(I – Enfance) Les gens aiment à se plaindre de leur vie, de leur enfance, la considérant comme le cœur de tous leurs soucis. Il s’agit d’excuses que Dahlia n’a jamais appliqué sur elle-même, qu’elle a vues et entendues des centaines de fois. A force de travailler avec des malades, son propre passé a pris une dimension plus…. Banale. Pas de flammes, pas de surnaturels, pas de blessures, pas de maltraitance. Juste le bruit des armes à feu et des fusillades rythmant sa vie quotidienne. A croire que déjà à l’époque elle attirait la mort à ses côtés…

(II – Etudes) Y’a de ces vocations qui naissent tôt, et ce fut le cas pour Dahlia. La médecine, son besoin d’aider autrui, c’est arrivé quand elle était toute gamine, à jouer à l’infirmière et au docteur. Puis après, elle a eu de la chance, la gamine brillante à l’école. Issue d’une famille plutôt aisée, elle a pu suivre les études qu’elle souhaitait, n’a pas été obligée d’enchaîner les heures de travail en parallèle pour payer l’université. Chanceuse dans un monde qui ne cesse de se précariser…

(III – Texas) Son état d’origine, celui dans lequel elle a passé une grande partie de sa vie, baignant dans une culture plutôt franche et raciste. Autant dire que les minorités n’étaient pas bien vues, alors même que les envahisseurs étaient les blancs se prenant pour les rois du monde. Puis à la frontière avec le Mexique, elle en a entendu des stéréotypes, des clichés et des insultes. Parce que les gens oublient l’être humain derrière, soulignent simplement des différences physiques, sans que celles-ci n’influencent pourtant le reste. Mais la haine a la vie dure, encore plus sans raison visible…

(IV – Associations) Alors Dalhia, elle a multiplié les expériences dans des associations, et des ONG. Justicière dans l’âme, même les remarques répétées en permanence n’ont pas su la faire plier. Et elle n’a jamais arrêté. Une fois le diplôme de médecine en poche, elle s’évade à l’étranger, finit dans des pays ravagés par la guerre, à soigner autant les corps que les âmes. Quelques années à se perdre, à voir défiler devant les pupilles l’Homme dans son plus bestial apparat… La Guerre anéantit, les batailles détruisent, et le plus souvent, ce sont les civils qui en font les frais…

(V – Mémoire photographique) Une aubaine pour beaucoup. Après tout, qui n’a jamais rêvé de se souvenir de ce qu’ils voyaient ? Que ce soit un numéro de téléphone, un plan, ou la plaque d’une voiture après un accident ? Ca peut permettre tant de choses… Pourtant, ça mine tout autant sur le moral. Le passé devient alors toujours ancré quelque part dans l’esprit, à ressurgir en permanence. Alors oui, elle se souviendra du numéro de téléphone que vous lui donnerez, mais à côté, ce sont les images de combats et de corps mutilés qui reviennent, les visages de ses patients, notamment ceux qui n’ont pas pu être soignés, et ceux qui ont fini pendus dans leur chambre, quand les médicaments ne faisaient plus effet…

(VI – Blessures) Une vilaine balafre recouvre son épaule, vestige d’une attaque lors de son dernier départ humanitaire. Vie changée, verdict tombé à son retour aux Etats-Unis : incapacité à pratiquer le métier de chirurgienne à l’avenir. Mobilité au niveau du bras gauche atteinte, bien que le temps a fait son œuvre, et qu’elle peut désormais le mouvoir correctement à nouveau. Les douleurs restent pourtant toujours, fantômes la plupart du temps, plus liées à l’état d’esprit qu’au corps de Dahlia…

(VII – Cauchemars) Ils sont là, à murmurer contre son oreille, dès qu’elle a le malheur de vouloir s’endormir. Si ses départs humanitaires l’ont forgée, lui ont appris à gérer tout type de crises sans jamais céder au stress, le retour a été rude, et les cauchemars sont le prix à payer pour ce qu’elle a vu. Horreurs sans nom, que l’être humain n’est pas habitué à voir…

(VIII – Arcadia) Nouvelle ville, nouveau départ. Un peu plus de deux ans qu’elle a fait sa reconversion, abandonnant les gants en latex blancs pour s’installer sur un fauteuil, et écouter, accompagner ceux dont l’esprit s’est fait grignoter par la maladie. Elle s’y est fait, à ce nouveau monde, bien que sa logique l’empêche de voir au-delà des apparences.

(IX – Déités) Les dieux, ça n’existe pas. Déjà, elle ne croit pas en Dieu, et la réincarnation, ça défie toutes les lois scientifiques jusque-là établies. Et pour son esprit, c’était inconcevable. Alors, les rumeurs, les propos de ses patients, elle n’en a jamais tenu compte, rangeant cela sur le compte de leur maladie, d’une pensée entravée qu’elle se doit de libérer. Clairement, si vous vous essayez à une discussion purement religieuse avec elle, vous vous y casserez les dents.

(X – Alejandro) Certaines rencontres ont plus d’impact que d’autres, et annoncent un véritable renouveau, dont Dahlia se serait bien passé dans son cas. Il n’avait été qu’un homme au milieu de l’hôpital, en plein milieu d’une crise. Et elle, elle avait tendu sa main, avait gardé un calme exemplaire. C’était ainsi qu’il fallait réagir, face aux malades. Paniquez, et ils paniqueront puissance mille. Imposez votre calme, et tout devient possible…

(XI – Mort) Croiser le dieu de la mort, même sans le savoir, ça n’a pas dû aider. Parce que c’est ce qui a fini par la toucher. Agression un soir sur le parking de l’hôpital, visage du patient ancré dans l’esprit, et le corps réduit au néant. Réanimée après l’arrêt du cœur, supposé être définitif, elle passe plusieurs jours en soins intensifs, sans pouvoir se résoudre à attendre. Il a fallu se relever, retourner au travail, plutôt que de penser sans cesse à ce poids mort qu’elle a l’impression de porter au niveau de son cœur…

(XII – Banshee) Possession inconnue depuis Juin dernier, mois de son agression. Les cheveux blancs en sont la parfaite illustration, bien rapidement cachée sous une teinture noire. Et les voix… Toute la psyché se fait la malle, et elle perd pied Dahlia, tout en continuant à compartimenter au maximum. Elle ne veut pas comprendre que quelque chose cloche, ni mettre le doigt dessus. Cela impliquerait de remettre en cause toutes ses valeurs, tout son schéma de pensée. Puis, tant qu’elle n’a pas le couteau sous la gorge, à quoi bon y réfléchir ?