son hypocrisie. C’est précisément parce qu’il a privilégié son avis qu’ils se retrouvent dans cette impasse. Qu’ils baignent dans cette colère, cette déception, cette culpabilité. Il soupire, retrouve le chemin de la marée brune. « J’ai toujours voulu être père... » Son ton se fait rêveur, évoque les longues heures passées à aimer un tout petit, à le regarder grandir. Il hésite à effleurer à nouveau le ventre encore plat de Lyra, mais sait que son geste pourrait être mal interprété. Plus que tout, il refuse qu’elle le croie capable d’avoir tu sa grossesse pour la contraindre à donner naissance à leur enfant. « On n’en a jamais parlé... » Il se mord les lèvres. C’était trop tôt pour croire que la conversation deviendrait nécessaire. Pourtant Finn aurait dû s’en douter. Dès le début, il a su que son histoire avec Lyra ne se limiterait pas à quelques mois. Pour lui, il a toujours été clair qu’il n’y aurait plus qu’elle, peu importe la durée de leur relation. « Non, on n’en a jamais vraiment parlé. » Sa voix est chargée de nostalgie. Une nostalgie un peu étonnante d’ailleurs, puisqu’il pleure déjà toutes ces choses qu’il ne connaîtra peut-être pas. Quoi que soit la décision de Lyra dans les mois à venir, il doute qu’il y ait une prochaine fois. Et jamais il ne la forcera à donner la vie si elle ne s’en sent pas la force, ni même la volonté. « Tu dois quand même savoir quelque chose… Je voudrais être père, mais si tu ne veux pas, alors on oublie. Je peux vivre sans enfants, mais pas sans toi. » A ces mots, il sent les larmes lui monter aux yeux. Il n’y a jamais eu plus grande vérité dans sa bouche. Et il n’a jamais été aussi proche d’énoncer à haute voix ses sentiments pour la jordanienne. Quelque part, la situation est d’une ironie cruelle. Il aura fallu un bouleversement aussi important pour faire basculer leur relation. Dans quelle direction, il l’ignore encore.

« Oh, bon sang, Lyra… Mon avis ne compte pas. » Elle fronce les sourcils, ne s’attendant pas du tout à cette réaction. Evidemment que son avis compte. Certes, c’est elle qui va le porter pendant neuf mois, c’est elle qui va voir son corps changer. Elle qui va devoir le faire sortir, et qui va le maudire de l’avoir mise enceinte pour la douleur qu’elle ressentira à ce moment. Mais volontairement ou non, ils l’ont conçu à deux. Elle aura sans aucun doute le dernier mot, mais elle a besoin de son avis. Elle a besoin de savoir ce qu’il pense. Elle aurait l’impression de lui faire à l’envers que de prendre une décision sans rien lui demander. Alors qu’elle allait pour le contredire, Finn enchaine « J’ai toujours voulu être père... » Le cœur qui se serre face à l’aveu. Il a toujours voulu être père, et elle vient de lui dire qu’elle n’était pas prête à devenir mère. C’est peut-être lui qui va penser à la quitter, en fin de compte. Son cœur s’emballe, en se demandant comment ils vont faire. Il s’emballe un peu plus, en se demande ce qu’il pense d’elle, de ses peurs, ses doutes, son peu d’enthousiasme actuel à l’idée d’être enceinte. Certes, il faudrait déjà que le choc passe, mais ce n’est pas comme si c’était quelque chose qu’elle avait sérieusement envisagé quelque peu. Ca avait toujours été vague. Un jour. Plus tard. « Je… J’suis désolée. » qu’elle murmure, à peine audible. Elle sait pas quoi exactement. De tout ça, sans doute. Du manque de précaution et de finalement se retrouver là. De leurs envies divergentes. Peut-être bien. Encore faudrait-il qu’elle sache réellement de quoi elle a envie. « Non, on n’en a jamais vraiment parlé. » Parce qu’il n’y en avait pas eu besoin. Parce que c’était sans doute trop tôt. Même si elle ne voyait pas Finn comme une histoire éphémère, il avait sans doute été trop tôt d’aborder le sujet maintenant. Ils devaient d’abord se laisser porter, profiter à deux. Profiter tout court. Le sujet des enfants seraient venus plus tard. Peut-être au bout d’un an ou deux. Mais aujourd’hui, ils étaient au pied du mur. Ils ne prendraient pas une décision maintenant, les nerfs bien trop mis à mal. Mais éventuellement, ils devront y venir. « Tu dois quand même savoir quelque chose… Je voudrais être père, mais si tu ne veux pas, alors on oublie. Je peux vivre sans enfants, mais pas sans toi. » les larmes au bord des cils, l’image lui étreint le cœur. Cœur qui s’emballe à ces quelques mots. C’est pas rien. Cette déclaration c’est la plus grande de toute. Prêt à renoncer à sa paternité pour elle, pour rester dans ses bras ? Elle se sent tirailler. Heureuse, submergée de cet amour qu’il lui porte, et l’envie de lui dire qu’il n’a pas droit de renoncer à ce rêve. Pour personne. Alors elle se redresse doucement, mais reste proche de l’irlandais. La main qui vient caresser sa joue, délicatement, elle aussi, les larmes aux yeux. Elle vient l’embrasser, doucement alors que ses larmes coulent. « Renonce jamais à ta paternité. » le front collé contre sien, elle laisse les larmes couler en silence avant de lui voler un baiser. « Je t’aime Finn. » les mots sortent sans qu’elle ne s’en rende compte. Un moment qu’ils menaçaient de sortir. Un moment déjà, qu’ils sont imprimés dans son palpitant. « J’ai besoin de temps, pour digérer tout ça… Pour encaisser la nouvelle, et y réfléchir. » Elle veut pas faire de conneries. Dans un sens ou dans l’autre. Elle est pas certaine qu’il y ait de bonne solution, elle a juste besoin de le sentir, dans ses tripes et dans son cœur.