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AURELIO & ALEJANDRO
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Aurelio. Aurelio Nava. L’identité qui se répète inlassablement dans sa tête à Jan, comme une litanie qu’il aurait préféré oublier au fil du temps. Aurelio. Depuis combien d’années  ne se sont-ils pas vu face à face ? Depuis combien de temps n’ont ils pas parlé sans être entourés des autres de la Calavera ? Héritiers de deux familles fondatrices, dieux primaires de deux panthéons voisins, ils auraient du rester proches mais… Le destin a toujours son mot à dire dans les amitiés entre divins. Encore plus quand il s’agit d’amitié au sein d’une mafia réputée pour sa violence et son dégoût pour les fuyards. Et c’est ce qu’est Aurélio aux yeux de Jan, un fuyard. Un p’tit con qui l’a abandonné pour ses études, qui a préféré la grandeur des salles de classe à celle de sa famille. Aurelio est parti à 19ans, est revenu, est reparti, est revenu, inlassablement, comme si jamais la Calavera lui suffisait. Jan l’a détesté pour ça. Et il continue de détester cet homme qui se pense encore capable de devenir le futur commandante alors qu’il n’a rien pour le devenir et n’a rien fait pour eux à part leur offrir ses services pour choper quelques reins ou autres organes. Aurelio Nava est un incapable qui, pourtant, a été le plus proche ami d’Alejandro Flores quand ils étaient enfants. Opposés sur beaucoup de choses, le plus vieux jaloux de la famille du plus jeune, le plus jeune incapable de maîtriser son dieu à la différence du plus vieux. Ils se sont aidés et appréciés malgré leur différence. Mais ça c’était il y a longtemps. Leur relation serait difficile à définir maintenant qu’ils ne sont plus rien l’un pour l’autre depuis pratiquement deux décennies.

Mais aujourd’hui, ils se retrouvent comme deux imbéciles dans une même voiture, en filature.  Officiellement, il a été balancé sur cette mission pour apprendre au soldado Nava, ce que c’est, de vraiment travailler pour la Calavera. Officieusement, cette mission lui permet de calmer le dieu sous sa carne qui vient de s’éveiller après quelques tirs de sniper loupés. Et encore plus officieusement, Alejandro est dans cette bagnole pour surveiller Nava et être sûr qu’il ne se la joue pas veste retournée.  « T’en veux ?  » La boite de nugget déjà à demi vide est tendue sans un regard. Aurelio sait à quel point son ancien ami mange comme douze et le nombre de paquet de gâteau déjà avalés depuis deux heures qu’ils attendent comme deux couillons dans la bagnole, en sont les preuves. L’agacement lui tiraille la tête, la tête éveille le dieu, le dieu grignote la panse et la panse hurle, affamée. Cercle vicieux qui ne pourra calmer le capitano, sauf s’il décide de réellement  discuter.
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Empty spaces - Jeu 29 Nov - 16:30

Mastication.

Lente, sourde et régulière. Le bruit de ses mâchoires, se levant, se fermant, écrasant, roulant de manière circulaire, depuis combien de temps je l'entends ? Et il reste maigre comme un clou, à manger autant, à avaler autant de junk-food, à déballer autant de paquets. Déglutition, et le cycle recommence. De la main à la bouche, puis l'éternelle rotation des mandibules, concassant, malaxant dans la salive usée et chargée de sel, de sucre et de produits chimiques inconnus, les yeux fixés dans le vide, sur le pare-brise, plissant des paupières en rythme avec le métronome de ses dents, tout les deux écrasements, Alejandro continue inlassablement de manger ses nuggets, d’inexorablement plumer toutes les poules de la Terre. Pourtant, je ne le fixe pas, je ne le scrute pas, il est juste dans le coin de mon regard. Je l'entends, depuis des temps immémoriaux me semble-t-il, manger, encore et encore. Cette lente mélopée, il décide de la briser en me tendant une petite pépite de poulet pané.

Symptôme.

"Merci, mais je suis devenu végétarien."

Le diagnostic limpide passe sous nos yeux : nous ne nous connaissons plus. Deux inconnus dans le même habitacle, prisonnier par le temps, par les ordres. Je ne pourrais le nier, sa présence m'est agréable, doucereuse et emplie de souvenirs. Le temps a passé, ravagé nos corps, fait croître nos os, élargir nos épaules et dégarnir nos cheveux, des rides parsèment déjà mon front, parchemin témoin de l'écoulement des jours et lui se couvre de cicatrice, balises temporelles indéniables, cependant, j'ai l'impression qu'hier nous étions encore amis, voisins. Enfants. Cette illusion, ce masque, tombe instantanément alors qu'elle frôle ma réflexion, une question, bien plus adultes, gorgée de mes années d'études, élude ce mirage : Alejandro a-t-il un jour été un enfant ?

Jamais.

De mes souvenirs, je ne le vois que peu sourire de candeur, de joie de vivre, je ne me souviens pas de son visage balayé par l'insouciance infantile. Toujours, une petite ombre au coin de l’œil, presque une larme, de l'adulte invoqué bien trop tôt ; quant à ses mains, toujours avide de jouer, éternellement attirées, à l'instar de mains d'enfants, par les plaisirs futiles et ludiques, se retrouvaient toujours chargées par des poids imposés par sa famille, des carcans trop douloureux pour les petites paluches d'un gamin. Je ne le voyais que trop peu, subissant moi-même mes propres démons familiaux, les tourments imposés par le matriarcat Nava. Là, dans ce silence gelé, je me rends compte que nous nous sommes éloignés terriblement rapidement ; dès que mes yeux se sont ouverts sur le monde adulte, sur ce qu'aurait pu subir Alejandro, il n'était plus dans mon paysage pour que je puisse l'observer. Car j'avais changé de paysage.

Vitre.

Cette fois-ci, aujourd'hui, ce n'est que ce que je vois, une vitre propre, alors que ma tête est posée sur une seconde vitre, encore plus propre, plus épaisse et terriblement froide. Nullement abruti, je me doute que m'enfermer ici, dans cette prison de verre et d'acier en compagnie avec Alejandro, n'est pas une coïncidence : il me surveille. Peut-être même que, en usant notre séculaire amitié, ils souhaitent que je consacre plus de mon temps à la Calavera. Que je m'implique. Qu'ils aillent se faire voir, j'hésite encore à prendre le premier avion et partir pour Mexico. Jamais je n'en aurais le courage, j'ai trop de responsabilités auprès de mes filles ici, qui plus est. Je refuse de les abandonner. Donc, m'investir pour la Calavera serait les abandonner, puisque je ne pourrais plus m'occuper d'elles.

Thé.

Je trinque silencieusement à leurs souffrances tacites et non guéries. Je bois quelques gorgées d'un thé toujours brûlant dans mon thermos, d'un signe, j'en propose aussi à mon compère du soir. Le silence nous relie et rallonge le temps passé. Nous pourrions parler, discuter, mais ce n'est clairement pas dans nos natures respectives que d'engager une discussion, comme ça, juste pour parler. Alors, je cogite, et j'imagine qu'il fait de même, au rythme de ses derniers nuggets avalés.

Jumeaux.

Presque. Je trouve cela incroyable comme nous sommes identiques et distincts, comme deux lèvres cousues. Jamais nous ne nous touchons volontairement, nullement nous nous ressemblons, pourtant, nous sommes liés par des sutures ensanglantés : nos familles, nos panthéons, nos divinités. Points par points, nos caractères se reflètent, se répondent, et parfois le destin a voulu nous rassembler de force, frottant ces deux lippes gercées l'une contre l'autre. Seuls des détails nous joignent naturellement dans cette amitié que la Fortune nous force à déterrer, le silence est la commissure des lèvres de cette bouche muette et placide. Comme un ancien crâne préhistorique, je ressens qu'il me manque une partie de ma mâchoire, presque incomplet. Le rythme de'ingestion  d'Alejandro fait ressortir en moi des souvenirs de notre jeunesse, bien qu'il mangeait drastiquement moins adolescent, je me tourne alors vers lui et ouvre mes lèvres pour lui rappeler une anecdote stupide sur des nuggets.

Mouvements.
Silence.


Cependant, la planque que nous surveillons s'agite. La porte s'ouvre. Trois hommes en sortent. Deux gorilles en armure de tissu, en costards identiques et sobres, et un homme encore plus grand, chauve, portant des lunettes de Soleil et téléphone à la main. Notre cible. On doit juste le surveiller, le traquer, le pister. Pourquoi, je n'en ai aucune idée et, dans le fond, je m'en contrefous. Dès lors, on va changer de place, devant sa prochaine planque. Je sors un bout de papier et note, griffonne de mon écriture illisible, l'heure de son départ, ainsi que sa compagnie. J'allume le GPS de mon téléphone portable et m'apprête à enregistrer ses déplacements. J'espère simplement que, dans sa prochaine localisation, il ne restera pas trois heures.
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AURELIO & ALEJANDRO
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Aurelio refuse les nuggets. Aurelio refuse… Aurelio est devenu végétarien. Ça fait arquer un sourcil au capitano, ne s’attendant pas à cette remarque. Il ne le connait plus du tout. Des enfants, d’autrefois, ils ne sont plus rien. Plus que des ombres, des fantômes l’un pour l’autre. Ils auraient pu être réellement amis. Ils l’ont été pendant quelques temps à vrai dire. Malgré leur différence, la pression de leur famille les a rassemblé là où personne ne les attendait. Ce n’est ni dans l’échange de puissance et l’envie de s’élever plus haut qu’ils se sont appréciés Aurelio et Jan, mais bien dans l’impression d’avoir enfin quelqu’un qui pouvait les comprendre. L’un et l’autre savaient parfaitement ce que voulait dire « être attendu au tournant ». L’un et l’autre étaient conscients de la violence psychologique pour l’un et physique pour l’autre, utilisée pour les élever plus haut que leur propre rang. L’un et l’autre comprenaient est savaient parfaitement qu’ils pouvaient se parler sans avoir à cacher la dure réalité. Jan qui souvent débarquait, un oeil au beurre noir ou la lèvre fendue après un combat sur le ring trop long ou trop violent. Aurelio qui était paumé avec son dieu. Les deux se calmant, se parlant peu mais s’écoutant beaucoup. Les silences se suffisent parfois pour comprendre la douleur entre deux hommes. Mais cette fois-ci, le silence n’a rien d’apaisant. Il est douloureux, gênant et ennuyeux. Et Jan, Il déteste ça, se sentir mal à l’aise dans une situation où il devrait tout gérer. Il déteste se sentir comme un imbécile devant dire quelque chose sans savoir réellement à qui il parle maintenant qu’ils ne sont plus que des étrangers.

Le paquet de nugget terminé, il est soigneusement plié et mis dans un autre sac à ses pieds alors que devant eux, la cible bouge enfin.  « Cabrón… C’est pas trop tôt, j’me serais presque endormi. » Ça lui arrive souvent,  son nouveau pouvoir tirant beaucoup sur son énergie à force de s’entrainer pour apprendre à le maitriser. Les trois silhouettes s’engouffrent dans la voiture, le capitano démarre la sienne et attend de voir la mercedes sombre prendre la route. Garder un peu de distance entre les deux, de toute façon, le mouchard placé quelques heures auparavant sous la carcasse métallique lui permettra de ne pas les perdre. Enfin… Leur permettra.  Le pied appuyant sur la pédale d’accélérateur, la route est prise, dans un silence quasi morbide. Le malaise est de plus en plus palpable, picore l’échine du capitano qui fait une seconde tentative.  « Ça se passe bien au planning familial ?» Se rapprocher, comprendre un peu mieux la vie d’Aurelio et de sa mère, en savoir un peu plus pour mieux connaître ses véritables attentions. Aurelio n’est plus un ami, ni un compagnon de chemin. Aurelio est un fuyard, un homme faible qui a préféré faire des études plutôt que de rester parmi ses pairs. Il aurait été à l’université pour la Calavera, pour sa famille. Mais non, il est devenu médecin pour lui. Uniquement lui et son égoïsme latent malgré ce qu’il peut penser. Aurelio Nava a disparu de la Calavera pour son plaisir personnel, mettant ses rêves avant ceux de la mafia. Et ça, Jan ne pourra jamais le lui pardonner. Encore plus le fait de ne pas avoir été là pour lui alors que le second de la Calavera été le premier à l’aider lors de son incarnation. Jan ne pardonne pas facilement, encore moins pour ceux qui osent jouer avec ses sentiments.  « Ta mère s’y sent bien ? » Et la roule continue devant eux, les yeux des deux hommes dardés sur la cible alors que les deux enfants tentent de se comprendre une nouvelle fois.
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Silence.

J’ai le souvenir, lointain et volage, de la voiture de mon père, quand j’étais gamin, quand je ne connaissais pas encore Alejandro. J’ai un souvenir particulier, mais assez diffus, de sa musique passant dans des cassettes que Mama rembobinait parfois avec un crayon et, surtout, du boucan du moteur. Parfois, l’été, les fenêtres devaient rester ouvertes pour aérer et rafraîchir l’engin. Au final, dans la fumée de cigarette, les notes enivrantes et le moteur vrombissant, couvert par l’air pénétrant le bolide, nous ne pouvions communiquer. Trop de bruit. Trop de vacarme. Quand il y avait des choses à se dire, on criait.

Silence.

Mais ici, plus de trente ans de technologie plus tard, le silence nous berce alors que nous avançons. Sans un bruit. Comme si nous volions sur un coussin d’air ou un nuage de coton. Seules nos bouches, en s’activant, peuvent briser cette étreinte de cristal, cristal qui s’immisce progressivement, pernicieusement, dans nos cœurs et nos corps, rendant le silence beaucoup trop froid pour être supportable, ce froid qui brûle les doigts et les pieds, engourdis les paupières et fait trembler le reste du torse. Alejandro le ressent aussi, nul doute. Mais il a l’initiative de faire bouger ses lippes et d’en faire bouger des sons.

« Ouais. »

Mon ton demeure familier, la distance et le temps n’ont pas altérer l’enracinement de nos relations, définitivement ancrées dans un terreau sec et, semble-t-il, stérile. Il est des façons qu’on en change peu ou prou, ourlées du passé et de la mémoire. Comme un vieux fauteuil chez un aïeul, qui était si confortable enfant et désormais, adulte, semble austère et cassant.

« On veut déménager l’antenne principale dans notre quartier d’ailleurs. »

Notre quartier. Je le sais, Alejandro ne va pas aimer cette allusion ; je n’ai jamais été du quartier pour lui, pour la Calavera, moi l’enfant né une cuillère en argent dans la bouche, qui n’a jamais connu le sort létal de la rue, le danger de la nuit et les bruits d’explosion éveillant l’homme assoupi. Mais je m’y imprègne depuis presque vingt ans désormais, m’y sens bien, comme dans une famille retrouvé. Vous savez, l’enfant esseulé, jouant seul avec ses jouets et peu accepté dans la cours de l’école, ce serait moi ici. Sauf, je le confesse, je n’ai quantité de tentatives de sociabilité. Excepté Grindr lorsque je suis éméché.

« Cela adoucira son image. Et je serai plus proche en cas de besoin. »

J’offre mon plus grand sourire à mon vieil ami, concentré sur la route. L’éclat de nos dents se répondent plus que nos mots, comme des animaux s’affrontant. Pense-t-il m’affronter ? J’hésite l’espace d’un instant à sonder son esprit à l’aide de mon Don, cependant, il respirera alors lui aussi mes émotions, mes pensées, mes souvenirs particulièrement ceux liés à lui et comprendra aisément que j’ai sondé son esprit. Je me suis trop entraîné sur lui, avec son accord, pour qu’il ne saisisse pas l’effet négatif de ma magie.

« D’ailleurs. »
Léger rire.

Je fronce légèrement les sourcils avant de reprendre ma tirade, marquant le souci naissant sur mon visage, transpirant de mon âme à l’égard du corps du conducteur.

« Tu cicatrises bien ? »

J’ai apporté avec moi, comme toujours quand je suis en déplacement, le nécessaire à quelques soins. Juste au cas où, juste parce que je connais le Destin et sa volonté à éparpiller du chaos sur mon chemin, du désordre écarlate. Mon seul talent, actuellement, est de recoudre les morceaux dispatchés pour avoir un semblant d’ordre.
Et pendant ce temps-là, peu à peu, les réverbères s’allument à mesure que mon thé se vide dans mon gosier.
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AURELIO & ALEJANDRO
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La rue dévale devant ses yeux, la proie suivie de près alors que le trafic est dense en cette fin de soirée. Parfait, ça leur permet de rester discret malgré la proximité. Concentré sur la route, il n’écoute que d’une oreille les mots d’Aurelio mais ne peut s’empêcher de sourire quand ce dernier lui parle de « notre » quartier. Il est drôle parfois, le Nava. Comme s’il était encore chez lui, alors qu’il l'a quitté maintes et maintes fois. On n’abandonne pas la Calavera, on ne laisse pas de côté les siens pour une envie subite d’aller faire des études. Ça, Jan ne lui pardonnera jamais. Alors ce quartier, Delray, il est à eux et pas à lui. La Famille Nava peut bien cramer dans un feu qu’il s’en foutrait le capitano. Ils ont abandonné. Ils se sont barrés, ont préféré faire leurs petites magouilles sans trop s’intéresser à la Calavera. Ils ont préféré leur nom à celui de la mafia.  « Je comprends… » qu’il murmure Jan, sans répliquer ce qu’il pense vraiment. Il a repris cette maitrise que la maladie lui avait bouffé au cours des deux mois derniers. Il est redevenu ce soldat que beaucoup avait en respect pour ses actes et pas uniquement pour sa violence. Alors face à la provocation inconsciente d’Aurelio, Jan ronge son frein, ou plutôt se mord la joue intérieure et ne réponds pas réellement. La mère du Nava est sympa et surtout elle fait du bon boulot avec les chicas. Mais le reste… Aurelio pourrait ramener quarante foie par jour qu’il n’en aurait rien à foutre le capitano. Il continuerait de le tester, de l’éviter personnellement et de mettre son nom en dernier sur les missions. Leur amitié s’est terminée au moment où il l’a abandonné. Car plus qu'orgueilleux, Jan est rancunier.
Ils tournent à gauche, la voiture ralentit un peu, le trafic diminuant à mesure que les quartiers deviennent plus pauvres. Et quand le médecin reprend la parole, d'un ton trop amusé vu la situation, Jan ne peut s’empêcher de tourner le visage vers lui. Pardonne ? De quoi il… Les yeux rivés sur la route à nouveau, il fronce les sourcils, symptomatique d’une incompréhension chez lui.  « Tu veux me retirer un rein ? » Qu’il balance, mi-amusé, mi-sérieux. Les réverbèrent s’allument, la voiture continue de ronronner tranquillement alors qu’une autre lui coupe la route et se place entre leurs proies et eux.  « Vu ce qui se passe avec ma peau quand il fait nuit, heureusement que je cicatrice bien Aurelio. J’serais plus en vie sinon.» les thaumaturges n’y pouvaient rien, un contre-coup divin est plus fort que leur magie. Les centaines de cicatrices nacrées sur tout son corps étaient les preuves d’une cicatrisation impressionnante. Certaines étaient plus boursoufflées que d’autres, comme celles de la nuque ou du cou, mais d’autres étaient presque imperceptibles. Il les aimait toutes Jan, et était presque heureux de ne pas les voir disparaitre sous les doigts des thaumaturges. Il n’y avait que celle de la joue, cinq petites griffures encore rosées, qu’il aurait préféré oublier. Elle avait les mêmes que lui. Ils étaient liés par leurs cicatrices à défaut de l’être par un patronyme.
La voiture devant disparut, la rue étaient à eux, une centaines de mètre séparant les deux bagnoles sombres.  « Et toi, tu tires toujours comme avec un pistolet à eau ? » qu’il balança, sourire bien trop grand vu la moquerie qui suintait de tout ses pores. Il fallait se préparer à toutes éventualités et même si cette mission n’était pas censé tourner au carnage, avec le Calavera on était jamais trop prudent. Les souvenirs d’une matinée au parc d’attraction en était la preuve.
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Sarcasme.

Je l’entends. Nul besoin de mon don, nulle nécessité à posséder une thèse en psychologie, je vois ses mots devenir acide, sa salive poison. Cette mission, si elle a été invoquée pour nous rapprocher, me permet d’en déduire des choses aisées, des éléments que jamais je n’aurais voulu penser, affirmer : Alejandro me hait. Peut-être pas consciemment, sans doute pas volontairement, mais ses mots reflètent sa rancune tacite, tue, refroidie par le temps et dévorée par les vautours de son âme. L’amitié qui nous unissait n’est plus qu’un cadavre faisandé et oublié qu’un espoir fallacieux pour certain, véritable pour d’autre, souhaite ranimer. Ai-je vraiment la force de remonter ce torrent à contre-courant ?

« A peine mieux, avouais-je. Mais je suis un des mieux placer pour ôter les balles. Chacun son talent. »

Emplâtre sur jambe de bois, Alejandro n’en a que faire de mes excuses tournées, de mes slaloms. Il veut que je tue, que je morde à même l’âme de la Calavera, que je m’investisse en salissant mes mains, en couvrant mes bras et mon corps de sang. L’étrangeté du temps, de la croissance, de l’évolution, a tordu notre relation : plus jeunes, nos différences nous unissaient, nous renforçaient, comme deux organismes en symbiose. Aujourd’hui, elles nous séparent, nous propulsent loin l’un de l’autre.

Deuil.

Ma salive s’enfonce dans ma gorge, qui se noue. Je regarde tacitement un coup Alejandro, un coup la route, ne sachant lequel des deux me déprime le plus. Son sarcasme l’a enfermé dans un cercueil, il m’a clairement fait comprendre que ‘’J’étais mort pour lui’’. Depuis combien de temps ? Si longtemps. L’ami mort, l’homme demeure, nous en revenons aux cadavres et désormais je dois effacer Alejandro de ma liste d’amis, liste si fluette, si étiolée, le rayer et lui apporter des chrysanthèmes. Cela fait des années qu’il ne fleurit plus ma tombe. 

Silence.

Alors qu’il se gare. Les hommes sortent de la voiture et rentrent dans un bâtiment. Pour la forme, je le prends en photo, pour faire semblant, je prends quelques notes, quelques noms. Le moteur est coupé, seule la lumière des lampadaires nous éclaire , je ne distingue que quelques silhouettes, des mouvements abscons et sans importance.  On le sait, il restera là au moins deux heures. Les deux gorilles devant la porte s’allument une clope, l’un téléphone. Ils s’ennuient autant que nous, ils se parlent autant que nous mais au moins ils peuvent marcher, faire les cent-pas pour se vider la tête. J’en ai besoin, et aussi de vider autre chose.

Ma vessie.

J’ai une heure et cinquante minute pour pisser, minimum. Mais on doit observer les faits et gestes, l’attention des vigiles, les lumières qui s’allument et s’éteignent, les gens qui rentrent, ceux qui sortent, le temps qu’ils sont restés. On s’emmerde. Et je ne vais pas vidanger dans mon thermos, qu’il rêve ! Je le lui explique, de toute façon il n’a pas le choix.

« Je prends mon téléphone pour continuer la filature, si jamais il se passe quelque chose pendant ces deux minutes. »

Mes orbites montrent un vélo juste à côté, je pourrais l’emprunter en cas de poursuite soudaine, mais cela m’étonnerait. Je ne prends rien d’autre, ni mes clefs, ni mon porte-feuille, rien, prouvant ostensiblement que je reviendrais sous peu.

Déjà-vu.

Maintenant que je marche, je reconnais le quartier. Ses briques froides et ocres, ses immeubles ternes, reliés de câbles noirs ornés de chaussures pendantes, son goudron sale et dégoulinant d’eau des caniveau et des fuites. Et ses impasses sans lumière, sans vie, fermées par des grillages d’un vert éteint et rouillé où gisent des poubelles et des bidons calcinés. A quelques pas, vraiment, j’en connais une mieux que quiconque. Les coins sombres la nuit m’ont deux utilités, ou trois : vomir, forniquer ou peindre. Sous une lumière jaune grésillante, je le reconnais.

Salamandra.

Il est déjà passé par là. Entre deux conteneurs débordants de sacs poubelles noirs déjà visités par les rats et les chiens errants se dresse, sur un crépi théoriquement crème ou blanc, le portrait d’un homme allongé, toute en nuance de gris. Dans un style de cartoon macabre, le corps est décomposé, détaillé anatomiquement ; des parcelles de peau se soulèvent et l’on voit, couche après couche, la composition du corps de l’homme gras. Son cerveau est empli de chiffres semblables à des vers tandis que son cœur   déborde de billets et de pennys. Des nuances bleutées ça et là, des frissons sur sa peau, indique qu’il a froid car il est seul.

Graffitis.

Il y en a deux trois, sur l’œuvre, discrets, à côté de l’homme, et sur le reste des murs. Sinon, la peinture n’a pas changé, n’a pas bougé, j’en suis assez content. Derrière un bidon, je défais mes boutons et continue d’inspecter mon enfant tout en déversant les litres de thé sur le bitume froid. J’ai pris plus de temps que prévu, Alejandro va me défoncer, m’engueuler froidement, en silence, et alimenter de manière justifiée sa haine sur moi. Qu’importe désormais.

Trois.

Trois silhouettes au bout de l’impasse, qui me barrent la route alors que je veux rentrer. La coïncidence n’est pas. Je m’avance vers eux et réciproquement, sortir mon téléphone serait risquer, surtout s’il s’agit de rencontre fortuite, vue l’heure, ce sont peut-être des sans-abris voulant se refugier ici. Et je refuse de crier au loup sans preuve, bien que les statistiques soient favorables à ce que ce soit un prédateur. Ils sont à contre-jour, je ne discerne pas leurs visages, eux si. Par contre, je vois le prolongement de leurs mains, des battes télescopiques sorties naturellement, sans appel ni tir préventif.

Scalpel.

Il est dans ma manche, prêt à trancher, prêt à agir. Et d’un autre, j’use à grandes effluves mon Don. Ils se précipitent vers moi. Je les reconnais alors que je sens leur haine. Des gamins qui ont mis en cloque leurs conquêtes, leurs amours éternelles mais gâchés par la précipitation. Leurs trois femmes ont avorté chez moi, ils ne pensent qu’à elle. Ils les aimaient, même s’ils les battaient, je le sens au plus profond de mon être. J’essaie de les raisonner.

En vain.

J’esquive un coup de batte et répond aussitôt d’une estafilade, sa joue est tranchée, un flot de sang balafre sa doudoune et le mur peint. Mais ils sont trois et je reçois un coup sur l’épaule, auquel j’arrive approximativement à répondre. On échange, je les blesse fortement à chaque fois mais ils sont plus nombreux. Une attaque me surprend, la douleur parcourt ton mon bras et je lâche mon arme dégoulinant de liquide écarlate, glissante.

Désarmé.

Les images affluent. Ils étaient tout les trois en haut de la rue, en train de fumer une clope devant un bar. Ils ont vu la voiture d’Alejandro passer, il est connu chez nous,  et ils l’ont  vu se garer. Je perçois le doute, ils n’étaient pas sûr, mais nous on quand même suivis de loin et m’ont vu sortir. Et là, la rage. La colère. Et maintenant, ils la déversent sur mon corps ; l’ire des maris répudiés désinhibés n’a plus de limite. Je sens mes côtes craquer, une molaire tomber sur ma joue, de nombreux hématomes se former. Ils ne s’arrêteront pas tant que je ne suis pas mort.

La Mort.

Ils s’arrêtent car ils la sentent. Ils se relèvent, chuchotent terrifiés. Alejandro est au bout de la rue. Je souffle, me perçoit-il :

« Juste, ne les tue pas. »

Ce n’est pas de leur faute. Ils auraient pu être bons, le monde les a rendu ainsi.
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AURELIO & ALEJANDRO
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Aurelio a raison, il n’a peut-être pas le talent pour tirer mais pour retirer des balles sans causer trop de dommages, il est doué. Parfois, Jan oublie que l’ancien ami a étudié la médecine, qu’il ne l’a pas apprise sur le terrain comme beaucoup de sicario qui se retirent eux-même les plombs (Jan en premier sur la liste, les cicatrices peu ragoûtantes pour le prouver). Et il sait, au plus profond de lui, qu’Aurelio a eu raison de partir étudier, qu’il a eu la chance de pouvoir choisir sa voie à défaut de se la retrouver sous le nez sans pouvoir la refuser. Mais la rancoeur, l’abandon et la jalousie sont des caractéristiques fortes chez le capitano. Il aurait pu tout avoir Jan, s’il avait fait preuve d’un peu plus de caractère. S’il avait dit non à l’héritage, réclamer sa liberté et fuit avant de devenir esclave d’une identité. Il aurait pu, oui, mais au fond, l’a-t-il déjà voulu ? Lui-même est incapable d’y répondre, existence qu’il l’aime mais qui est la seule qu’il ait connu en fin de compte.
La voiture continue de rouler, se fait plus lente, plus calme quand les hommes de devant s’arrêtent et sortent pour entrer dans un énième bâtiment. C’est long, les planques, ça ne lui ressemble pas et ne lui a jamais plu au second. Mais parfois, faut bien revenir aux bases, histoire de ne pas oublier d’où on vient et surtout qu’il faut être capable de tout faire quand la guerre n’est pas loin. Manquerait plus que le capitano ait perdu ses talents en traque. Et puis la réalité qui lui revient en pleine gueule, le regard qui suit le corps mobile d’Aurelio. Il a envie de pisser. En pleine mission. Qu’il pisse à côté de la bagnole (pas sur les pneus hein), mais qu’il ne s’éloigne pas trop. Comme le médecin l’a si bien fait remarqué, lui sait correctement retirer les balles à la différence du capitano. Pas le temps de rouspéter ou de lui faire comprendre que Jan viendra le chercher par la peau des couilles s’il ne revient pas dans deux minutes que le chirurgien disparait. Une respiration trop longue, agacement profond chez Alejandro qui se perçoit aussi sur son faciès. La mine est soucieuse, les sourcils froncés, il ne sait plus trop quoi penser d’Aurelio, aimerait bien se tromper sur son implication qui laisse à désirer et balancer à Joaquin que le soldado se tient réellement à carreaux mais… Au fond, la trahison, bien que seulement dans la tête du dieu de la Mort, est toujours aussi intolérable. Jan a toujours eu peur de l’abandon, même s’il ne l’évoquera jamais. Il y a eu d’abord sa famille, abandon d’amour, abandon d’une tendresse. Puis Martel, abandon tout court. Puis le reste a suivi. Et le dernier fut Joaquin, abandon après un trop-plein d’amour et de désir. Et même si lui est revenu, même si la relation a été entamé et que les deux gradés ne peuvent plus se séparer en privé, la peur reste toujours ancrée. Lui qui a toujours reculé quand le coeur bourdonnait un peu trop fort, il espère qu’avec le commandante, l’amitié et la nécessité d’être à deux rompra le mauvais sort.

Un regard sur la montre de l’ainé, le bracelet de cuir noir élimé qu’il apprécie caresser du bout des doigts quand il est dans ses pensées Jan. Ça fait plus de trois minutes qu’Aurelio a disparu. Capitano jusqu’au bout de l’esprit, il essaye de se concentrer sur la mission, sait pertinemment que les hommes suivis ne vont pas sortir de là avant une heure et que… Une pause de 30s pour aller vérifier si Aurelio ne s’est pas simplement pissé dessus, ne viendra pas mettre en danger la mission. Jan réfléchit, se déteste un peu de ne pas attendre et sort en prenant soin de fermer derrière lui. Ce serait con de se faire piquer la bagnole même si Cornucopia n’est pas un quartier où les vols sont habituels. Trop bobo, trop friqué, trop surveillé aussi.
Le pas léger, les jambes qui se dégourdissent, il aurait presque un sourire Jan, si une étrange sensation ne lui tailladait pas le ventre à mesure que ses pieds le mènent dans une allée quelques mètres plus loin. Il les entends, les souffles acharnés d’hommes qui frappent. Il reconnait aussi le bruit d’un objet contre des os qui craquent. À force de combattre, le capitano a enregistré chaque sonorité qui lui rappellent les duels sur un ring ou dans la terre, dans le sable ou sur l'asphalte. Il sait quand quelqu'un se fait battre. Le corps tourne à l’angle et la silhouette se stoppe net en voyant le spectacle. Trois hommes, trois jeunes plus précisément qui frappent le soldado à l'aide de battes de baseball. Pas une seconde de réflexion, Jan ne court pas mais ne presse pas le pas. Il ferait presque les gros yeux en découvrant des visages qu’il a déjà vu dans les rues du quartier mexicain. Les coups se sont arrêtés, les gosses qui ne peuvent s’empêcher de regarder le capitano s’approcher. Ils ne fuient pas, sachant pertinemment qu’il vaut mieux discuter avec Flores que de se penser capable de se cacher plus tard.  « ¿ Quién os creéis que sois ? » C’est dit un peu trop haut, avec un peu trop de colère mais sans crier. Le corps qui se plie, la main qui se positionne sous la tête d’Aurelio, l’homme est en sale état, la caboche et le corps ne sont jamais gagnants contre trois battes de baseballs.   « J’vais pas les tuer, tu m’prends pour qui, un monstre ? »  Ça sonne presque rigolo quand c’est prononcé par Alejandro. Les yeux sont relevés vers la bande de mômes  «  Vous et moi, on discutera demain. Et pas la peine de vous cacher sous les jupons des mamas. ¿ Entendido ?… Volver a casa !» Et la bande disparait sans demander son reste. Pourquoi Aurelio, ça Jan n’en sait rien et il s’expliquera avec les gamins. « Bouge pas la tête, j’dois vérifier que t’as rien de pété au niveau des cervicales… J’ui pas doc mais j’ui pas con… Putà mais t’as fait quoi pour agacer trois mômes…  Et sur ces derniers mots, les doigts commencent à palper la colonne, les épaules, tout ce qui a pu être déboité ou pété sous les coups de battes. Jan a trois minutes avant que l’inquiétude de rester si loin de la cible pointe le bout de son nez. Trois minutes pour vérifier si Aurelio peut continuer. C'était pas censé se passer comme ça, Jan est capitano, pas infirmier.


trad : "vous vous prenez pour qui ? " "compris ? rentrez chez vous !"
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Douleurs. 

La sensation s’avère particulière, étrange, celle des doigts qui glissent le long de ma nuque, pour  que je ressente chacun de mes os, de mes vertèbres sous la pression des doigts de mon supérieur. Ils réveillent chacune des cellules endolories qu’ils touchent, doigts électriques, et propagent les sensations anesthésiées par l’adrénaline. Dès que je sens la main descendue trop bas sur mes épaules, je la saisie de ma paluche libre, Jan perd son temps, excepté pour les cervicales, je sais exactement où j’ai été touché, avec quelle pression et force, et ce que mon corps a subi. Mais j’admire son professionnalisme, il m’émeut autant que m’attriste, ce reflex demeure excellent à avoir, cependant bien trop symptomatique d’une vie excessivement violente.

« Prend mon poignet gauche. »

Ma main droite se pause sur mon épaule gauche. Il sait bien faire vue comment il tient mon bras, mais en temps normal je suis meilleur dans ce domaine. D’une injonction visuelle, je le lui dis. « Tire. » La chorégraphie macabre se lance, l’épaule se remet tandis que je retiens un couinement de douleur. Après avoir craché un flot empli de sang , je me relève difficilement. Mon regard tangue et ma vision est obstruée par le gonflement d’une arcade et d’un œil. Plusieurs côtes brisées, l’omoplate probablement fêlée, plusieurs traumatismes musculaires aux jambes et aux bras qui m’ont protégé, les os de ma main gauche semblent comme broyés et je sens mon visage congestionné de toutes parts. De nombreux hématomes ont dû fleurir mais je ne crains les hémorragies internes, cependant, entre ma vision floue et tanguante et le bourdonnement dans mes oreilles, je présume une potentielle commotion.
D’un geste approximatif, j’essuie mes lèvres écarlates puis tâte mon visage boursouflé, éveillant lentement l’affliction dans chacune des parcelles sous ma peau. J’ai du mal à tenir debout, entre la faiblesse de mes jambes, le tremblement de l’adrénaline et le vacillement permanent que je perçois. Mais je vais bien.  
Je m’appuie sur un mur proche, déposant une emprunte vermeille sur la paroi, à quelques décamètres de ma propre signature, et m’empare de mon téléphone. L’appareil s’ouvre instantanément sur l’application GPS. La voiture que l’on piste n’a pas bougé, je le montre à Alejandro. Il faut juste que je reprenne mes esprits avant de marcher. Juste quelques secondes. Juste quelques respirations, douloureuses, difficiles et saccadées.

« J’ai avorté leurs femmes, crachai-je. »

De but en blanc.

Tueur.

Dans le silence macabre de la rue, ourlé d’une bruissement lointain du ballet perpétuel des voitures. Je souris à Alejandro, sans les dents qui doivent être rouge. Moi aussi j’ai ôté des vies, peut-être plus que toi mon grand. Cette note sordide en tête, cette fausse compétition dépourvue de médaille imagine, je l’efface de mon esprit et je marche, espérant que le mouvement fasse toile blanche dans le vortex de mes pensées.
Lentement, en boitant, mais j’avance vers la voiture. Dès l’angle de l’impasse, on a le visuel sur la bicoque à inspecter, à surveiller. Tout semble si immobile, comme couvert de toiles d’araignée. Eternel et poussiéreux, perpétuel. Combien d’heures se sont écoulées dans ce monde obscur de violence ? Je ressens des années, mais ce ne sont que quelques miettes de minutes ; je ne suis plus dans le même siècle, dans la même époque, le temps a fuit de ma bouche en compagnie de mon sang. J’ai vieilli d’un coup.
Non.
Cette fatigue je la connais mais je n’arrive à la saisir.

« Je les ai libérées du carcan de ce mari imposé par les circonstances, je leur ai données une vie, une liberté. »

Mes mots sont lents. Un par pas, un par mettre.

« Et leurs maris, leurs amants éphémères d'une nuit, espéraient avoir un avenir dans le gamin. Une sécurité. Une garantie à l’éternelle affection. »

La voiture est à quelques enjambées et, à l’intérieur, m’attendent des fils et une aiguille pour coudre mes quelques plaies ainsi que des anti-douleurs tant mérités. Je les attends avec hâte.

« Je le leur ai ôté et ils me haïssent pour ça. »

Leurs femmes sont parties, pour la plupart, assez loin. La distance demeure le meilleur bouclier contre la violence d’un homme désespéré et colérique. Je m’assoie enfin sur le siège passager, ma trousse de secours posés sur mes genoux. J’abats le pare-soleil et ouvre le miroir. Dieu que j’ai une sale gueule ! J’émets un petit ricanement qui torture chacun de mes membres, s’en suit irrémédiablement une grimace. J’espère cependant juste ne pas salir la voiture d’Alejandro plus qu’autre chose.  Et après avoir gobé les cachets calmants l’affliction, je sors enfin d’un plastique une aiguille.

« Mieux vaut que je sois l’être haï, voilà mon rôle. »

Fatigue. 

Elle me rappelle la veille de mes partiels post-redoublement. Ce symptôme si particulier, je le reconnais désormais : l’abus de ma magie, de mes talents à lire les émotions, les pensées, les souvenirs dans l’air tout comme transmettre les miens. Aussitôt, je clos les vannes de mes arcanes avec une difficulté jamais autant éprouvée tout en étant submergé d’une culpabilité infinie : je ne veux entrer dans la conscience d’Alejandro sans son autorisation. J’y ai failli. L’habitacle déborde désormais de nos souffles, tout s’y mêle, s’y mélange et devient une mélasse inextricable. Maintenant que je le sais, je décèle avec aisance la signature empathique d’Alejandro. Je la reconnais entre mille.

« Tu n’as pas changé. »

On dirait une sentence qui sort sans que je ne le contrôle. Mais je suis épuisé et commence à avoir des difficultés à parler. Et je m’en veux particulièrement d’avoir user de mon don sans m’en rendre compte, comme un débutant, comme un gamin, surtout en sa compagnie.
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AURELIO & ALEJANDRO
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Il parle Aurelio, parle, encore et encore et ne laisse pas Jan réagir. Il n’en est même pas capable le capitano, l’épaule remise en un crac et il s’est laissé surprendre par quelque chose qui ne connait que trop bien. Il s’en rappelle des entrainements avec l’héritier Nava, il se souvient parfaitement de ce que fait son pouvoir. Les sensations inspirées, les émotions ressenties sans pouvoir s’en protéger. Il a la tête qui bourdonne Jan, le coeur aussi, qui bat la chamade sous l’afflux de colère, de peur, de rage, de culpabilité, une soupe émotive qu’il ne peut digérer. Il pourrait arrêter de respirer, ça fonctionnerait, mais il tomberait aussi dans les vapes sans oxygène. À choisir, il préfère encore se taire. Alors les mots d’Aurelio, ses pas, ses explications, Jan les entend à peine, tentant de se protéger de ce qui afflue dans son cerveau en trouvant d'autres stratagèmes. Rien à faire, rien ne fonctionne, Jan n’est pas habitué à ressentir autant à la différence de l’homme qui marche devant lui. Mais il a quand même des difficultés Aurelio, ça se voit dans sa démarche. Le don, le contre-coup, la douleur de l’attaque, le soldado ne va pas pouvoir rester très longtemps debout à cette vitesse, tout comme le capitano qui a besoin de fermer son coeur et sa tête.
La voiture est rejointe, le dos contre la portière, le souffle est brute et les paupières clignent sous l’afflux émotif qui diminue doucement. Surement les sentiments des gamins qui disparaissent maintenant qu’ils ne sont plus dans les parages. Il a perdu en défense Jan, en abandonnant l’amitié avec le Nava. Avant, c’était plus simple, ils s'entrainaient et gagner en défense comme en attaque. Mais peut-être que ça ne vient pas que de la rupture amicale, cette difficulté à se mettre derrière la muraille, que le réveil hâtif du dieu dans sa carcasse le rapproche un peu plus de ses homologues divins. Ou que c'est son coeur le fautif, lui qui explose un peu plus chaque jour sous des émotions qu’il pensait à jamais éteintes.Trop de raisons qui peuvent expliquer son incapacité à se protéger d'Aurelio et ça l'agace.

Il réussit quand même à ouvrir la porte Jan et à se hisser sur son siège, le regard rivé sur la rue. Il se souvient du téléphone montré, de la position gps. Ils sont encore dans la course, la voiture d’en face n’a pas démarré. Ça va le faire. Sauf si Aurelio n’arrête pas son don. Dans ce cas-là, le quarantenaire ne retiendra pas ses lames non plus, il ira taillader dans la caboche du soldado pour stopper toute cette culpabilité et cette colère.
Jan étouffe un léger rire face à la répliques de l’ancien ami. Un sourcil est arqué, la nuque bascule et se pose sur l’appuie-tête. Ça fait moins mal comme ça. « Tu ne me connais plus Aurelio… »  Un sourire, pas lumineux, pas solaire, pas beau. Un sourire qui lui demande de se taire.  « Par contre toi t’as pas changé, toujours à te prendre pour un martyr ! » Les épaules sont haussées, il le sent, Jan, que le don a cessé quelques instants avant qu’il prenne la parole. Plus de bourdonnement, plus de flottement, rien que l’impression d’avoir été piétiné de l’intérieur.  « Recommence pas ce que tu viens de faire. » C’est un conseil plutôt qu’une menace. Jan sait que les dons ne peuvent être maitrisés parfois et après une agression comme celle qu'Aurelio vient de subir, ça peut se comprendre mais ça ne s’excuse pas.  « Ces filles n’en voulaient pas, t’as fait ce qu’il fallait. J’parlerais aux gamins, ils se tiendront à carreaux… Tu veux de l’aide avec ton aiguille ? Et fait pas ton premier de la classe, j’ai pas été la fac mais j’sais recoudre une tête de con comme la tienne ! Allez, file la moi. » Et cette fois-ci, le sourire est amusé, sans artifice ou colère. Si on peut rapiécer la peau, on peut peut-être rapprocher aussi les hommes.
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Empty spaces - Jeu 10 Jan - 17:49

«  Vas-y, fais toi plaisir.   »

Il me fait sourire, il ne devrait pas, mes côtes me heurtent à chaque soupir trop fort, trop prononcé. Mais qu’importe, voir la colère se dissiper sur son visage m’apporte un réconfort et une joie incommensurable, comme un premier rayon de Soleil après la pluie ou se nuage qui se pousse pour chauffer un court instant la peau froide lors d’une promenade printanière. Elle est toujours là, sa colère, elle est compréhensible et justifiée, d’autant plus que je suis énervé, pour les mêmes raisons.

«  Je suis désolé, je ne me rendais même pas compte, comme si j’avais pris un coup sur la tête.   »

Je tente l’humour, terrain sur lequel je n’ai jamais brillé.

«  Vraiment, je déteste ça, je m’en veux.   »

Connaître les émotions de quelqu’un n’est pas un cadeau, plutôt une malédiction ; percer des mensonges et des façades n’apporte que trop rarement de bonnes choses, de bonnes découvertes. Mais violer l’intimité des gens, je le refuse la plupart du temps car il s’agit à la fois de vol, de souvenirs, d’émotions, d’intimité, que de destruction. L’âme humaine s’avère si sensible, comme un mannequin de toile d’araignée où un seul fil brisé suffit à en faire vaciller l’équilibre. Je respecte leurs pudeurs car je le suis moi-même, pudique. Or, ma magie me met aussi à nu. Elle me place devant le plus précieux des joyaux, gardé par le plus farouche des écrins, je me pose là, tout autant dévoilé. J’impose une vision de moi-même aux gens que je viole mentalement. Et je l’ai fait à Alejandro. Trop peu de temps pour que ce soit à ce stade, mais il l’a senti, il m’a senti.

«  Par contre, j’ai...   »

Du mal à m’exprimer. Littéralement. Je le vois qu’il s’en rend compte, en même temps, il a les deux mains autour de mon sourcil, en train de recoudre mon arcade. Pense-t-il qu’il me fait mal ? Non. Je lève juste un doigt pour pas qu’il ne m’interrompe.

« Je n’ai jamais été premier de la classe.   »

J’émets un petit rire. Suivi d’une grimace de douleur. Les côtes, le crâne. Les cachets mettent du temps à faire effet, encore une quinzaine de minutes, je l’espère, avant que la peine ne soit effacée partiellement. Cependant, entre temps, elle continue de s’éveiller pernicieusement à chacun de mes mouvements, de mes souffles.

«  Et...   »

Mes mots ont du mal à sortir, la commotion est presque certaine. Rien de grave sur le long terme, mais la soirée risque d’être capricieuse.

«  Je me suis peut-être trompé.   »

Soubresauts.

Presque comme si je bégayais ou étais essoufflé. Je fais une pause et prends la plus grande inspiration possible, puis une seconde. Je continue de sourire, tout va bien.

«  Tu as changé, mais tu es la même personne  . »

La nuance, certes faible, demeure.

«  Comme… Un...   »

Cette fois-ci, se sont vraiment les mots que je ne trouve pas, l’image, la métaphore, l’explication. Aucun problème physiologique. Je plante mon regard dans celui du pilote-couturier, il est concentré mais a l’habitude de faire des sutures, cela se voit.

«  Quand un vase se brise, tu as trois solutions. Tu le répares,   dis-je après une pause,  tu en fais une mosaïque ou tu le jettes.   »

Tu es le même. Dès que je t’ai senti, je t’ai reconnu. Et j’ai aussitôt compris pour mon pouvoir. Tu m’es si limpide.
Ta signature prospère, malheureusement. Comme une boule d’éponge sous l’estomac, un tantinet douloureuse, plutôt gênante, et qui, quand on se concentre dessus, s’étend de bas en haut, dans le creux des reins, un léger frisson, dans la gorge qui se noue, dans les yeux qui s’emplissent d’émotions, et dans les lèvres au plus beau des sourires, palimpseste d’une tristesse viscérale.  Tu sais, je sais, ce qui chasse ce parasite qui saccade le travail du diaphragme. Pourtant, des piques électriques l’en empêchent, puisant ses racines dans ces mêmes viscères et alimentant par la même occasion ce vortex interne. Couple vicieux de deux symbiotes qui ne réclament qu’une seule chose pour se taire.

Chaleur.

L’exaltation d’un sourire sincère, la flamme d’une caresse amicale, des mots sortis d’une étuve fraternelle. Voilà les remèdes à tes maux, ils n’ont point changé.
Tu es la même personne, Alejandro.

«  Tu es le même vase.   »

Avec peut-être un peu trop de colle pour te reconnaître du premier abord, je te l’accorde.
Je me rends compte que je n’ai pas arrêté de parler pendant la suture, ne te laissant pas placer un mot, alors que mon phrasé s’avère lent et douloureux. Je me rends aussi compte de ce que je ressens, soudain, comme si j’ouvrais enfin les yeux, comme si ce ralenti exacerbait chaque émotion en moi. Ou bien est-ce la douleur et l’usage de mon don ? Tout ressort d’un passé enfoui, avoir effleuré l’âme de mon ami a eu l’effet d’un geyser émotif et je me retrouve à fleur de peau. Mes mains tremblent, mon œil encore capable se met à briller, je ressens une certaine clarté dans le torrent de pensées qui affluent.
Pourtant. Pourtant je n’y arrive pas. Je n’y arrive plus. Autant les mots ne sortent pas, car indécis et apeurés, autant ils ne veulent pas sortir par peur de l’inconnu. Et ma diction continue de se dégrader.

«  Mais je n’y arrive plus.   »

Chaque syllabe me demande un effort inconsidéré. Mon visage respire la faiblesse, je déteste cela, mais mon demi-regard s’acharne d’une ire infinie contre cet état, menace de s’exorbiter et de déverser cette colère de l’homme faible sur Alejandro s’il m’interrompt alors que je m’exaspère à ne plus articuler.

«  J’ai toujours eu du mal à communiquer,   clamai-je, fier, d’une seule traite d’un souffle retrouvé.  Mais je ne sais plus comment te dire, te transmettre, quoi que ce soit.   »

Effondrer.

L’épuisement s’empare de moi. Je suis hagard, mon regard pointe vers mes pieds tandis que ma main, auparavant si vindicative, tombe mollement vers la mallette de soin. Je sors les ciseaux convoités pour couper le fil de la suture terminée. Mes émotions veulent hurler tandis que mon corps veut juste se replier sur lui-même et se bercer du silence faussement réparateur.
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Empty spaces - Ven 11 Jan - 17:18


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Il prend l’aiguille le capitano, s’affaire à réparer au mieux l’arcade explosée d’Aurelio. La voiture n’est pas le meilleur hôpital qui existe, mais il est fin Jan, il peut se hisser sans se retrouver bloquer entre le volant et le fauteuil. Pas le plus doué, mais le plus rapide quand il y a urgence, le fil s’imprime dans la peau avec facilité. Il est habitué, à force de se rapiécer à la va-vite quand l’hybris se développe sous les lames trop pressantes. C’est ça, de vouloir se prendre pour un dieu alors qu’il n’est qu’une pâle copie de la déité. Jamais il ne sera Ah Puch et c’est ça qui dérange le monstre en lui et le fait déraper. Jamais le vassal ne sera assez fort pour le porter là où sa place se situe. Le dieu devra faire avec, accepter les défauts de l’humain comme à chaque récurrence. Pourtant, il y croit, en Jan. Il sait au fond que le capitano est l’un des rares à lui convenir parfaitement. Jamais il ne s’était réincarné en un homme qui ne montre rien de ce qu’il est réellement. Jamais il n’a choisi cette stratégie pour faire plier les autres, jamais il ne pensait qu’une bouille comme ça pouvait faire autant de dégât sur Terre.
L’oreille attentive, il reste muet Jan, écoute le flux de parole lent d’Aurélio. Le sourire est là, parfois, amusé face à la remarque sur le 1er de la classe. Il buvait trop ? Ou ne faisait pas attention ? Ça pique sa curiosité à Jan, lui qui l’a toujours élevé à un rang bien au dessus de ce que le Nava lui raconte. Aurelio et Jan, c’était comme des jumeaux. Deux enfants héritiers de familles puissantes, deux purs produits du Mexique, deux gamins qu’on attendait au tournant pour la suite de la Calavera. Mais Aurelio avait l’éducation alors que Jan avait la violence. Deux processus différents et on voit le résultat. Celui qu’on imaginait devenir une des voix de la Calavera est devenu médecin et fuyard. Et celui qu’on voulait en haut de la mafia est devenu second. L’un et l’autre n’ont pas réussi ce que leur famille souhaitait mais sont-ils malheureux pour autant ? Jan dirait non, quant à Aurelio… il n’en sait rien. Il ne sait plus rien du jeune homme qu’il a aimé comme un ami fidèle et détesté comme un traitre à sa cause.

L’aiguille file encore, s’arrête une seconde quand le soldado parle de lui. Il a changé Jan, oui. Plus violent, plus jovial, plus furieux, plus captivant aussi. Plus, tout court, sans pause ou retour arrière. Lui n’a pas été jeté comme les débris du vase, il a été reconstruit encore et encore, les fêlures devenant des cicatrises dont le corps s’est paré d’années en années. Un coup d’oeil rapide, ça le dérangerait presque, Jan, de se savoir si lisible pour Aurelio, alors que lui… Ne sait rien de son ancien ami. L’arcade recousue, les ciseaux sont rapprochés du fil alors que la déglutition devient difficile. Le moment est gênant.  Les mots sont de plus en plus difficiles et il sait, Jan, que le contre-coup s’amuse avec la fierté du Nava. Il a usé trop fort de son don et maintenant en paye le prix. La suture terminée, le corps devrait se reculer, le visage aussi, mais Jan n’en fait rien. Il hésite entre le frapper jusqu’à exploser sa jolie gueule ou lui dire ses quatre vérités. S’il n’y arrive plus, c’est qu’il n’y a rien à dire. C’est lui qu’est parti, lui qui l’a abandonné, lui qu’a préféré le reste du monde à celui qu’on lui offrait. La rage dans la gorge a un goût acide.
Il recule enfin, le dos contre le fauteuil, les yeux rivés sur la mission.  « P’tètre parce qu’il y a rien plus à transmettre Aurelio.» La voix est monocorde, sans colère.  « C’est toi qu’est parti et qu’a changé. Pas moi. Moi je suis resté, j’n’ai rien abandonné… J’n’en étais pas capable.» Lui n’avait pas le courage de partir, lui n’a jamais pu s’imaginer sans la Calavera, sans les siens. Lui n’y a jamais pensé à vrai dire, car il est à eux autant qu’ils sont à lui.  « Pourquoi t’es revenu ?» Les yeux restent imperturbables, ne cillent pas.  « Pourquoi t’as pas été bosser ailleurs ? T’aurais pu faire carrière dans une autre ville, des gamines à sauver, y’a pas qu’à Arcadia que t’en trouveras. » Une seconde de pause, une respiration.  « Pourquoi t’es revenu ?» Répétition, et cette fois-ci, le visage se tourne, les prunelles sombres sont celles du gamin qui a compris que son ami ne reviendrait plus. .
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Ralenti.

Le temps file lentement, me laissant apprécier chacune des secondes, chacune des images que m’envoie Alejandro. Il semble si impassible, son masque ne tremble pas, mais j’entends la colère dans sa gorge. Et ses mots. Ses mots s’avèrent faux, sans qu’il ne le sache, sans qu’il ne le comprenne. Un à un je les encaisse, dans ce vertige d’une lenteur exacerbée, comme des balles dans mon corps, des lames s’enfonçant dans ma chair. Je m’y étais préparé. Le kevlar que j’ai improvisé ne sert ; inutile, alors que mes émotions rôdent sur mon épiderme, à la commissures de mes lèvres et dans l’angle mort de mes yeux, mon bouclier demeure faillible.

Soupir.

Et douleur, donc, physique cette fois. Elle s’atténue, doucement, s’enfonce dans des draps opiacés mais demeure, pernicieuse, dans mes os, dans mes tempes. Je me concentre dessus car elle me manque déjà, bien moins dure que les mots d’Alejandro. Je regrette les anti-douleurs, je regrette le thé, je regrette d’être venu. La joie s’efface de mon être alors que je me tourne vers mon compère d’une nuit, sans aucun sourire, sans aucune émotion, rien. Mes yeux se closent et je secoue la tête sporadiquement avant de retrouver ma place initiale, bien plus confortable.

Inconnu.

Nous sommes deux inconnus dans la même voiture, sous le même toit, forcés de se parler, de tisser des liens. Mais, nous ne le sommes point, un voile nous sépare, un tissu de mensonges et de temps, d’années écoulées, qui nous rebute autant qu’il nous plaît. Cette relation, bien plus simple, semble inconsciemment nous satisfaire.

« Tu crois que j’ai voulu devenir gynéco ? »

Le sourire me revient, un petit rire avec, léger. Mes muscles ne souffrent plus, endormis, alors je l’apprécie.

« Enfin, quand même. Sérieusement. »

Je me pointe de la main. J’ai l’air stupide, complètement blessé, et j’essaie de lui faire comprendre, car je dois économiser mes mots, que je n’ai pas la gueule de l’emploie, que je n’ai jamais voulu faire ça.

« Je n’ai pas eu mon mot à dire. C’est ma mère qui, continuai-je après une courte pause, ma mère qui a voulu que je fasse médecine. Et c’est elle qui a choisi ma spécialité. Je n’étais pas assez bon pour la chirurgie, tu sais. »

Je me souviens encore de son désarroi et de sa colère quand elle a su que je ne pouvais être chirurgien. Tant d’effort jeté, tant d’argent gaspillé, des hurlements hystériques : « Si tu ne peux voler d’organes, tu ne serviras à rien pour la Calavera. » Des insultes emplies d’une déception véritable, comme quoi j’étais « la honte de mon père », alors demander à faire de la pédiatrie ou de la psychiatrie, autant dire que je ne pouvais même pas en rêver.

« Elle a failli me tuer pour ça. »

J’attrape la mallette de soin et en sors des bandages. Je commence à préparer l’écharpe pour mon épaule endolorie.

« Je n’ai jamais voulu m’éloigner, je n’ai jamais eu la sensation de partir. Certes, je ne suis pas impliqué autant que toi, mais j’ai toujours voulu aider les miens. »

L’écharpe terminée après un claquement de ciseaux, j’enroule de nouveau le tissu. Je regarde les deux gardes, devant le bâtiment à surveiller. L’un des deux s’enfonce dans l’ombre, l’autre ne cille, toujours rivé sur son téléphone. On le scrute en silence, attendant de voir s’il va se passer quelque chose. Il revient en refermant sa braguette ; cela me rassure, je ne suis le seul à avoir des besoins naturels.

« Mais si tu veux que je parte, dis-le simplement. Je ferai ma vie ailleurs. Imagine-toi simplement que je peux enfin faire mes propres choix, je pensais que tu l’avais compris. »
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AURELIO & ALEJANDRO
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Les parents. La famille. Toujours eux, toujours ces sempiternelles demandes de leur part. Toujours ce besoin de contrôler les enfants, de les mener là où eux n’ont pas réussi à se rendre, de leur faire gravir la montagne où eux sont restés en contrebas. Toujours les mêmes arguments, qu’on s’appelle Nava ou Flores ou d’autres noms encore. Les familles fondatrices de la mafia mexicaine avaient tous la même envie, le même désir bouillant de se voir plus haut que tous les autres sur ces terres. L’orgueil est de mise quand on se sait habiter par des dieux de panthéons maya ou aztèque, enfants des sacrifices, guides de milliers d’âmes qui ont prospéré pendant des siècles entiers avant l’arrivée des Espagnol. L’orgueil les pousse à s’écharper, en silence car ils sont de la même famille, mais à se tirer dans les pattes quand même. Jusqu’à quelques années, jusqu’à ce que les enfants surplombent les parents et que les grades ne se décident plus en fonction d’un nom ou d’une jolie gueule. Aurelio aura beau croire tout ce qu’il veut, Jan a trimer pour en arriver jusqu’à là. Bloqué des années en tant que sicario, sauvagerie qu’on ne pouvait canaliser, il n’y a que la mort de son père qui a permis de calmer le chien de la Calavera. Plus de yeux noirs qui le regardaient, plus d’obligation familiale, plus rien que ses choix et ses actes. Ceux qui avaient décidé pour lui durant toute son existence n’étaient plus là. Et c’est ça qui lui a permis de se libérer du carcan familial. Uniquement ça. Aurelio n’a pas pu, lui, il a du suivre la volonté d’une mère autoritaire et les rêves de grandeur d’une famille finie. Aurelio s’est retrouvé coincé, incapable de réussir là où on l’attendait, comme Jan il y a quelques années.

Un sourcil est arqué face à l’évocation d’une mère capable de lui ôter la vie. Tous savent ce que le père de Jan lui a fait, tous sont conscients de la brutalité dont il a été victime. Mais personne n’en a jamais parlé, Martel est le seul a avoir stopper Enrico dans sa folie.  Les mamas se souviennent encore, du fils Flores qui sortait de chez lui le visage tuméfié et les plaies ouvertes sous les coups de la nuit. Personne ne l’a jamais protégé et si maintenant, Jan est incapable de ressentir la moindre culpabilité, c’est ces moments de silence qui peuvent l’expliquer. Alors le comportement de la mère d’Aurelio, Jan le comprend et même s’il enviait l’image donnée par la famille Nava, il sait ce que ça fait, d’être torturer par les siens, que ce soit de corps ou de tête.
L’écharpe est parfaitement mise, pas besoin de son aide pour s’enrouler comme une momie. Le claquement des ciseaux sonne comme une conclusion aux remarques d’Aurelio.  Toi comme moi, on sait ce que l’autre a vécu jusqu’à un certain âge, ça sert à rien de reparler du passé…Et j’ai pas à décider de ton avenir Aurelio, t’es assez grand et assez libre maintenant pour le faire. Les prunelles  se tournent vers lui, les bras croisés, le souffle calmé. Oui, Aurelio peut rester s’il se sent apte à continuer. S’il doit quitter la Calavera, ça ne se fera pas sur ses deux pieds de toute façon. Si le boulot est fait, si t’es motivé, si Joaquin est satisfait, tu peux rester, moi, j’ai rien à foutre dans cette équation. Petit mensonge, il conseille le commandante depuis 3ans maintenant. Mais la rancoeur a beau être bouillante, Jan est aussi connu pour sa droiture envers les siens et il ne se permettrait pas de  tirer dans les pattes d’un soldat qui ne le mérite pas.
Les yeux se détournent de l’ami, retrouvant la scène qui n’a pas bougé depuis quelques minutes. Le portable attrapé, le sms est écrit rapidement. On s’casse, j’ai eu ce que je voulais. Il sait qu’Aurelio n’est pas un traitre.
Les clés sont tournées et le moteur démarre. On y va, ça sert à rien de rester et faut te soigner….  Car les yeux qui se ferment, les mots balbutiés et le silence entre les phrases, Jan discerne tout ça et s’inquiète. Pas pour l’ami, mais pour le soldado. Pour le médecin, pour le dieu, pour… Okey, peut-être pour l’ami en fin de compte mais il ne le dira pas.
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Tremblement.

Le moteur vrombit alors que la clef tourne, l’acier rugit et l’essence flambe pour que la créature mécanique s’anime ; le squelette entourant ma chair, si fragilisé, si rapiécé, vermoulu, n’apprécie guère ce séisme, cette affliction soudaine et surprise. La lente agonie de mon corps continue la cruelle invasion de chacune de mes cellules, vertigineuse exacerbation de l’atermoiement du cerveau aux muscles et inversement, je ne perçois plus qu’avec un délai irréversible et augmentant seconde après seconde. Pourtant, je reçois toutes les informations, je les traite toutes, avec l’allégresse et l’entrain d’une vieille personne proche de la retraite ; l’entrechoc de réflexion imite les anciennes machines rouillées que ce sont mes neurones et nerfs qui peinent à redémarrer, à la file de production brisée et entravée par les toiles d’araignées et la poussière fossilisée.

Pluie.

La lumière d’un feu rouge s’éparpille sur les gouttes du pare-brise, irradiant l’intérieur de l’habitacle ; à travers ce kaléidoscope écarlate, je comprends que nous avons démarré, que nous sommes partis, cependant, nulle voiture au loin à suivre, pourtant, aucune mobilité sur l’application de mon téléphone qui montre, avec la précision chirurgical d’un GPS en 4G, la distance croissante nous séparant de notre cible originel. Du coin de l’œil, j’aperçois un mouvement sur le téléphone d’Alejandro : d’un coup, il passe de l’illuminé à l’obscur, éveillant ma psyché en pleine torpeur et me rappelant aussitôt des évènements passés quelques secondes plus tôt, le SMS envoyé par le Capitano et ses quelques mots prononcés.

Colère.

Après tout ce temps passé sur un fauteuil inconfortable, la mission se termine abruptement, comme si son objectif officiel n’avait de sens, n’existait pas, n’était qu’un leurre ; cette hypothèse, je l’ai soulevée dès les premiers instants mais j’espérais, ô malheureux que je suis, me tromper lamentablement. Deux choix s’offrent à moi, deux idées dont je n’apprécie aucunement les ressorts,  à cet instant, soit Alejandro me trouve réellement trop blessé pour continuer la filature, ce qui pourrait se confirmer aisément, soit, et il s’avère que je garde cette ombre dans mon esprit depuis les premières heures, il ne s’agit là que d’un test dont je suis le principal acteur et cobaye. Alors je serre les dents car, au fond de moi, dans l’infini tourbillon de mon cortex engourdi ces deux deux concepts se battent et s’affrontent à l’instar de deux aimants se repoussant éternellement, créant au passage une vindicative électricité prête à sortir en des mots foudroyants et acerbes.

Retenu.
« T’as raison. »

Cependant, je ne suis ni en état ni en position de m’exprimer tant les blessures infligées plus tôt paralysent mon organisme et mon cerveau. Je le sens, ma zone du langage a été touchée autant que ma fierté, si tant est qu’elle existe, donc parler, ouvrir ma bouche pour en sortir des mots, doit être judicieux, pro-actif et pertinent, l’inverse littérale d’une ire aveugle et éphémère. Dans les marasmes de ma conscience, j’essaie de dénicher des pensées précises qui pourraient nous être utile, particulièrement  à moi ; l’égo du médecin me pousse à continuer mon diagnostic,  bien vite pourtant je comprends que cela ne servirait à rien. Je ne suis urgentiste, mais j’en connais un ; l’acolyte qui m’accompagne lorsque je dois découper des corps, prendre des organes, un thaumaturge qui me complète depuis des années désormais.

« Tu peux rejoindre mon thaumaturge associé ? Il ne travaille pas ce soir. »

Les mots continuent de sortir au compte-gouttes, mais la nécessité passe avant la difficulté, avant la douleur, et l’articulation devient capricieuse, maladroite. La filature devenue désuète, je m’empare de mon téléphone et saisit le bloc-note ; à défaut de parler, je peux écrire, je peux noter chacun de mes symptôme et mon diagnostic improvisé afin de faciliter la tâche de mon futur bienfaiteur.

Fer.

Ce goût si particulier, si prononcé, remonte dans ma gorge, dans ma bouche, comme si ma salive devenait vermeille et mes gencives crachaiten du sang. Je le sais, je le sens, une anomalie dans mon corps se produit. Dans mon estomac. Je le palpe rapidement. Gonflé, trop gonflé. Et la pression exercée par mes doigts amplifie la peine de mon organe endormi par les anti-douleurs. Dans l’urgence, je cherche l’interrupteur ouvrant la vitre. Ma main, malhabile, bouscule le levier de vitesse, faisant crisser le moteur non-embrayé, avant de presser le bouton adéquat. Lentement, la vitre se baisse. Trop lentement. A mi-parcours, je ne peux plus le retenir. Un jet de sang sort de ma bouche, s’écrasant à moitié sur la fenêtre, l’autre moitié formant une belle flaque sur le bitume.

Hémorragie interne.

Je le tapote sur ma liste, rajoutant un énième mal à tout mes maux. Cependant, je suis assez fier d’avoir évité le carnage, les cuites à la Tequila m’ayant appris à bien viser la cuvette des toilettes ou les récipients abscons et improvisés. Le cuir demeure sauf.
Si mon estomac est touché, quand est-il de mes poumons, bien plus fragiles, ou de mon diaphragme ? Cet éclair me ressaisit et balaie l’once d’humour planté dans mon esprit.

« Il faut juste que tu me maintiennes éveillé, déclarai-je en m’essuyant les lèvres écarlates, je crois que mon état s’aggrave un peu. »

Paranoïa du médecin.  
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AURELIO & ALEJANDRO
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Il sait qu’il a raison et c’est bien pour ça qu’il est capitano.  Car même en ayant tort, Jan réussit toujours à avoir le dernier mot. On ne l’ennuie pas quand il est agacé, on ne le provoque pas quand il est en colère. On laisse Flores réagir, s’énerver, dire ce qu’il a dans les tripes et on se tait. Aurelio devrait le savoir, lui qui l’a connu gamin et encore plus sauvage qu’il ne l’est maintenant. Déjà haut comme trois pommes, il chiquait tout ce qu’il avait à disposition et grognait contre les amis, les  quenottes en guises de crocs. On n’ennuie pas Flores et on ne lui dit pas qu’il a tort, jamais. Alors Aurelio fait bien d’acquiescer et de se taire, même si c’est pour dire une énième connerie par la suite. Le visage tourné vers lui quand il évoque son thaumaturge d’ami, Jan ne peut s’empêcher de rouler des yeux. Et après on ira à Disneyland… qu’il bougonne pour lui-même. Ils n’ont pourtant pas le choix, Clemens est trop loin et les autres thaumaturges de Delray sont dispersés dans tout le quartier mexicain.Et vu l’état d’Aurelio, vu les tremblements et le visage pâle, le choix n’est pas à faire. Soit il perd un soldado, soit il grogne d’agacement sous la requête acceptée. Les deux sont possibles, les deux ne le gêneraient pas. Sauf que c’est Aurelio, sauf que c’est sa famille. Et malgré le provocation du brun et ses comportements qui mériteront plus tard des remontrances, il n’est pas l’heure de perdre un soldat. La voiture tourne à droite au moment où Nava dégueule sa vie.

Le pied sur la pédale, les mots silencieux, les yeux qui lorgnent sur le presque-cadavre, la voiture accélère avec comme unique bruit le ronronnement du moteur. Il va pas crever ici, pas en ayant pourri sa bagnole, pas pour une mission de pacotille, pas pour s’assurer de sa fidélité.  Personne va mourir ce soir, qu’importe le nombre de feux cramés. Les yeux voguent de la route au corps d’Aurelio, il le voit, noter les symptômes et a envie de lui arracher son carnet ou de lui taper sur le crâne pour qu’il s’évanouisse réellement. Mais Jan ne le fait pas, il sait que le médecin a raison, que lui ne sera pas capable de dicter tout ça. Il étouffe un rire à la réplique de l’homme. Un peu ? Rien qu’un peu, t’es sûr ? La main droite abandonne le volant et agrippe celle de l’ami. Le maintenir en vie, ça, Jan sait faire. Il faut gifler ou pincer la peau, créer une décharge électrique dans le corps pour obliger l’autre à réagir. Ça va piquer. Qu’il murmure avant de griffer légèrement la paume de la main, de ses lames en argent. La pulpe des doigts tranche, laisse des minuscules griffures sur la peau marbré du soldado. Tu bouges pas ta main.  Et recommencer, dès qu’il voit Aurelio fermer les paupières. Sa main ressemblera a un champ de bataille mais au moins, il arrivera presque entier chez son associé.

**

Une barre de chocolat dans les mains, le dos contre le mur du salon, Jan a l’air d’un gamin qui prend son goûter. Il regarde les deux silhouettes, l’une couchée sur un canapé, l’autre soignant les blessures dû aux coups de batte. L’art de la thaumaturgie la toujours hypnotisé. Lui qui en a besoin presque toutes les semaines, il a souvent refusé qu’on le soigne totalement, appréciant garder des traces de ses combats. Elles forment, avec les cicatrices argentées du au contre coup du don, une cartographie de la vie de Flores. Et il attend, l’oeil attentif alors que le portable vibre dans la poche et qu’il répond rapidement au sms. Joaquin. Il aurait du rentrer depuis une heure déjà et n’a pas donné de nouvelles . Ne te tues pas. Que le capitano. balance au thaumaturge, la vie du premier étant bien plus importante que celle du second. Pourtant, le regard montre le contraire, la réplique mourant sur les lèvres alors que la peur de perdre un ancien ami, lui taillade le coeur à mesure que les secondes défilent.Ne crève pas qu’il a envie de lui dire, mais rien ne sort. Rien n’est dit.
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Chaleur.

Lentement, qui s’écoule sur ma peau, dans mes veines, comme de la pernicieuse lave de miel qui s’étend dans mon corps. Il s’en suit une électrisation de mes muscles qui, un à un, se contractent en un léger spasme. D’abord les doigts et les orteils, puis les plus épais comme ceux des bras, enfin mon diaphragme s’active et je tousse. Cacophonie brisant le silence, mes paupières enfin s’ouvrent et j’admire le visage déconfit du thaumaturge qui me soigne.

Lumière.

La salle m’éblouit, mille ampoules, mille lumières, qui me sortent de mon sommeil éphémère. Mes yeux papillonnent, mes mains s’agrippent à ce qu’elles peuvent : le rebord d’un canapé. Je me sens chaviré, le dernier soubresaut, le bouquet final, avant la fin de la tempête. Le guérisseur s’aperçoit que je me suis éveillé et pose sa main sur mon front et d’un mouvement de tête me fait comprendre que je n’ai pas de fièvre, que tout va pour le mieux, pour l’amélioration. Il continue, méticuleusement d’investir son pouvoir dans mon corps, chassant le sang et les plaies. Une nausée me prend soudain.

Bassine.

Tendue machinalement, elle se remplit aussitôt d’un sombre liquide écarlate et de bile. « Je peux rien faire de plus ce soir, faudra que tu reviennes demain. » J’acquière. Il m’échange quelques mots médicaux au vocabulaire abscons pour le commun des mortels. En clair, il a fermé les plaies, empêché les effusions de sang et réparé mon cerveau. Cependant, tout peut s’ouvrir à nouveau durant la nuit, surtout qu’il ne sait ce que je vais faire par la suite, alors par sécurité il voudra me revoir.

Nudité.

Je remarque que je suis en boxer, ma peau est couverte encore des traces des hématomes et de sang séché. Je me redresse, perpendiculaire au dossier du canapé, afin d’attraper ma chemise. C’est alors que je vois Alejandro, adossé non loin au mur, téléphone dans une main, chocolat dans une autre. Je ne m’attendais pas à ce qu’il soit resté. Dans la confusion de l’éveil, je ne peux être qu’heureux de percevoir son éternel sourire que je lui rends irrémédiablement.
C’est le pantalon que j’attrape en premier, je l’enfile avant de me lever, peu certain de mon équilibre. En boutonnant ma chemise, je m’avance vers mon supérieur hiérarchique.

« Merci d’être resté. T’étais pas obligé, je crois. »

Je crois même que je rougie, ou que j’incline la tête, touché par son amabilité inopiné. « Il faut que tu boives, décrète froidement une voix derrière. » Il est vrai, et que je mange aussi, principalement du sucre, vue la quantité de sang que j’ai perdu. La cuisine étant au bout du salon, je m’y rends sous cette injonction et emplie un verre d’eau avant de le boire. L’effet est immédiat, mon estomac se contracte de douleurs mais le reste de mon corps semble ravi. La fraîcheur se répand dans chaque parcelle de mon corps et ma bouche semble revivre. Un long soupire de satisfaction ébranle toute ma charpente.

« Tu as toujours ton matériel de nettoyage, demandai-je en rinçant mon gobelet. »

Il acquiesce et pointe du doigt un placard. Je l’ouvre et m’empare des ustensiles que je ne connais que trop : de la micro-fibre, des torchons, des vaporisateurs et une lampe torche. Chargé de mon bardas, lampe dans la bouche, bidon en équilibre sur mon poignet, suspendu par le bec vaporisateur, je plante mon regard dans celui d’Alejandro.

« Faut que je nettoie ta voiture, tenté-je de dire, la lampe toujours entre mes dents, avant que le sang ne sèche. »

Suivant les mouvements de ma langue, la lampe s’éclairait, montrant sa lumière bleutée. Tout en parlant, d’un mouvement du coude, j’ouvre la porte de l’appartement, me dirigeant vers la sortie. Je n’ai pas beaucoup sali la voiture du capitano, mais si je la nettoie maintenant, cela me prendra qu’une poignet de minutes, j’ai l’habitude d’enlever les tâches et traces de sang.

« Il faut juste, s’il-te-plaît, que tu m’ouvres la portière. »

En vrai, j’ai une véritable faculté à parler clairement avec quelque chose dans la bouche. Je ne sais pas d’où ce talent sort.
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AURELIO & ALEJANDRO
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Le corps d’Aurelio est une fresque, peinture colorée, avec des nuances de mauves et d’ocre. Il en gardera des séquelles si le thaumaturge ne guérit pas tout les prochains jours, comme Jan avec ses cicatrices. Celles non divines, il pourrait choisir de les effacer entièrement, de rendre a son corps, sa perfection d’antan. Mais il n’aime pas ça, faire fi des erreurs du passé ou au contraire, de cacher les réussites. Les plaies à sa nuque, les coups de couteaux dans le dos, les cicatrices de balles, il les garde, les chérit pour à jamais s’en rappeler. Et aussi pavaner comme un paon, devant ceux qui osent la ramener. Les bleus disparaissent, cachés par les vêtements difficilement remis. Un coup de menton suffit pour accepter le remerciement, qui n’a pas lui d’être mais qu’il apprécie malgré tout. Oui, il aurait pu partir, rejoindre Joaquin, s’endormir et ne plus y penser. Mais Aurelio reste de la Calavera, un soldado qui fait bien son boulot et qui s’est retrouvé dans une situation que le capitano devra gérer plus tard. Ces gosses… La haine dans les poings, mais la connerie au creux du crâne.
Il salue le thaumaturge, se note dans un coin de la tête de faire attention à lui aussi. La Calavera ne peut se permettre de laisser un guérisseur sans surveillance et aussi loin du QG principal. Jan sait que ce dernier n’apprécie pas tout le temps la façon de faire de la mafia et qu’en restant aux côtés d’Aurelio, il s’absout un peu des lois du gang. Mais ça ne fonctionne pas comme ça, un thaumaturge dans la Calavera appartient à la Calavera. Point barre. Pas de guérison uniquement sur un homme, encore moins un simple soldado. Ça ne fonctionne pas comme ça et ça se saurait, si le commandante apprécierait de voir ses éléments se la jouer mission en solitaire.

La voiture atteinte, la portière ouverte sous la demande de l’homme, Flores ne reste pas immobile, les fesses posées sur un petit muret à côté. La barre de chocolat est terminée, les yeux voguant de droite à gauche. Il veut juste rentrer, ils ne pourraient pas faire ça plus tard ? Aurelio, on peut laver ma casse demain t’sais. J’aimerais bien rentrer… Et tu dois dormir à la place de t’agiter comme une soubrette. Et il a raison Jan, le thaumaturge n’a pas pu faire des miracles. Et puis, les deux sont épuisés, ça sert à rien de continuer ce soir. Les fesses abandonnent le banc improvisé, les deux coudes posés sur la carrosserie. Le regard lancé aura assez de signification pour que le soldado comprenne que son supérieur n’a pas envie de rester ici, en pleine nuit, alors qu’un lit douillet l’attend. Sérieusement, j’ui crevé, toi aussi. J’ai autre chose à faire que de passer la balayette dans ma bagnole. Et toi aussi… Et les yeux tempêtes se chargent de lumière pour tenter d’amadouer l’ancien ami. Jan a des allures de petit chat qui tente de faire vriller l’avis de son congénère.
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Pétrichor.

Embaumement nasale, humidité latente, les flaques dorment et font miroiter les lumières vives et froides de la ville ; les feux, les néons, les phares, les candélabres illuminent mieux le macadam que la brume opaque et les cieux sourds d’une pluie tue. Le quartier demeure calme, seule quelques voitures vrombissent au loin, écho lointain réverbéré par les roues dans l’onde agglutinée le long des trottoirs. Le véhicule d’Alejandro ne déroge pas à la règle, ses quatre pattes de caoutchouc trempant dans l’eau froide de la pluie éteinte. L’ouverture de la portière ébranle le rideau de perles d’eau sur la vitre, tombant dans la mare stagnante du bitume, emportant alors avec les quelques traces de sang que j’aurais pu laisser. La pluie a fait son œuvre, son éternel ménage, épurant les saletés de la planète, assainissant du moins l’urbanité à la croûte bien souvent délaissée.

Flaque.

Elle se couvre d’auréoles de graisse, d’huile et de pollution et de quelques gouttelettes, ça et là,  perles brunâtre de sang séchant. En les fixant, j’aperçois qu’elle nous renvoie désormais le reflet bleu de la lampe entre mes dents, je vois alors par la même occasion, dans une teinte surréaliste et pâle, mon visage.

Blafard.

On dirait un cadavre. Pourtant, je déborde d’une énergie nouvelle, presque illimitée. Peut-être l’effet du thé sur mon corps ? De cette boisson qui m’a donné tant de maux aujourd’hui. J’enjambe la flaque et me pose sur le siège passager, esquivant avec brio l’eau si froide. La lampe enfin posée, je retrouve l’usage de mes lippes et, après avoir étiré mes mâchoires, je réponds enfin à mon pilote.

« Je peux le faire en conduisant, ne t’en fais pas. »

J’asperge un chiffon du produit utilisé pour effacer les tâches de sang.

« Mais... »

Je commence à frotter là où la bile écarlate à asperger la vitre intérieure. Je dois avouer ne pas avoir l’habitude de nettoyer mes propres liquides ; d’habitude, soit je vomis et je vise particulièrement bien la cuvette des toilettes ou le caniveau, soit il s’agit d’une patiente ou d’une victime avec laquelle je mets une distance toute particulière.

« Je pensais que la filature continuerait bien plus tard dans la nuit, continuai-je, je suis presque étonné que tu sois fatigué. »

Et je lui offre un sourire. Sincère, chaleureux mais néanmoins assez distant, prouvant ma compréhension tacite. Cet avoeu d’épuisement confirme mes doutes de départ quant au but réel de cet enfermement dans un habitacle. Je remets la lampe entre mes dents et ferme la porte, officiellement pour faciliter le ménage de la portière, officieusement pour ne pas avoir à continuer cette conversation. A quoi bon tergiverser quand je suis d’accord en tout point avec lui. Seule une personne a été blessé par cet acte.

Mon égo.

Alors qu’Alejandro ouvre la voiture pour s’y installer, apportant avec lui une obligation à la conversation, je plie mon chiffon et  continue de frotter, assidu à ma tâche. Du coin de l’œil, le mirant dans le reflet de la vitre, je m’adresse à lui d’un ton plus léger.

« On dirait que t’es pressé de rentrer. Quelqu’un t’attend ou quoi ? »

Tragédie en deux actes. Le fossé s’est creusé entre nous, le fleuve du temps s’y étant déversé à cœur-joie ; à défaut de construire un barrage pour endiguer cette éloignant lattant, j’essaie simplement de construire un pont sur ce torrent houleux et obscur dans lequel, je le sais, à tout moment je peux m’y noyer, m’y perdre et le perdre définitivement. En tout cas, j’aurais fini de nettoyer l’intérieur avant la fin du trajet. Au moins, je ne laisserai pas mon empreinte dans la salle du trône d’Alejandro.
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Il l’agace, à astiquer la voiture comme s’il s’agissait du dernier modèle tendance. Il l’agace à ne pas l’écouter, à continuer de bavasser, à ne pas entendre un ordre que son supérieur lui a donné. Il l’agace tellement qu’il rentre dans la voiture, Jan, ne lui répond même pas, passera pour le boudeur du coin alors qu’en fait il a seulement besoin de rentrer chez lui et de se reposer. Et Aurelio aussi. À se croire capable de gérer encore le reste de la nuit alors que les blessures ne sont pas totalement guéries, il va finir dans la baie lui aussi. Aurelio aurait été un bon soldado, s’il était resté et ne serait pas parti ailleurs. Il aurait même monté plus vite les échelons que Jan, grâce à son intelligence et surtout à son calme. Il aurait pu tout avoir mais il avait préféré écouter sa madre et devenir médecin pour la Calavera. Un médecin qui aurait pu faire de grandes choses mais qui continuait de ne pas répondre aux ordres quand ils étaient donnés.
Et ça l’énerve encore plus, Jan, cette sensation de ne pas être pris au sérieux parce qu’ils se connaissent depuis l’enfance et qu’Aurelio pense tout savoir de lui. Il ne sait rien, rien du tout. Et nettoyer sa bagnole avec autant de précision était symptomatique du fossé entre les deux hommes. Jan ne nettoie jamais sa voiture, pas avant de rentrer là où il est totalement en confiance.

Et les remarques pleuvent, et les questions aussi et la dernière lui fait relever la tête alors que le moteur ronronne sous le tour de clé. Mon mec m’attends. Balancer ça de but en blanc, les yeux dardés dans ceux de l’homme nettoyant la vitre. Tu sais, il est un peu plus grand que moi, sourit rarement et c’est notre jefe. Tu vois mieux qui m’attends Aurelio ? C’est craché avec la même hargne que le moteur vrombissant.   Et si tu t’intéressais un tant soi peu à ta familia, tu le saurais depuis des mois, rumeurs ou pas.  En tant que soldat, c’est fondamental de connaitre les faiblesses des autres, même des siens. Frein à main de débloquer, la voiture recule d’un mètre. Il est agacé, ça se voit sur son visage, ça s'entend dans sa voix. Il aurait du le laisser chez son colocataire et se barrer sans prendre le temps de vérifier les soins apportés. Foutue amitié. Maintenant tu montes. Et vu ton état, tu dois dormir, t’es pas superman. À défaut de connaitre sa famille, Aurelio connaitra peut être les comics des gringos.
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Silence.

L’accusation se déverse sur moi comme un tsunami détruit des îles peuplées par des populations délaissées. Dans chacun de mes pores, dans chacune des synapses de mon cerveau ou de mon âme, les mots d’Alejandro se logent comme de puissants neurotransmetteurs bloquant tout mon bonheur. Le sourire s’efface de mes lèvres qui veulent mouvoir mais n’osent et ne savent articuler les bons verbes. Voilà qui, après toutes ces heures passées ensemble, sort la rancœur et l’amertume accumulées depuis des années, le but de cette rencontre, l’unique but. Percer l’abcès, dire haut ce qu’on ressent tout bas, ou qu’on ignore même. Loin de la familia. Éternelle rengaine qui risque de me bercer longtemps. Mais je l’ai méritée, clairement, à ne pas m’affirmer face à mes matriarches, à ces pontifes dictant ma vie depuis bientôt quarante ans.

Silence.

Je plie le chiffon. La porte s’avère nickel, l’aura bleutée suffit à démontrer que les quelques gouttes de sang mise sur le cuir sont parties vite. Peut-être m’étais-je, gorgé d’adrénaline post affrontement, empressé dans mes actes, signes d’une nécessité ubuesque à la propreté. Je me suis mépris. Redressé, presque robotiquement je pivote vers le pilote.

« Désolé. »

De mon empressement, j’imagine. Pas vraiment du reste, je crois. Je n’ai pas à m’excuser d’être faible devant le matriarcat, ce serait montrer encore de la faiblesse, de la couardise. Je fixe la route, éclairée par la nuit, sombre macadam luisant d’une nappe d’onde froide. Il n’y a presque personne, que peu de voitures dans ce quartier à cette heure. On détruit le silence comme les brises-glace fracasse la banquise car dans notre sillage, inlassablement, le silence s’abat de nouveau.

« Désolé de ne pas suivre les rumeurs, les on-dits, et de ne me préoccuper uniquement de mes activités médicales. Je devrais faire plus attention à ce qui m’entoure et tirer le vrai du faux. »

C’est une concession, une promesse que je lui fais ; je ne sais s’il s’en rend compte mais, oui je vais essayer de sortir de ma torpeur, de ce cocon protecteur que je me suis tissé. Quitte à me salir les mains ; non, pour me salir les mains, justement, pour  protéger les miens.

« Mais, repris-je aussitôt. »

De nouveau, je le fixe, à travers le reflet du pare-brise.

« Avoir trouver quelqu’un ne te rend pas faible, ni vulnérable. Tant que vous êtes ensemble. Au contraire, c’est une force prodigieuse, tu as une chance inouïe. Dire que c’est une faiblesse voudrait dire que tu te trouves faible, ou que ta moitié te trouve faible. Et on sait tout deux que c’est faux. »

Je pourrais partir sur une palabre, racontant les histoires de mes patientes terriblement malchanceuses, parfois mariées de force, souvent peu aimée. Je pourrais m’épandre sur l’austérité de mon chez-moi, froid et abandonné depuis trente heures, sans personne pour m’attendre, sans rien que les draps froids et trop vaste. Mais je préfère ne rien lui dire, ne pas argumenter et expliquer que, d’un point de vue animal, le but de l’homme s’avère de rencontrer sa moitié. Il semble exténuer et trop énerver pour l’accuser d’obscurantisme sentimentale. Je pourrais prendre ce rôle, peut-être, dans un temps futur mais, actuellement, la colère d’Alejandro me pousse à me taire et attendre notre destination.
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