Pour sûr, Caïn avait un cœur vaillant. Aujourd’hui, on lui demandait à nouveau de faire démonstration de ce cœur. Il avait pris place sur les gradins d'un stade. Pourtant, il n'était pas vraiment fan de sport. Il appréciait les plaisirs de la vie : un ballon qui tourne et qui finit fatalement par rentrer dans les cages dorées, trompant la vigilance du gardien montagneux. Le chaudron hurle. La foule est en délire. Seul le sport peut déchaîner les passions ainsi. Il était complètement épris de cette foule en délire. Il voulait les observer tous, et ceux qu'il observait généré toujours de nouveaux désirs. L'observation, il sait faire. Il observe un homme. C'est un homme grand. Il se distingue des autres par son manque de cheveux. Une cicatrice distingue également son visage au niveau de l'embouchure de ses lèvres. Il a une stature épaisse. Son attitude est tout aussi remarquable. Recroquevillé sur son siège, ses mains tremblaient. Caïn s'était surpris à l'observer durant tous le match. C'est aussi pour ça qu’il aimait les matchs. La passion qui anime les hommes ne peut-être cachée durant un match. Elle est vraie. Sincère.
Le coup de sifflet finale retentit. Les chants explosèrent. « Vous aviez tort, monsieur Morningstar. » Une voix attire l'attention de Caïn. Il se retourne pour voir une femme dans un caban noir. C'était une tenue particulière pour voir un match. Il reconnaissait cette femme. Elle l'avait consulté quelques semaines auparavant. Son mari était mort. « La police ne sait rien. » Son visage est marquée par le deuil. N'importe qui l'aurait vu. Elle a besoin d'aide. Caïn était peut-être un imbécile. Son regard flirta avec le sol, trop timide pour lui offrir un réconfort. Il était empathique. Il ressentait sa douleur. Il ferma doucement le poing. « Je vais voir ce que je peux faire. » Ne jamais en dire plus. Jamais de promesse. C'était la règle que son avocat-mentor lui avait édicté jadis. « Je trouverais des réponses, je vous le promet. ». Caïn n'avait jamais été bon pour respecter les règles.
...
Caïn s’investit trop dans ses affaires. Officiellement engagé, il va sur le terrain. Ici. Un professeur est mort et la police patauge. Aucun soupçon. Aucun témoin. Pire, aucun suspect. La veuve éplorée était finalement venue voir celui qui avait la réputation de tout donner pour ses clients : Caïn Morningstar.
Il enquêtait donc. Il était venu fouiller – à défaut d’avoir un enquêteur travaillant pour lui -. Il savait manquer de discrétion. Ce souvenir palpable d’un coup sur les côtes qui lui avait amené à rencontrer cette créature étrange qui l’avait sauvé – et qu’il ne reverrait jamais – était encore présent. Etrange coincidence. Il s’était senti attiré par elle, une sorte de syndrome de Stockholm. Maintenant, il le savait : il y avait des choses étranges qui peuplait la planète. Maintenant, il pouvait suspecté Madame Morot, son institutrice, d’être un véritable démon. Peut-être avait-il raison. Qui sait.
Caïn, vêtu en tenue classique – un jean et un tesshirt surmonté d’une veste en cuir – avançait dans le conservatoire. Il semblait être un étranger ici, victime de nombreux regards inquisiteurs. C'était comme s'il y avait écritsur son front qu'il était d'ici. Pourtant, il avançait dans l'antique demeure. Il observait les cours de danse. Il y avait une majorité de danseuse. A l'occasion, il se renseignait sur le professeur en question, posant des questions au gré des étudiant(e)s jusqu’à tomber sur le bon .. ou la bonne. Mais, il entra fatalement dans la pièce la plus intéressante.. Le Bureau du défunt. Ses mains se laissèrent guider à une petite fouille .. illégale.
Fouiller. C'était nécessaire. Il le savait, même s'il se rechignait à la tâche. Il s'était faufilé dans la pièce avec cette unique intention. Il regrettait déjà de ne pas avoir un enquêteur privé faisant cette salle besogne pour lui. Il pénétra donc discrètement dans la salle, comme un petit châton s'apprêtant à faire une bêtise. La bêtise, il allait pas tarder à la faire. Il le savait.
Caïn n’avait jamais vraiment été doué avec les règles et les procédures. Le bureau de l’enseignant serait bientôt complètement vidé, la police ayant dû re-fouiller celui-ci plusieurs fois. Il le regrettait presque, au final. Il n’y avait rien. Il ne trouvait rien. Mais Caïn était un imbécile heureux. Il aimait se donner une chance supplémentaire. Parfois, un miracle arrive. C’était comme cette blonde qui l’avait sauvé d’un gang après qu’il ait été naïvement attaqué. C’était un message du ciel, un message bien-heureux probablement. La main glissa sur le bureau, il chercha des choses étranges. Il avait, heureusement, fermé la porte derrière lui. Il n’y avait rien de plus embêtant que d’être découvert en pleine fouille. Malheureusement, ce genre de mésaventure était déjà arrivé à Caïn.
Pourtant, la porte s’entrouvrit doucement. Il n’entendit rien de vraiment perturbant, jusqu’à qu’il tourne la tête, alerté par une question. Etait-il le nouveau professeur ? Bien sur que non. Mais, il avait une couverture parfaite alors qu’une jeune étudiante -un poil innocente – l’interrogea. Mais, Caïn était une créature encore plus innocente. Il se retourne doucement vers elle, l’observant. Collant de danse rose pâle classique, un chignon témoignant d’une certaine rigueur et surtout un gros gilet gris dans ce qui semble être de la laine. Elle a l’apparence parfaite de la danseuse qu’on s’attend à croiser ici. Il sourit lentement, laissant son air crispé disparaître. Elle parlait beaucoup. Caïn s’oublia quelques secondes. Il répondit alors immédiatement. « Pas du tout ! » . Caïn n’était pas doué pour mentir, et son honnêteté était toujours surprenante. La jeune fille se présenta alors et Caïn observa la main tendue par Petra Stark, un nom court et percutant. Tourné vers elle, Caïn tendit sa main pour lui serrer en douceur. « Les gens m’appellent Caïn, habituellement. » dit-il avec un ton aimable et agréable.
Quittant sa main subitement, il l’observa à nouveau, comme si elle venait de réapparaître, cette Petra Stark. Présente, il ne pouvait se priver de lui poser quelques questions. « Vous le connaissiez ? » Il fit un signe de tête pour pointer le bureau et une photo du professeur encore accroché. Il lui était évident que oui, sa curiosité aurait été suspecte sinon.